dossier de presse Hamlet.qxp

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dossier de presse Hamlet.qxp
› Théâtre de l’Odéon
27 avril › 27 mai 06
Hamlet [un songe]
d’après WILLIAM SHAKESPEARE
Photo : '
DR
mise en scène GEORGES LAVAUDANT
› Location
01 44 85 40 40
› Prix des places
30 €, 22 €, 12 € et 7,50 € (séries 1, 2, 3, 4)
› Horaires
du mardi au samedi à 20h et le dimanche à 15h
(relâche le lundi)
› Odéon-Théâtre de l’Europe
Théâtre de l’Odéon
Place de l’Odéon
Métro Odéon - ligne 4 / RER B - Luxembourg
Entré du public : Place de l’Odéon
› Service de Presse
Lydie Debièvre, Marie-Line Dumont
Tel : 01 44 85 40 73 - Fax : 01 44 85 40 56
[email protected]
dossier également disponible sur www.theatre-odeon.fr
Hamlet [un songe]
mise en scène
traduction
adaptation
décor et costumes
lumières
son
chorégraphie
maquillage
vidéo
avec
Gertrude
Ophélie
Hamlet
Claudius
Horatio
Polonius, Le fossoyeur
Guildenstern, Osric
Rosencrantz, Laërte
Georges Lavaudant
Daniel Loayza
Georges Lavaudant
Jean-Pierre Vergier
Georges Lavaudant
André Serré
Jean-Claude Gallotta
Sylvie Cailler
François Gestin
Astrid Bas
Anna Chirescu, Estelle Galarme, Axelle Girard
Ariel Garcia Valdès
Georges Lavaudant
Babacar M’baye Fall
Philippe Morier-Genoud
Joseph Menant
Pascal Rénéric
Production : Odéon-Théâtre de l’Europe
avec le soutien de la Fondation Maurice et Noémie de Rothschild - Fondation pour l’Art
Hamlet [un songe] / 27 avril › 27 mai 06
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› Extrait
HAMLET
Ne vous a-t-on pas fait chercher ? Etes-vous venus de vous-mêmes ? Votre visite est-elle spontanée ? Allons, soyez
justes avec moi. Allons, allons. Eh bien, parlez.
GUILDENSTERN
Que devrions-nous dire, monseigneur ?
HAMLET
Ma foi, rien qui soit à propos. Je sais que le bon roi et la reine vous ont fait chercher.
ROSENCRANTZ
A quelle fin, monseigneur ?
HAMLET
Cela, c’est à vous de me l’apprendre.
GUILDENSTERN
Monseigneur, on nous a envoyé chercher.
HAMLET
Je vais vous dire pourquoi. J’ai depuis peu, pour quelle raison je n’en sais rien, perdu toute ma gaieté ; ce vaste édifice, la terre, me semble un promontoire stérile ; ce dôme sublime de l’air, voyez-vous, ce magnifique surplomb du
firmament, ce toit majestueux lambrissé de flammes d’or – eh bien, il n’a d’autre aspect pour moi que celui d’un
immonde et pestilentiel agrégat de vapeurs. Quel chef-d’oeuvre que l’homme ! Si noble dans sa raison, si infini dans
ses facultés, dans sa forme et son mouvement si net et si admirable, par son action si semblable à un ange, par sa
compréhension si semblable à un dieu ! La perle du monde, le parangon des animaux – et pour moi, cependant,
qu’est-ce que cette quintessence de poussière ? L’homme ne m’enchante pas – et la femme non plus, bien que vos
sourires semblent dire le contraire.
ROSENCRANTZ
Monseigneur, mes pensées n’étaient pas d’une telle étoffe.
HAMLET
Pourquoi avez-vous ri alors, quand j’ai dit que l’homme ne m’enchante pas ?
ROSENCRANTZ
J’ai pensé, monseigneur, que si l’homme ne vous enchante pas, les comédiens devront faire carême chez vous.
Nous les avons dépassés en chemin, et ils viennent ici pour vous offrir leurs services.
HAMLET
Celui qui joue le roi sera le bienvenu.
Hamlet [un songe], séquence 11
Hamlet [un songe] / 27 avril › 27 mai 06
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› Rêver, peut-être
Hamlet [un songe]. Titre curieux, qui mérite bien quelques mots d’explication. Le rêve de théâtre qu’il désigne a pris
près d’un an à préciser ses contours. Mais dans l’esprit de Georges Lavaudant, trois points essentiels n’ont jamais
varié. Ils concernent l’auteur de ce «songe», son interprète, son esprit.
D’abord, Lavaudant voulait revenir à Shakespeare. L’intention lui en est venue alors qu’il travaillait simultanément
Le Songe d’une nuit d’été et La Tempête avec une quinzaine d’élèves de troisième année du Conservatoire National
Supérieur d’Art Dramatique. Pendant quelque temps, le directeur de l’Odéon a envisagé de repartir des mêmes
œuvres pour bâtir un spectacle digne de la réouverture du théâtre. Le titre actuel du spectacle conserve le souvenir
d’une telle possibilité. Si très vite, toutefois, Lavaudant l’a sacrifiée, c’est tout simplement parce qu’à ses yeux, il
fallait à tout prix qu’Ariel Garcia Valdès soit de la partie.
Il se trouve en effet que son dernier retour à Shakespeare dans le cadre du Conservatoire s’est opéré alors que
s’amorçaient, à l’occasion de la recréation de La Rose et la hache, ses retrouvailles avec celui qui fut un peu, il y a
vingt ans, son frère en théâtre. Du coup, au cours de la tournée qui s’ensuivit, Lavaudant et Garcia Valdès ont
décidé de s’atteler dans les mêmes conditions, et en prenant le même genre de paris, à une collaboration qui se
nourrirait des mêmes énergies dramatiques.
Le défi consistera donc, pour Ariel Garcia Valdès, à s’approprier une fois encore un grand rôle de façon à le
métamorphoser en monstre scénique sans exemple. Et pour Georges Lavaudant, à renouer avec une veine
théâtrale moins attachée à servir l’intrigue dans ses dimensions traditionnelles. Il y a longtemps que le directeur de
l’Odéon n’avait pas puisé dans un grand texte du répertoire le matériau, à remployer librement, d’une création
personnelle plus ou moins iconoclaste. Cette liberté s’appuiera d’ailleurs sur une expérience préalable de la pièce.
Lavaudant connaît Hamlet pour l’avoir déjà abordé, il y a tout juste une dizaine d’années, à la Comédie-Française.
Cette version «classique», avec Redjep Mitrovitsa dans le rôle-titre, lui avait permis d’examiner de près les rouages
du chef-d’ouvre. Dans Hamlet [un songe], ces ressorts en seront remontés dans un tout autre esprit. La clarté du
récit ne pourra plus prétendre au moindre privilège : Lavaudant et Garcia Valdès ne visent pas à détailler le
fonctionnement de l’histoire du sweet prince, mais à puiser dans ses mécanismes de quoi bricoler, théâtralement
parlant, une machine infernale.
Daniel Loayza, février 2006
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Nietzsche, Humain trop humain, n° 160 : «Quand on dit que l'artiste crée des caractères, c'est là une belle illusion ;
en fait, nous ne savons pas grand-chose des hommes réels et vivants ; c'est à cette situation très imparfaite vis-à-vis
de l'homme que répond le poète, en faisant des esquisses d'hommes aussi superficielles que l'est notre
connaissance de l'homme ; un ou deux traits souvent répétés, avec beaucoup de lumière dessus et beaucoup
d'ombre et de demi-obscurité autour, satisfont complètement notre exigence. L'auteur part de l'ignorance naturelle
de l'homme sur son être intérieur». On songe aux interminables spéculations sur la psychologie d'Hamlet ; d'une
part, il doit y avoir chez Hamlet les théories psychologiques du temps, où l'on parlait mélancolie autant que nous
parlons Oedipe ; de l'autre, cette mélancolie, ses contradictions et sa bizarrerie suffisaient à autoriser Shakespeare
à prêter à Hamlet les actions les moins cohérentes, les moins explicables, mais aussi les plus sensationnelles : du
coup, la psychologie d'Hamlet nous semble mystérieuse, et, par là, profonde, pénétrante. Cela réussit à tout coup,
mais à deux conditions : l'une est que l'incohérence d'Hamlet ne soit pas totale, mais se limite à deux ou trois
thèmes : l'étroitesse du cercle thématique suffira à nous faire croire que la psychologie d'Hamlet a une cohérence
secrète et donc profonde ; la seconde condition est la plus difficile : savoir créer des situations, écrire des scènes,
qui soient sensationnelles... [...]. Il est à croire aussi que la tradition mondaine, puis scolaire et universitaire,
d'expliquer la littérature par la psychologie vient de ce que le sens littéraire est moins généralement répandu que la
capacité de parler du caractère de son prochain ; tout le monde ne sait pas dire d'un tableau autre chose que : «C'est
ressemblant.» On le dit encore plus lorsqu'on ignore la réalité à laquelle le tableau est censé ressembler ; on songe à
Bouvard et Pécuchet amateurs d'art : «Sans connaître les modèles, ils trouvaient ces peintures ressemblantes.»
Paul Veyne, L'Elegie Erotique Romaine
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› Voyage du comédien
En toile de fond, l’image du premier meurtre, qui fut un fratricide : Caïn tuant Abel. Et au-delà, celle du jardin d’Eden,
devenu après la Chute une friche livrée aux herbes folles, où la fécondité, dans son excès même, ne se laisse plus
séparer de la fermentation, où le soleil fornique avec les charognes pour y engendrer des vers. Luxure et luxuriance,
vie et mort grouillantes confondues, s’entre-parasitant dans la pourriture.
L’impensable : une mère qui fut – et reste aux yeux de toute la cour, hormis son fils – l’incarnation de la vertu, la plus
digne compagne du parfait souverain, cette femme céleste, devenue veuve, épouse le frère du roi défunt, son
successeur sur le trône, autant dire son double ou son reflet – mais inversé, hideuse doublure, imposture au
masque creux sous les traits duquel “ce chancre de notre nature” infecte et ronge le corps de l’Etat. Oui, la mère
d’Hamlet a pu s’unir à ce monstre, un petit mois à peine après les funérailles, comme si elle ne voyait entre ses deux
maris aucune différence. – Un petit mois, autant dire rien. Il faut y insister : du point de vue d’Hamlet, à la place du
père, l’oncle usurpateur s’est substitué quasi instantanément. Le temps pour le prince de cligner des yeux, et que
voit-il ? Claudius sur le trône, Gertrude à son bras, et le reste du monde qui fait comme si de rien n’était. Un
incompréhensible cauchemar. – Ici encore, la confusion règne, et les contraires les plus irréconciliables paraissent,
dans le choix de Gertrude, se superposer, voire se mêler de la façon la plus abominable, la plus affolante. Du moins
pour Hamlet. La cour ne manifeste aucune réticence, aucun trouble, et pour tout dire, paraît dépourvue de toute
mémoire : un roi chasse l’autre. Hamlet révulsé reste seul à tenter de concevoir comment, s’il est vrai que mari et
femme sont une seule chair, sa mère peut supporter d’incarner dans la sienne la coexistence des deux frères, le
mort et le vivant (avant même d’avoir appris qu’ils sont aussi la victime et l’assassin).
Se méfier des apparences, sans doute. Et pourtant, comment se passer d’elles ? Hamlet, à la cour d’Elseneur, est le
seul à porter encore le deuil de son père. Il fait tache, littéralement ; une tache noire. Impossible de ne pas le
remarquer. Cependant cette tache ne révèle rien encore. Elle n’est qu’un costume, un signe, susceptible d’être
endossé par n’importe qui. Rien ne garantit la vérité de ce signe, pas plus qu’il ne décele quoi que ce soit de la
vérité intime d’Hamlet. Et pourtant, le prince est contraint de ne pas s’en dépouiller : ce signe si insuffisant,
méprisé, récusé, lui est néanmoins nécessaire et doit être conservé. Retirer ce sombre vêtement, c’est sacrifier la
seule trace de sa sourde dissidence, c’est se condamner à adopter la parure des autres courtisans. (Entre le grand
deuil et l’habit de fête, il n’y a pas de troisième terme ; il n’y a pas de nudité possible. Car nous vivons après la Chute.)
Le code vestimentaire n’est pas le seul à être ainsi comme verrouillé. Hamlet répond aux sollicitations de son oncle
et de sa mère par des jeux de mots qui sont des formations de compromis : d’un côté, en effet, le prince ne peut se
révolter ouvertement contre le nouveau pouvoir, mais de l’autre, il n’est pas question pour lui de jouer hypocritement
le rôle qu’on lui propose. Reste alors la ressource du silence, qui n’est brisé que pour lancer de brèves paroles à
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double entente ou proclamer la permanence d’une vérité intérieure aussi incorruptible qu’elle est indicible. Mais
cette position-là, à plus ou moins long terme, est intenable. Hamlet le sait bien, murmurant à soi-même dans la
solitude que son cœur devra se briser, puisqu’il lui faut se taire.
Et c’est alors que toute expression paraît impossible que s’ouvre pour le prince la voie de l’action – une action qui
n’est pas seulement possible, mais nécessaire. Le Spectre paternel, dans la mesure où il impose à Hamlet une
mission qui paraît simple – venger son meurtre – lui fait don d’une véritable libération. D’un autre côté, toutefois, il
assortit cette mission de conditions qui compliquent singulièrement la tâche du vengeur : ne pas souiller son âme,
ne rien entreprendre contre sa mère. Comment donc faut-il s’y prendre pour préserver sa pureté dans ce royaume
de la corruption ? Comment éviter d’être à son tour contaminé ? Graves questions sur lesquelles le Spectre reste
muet, et d’autant plus redoutables que lui-même, malgré les apparences, pourrait être l’instrument choisi par le
démon pour perdre le pauvre Hamlet en l’infectant de mensonges trop conformes aux désirs informulés de son
«âme prophétique». Le fils du fantôme est désormais porteur d’une révélation secrète, mais rien n’en garantit
encore la véracité : il lui va falloir la mettre à l’épreuve en ouvrant l’enquête à Elseneur.
La voie de l’action, à peine entrouverte, s’avère être ainsi d’un accès plus compliqué qu’il ne semblait, et réclamer
à titre préalable un curieux détour par l’expression. L’enquête, en effet, exige qu’Hamlet se tienne aux aguets sans
se laisser percer à jour. Parmi tous les déguisements possibles, pourquoi choisit-il celui de la folie ? Toutes les
raisons auront été invoquées par les commentateurs, à commencer par la plus évidente : parce que ce masque-là
est le mieux ajusté, au point d’en être évanouissant (Hamlet est celui qui s’avance à la fois masqué et à découvert :
nouvelle figure, inattendue, de la confusion qui règne décidément en maîtresse au Danemark). Parce qu’il permet à
Hamlet de ne rien sacrifier, ni du deuil interminable qu’il porte de son père, ni de l’horreur fascinée que lui inspire
le désir maternel. Parce que le héros, par ce biais, peut transmuer en figure libre une attitude «mélancolique»
jusque-là imposée par la situation et y puiser l’aliment d’une étrange allégresse. Mais peu importe, au fond, dans la
mesure où l’intérêt dramatique d’un pareil choix suffirait amplement à le justifier : comme l’a écrit Paul Veyne dans
une note de L’Elégie érotique romaine, qu’importe le flacon psychologique, pourvu qu’on ait l’ivresse des grandes
scènes mémorables ?
Désormais, Hamlet peut à la fois exprimer son être et refléter celui des autres, renvoyant à chaque regard l’image
de l’interprétation qu’il pose sur lui, confirmant tous les diagnostics : à Polonius, il apparaît fou par amour ; à
Rosencrantz et Guildenstern, dépressif pour cause d’ambition frustrée. Devant chacun, Hamlet émet en virtuose les
signes que l’on attend de lui, tout en lisant à son tour dans ses interlocuteurs à livre ouvert. Vrai ou faux, le
semblant, loin d’être une entrave ou un écran, est devenu le matériau et le jeu même de la liberté. Comme si le
prince enfermé – captif de son costume, retenu contre son gré à Elseneur, errant désoeuvré dans la prison du
monde, dont le Danemark est «l’un des pires» cachots – avait fait de son enfermement la clef de la plus haute
délivrance et de la plus imparable évasion (Ariel Garcia Valdès l’a confié un jour pendant les répétitions : pour
s’échapper vraiment, Hamlet ne scie pas les barreaux de sa cage – il en ajoute d’autres, bloque la porte et prend la
fuite vers le Dedans, où nul ne pourra plus le rattraper, à la façon d’un poète comme Stanislas Rodanski, qui choisit
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de quitter le monde par l’asile). Contrainte qui devient l’occasion d’une suite de scènes d’anthologie, conduites par
Hamlet à son gré, et qui découvrent au spectateur ce que peut être le grand, le double jeu de l’interprétation.
Ces scènes sont de deux sortes : plutôt comiques, plutôt atroces (bien entendu, les premières ont aussi leur côté
cruel, et les secondes ne sont pas dénuées d’un certain humour presque inhumain). Car le jeu que joue Hamlet a
son revers, cette liberté a son prix. Un regard qui déchiffre s’expose du même coup au risque de devenir à son tour
matière à interprétation. Le fou virtuose peut bien se jouer de courtisans superficiels comme Polonius, Rosencrantz
ou Guildenstern en s’ajustant à leur lecture pour singer les réponses qu’ils désirent, et les scènes qui s’ensuivent
sont aussi féroces que drôles. Mais qu’arrive-t-il quand on est confronté à ses propres questions, ou si l’on préfère,
à son autre ? Hamlet en a plusieurs : Claudius, Ophélie, Gertrude. Pour chacune de ses rencontres fatidiques avec
ces trois-là, les critiques anglais ont forgé un surnom familier : play scene ou celle du théâtre, nunnery scene ou
celle du couvent, closet scene ou celle du cabinet. Trois lieux, donc : le premier, piège à regards et machine à
visibilité ; le second, hors du monde et de ses atteintes ; le troisième, sans doute au foyer des questions qui hantent
Hamlet.
Dans la play scene, Hamlet ne peut surprendre la culpabilité de son oncle en interprétant sa réaction devant La
Souricière sans que celui-ci, par contrecoup, sache désormais que Hamlet sait (dès ce moment, la pièce entre dans
une nouvelle phase : le compte à rebours a commencé. Et si l’on demande ce que cette scène a d’atroce, que l’on
s’imagine un fils mettant en scène la mise à mort de son propre père, et commentant un tel spectacle sur un ton
provocant). Le prince-régisseur n’hésite pas, d’ailleurs, à défier le monarque : en identifiant l’assassin, «un certain
Lucianus», comme «neveu» et non pas frère «du roi», il précise en effet pour qui sait l’entendre que l’empoisonneur
est l’image à la fois de Claudius et de Hamlet, et que le régicide joué sur scène annonce peut-être une mort à venir
autant qu’il donne à voir la mort passée. Etrange figure, où criminel et vengeur partagent fugitivement les mêmes
traits : Claudius occupe la place du prince (inutile d’insister sur les dimensions psychanalytiques de cette
usurpation – il suffit de noter qu’en principe, ce sont les fils qui sont appelés à succéder à leurs pères) ; en
conséquence et comme en vertu de la symétrie qui préside à toute vengeance, la réplique du prince aura donc
consisté à montrer qu’il occupe la place de Claudius.
Ophélie, en revanche, serait comme le point aveugle de l’appareil optique qu’est Hamlet, qui projette sur elle, avec
l’ «impureté» de son propre désir, ce qui reste pour lui, encore et toujours, le problème féminin (comment donc le
péché s’est-il introduit dans le monde, comment est-il possible que la beauté puisse être autre chose que le pur
visage de l’honnêteté ?). Devant Ophélie, miroir du miroir princier, celui-ci ne peut que se fêler. Comme lui, elle doit
tenir un langage gauchi par la nécessité de tenir un rôle sous le regard de tiers. Elle est la seule à réellement
reconnaître sa souffrance, avant même de chercher à la nommer ; la seule aussi à en donner une déchirante image,
par son propre égarement puis par la «mort boueuse» où elle sombre avec ses fleurs (c’est le retour poignant de
son visage sans vie sous les yeux de son fiancé que prépare toute la scène du cimetière : Hamlet plaisante avec le
fossoyeur, s’exerce à méditer sur les vanités du monde en passant les crânes en revue, sans se douter que le trou
creusé à ses pieds est destiné à celle qu’il aima, et qui va lui revenir comme une réponse silencieuse à l’une de ses
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questions : belle et honnête, oui, autant qu’on peut l’être ici-bas ; morte, aussi).
Sur Ophélie, trop sensible, chaque coup aura porté ; sur Gertrude, aucun. Dans la closet scene, pourtant, elle
semble plus d’une fois près de succomber : les mots-poignards dont Hamlet l’accable succèdent au meurtre de
Polonius et sont interrompus par l’entrée en scène d’un Spectre qu’elle ne peut voir. Mais à chaque fois, quelle que
soit la violence ou la soudaineté des chocs, Gertrude paraît les surmonter presque aussitôt, à moins qu’elle ne les
oublie – son âme se referme sur eux comme une eau. Elle est, au fond, aussi énigmatique que son fils, et rien ne
permet de pénétrer son silence ; contrairement à Ophélie et Claudius, elle n’a pas droit au moindre monologue. Les
commentateurs, depuis toujours, se demandent si elle n’a été séduite par Claudius qu’après le régicide, ou si elle a
été complice du meurtre de son premier mari. Shakespeare a semé, de ci – de là, des indices qui le laisseraient plus
ou moins entendre, et à tel ou tel propos qu’il tient, on pourrait supposer qu’Hamlet lui-même nourrit de tels
soupçons sans aller jusqu’à les formuler tout à fait. Délices pour détectives textuels. A vrai dire, livre en main, il
paraît impossible de trancher ; mais il semble en tout cas que si Hamlet est à ce point tourmenté par ce qu’il ne sait
pas du désir maternel, il en souffre d’autant plus que sous ses questions manifestes – comment peut-elle partager
la couche d’un être aussi répugnant ? – s’en dissimule une autre, plus discrète sinon plus douloureuse : a-t-elle
donc pu, par amour pour un tel amant, collaborer au meurtre de son époux ?
Play scene, nunnery scene, closet scene. Scènes où le roi entend le prince à demi-mot ; où la bien-aimée entend
plus qu’elle ne peut et que n’en sait le bien-aimé ; où la mère et le fils rejouent de concert leur fantastique
malentendu. Alors, qu’aura appris le héros à l’issue de l’enquête où il s’est jeté à corps perdu ? A l’interprète et au
public de le dire. Mais un lecteur aura peut-être le sentiment que la vérité du Spectre n’était pas le moindre de ses
pièges. Hamlet vérifie scrupuleusement l’exactitude de ses accusations, allant jusqu’à se faire assister d’Horatio
pour ne pas se fier à son propre jugement ; une fois convaincu que le Spectre disait vrai, il décide d’assouvir sa
vengeance. En somme, il conclut de la véracité de l’apparition à son caractère non diabolique. Mais la vérité même
pourrait, elle aussi, n’être parfois qu’une ruse du démon, et l’une des plus subtiles. Hamlet ne peut, en effet, savoir
ce qu’il en est de Claudius sans que la question de sa mère en soit en lui exacerbée et que l’impureté de tout désir
y trouve à ses yeux une effarante confirmation. Ophélie était sans doute la grâce d’Hamlet ; en rejetant les lettres
qu’elle lui tend, en refusant de lire quel don elle cherche à lui faire sous couleur de restitution, Hamlet se détourne
de cette grâce. Il ne voit pas en elle la réponse à son si fameux monologue : si la vie était telle qu’il la décrit, si elle
ne consistait qu’en tourments, alors «qui donc», en effet, «supporterait le fouet et les affronts du temps,/ les torts de
l’oppresseur, les injures de l’arrogant,/ les affres d’un amour dédaigné, les retards de la loi,/ l’insolence des
autorités, et le mépris/ qu’un mérite patient souffre auprès d’êtres indignes» ? Mais cette existence-là prend aussi,
parfois, le beau visage oublié, sacrifié, d’une très jeune femme.
Hamlet, après l’avoir revue au cimetière, marche sereinement à sa propre mort. Comme si toute la pièce n’était que
le vaste mécanisme lui permettant de gagner enfin «cette contrée non découverte dont nul voyageur/ n’a
repassé la frontière». Peu après son entrée en scène, le héros déplorait que Dieu ait édicté sa loi «contre le
meurtre de soi-même» ; tout Hamlet peut donc aussi être lu comme le détour grâce auquel un prince suicidaire
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parvient à faire tourner contre lui-même les armes dont il s’interdit d’user, de façon à pouvoir enfin articuler ces
paroles proprement insensées : «Horatio, je suis mort […]. Je suis mort, Horatio». La vengeance n’est donnée que
par surcroît, par raccroc, presque en post-scriptum. Hamlet, personnage sans emploi, isolé, à l’existence comme
usurpée, finit ainsi par atteindre une sorte de calme, de suspension, de vacance ou de sens de l’instant qui donnent
à sa présence, y compris rétrospectivement, son caractère si particulier (Ariel Garcia Valdès dit que le prince est à
cet égard tout le contraire de Richard III : autant celui-ci rayonne, imprime aux circonstances, avec
l’énergie inlassable d’un soleil d’York, la marque de sa verve théâtrale, autant Hamlet, selon son interprète, est
présent «par intermittences», clignotant comme une étoile très lointaine, toujours au bord d’un mouvement de
retrait). Au prince méditatif qui va jusqu’à mêler être et non-être sous les espèces uniques du songe sans plus
réserver dans nul au-delà un abri sûr contre le fait de l’existence, l’ici-bas de la scène offre en définitive les moyens
d’y aller voir lui-même. Oui, peut-être la tragédie de Hamlet est-elle aussi cela : une machine à mourir, à
reproduire sous forme sensible, leçon pour l’œil non moins que pour la pensée, la noblesse d’un homme seul
rejoignant enfin son silence.
Daniel Loayza, 11 avril 2006
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Repères biographiques
› William Shakespeare (1564-1616)
Le 26 avril 1564, William Shakespeare […] fut baptisé à Stratford-upon-Avon. On ignore le jour exact de sa naissance.
Elle est traditionnellement célébrée le 23 avril, jour de la Saint-Georges.
1564. Naissance de Marlowe et de Galilée. Mort de Michel-Ange.
1576. Construction du premier édifice destiné à l’art dramatique, «The Theatre», par James Burbage.
1579. Traduction des Vies Parallèles de Plutarque par North.
1581. Achèvement des traductions anglaises du théâtre de Sénèque.
Rien n’est connu […] de son éducation.
Le célèbre propos de Jonson selon lequel Shakespeare savait peu de latin et encore moins de grec doit être
relativisé. […] Les pièces et les poèmes apportent d’ailleurs de multiples preuves que leur auteur connaissait fort
bien ses classiques, non seulement les orateurs et les historiens, mais les dramaturges et les poètes.
[…] Shakespeare conserva des liens avec sa ville natale. La preuve en est donnée par son mariage avec Anne
Hathaway, de Shottery, bourg tout proche de Stratford. Il avait dix-huit ans, elle en avait vingt-six. Le mariage fut
autorisé à la fin de novembre 1582, après une seule publication des bans au lieu de trois. Cette hâte avait une raison : à peine six mois plus tard Anne mettait au monde une fille, Susanna. En 1585 naquirent des jumeaux, Hamnet
(qui allait mourir en 1596) et Judith. Ce sont là toutefois les seuls faits connus de la vie de Shakespeare – hormis la
mention de son nom dans une pièce de procès – jusqu’en 1592.
1582-1592. Les «années perdues». Nous ne savons rien de la vie de Shakespeare pendant cette décennie.
1583. Le 26 mai, baptème de Susanna Shakespeare.
1585. Le 2 février, baptême de Hamnet et Judith Shakespeare.
1586. John Shakespeare, père du poète, exclu de nombre des échevins de Stratford pour absentéisme.
1588. Troisième livre des Essais de Montaigne. Destruction de l’Invincible Armada.
Les vingt-huit premières années de la vie de Shakespeare gardent leur mystère.
1591. Les Deux gentilshommes de Vérone. La Mégère apprivoisée. 2 Henry VI ; 3 Henry VI.
1592. 3 Henry VI. Titus Andronicus.
1593. Richard III. Vénus et Adonis. Début de la composition des Sonnets.
1594. Le Viol de Lucrèce. La Comédie des erreurs.
1595. Peines d’amour perdues. Richard II. Roméo et Juliette. Le Songe d’une nuit d’été.
1596. Le Roi Jean. Mort d’Hamnet. Octroi d’un blason à John Shakespeare. Naissance de Descartes.
1597. Le Marchand de Venise. I Henry IV. Shakespeare achète une résidence à Stratford.
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1598. Les Joyeuses commères de Windsor. 2 Henry IV. Beaucoup de bruit pour rien.
1599. Henry V. Jules César. Ouverture du théâtre du Globe.
1600. Comme il vous plaira. Naissance de Calderón.
1601. Hamlet. La Nuit des Rois. Mort de John Shakespeare.
1602. Troïlus et Cressida. Achat de terres à Stratford.
1603. Mesure pour mesure. Othello. Mort d’Elisabeth ; accession au trône de Jacques Ier.
1604. Tout est bien qui finit bien.
1605. Timon d’Athènes. Cervantès : Don Quichotte, première partie.
1606. Le Roi Lear. Macbeth. Antoine et Cléopâtre. Naissances de Corneille et de Rembrandt.
1607. Périclès. Mariage de Susanna Shakespeare. Mort de son frère Edmund, acteur à Londres. Monteverdi : Orphée.
1608. Coriolan. Mort de Mary née Arden, mère de Shakespeare.
1609. Le Conte d’hiver. Publication des Sonnets.
1610. Cymbeline.
Jusque vers 1610, il aura surtout vécu à Londres, modestement et discrètement.
En 1611, La Tempête fait songer à un adieu à la scène. Les trois dernières pièces auxquelles est associé le nom de
Shakespeare […] semblent écrites en collaboration avec John Fletcher. Elles sont jouées vers 1613. Shakespeare
cesse d’écrire. Il n’a que quarante-neuf ans.
1613. Le Globe est détruit dans un incendie lors d’une représentation d’Henry VIII.
En janvier 1616, Shakespeare rédigea un projet de testament.
1616. Le 10 février, mariage de Judith Shakespeare avec Thomas Quiney, condamné le 16 mars par un tribunal
ecclésiastique pour fornication avec Margaret Wheeler, morte quinze jours plus tôt en mettant au monde un enfant mort-né.
Shakespeare modifie son testament en faveur de Susanna. – Mort de Cervantès.
Il mourut le 23 avril. Deux jours plus tard, il fut enterré dans l’église de la Sainte-Trinité, où, avant 1623, un
monument allait être érigé en son honneur.
1622. Publication d’Othello. Naissance de Molière.
1623. Publication du Folio : Mr. William Shakespeares Comedies, Histories, Tragedies. Mort d’Anne Shakespeare, veuve du dramaturge. Naissance de Pascal.
[…] Jonson dit encore que Shakespeare «était en vérité intègre, d’un naturel ouvert et généreux» (He was indeed of
a honest, and of an open, and free nature).
Les phrases citées sont extraites de Louis Lecoq : «Vie et carrière de Shakespeare», in William Shakespeare : Oeuvres complètes. Tragédies I, édition établie sous la
direction de Michel Grivelet et Gilles Monsarrat, Paris, Robert Laffont, 1995, pp. 56-66. Les autres données sont tirées du tableau chronologique dressé par le même
auteur, et qui figure aux pp. 98-119 du même volume.
Hamlet [un songe] / 27 avril › 27 mai 06
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› Georges Lavaudant
Georges Lavaudant est metteur en scène depuis plus de trente ans. Alors qu’il fait des études de lettres à
l’Université de Grenoble, il cofonde la compagnie du Théâtre Partisan et signe des spectacles qui font très vite
remarquer son équipe : Lorenzaccio, La Mémoire de l’Iceberg, Les Tueurs, Le Roi Lear (1973-1975). Nommé
codirecteur du Centre Dramatique National des Alpes (surnommé le Cargo), puis directeur en 1981, Lavaudant
inaugure un premier cycle institutionnel de dix ans. Pendant ces « années Cargo », sa notoriété devient nationale ;
Lavaudant est considéré comme l’un des maîtres du « théâtre d’images », dont la puissance de suggestion
s’appuie sur son impact visuel et plastique (à noter que Lavaudant éclaire lui-même ses spectacles). Certaines des
créations de cette époque sont devenues mythiques. Citons Palazzo Mentale (1976), de Pierre Bourgeade (mais aussi
montages de textes à partir de Borges, Kafka, Hölderlin, etc.,), que Lavaudant reprend et recrée à plusieurs
reprises et qui lui vaut une première fois le Grand prix du Syndicat de la critique dramatique ; Maître Puntila et son
valet Matti (1978), de Brecht, dans lequel Lavaudant aborde le grand dramaturge allemand dans une perspective
plus ambiguë que le brechtisme « classique » ; La Rose et la hache (1979), d’après Shakespeare et Carmelo Bene,
créé en moins de deux semaines, où Ariel Garcia Valdès approche pour la première fois le rôle de Richard III qu’il
achève de rendre légendaire au Festival d’Avignon quatre ans plus tard (ce spectacle a été recréé à l’Odéon-Théâtre
de l’Europe en 2004) ; Les Géants de la Montagne (1981), de Pirandello, sans doute l’un des décors les plus
saisissants du scénographe attitré de Lavaudant, Jean-Pierre Vergier : un pont suspendu vu en perspective
frontale (spectacle recréé en langue catalane à Barcelone, puis à l’Odéon, vingt ans plus tard).
En 1986, Lavaudant commence un nouveau cycle de dix ans : il est nommé codirecteur du Théâtre National
Populaire de Villeurbanne aux côtés de Roger Planchon ; la même année, il met en scène Le Balcon, de Genet, à
Mexico. La découverte du Mexique, pays où il retournera à de nombreuses reprises, est pour lui un véritable choc,
qui nourrira plusieurs de ses spectacles. Toujours entouré de la plupart de ses collaborateurs du temps du Cargo,
il continue à explorer le répertoire tout en élargissant sa palette (Brecht, Tchekhov, mais aussi Labiche) et à
travailler avec des auteurs contemporains (Jean-Christophe Bailly, Michel Deutsch, Jean-Marie-Gustave Le Clézio),
Lavaudant passe lui-même à l’écriture, et signe en 1988, pour la première fois en tant qu’auteur, un très beau
spectacle : Veracruz (deux parties : d’abord un très long texte confié à Marc Betton, où un personnage évoque
librement ses souvenirs à l'occasion d'un enterrement, puis une section presque sans paroles : une libre évocation
du théâtre, du Mexique, du monde intérieur de Lavaudant, succession de tableaux magiques, de personnages
Hamlet [un songe] / 27 avril › 27 mai 06
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étranges – cosmonaute, patineur de vitesse, ours brun au chômage lisant en vain les petites annonces, etc.). Le
Mexique lui inspire encore Terra Incognita, créé au Festival d’Avignon en 1992, et se retrouve dans d’autres travaux,
dont l’un des spectacles-carrefour des années 1990 : Lumières, qu’il cosigne avec trois de ses collaborateurs
réguliers, Bailly, Deutsch et le chorégraphe Jean-François Duroure. L’oeuvre s'est écrite en cours de réalisation, à
partir de textes composés pendant les répétitions, pour célébrer les minuscules beautés du monde sans cesse
menacées par la guerre ; Lumières a été comparé à une sorte d'Arche de Noé théâtrale (Noé y fait d’ailleurs une
apparition). Parallèlement, Lavaudant commence à s’intéresser aux questions de pédagogie : en 1996, il présente
au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique 6 fois 2, un autoportrait de douze jeunes comédiens élaboré
à partir d’improvisations, de questionnaires, et de thèmes imposés.
La même année, avec sa nomination à la tête de l’Odéon-Théâtre de l’Europe, Georges Lavaudant entame une
troisième décennie théâtrale. Il inaugure son mandat par une recréation du Roi Lear. A l’Odéon, Lavaudant continue
à jouer des différentes facettes de son art : les oeuvres du grand répertoire classique (des Grecs à Brecht, en
passant par Shakespeare, Büchner, Tchekhov ou Feydeau) alternent avec des créations contemporaines, qu’il signe
parfois lui-même (Fanfares, 2000). En tant que directeur, il programme des artistes tels que Romeo Castellucci,
Krystian Lupa, François Tanguy, Luc Bondy, entre autres ; c’est également sous son impulsion que l’Odéon poursuit
ses activités théâtrales aux Ateliers Berthier, hors de son site historique du Quartier Latin, fermé pendant trois ans
pour d’importants travaux de rénovation. A l’occasion de la réouverture, en avril 2006, Georges Lavaudant retrouve
Ariel Garcia Valdès pour mettre en scène un nouveau montage shakespearien intitulé Hamlet [un songe].
Parmi les textes que Georges Lavaudant a publiés, on citera, aux éditions Christian Bourgois : Veracruz (1989), Terra
Incognita (1992), Lumières (1995). Aux éditions Actes Sud : Théâtre et histoire contemporains, avec Jean-Christophe
Bailly (1995). Aux éditions de l’Arche : Histoire(s) de France, avec Michel Deutsch (1997). Sur Lavaudant, on
consultera L’Archipel Lavaudant, dir. Yan Ciret, éd. Christian Bourgois, 1997.
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› Ariel Garcia Valdès
Dans les premiers mois de 1968, à Grenoble, quelques jeunes passionnés fondent leur propre compagnie, le Théâtre
Partisan, afin de partager leurs expériences et leurs explorations. Parmi eux, Georges Lavaudant, Philippe MorierGenoud, Annie Perret et Ariel Garcia Valdès.
En 1975, comme la plupart de ses camarades, il entre au Centre Dramatique National des Alpes. Acteur, compagnon
de troupe, metteur en scène, il y accompagne jusqu'en 1986 une des plus étonnantes aventures théâtrales de la
décentralisation. Au cours de ces années grenobloises, il joue sous la direction de Lavaudant toutes sortes de rôles,
grands et petits, dans un répertoire qui s'étend des classiques (Lorenzaccio, Edgar dans Le Roi Lear) à la création
contemporaine (Palazzo Mentale de Pierre Bourgeade, Les Céphéides de Jean-Christophe Bailly) en passant par le
XXème siècle (Brecht ou Pirandello). Il travaille aussi avec Daniel Mesguich (qui lui confie le rôle de Hamlet) ou
Gabriel Monnet (La Cerisaie) et donne la réplique à Maria Casarès dans Les Revenants d'Ibsen. Lecteur de Stanislas
Rodanski, il adapte, met en scène et interprète La victoire à l'ombre des ailes. Il monte également deux versions
distinctes des Trois Soeurs de Tchekhov. En 1979, la création de La Rose et la hache, d’après Shakespeare et
Carmelo Bene, lui permet d’aborder une première fois le rôle de Richard III, dont il fera en 1984 l’un des mythes du
Festival d’Avignon. La recréation de La Rose en 2004 aux Ateliers Berthier marque de manière éclatante le retour
d’Ariel Garcia Valdès sur les scènes.
Entretemps, dès 1987, année où il monte L'Echange de Claudel à Barcelone, il privilégie sa carrière de metteur en
scène et de formateur, qu'il partage entre la France et l'Espagne. C'est ainsi qu'en 1988, après avoir présenté Comme
il vous plaira au TNP de Villeurbanne, il crée Le Voyage de Vasquez Montalban au CDNA de Grenoble puis à
Barcelone en version catalane. Suivent des mises en scène à Barcelone, Madrid, Séville ou Madrid, qui continuent à
témoigner de son intérêt pour les classiques de tous les pays (Shakespeare, Calderon, Goldoni, Lorca, Hemingway),
doublé d'une défense passionnée de l'écriture contemporaine (Restauration, d'Eduardo Mendoza, Quartett, de
Heiner Müller, ou Dialogue en ré majeur, de Javier Tomeo, qu'il a monté en espagnol et en catalan à Madrid puis à
Barcelone, ainsi qu'en version française à l'Odéon-Théâtre de l'Europe). Toutes ces activités ne l’empêchent
d’ailleurs pas de diriger l’Ecole Supérieure d’Art Dramatique de Montpellier.
Ariel Garcia Valdès a également mis en scène plusieurs opéras, notamment le Don Quichotte de Massenet ou Le
barbier de Séville au Festival de Saint-Céré, le Montezuma de Vivaldi à Monte-Carlo, Didon et Enée, de Purcell, à
Vichy, La Traviata à Barcelone, ou Le retable de Maître Pierre, de Manuel de Falla, au Festival de Grenade.
Hamlet [un songe] / 27 avril › 27 mai 06
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› Astrid Bas
Ancienne élève de l'Ecole du Théâtre National de Strasbourg et du Conservatoire National Supérieur d'Art
Dramatique (où elle suit les classes de Madeleine Marion et de Dominique Valadié), Astrid Bas n'a pas encore
achevé sa formation lorsqu'elle fait la rencontre de Georges Lavaudant, à l'occasion d'un stage qui débouchera sur
une première création intitulée Six fois deux. Par la suite, de 1997 jusqu’à aujourd’hui, Lavaudant fera à nouveau
appel à elle pour La Cour des comédiens (Festival d'Avignon 1997), Ulysse/Matériaux (à Brest, au TNB), Hamlet Clone
à Théâtre Ouvert, Començaments sense fi (Commencements sans fin) au Théâtre National de Catalogne, La Mort de
Danton (en tournée), Le Satyricon de Bruno Maderna aux Opéras de Gand et de Nancy, Cassandre de Michael Jarrel
d'après un texte de Christa Wolf (à l'Auditorio de Madrid), et tout dernièrement La Rose et la hache, d'après
Shakespeare et Carmelo Bene. Astrid Bas a également travaillé sous la direction d'Alain Ollivier, Anatoli Vassilieff,
Hélène Vincent, Eugène Durif, Christophe Perton, Frédéric Fisbach, Jean-Marie Patte, ou Yves Beaunesne, entre
autres. Elle a elle-même dirigé en 1999 des lectures de Livres Perdus, de Roger Dextre, au Petit Odéon, et signé la
mise en scène de Matériau Platonov, spectacle présenté en 2003 dans les Ateliers Berthier.
Au cinéma, Astrid Bas a tourné depuis 1995 dans une demi-douzaine de films réalisés par Shiri Tsur, Arnaud Viard,
ou Benoît Jacquot.
› Anna Chirescu
Tout en poursuivant jusqu’à la licence des études de lettres modernes, Anna Chirescu s’est formée en danse
classique au Conservatoire National de Montreuil, puis au Conservatoire National supérieur de Région de Paris,
avant d’intégrer le Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris. En 2005, elle y obtient le
certificat d’interprétation, mention très bien avec félicitations du jury, et le certificat de danse. Membre du Junior
Ballet contemporain du Conservatoire depuis 2004, elle a tourné en France et à l’étranger dans des oeuvres de Paco
Decina, Karine Waehner, Pedro Pauwels ou Hervé Robbe. Parmi ses dernières prestations : un duo dû à Christine
Bastin, L’Eau vive ; une partition chorégraphique dans le long-métrage Aurore, de Nils Tavernier ; une participation
à l’opéra-ballet L’Europe galante, de Campra, dirigé par William Christie.
› Estelle Galarme
Après une hypokhâgne en lettres classiques, Estelle Galarme se tourne vers le théâtre et entre à l’Ecole Régionale
d’Acteurs de Cannes, où elle suit les cours dispensés par Philippe Adrien, Jean-Louis Benoît, François Berreur,
Frédéric Bélier-Garcia, Serge Valetti, André Marcovicz et Michèle Marquais. Au cours des six dernières années, elle
a joué dans une douzaine de spectacles, depuis Sainte Jeanne des Abattoirs, de Brecht (mise en scène d’Alain
Milianti, présentée à l’Odéon-Théâtre de l’Europe) jusqu’à Le fait d’habiter Bagnolet, de Vincent Delerm (mise en
scène de Laurent Ziveri, Festival In Situ, 2005). Pianiste, danseuse, Estelle Galarme a également écrit une pièce pour
deux personnages intitulée Passages.
Au cinéma, Estelle Galarme a tourné dans le dernier film de Jean-Claude Brisseau (titre provisoire : Les Anges
exterminateurs).
Hamlet [un songe] / 27 avril › 27 mai 06
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› Axelle Girard
Axelle Girard, après avoir intégré l’Ecole Normale Supérieure (Lettres et Sciences Humaines) en 2002, a passé une
maîtrise d’anglais, puis s’est inscrite au cours Florent, où elle parfait actuellement sa formation. Grande voyageuse
(elle a séjourné aux Etats-Unis, en Chine, en Indonésie, en Australie), polyglotte (elle parle l’anglais, l’allemand,
l’espagnol), Axelle Girard est également musicienne : soprano et violoniste, elle affectionne particulièrement le
répertoire baroque.
› Babacar M’baye Fall
Babacar M’baye Fall a été formé à l’ Ecole Supérieure d’Art Dramatique du Conservatoire National de Montpellier,
que dirige Ariel Garcia Valdès. De 1992 à 2000, il travaille comme comédien au sein de la compagnie Faro, basée à
Dakar (Sénégal). Depuis, il a travaillé avec Laurent Pigeonnat (La Tour de la Défense, de Copi), Georges Lavaudant
(El Pelele, de Jean-Christophe Bailly ; La Rose et la hache, d’après Shakespeare et Carmelo Bene), ou Sébastien
Lagord (Dans la solitude des champs de coton, de Bernard-Marie Koltès). En janvier 2005, il devient comédien
permanent au Théâtre des Treize-Vents, où Jean-Claude Fall le met en scène dans Mauser, de Heiner Müller. Il
participe également à des projets dirigés par Luc Sabot ou Fouad Dekkiche.
› Philippe Morier-Genoud
Mis en scène par Georges Lavaudant, qui l'a dirigé dans une vingtaine de spectacles, il a notamment joué le Duc
dans Lorenzaccio (1973), la reine Margaret dans Richard III (1984), ou le roi Lear (1974 et 1996), rôle qu'il a
également interprété dans la Cour d'Honneur d’Avignon en 1981 sous la direction de Daniel Mesguich. Il a également
joué dans des mises en scène de Luc Bondy, Catherine Marnas, Bruno Boëglin, Gabriel Monnet ou Ariel Garcia Valdès,
entre autres.
Il a tourné dans plus de trente films (signés Truffaut, Rivette, Ruiz, Boisset, Malle, Kieslowsky, Tavernier, Planchon,
Poiré, Dembo, Verneuil, Schlondorff, Perrin, Bertolucci, ou Emmanuel Bourdieu) et joué dans plus d’une trentaine de
téléfilms.
A l'Odéon, vous avez pu le voir dans Le Roi Lear, Bienvenue, Un Chapeau de Paille d'Italie, Pawana, l’Orestie,
Fanfares, La Mort de Danton, Un Fil à la patte, La Cerisaie.
Hamlet [un songe] / 27 avril › 27 mai 06
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› Joseph Menant
Joseph Menant s'est formé au Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique, d'où il est sorti en 1998. Depuis,
il a joué dans une bonne douzaine de spectacles, couvrant un répertoire qui s'étend de Racine (Britannicus, mise en
scène N. Boudjenah) à Jean-Claude Grumberg (H. H., mise en espace de l'auteur ; Rixe, Les Gnoufs et Sortie de
Théâtre, mises en scène de M. Mayette), en passant par Koltès (Procès Ivre, mise en scène de C. Marnas), Claudel
(Partage de Midi, mise en scène J.-P. Rossfelder ; il y interprète Mesa), Shakespeare (Roméo et Juliette, où il joue le
principal rôle masculin sous la direction d' I. Janier). Dernièrement, à l'Odéon-Théâtre de l'Europe, Georges
Lavaudant lui a confié le rôle de Yacha dans La Cerisaie de Tchekhov. Ses derniers personnages : Boulgakov dans
Morphine, mis en scène par L. Bérélowitstch ; Démétrius dans Viol, de Botho Strauss, créé par Luc Bondy à l’Odéon
(teliers Berthier) en octobre 2005. – Au cinéma, Joseph Menant a tourné dans L'Ex-femme de ma vie, de Josiane
Balasko (2004), et dans Les Amants réguliers, de Louis Garrel (2005).
› Pascal Rénéric
Pascal Rénéric commence le théâtre en 1993, dans le cadre de la Ligue d’Improvisation Sud Alto-Séquanaise (il y
reste actif jusqu’en 2004). Très vite, il prend part à l’atelier du soir de l’Ecole du Théâtre National de Chaillot, où il est
formé durant trois ans par Abbès Zahmani, jusqu’en 1998, date de son entrée au Conservatoire National Supérieur
d’Art Dramatique. Depuis, il a travaillé au théâtre dans une dizaine de spectacles, sous la direction de Michaël
Chemla, Olivier Perrier, Jean-Pierre Miquel, Armando Llamas, Gilbert Desveaux, Jean-Marie Besset, Jacques
Lassalle (qui lui confie le rôle d’Horace dans L’Ecole des femmes), Cyril Teste, Vincent Macaigne, ou tout récemment
Eugène Durif (Les Placebos de l’histoire, au Théâtre de l’Est Parisien, en 2006).
Au cinéma, Pascal Rénéric a tourné avec Jérôme Lévy (Bon plan, 1999), Yvan Attal (Ma femme est une actrice, 2000),
ou Frédéric Forrestier (Les parrains, 2004). A télévision, on a pu le voir dans Marie Besnard (réalisation : Christian
Faure, 2006) ou La Place de l’autre (réalisation : Roberto Garzelli, 2002). Il a également tenu des rôles dans quatre
courts-métrages, et a lui-même réalisé trois films. Enfin, depuis 2006, Pascal Rénéric s’est engagé dans l’écriture,
composant des textes pour Homo haereticus, un spectacle du Footsbarn Travelling Theatre.
Hamlet [un songe] / 27 avril › 27 mai 06
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› Daniel Loayza
Ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure (rue d’Ulm), professeur agrégé de lettres classiques et titulaire d’un
DEA de philosophie, il a rencontré Georges Lavaudant en 1988 au Mexique. A son retour en France, tout en
enseignant la langue et la littérature latines à l’Université de Paris-X Nanterre, il travaille une première fois à ses
côtés en qualité de dramaturge à l’occasion de Lorenzaccio (1989). Depuis, il a collaboré à plusieurs spectacles de
Lavaudant comme assistant (Isidore Ducasse / fragments, 1993 ; Ulysse / matériaux, 1997), dramaturge (Hamlet,
1994 ; Tambours dans la nuit et La Noce chez les petits-bourgeois, 1998 ; La Mort de Danton, 2002 ; La Cerisaie,
2004), secrétaire de séance (Lumières I, 1995 ; La Cour des Comédiens et Bienvenue, 1996 ; Histoires de France, 1997),
script et témoin bilingue (Terra Incognita, 1992), librettiste (Impressions d’Afrique, 2000) ou traducteur (Le Roi Lear,
1996 ; Ajax-Philoctète, 1997 ; l’Orestie, 1999). Daniel Loayza est détaché à l’Odéon-Théâtre de l’Europe depuis 1996.
Ses traductions annotées de l’Orestie d’Eschyle, des Fables d’Esope et du Ménexène de Platon sont parues aux
éditions Flammarion (collection GF). Sa traduction d’Une bête sur la lune, de Richard Kalinoski (mise en scène d’Irina
Brook), lui a valu en 2001 le Molière de la meilleure adaptation théâtrale (le texte en a été édité à l’Avant-Scène
Théâtre). Celle du Roi Lear, accompagnée d’une postface, est publiée aux éditions A Propos (2001).
Daniel Loayza a également traduit, pour Catherine Marnas, le Dyscolos de Ménandre (créé en mars 2004 à
l’Auditorium du Louvre), ainsi que deux pièces de Mac Wellman pour la compagnie belge Transquinquennal (dont
Quadrille albanais, présenté à Bruxelles en 2003 dans le cadre du KunstenFestivaldesArts).
Hamlet [un songe] / 27 avril › 27 mai 06
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› Fondation Maurice et Noémie de Rothschild
Valoriser les métiers d’Art
Le bel artisanat dans ce qu’il a de plus noble et de plus achevé est la passion de notre famille. Accompagner et
valoriser les métiers d’Art est un des buts essentiels de notre mécénat. En créant la Fondation Maurice et Noémie
de Rothschild Fondation pour l’Art, nous avons souhaité promouvoir cet Artisanat restaurateur du patrimoine d’hier
et créateur du patrimoine de demain.
L’Odéon, Théâtre des Lumières devenu Théâtre de l’Europe, est aujourd’hui un exemple éclatant de la renaissance
d’un lieu mythique grâce aux métiers d’Art. Plusieurs fois ravagé par les incendies, tantôt ouvert tantôt fermé au gré
des soubresauts d’une histoire chaotique, l’Odéon n’a cessé de voir son existence menacée. Et pourtant, c’est bien
à la réouverture de l’Odéon du XXIème siècle que nous assistons aujourd’hui. Or si le rêve né au XVIIIème
siècle peut aujourd’hui perdurer, si le phénix peut une fois encore renaître de ses cendres, c’est avant tout grâce à
l’extraordinaire richesse des savoir-faire des artisans ayant œuvré dans ce théâtre pendant plus de trois ans. Si le
ciel de Masson peut à nouveau cohabiter avec l’or des cariatides néoclassiques ou l’épure des colonnes doriques, si
le velours et les damas sont relayés par un système de climatisation ultra-sophistiqué, en un mot si la technologie
la plus avancée a pu se nicher au cœur des splendeurs du décor du XVIIIème siècle et si le rideau rouge peut à
nouveau se lever sur cette scène de légende, c’est bien grâce aux métiers d’Art. Convaincus des
menaces qui pèsent sur ces métiers et de l’urgence qu’il y a à les soutenir par tous les moyens, nous sommes fiers
et émus d’accompagner ce Hamlet [un songe] : premier spectacle d’un Odéon retrouvé.
Hamlet [un songe] / 27 avril › 27 mai 06
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