l`aventure du mètre - Lycée Thomas CORNEILLE

Transcription

l`aventure du mètre - Lycée Thomas CORNEILLE
Un projet pluridisciplinaire dans une classe de seconde :
mathématiques, français, histoire-géographie
« Salut, citoyenne commerçante, je voudrais une banne de
charbon de bois, un muid de sel, deux camuses de vin et trois
écuelles de blé… » Pas facile de faire son marché avant
l’invention du système décimal. Mais pas simple non plus de
l’inventer ! A partir de 1792, on bûche sur le mètre. Les
astronomes Delambre et Méchain mettent sept années à calculer,
à pied, à cheval et en voiture, l’arc du méridien compris entre les
parallèles de Dunkerque et de Barcelone. Le mètre sera la dixmillionième partie du quart de ce méridien. Pour mener à bien
leurs mesures, ils utilisent le principe de la triangulation (voir le
dossier "mesure d'un méridien par triangulation") : ils se hissent
sur les points culminants rencontrés au cours de leur périple
(clochers, tours, sommets), lorsqu’ils ne sont pas obligés, ironie
de l’histoire, d’ériger des échafauds pour pallier les faiblesses du Jean Sylvain Bailly, astronome
relief.
Tour à tour arrêtés et pris pour des émigrés royalistes ou des espions à la solde de l’Espagne
par les sans-culottes, Méchain et Delambre doivent se jouer des convulsions de l’Histoire.
Commencée au crépuscule de la Monarchie, la mesure s’achève à l’aube du Consulat. Au
bout du compte, ils sont parvenus à accoucher d’une mesure « pour tous les temps, pour tous
les hommes » selon le mot de Condorcet. Le mètre devient le signe de l’égalité. Le même
principe de triangulation permettra plus tard de calculer avec justesse les distances en France
et de dessiner la carte exacte de celle-ci.
Cette aventure est relatée par le mathématicien-vulgarisateur, Denis Guedj, dans un roman, La
Méridienne, publié en Pocket (1997). Les élèves étudieront ce roman en classe de français.
Denis Guedj a également publié Le Mètre du monde, une approche historique, de l’aventure
du Mètre utile aux professeurs (Seuil, 2000) et, dans la collection Découvertes Gallimard, La
Révolution des savants, pour élargir au siècle des Lumières. Ce sont nos bibles et beaucoup
d’éléments que l’on trouvera sur ce site, y compris certaines illustrations, seront issues de ces
ouvrages.
I- Le Projet et ses objectifs
-
Un travail en équipe : mettre nos compétences en commun et montrer aux élèves que
littérature, histoire, géographie et mathématiques peuvent faire bon ménage et qu’en
tous cas, chez les savants des Lumières, il n’y avait pas de cloisonnement.
-
C’est au programme ! La Révolution fait partie du programme de seconde en histoire ;
la cartographie , le calcul sur les échelles, de celui de géographie. Le roman est au
programme de seconde en français ; la triangulation met en jeu des compétences en
géométrie…
Ouvertures :
- Sur les matières : il s’agit pour les élèves de voir une application pratique des
Mathématiques et de découvrir que les sciences ne sont pas toujours une affaire de
cabinet et de laboratoire. Une découverte s’inscrit aussi dans une histoire, un
contexte qui l’a favorisée : celui des Lumières. Elle est parfois une véritable
aventure pleine de dangers et à laquelle les scientifiques sacrifient tout dans une
véritable passion.
- Sur l’extérieur : dans les musées, où les découvertes scientifiques et leur époque
s’incarnent dans des objets concrets. Deux sorties à Paris : au Musée des Arts et
Métiers où il existe un parcours sur l’histoire du mètre dans lequel on peut voir un
cercle répétiteur qui a servi au calcul de la triangulation et le laboratoire de Lavoisier
(prévoir un conférencier) ; au Musée Carnavalet pour découvrir le Paris de la
Révolution et des savants (prévoir également un conférencier). On peut également
visiter l’Observatoire ou organiser, le soir, si le temps le permet, une visite à
l’observatoire de la ville la plus proche (s’il existe) afin de faire un peu
d’astronomie.
- On peut également, plutôt au printemps, organiser une sortie et faire faire aux
élèves des mesures grâce au bâton de Jacob.
Seconde 6 ( année 2005-2006)
Musée des Arts et Métiers
Mise en œuvre
-
Dans la chronologie : le plus vite possible, lecture du roman après en avoir précisé le
contexte historique. Cette lecture est accompagnée de questions à rendre, touchant,
entre autres, sa spécificité de roman historique et scientifique : si le roman peut rendre
aisément compte d’une aventure, comment s’y prend-il pour faire imaginer des
expériences techniques et scientifiques? Simultanément, en mathématiques (voir les
dossiers "mesurer l'inaccessible" et "mesure d'un méridien"), les élèves travaillent sur
le principe de la triangulation. Cette lecture du roman et ces exercices sont
immédiatement suivis d’une première sortie à Paris au Musée des Arts et Métiers. Par
la suite, en français, on peut prévoir de faire imaginer et jouer des saynètes tirées des
situations et dialogues du roman ; mais, par souci de variété, il ne faut par organiser
toute l’année autour de ce seul thème ! C’est pourquoi le travail en histoire concernant
la Révolution française ne s’est déroulé qu’au mois de mars accompagné d’une
seconde visite à Paris au Musée Carnavalet ; cela a permis de réveiller des souvenirs.
Il est préférable en effet d’éviter l’overdose en délayant le thème sur l’année.
II- Quelques rappels historiques
Avant l’invention du mètre, c’est le chaos et la loi du plus fort ou du plus malhonnête.
Jusqu’à la fin du XVIIIème siècle, les mesures étaient d’une extrême diversité. Elles
s’inspiraient des mesures liées aux dimensions humaines (pouce, pied) ou à ses aptitudes
(« l’hommée »était le travail de l’homme en un jour de même que « le picotin » était la
quantité de nourriture que pouvait absorber un cheval en un repas)… Et encore ! cela variait
d’une province à l’autre ! Les grands gagnants étaient les seigneurs qui imposaient leurs
instruments de mesures dès qu’il s’agissait de récolter les impôts et gruger les paysans.
C’est pourquoi, le peuple avait toujours réclamé à ses souverains des mesures normées
valables pour l’ensemble du pays comme c’était plus ou moins le cas pendant la période
romaine. De nombreux souverains dont Charlemagne, François Ier, Henri IV… avaient tenté
d’en imposer mais sans succès, tant les résistances locales et féodales étaient vives. Jusqu’en
1776, l’étalon prototype royal de longueur était « la Toise du Châtelet » fixée à l’extérieur du
Grand Châtelet, détruit en 1802, toise qui, quelque peu modifiée, s’appellera toise du Pérou
car elle servira à effectuer des mesures dans ce pays . Pour les Poids, l’étalon était la pile, dite
de Charlemagne, composée de 13 godets pesant en tout 50 marcs ou 25 livres, un terme qui
restera en usage après l’invention du kilo. Mais ces mesures n’étaient ni sûres, ni respectées.
On comprendra que les cahiers de doléance envoyés à Louis XVI, avant la réunion des Etats
Généraux, réclament l’uniformisation des poids et mesures.
Pendant la Révolution, on songe tout d’abord à prendre comme système de mesure la
longueur du fil du pendule battant la seconde ; hélas ! sa longueur n’est pas la même à Paris
qu’ à Londres. Or, il faut trouver un système qui s’étende « à tous les hommes, à tous les
temps » selon le mot de Condorcet ( voir le dossier "Quelques savants de la Révolution"), un
système véritablement universel. Seule une unité de mesure prise dans la nature peut faire
l’unanimité car elle n’appartient à aucune nation, peut être vérifiable et reproduite si les
étalons venaient à disparaître. C’est pourquoi le 26 mars 1791, l’Assemblée (la Constituante)
adopte « la grandeur du quart du méridien terrestre pour base du nouveau système de
mesure ». On choisira le méridien qui passe par Paris, dit « la méridienne » car il a déjà fait
l’objet de mesures. Celles-ci seront facilitées par une petite merveille technique : le cercle
répétiteur construit par le fabuleux artisan Lenoir.
Juin 1792, deux berlines lourdement chargées
des instruments nécessaires quittent les
Tuileries : l’une se dirige vers Dunkerque avec à
son bord Delambre et son aide Bellet ; l’autre
vers Barcelone avec à son bord Méchain et son
aide Tranchot. C’est parti pour une aventure
scientifique qui durera sept ans ! « La traversée
du territoire est aussi une traversée de
l’Histoire » écrit Guedj dans la présentation de
son roman. Les deux astronomes vont devoir
Portrait de Méchain par
affronter les difficultés de leur tâche,
Portrait de Delambre par
Narcisse Garnier
compliquées des convulsions de l’Histoire :
Corenne
un vrai roman d’action avec ses rebondissements, ses drames, ses coups de théâtre. Méchain
est retenu à Barcelone par la guerre qui éclate entre l’Espagne et la France ; Delambre est
suspendu pour avoir pris la défense de Lavoisier jugé traître à la patrie. La réalité dépasse la
fiction et il arrive qu’elle ne soit pas vraisemblable. Ainsi Méchain, frappé violemment par le
levier d’une pompe hydraulique, ressuscite après plusieurs jours de coma en dépit de tous les
pronostics qui le donnaient pour mort ou presque. On peut considérer les hommes qui
participèrent à cette aventure comme de véritables héros qui pour mener à bien leur tâche ont
été capables de tous les sacrifices et de tous les courages. L’émotion, que leur exemple suscite
chez le lecteur de leurs exploits, est l’admiration.
Après cette équipée qui prend fin en 1799, sous le Directoire,
reste à obtenir une reconnaissance internationale du Mètre et son
adoption par d’autres pays. En 1799, on convoque une commission
internationale pour vérifier la justesse des mesures . Trois mois
durant, des savants venus de 9 pays européens (mais pas un
Anglais !) vont vérifier les calculs de Delambre et Méchain, avec
sous leurs yeux un mètre étalon en platine. La Commission l’a
prévu : toutes les autre mesures sont indexées sur le mètre :
surface, volume ,contenance ,poids.
( La gravure ci-contre montre le succès de ces nouvelles normes)
Toujours par souci d'universalité, les multiples sont indiqués en grec (hecto, kilo ...) et les
sous multiples en latin (deci, centi, mili ...). Le mot mètre lui-même vient du grec "metron"
qui signifie mesure. La progression choisie est finalement décimale. Le kilo est la quantité
d'eau distillée contenue dans un cube de dix centimètres d'arête. C'est Lavoisier (voir
"Quelques savants de la Révolution"), par ses recherches, qui en permettra la mise au point.
Le stère, le franc lui-même sera indexé sur le mètre.
Le système métrique aura cependant du mal à s'imposer complètement dans l'hexagone et à
vaincre la résistance des habitudes. Il faudra attendre la loi du 4 juillet 1837 pour interdire
toutes les autres mesures. Peu à peu d'autres pays vont adopter le mètre au cours du XIXème
siècle : les Pays-Bas dès 1816 et la Grèce en 1836. C'est surtout grâce aux expositions
universelles à partir de 1851, à Londres, que les avantages du système métrique conquièrent
l'étranger. Notons pour finir que la 17ème Conférence Générale des Poids et Mesures a choisi
en 1983 une nouvelle définition du mètre qui devient "... la longueur du trajet parcouru dans
le vide par la lumière pendant 1/299 792 458ème de seconde".
Lavoisier et sa femme par David

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