Chap 12-1-La IVe République - Institution Saint
Transcription
Chap 12-1-La IVe République - Institution Saint
Chapitre XII-1 LA IVe REPUBLIQUE I. LA DIFFICILE RECONSTRUCTION DE LA REPUBLIQUE Sur quelles bases le gouvernement provisoire engage-t-il le pays ? A. Des réformes économiques sociales durables et 1. Les objectifs du gouvernement provisoire À la Libération, il apparaît que seul l'État dispose des moyens financiers et de la vision d'ensemble nécessaires pour entreprendre l'effort de reconstruction. De plus, le Conseil national de la Résistance a conçu un programme qui veut instaurer une véritable démocratie économique et sociale, faisant de l'État le garant de l'intérêt général face aux égoïsmes particuliers. Les mesures qui sont prises entre 1944 et 1946 visent donc à des modifications durables : passer de l'économie libérale à un régime d'économie mixte associant les intérêts privés et l'État ; transformer la société par un effort de redistribution entre générations et catégories sociales. 2. Le rôle accru de l'État Entre décembre 1944 et avril 1946, l'État procède à la nationalisation de secteurs clés de l'économie (énergie, secteur bancaire, assurances) et des entreprises industrielles qui ont collaboré (Renault, par exemple). L'État met en place la planification en créant en décembre 1945 le Commissariat général au Plan, confié à Jean Monnet qui fixe comme premier objectif le retour de la production à son niveau de 1929. En même temps, les relations à l'intérieur du monde du travail sont modifiées par la mise en place de comités d'entreprises dans les entreprises de plus de 50 salariés. L'État entreprend aussi d'importantes réformes sociales avec la création de la Sécurité sociale, et des mesures de protection de la famille; il devient État-providence. B. La difficile reconstruction politique 1. Un nouveau paysage politique En octobre 1945, en même temps qu'ils sont appelés à élire une assemblée, les Français et les Françaises (qui ont le droit de vote depuis 1944) sont invités à se prononcer sur le retour ou non à la IIIe République : 96% d'entre eux refusent, chargeant du même coup l'Assemblée qu'ils élisent d'élaborer une nouvelle Constitution. Trois partis obtiennent les trois quarts des voix : le parti communiste (PC, 159 députés), le parti socialiste (SFIO, 146 députés) et le Mouvement républicain populaire (MRP, 150 députés), branche française de la démocratie chrétienne. Ils tirent le bénéfice de leur engagement dans la Résistance et de l'effacement de la droite, compromise par Vichy. Ils s'allient pour gouverner le pays, d'où le terme de tripartisme utilisé pour qualifier leur alliance. 2. Des difficultés pour élaborer une nouvelle Constitution L'Assemblée constituante reconduit le général de Gaulle à la tête du gouvernement. Mais des désaccords surgissent entre celui-ci et les communistes puis la majorité de l'Assemblée à propos de la nature du régime et de la répartition des pouvoirs : de Gaulle souhaite un pouvoir exécutif fort, ce que récuse l'Assemblée (discours de Bayeux). Le 20 janvier 1946, de Gaulle démissionne; son départ marque la fin de la volonté d'union nationale et de renouvellement forgée dans la Résistance. En mai 1946, les Français rejettent le projet de Constitution qui prévoit une seule assemblée avec un large pouvoir législatif. Une nouvelle Assemblée constituante est donc élue en juin. En octobre 1946, les électeurs adoptent d'extrême justesse (53% de oui mais un tiers d'abstentions) le projet de Constitution qui donne naissance à la IVe République. 3. La mise en place d'un régime d'assemblée Le nouveau régime assure la prééminence parlementaire. Il comporte deux Chambres, mais la seconde assemblée a peu de pouvoir. L'essentiel du pouvoir législatif appartient à l'Assemblée nationale élue au suffrage universel direct au scrutin de liste à la proportionnelle, mode de suffrage très démocratique mais qui favorise l'émiettement des forces politiques. L'Assemblée vote l'investiture du président du Conseil, principal détenteur du pouvoir exécutif; le président de la République a surtout un pouvoir de représentation. Il s'agit donc d'un régime d'assemblée, que de Gaulle dénonce comme un régime des partis. Cependant, dans l'Assemblée nationale élue en novembre 1946, les trois partis qui forment le gouvernement - PC, SFIO, MRP - détiennent une large majorité, ce qui apparaît comme un gage de stabilité. II. LA IVe REPUBLIQUE DE 1947 A 1955 Comment expliquer l'instabilité gouvernementale sous la IVe République ? A. Les forces d'opposition 1. La rupture du tripartisme et l'opposition communiste Le fonctionnement régulier des nouvelles institutions suppose une majorité stable à l'Assemblée pour soutenir l'action du président du Conseil et de son gouvernement. Or, en 1947, le parti communiste (PC) prend ses distances avec le gouvernement auquel il appartient. Il dénonce la politique coloniale de répression menée par la France en Indochine, le blocage des salaires et les difficultés sociales qui en découlent ; il prend parti pour l'URSS dans la dégradation des relations internationales entre celle-ci et les États-Unis. La rupture éclate en mai 1947 quand le président du Conseil, P. Ramadier, exclut les communistes du gouvernement. En octobre 1947, le PC adhère au Kominform, dont il suit désormais fidèlement tous les mots d'ordre : le principal parti français entre dans une opposition systématique au régime qu'il a pourtant fondé. La guerre froide affaiblit donc durablement la IVe République. 2. L'opposition du générai de Gaulle Le régime attaqué sur sa gauche l'est également sur sa droite : le général de Gaulle, qui s'était tenu jusque-là à l'écart des partis politiques dont il se méfie, décide de fonder en avril 1947 son propre mouvement : le Rassemblement du peuple français (RPF). Il dénonce violemment la Constitution, le régime des partis de la IVe République et la politique étrangère pro-américaine de la France. Obtenant 38% des voix aux élections municipales d'octobre 1947, il réclame, en vain, une dissolution de l'Assemblée nationale dans laquelle il n'est pas représenté. B. Une incapacité à réunir une majorité stable 1. Du centre gauche... Entre ces deux oppositions, une nouvelle coalition gouvernementale se forme, qui comprend la SFIO, le MRP, 1 l'Union démocratique et socialiste de la Résistance (UDSR), des radicaux et quelques modérés. Le MRP constitue le pivot de cette Troisième force que l'on peut qualifier de centriste. Elle est divisée et donc fragile, ce qui provoque l'instabilité ministérielle : pas moins de neuf gouvernements se succèdent pendant la première législature, de 1947 à 1951. 2. … au centre droit Aux élections législatives de 1951, la loi des apparentements permet aux partis de la Troisième force de conserver de justesse la majorité. Mais la coalition est rompue par le départ des socialistes en désaccord avec le MRP sur les crédits à accorder à l'école privée. La majorité gouvernementale s'ouvre alors à la droite modérée et à des gaullistes qui ne respectent pas les consignes d'opposition données par de Gaulle. La seule personnalité à s'imposer durant cette période est Antoine Pinay, un homme qui fut proche de Vichy avant de se rallier à la Résistance. Président du Conseil de mars à décembre 1952, il se rend populaire auprès des Français par sa gestion rigoureuse des affaires. Les gouvernements de centre droit qui lui succèdent se heurtent à des difficultés qu'ils éludent sans les résoudre : guerre d'Indochine, troubles en Tunisie et au Maroc, projet de Communauté européenne de défense, troubles sociaux consécutifs au ralentissement de la croissance. La vie politique est paralysée. 3. La tentative de rénovation de P. Mendès France La défaite de Diên Biên Phu en mai 1954 amène le radical P. Mendès France à la tête du gouvernement. Il se distingue de ses prédécesseurs par sa volonté de résoudre les problèmes en suspens et de rénover la vie politique. Il refuse de négocier avec les partis le choix de ses ministres, et promet de démissionner s'il ne parvient pas à un accord sur l'Indochine en un mois. De fait, il réussit à mettre fin à la guerre en signant en juillet 1954 les accords de Genève. Il se rend en Tunisie, où il engage le processus d'autonomie interne qui permet d'éviter le conflit ouvert avec les nationalistes. Enfin, il présente en août 1954 devant l'Assemblée nationale le projet de CED dont la discussion est refusée par une majorité de députés. Cependant, il suscite une forte opposition de la classe politique qu'il ne ménage pas et qui se coalise contre lui. Son gouvernement est renversé en février 1955 sur les réformes qu'il veut entreprendre en Algérie à la suite de l'insurrection qui a éclaté le 1er novembre 1954. III. DECLIN ET ECHEC DE REPUBLIQUE LA IVe Pourquoi les gouvernements ne trouvent-ils pas d'issue à la crise algérienne ? A. L'enlisement d'Algérie dans la guerre 1. Les élections législatives de 1956 Les élections législatives de 1956 se déroulent dans un climat difficile. L'instabilité parlementaire discrédite le régime, provoquant la montée de l'extrême droite : le mouvement poujadiste, qui fait campagne sur le thème : "Sortez les sortants", séduit les électeurs des classes moyennes. La question algérienne est aussi au cœur de la campagne: la politique de répression menée sur le terrain soulève des oppositions ; un Front républicain se constitue, composé de la SFIO, de l'UDSR et des radicaux mendésistes qui veulent éviter la violence et négocier avec le FLN. C'est sur la base d'un programme de paix en Algérie que Guy Mollet - leader de la SFIO -est investi président du Conseil. 2. Les succès du gouvernement Guy Mollet Le gouvernement de Guy Mollet (janvier 1956-mai 1957) est le plus long de la IVe République. Il se caractérise par des avancées sociales (mise en place de la troisième semaine de congés payés et d'un revenu minimum pour les personnes âgées) et par la poursuite de la construction européenne (signature du traité de Rome en 1957). Il accomplit des avancées importantes sur le problème colonial en accordant l'indépendance à la Tunisie et au Maroc et l'autonomie à l'Afrique noire par la loi-cadre Defferre; mais il échoue dans le domaine où on l'attendait le plus : trouver une solution au problème algérien. 3. Son impuissance face au problème algérien Guy Mollet se rend le 6 février 1956 à Alger, décidé à trouver une solution pacifique. Mais il se heurte à une vive manifestation des Français d'Algérie, hostiles à la politique libérale qu'il veut engager, et recule devant cette pression. En mars 1956, l'Assemblée lui accorde les pouvoirs spéciaux pour mener la guerre. Le gouvernement décide alors l'envoi des soldats du contingent en Algérie. Il accorde une plus large initiative à l'étatmajor militaire sur le terrain, ce qui permet aux parachutistes de remporter en 1957 la bataille d'Alger. Mais les moyens utilisés entraînent la protestation de l'opinion publique en métropole. L'internationalisation du conflit et les soutiens accordés au FLN isolent la France. Après le renversement de Guy Mollet en mai 1957, l'instabilité ministérielle reprend. Le régime est de plus en plus discrédité. B. La crise de mai 1958 1. L'insurrection à Alger En février 1958, le bombardement par l'armée française du village tunisien de Sakiet Sidi Youssef, qui abritait une base d'entraînement du FLN, provoque une grave crise politique : le 15 avril, le gouvernement démissionne ; durant un mois, le pouvoir est vacant. Le président de la République pressent comme président du Conseil P. Pflimlin (MRP), réputé libéral, et qui se présente de 13 mai devant l'Assemblée nationale pour être investi. Cette annonce provoque à Alger une insurrection : les partisans du maintien de l'Algérie française forment un Comité de salut public composé de civils et de militaires et présidé par le général Massu. Ce comité veut garder l'Algérie française et, pour cela, imposer un pouvoir qui y soit favorable en métropole. Le gouvernement de Pflimlin n'a pas les moyens de réduire l'émeute: en réalité, Alger n'obéit plus à Paris ; le pays est au bord de la guerre civile. 2. Le recours au général de Gaulle Le 15 mai 1958 à Alger, le général Salan, commandant en chef de l'armée, fait acclamer le nom du général de Gaulle par les manifestants : le général, retiré de la vie politique depuis 1953, apparaît comme le seul homme politique capable de mettre fin à la crise. Le 19 mai, de Gaulle se dit prêt à assumer les pouvoirs de la République. Alors que la situation se dégrade, des hommes politiques de toutes tendances se rallient à l'idée de son retour au pouvoir. Le général est investi le 1er juin 1958 et forme un gouvernement d'union nationale. L'Assemblée lui accorde les pleins pouvoirs pour six mois et le charge de préparer une nouvelle Constitution. Discréditée par l'instabilité ministérielle et les guerres coloniales, la IVe République, malgré un bilan positif dans le domaine économique et social, disparaît sans avoir su concrétiser les promesses de renouveau politique qu'elle incarnait à l'origine. 2