Le Joueur d`échecs - biblio
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Le Joueur d’échecs Stefan ZWEIG Livret pédagogique correspondant au livre élève n° 87 établi par Isabelle de Lisle, agrégée de Lettres modernes, professeur en collège et en lycée Sommaire – 2 SOMMAIRE R É P O N S E S A U X Q U E S T I O N S ................................................................................. 3 Lignes 1 à 311 (pp. 15 à 27) .................................................................................................................................................................. 3 Lignes 508 à 689 (pp. 38 à 44) .............................................................................................................................................................. 7 Lignes 1141 à 1444 (pp. 64 à 75) ........................................................................................................................................................ 11 Lignes 1568 à 1829 (pp. 83 à 91) ........................................................................................................................................................ 14 Retour sur l’œuvre (pp. 97 à 100) ........................................................................................................................................................ 19 Réponses aux questions du groupement de textes (pp. 122 à 132) ..................................................................................................... 20 E X P L O I T A T I O N C O M P L É M E N T A I R E D U G R O U P E M E N T ...................................................... 23 T A B L E A U D E S C O N T E N U S .................................................................................. 25 P I S T E S D E R E C H E R C H E S D O C U M E N T A I R E S ................................................................. 26 B I B L I O G R A P H I E C O M P L É M E N T A I R E ....................................................................... 27 Tous droits de traduction, de représentation et d’adaptation réservés pour tous pays. © Hachette Livre, 2014. 43, quai de Grenelle, 75905 Paris Cedex 15. www.hachette-education.com Le Joueur d’échecs – 3 RÉPONSES AUX QUESTIONS L i g n e s 1 à 3 1 1 ( p p . 1 5 à 2 7 ) u Avez-vous bien lu ? Czentovic a été élevé par le curé de son village parce que, à l’âge de 12 ans, il a perdu son père, un batelier du Danube. v Le maréchal des logis, un jour où le curé doit s’absenter, a l’occasion de jouer contre le jeune Czentovic et découvre son talent, ce que confirme l’ecclésiastique quand il affronte ensuite son pupille. w Le comte Simczic, qui a eu l’occasion de jouer contre le jeune homme, finance ses premiers pas dans le monde des échecs, c’est-à-dire un séjour d’un an à Vienne. x Après avoir été champion de Hongrie à 18 ans, Czentovic est champion du monde à 20 ans. y a) « le grand paquebot qui, à minuit, quittait New York, à destination de Buenos Aires » (l. 1-2) b) « À quatorze ans, il s’aidait encore de ses doigts pour compter » (l. 44-45) c) « Il voyageait beaucoup, mais descendait toujours dans les hôtels de troisième ordre » (l. 192 à 194) d) « Sitôt qu’il flaire un homme instruit, il rentre dans sa coquille ; ainsi, personne ne peut se vanter de l’avoir entendu dire une sottise ou d’avoir mesuré l’étendue de son ignorance » (l. 241 à 243) u u Étudier l’illusion de réel Le voyage du paquebot est présenté dès la première phrase : de New York à Buenos Aires. De compétition en compétition, Czentovic a traversé les États-Unis. Le lecteur situe l’action sur le continent américain, mais le nom même du champion d’échecs évoque l’Europe de l’Est et des lieux européens sont précisément mentionnés : le Danube sur lequel a navigué le batelier, père de Mirko ; le Banat et la « petite ville yougoslave » où se rendent le prêtre et son protégé ; Vienne où Czentovic va étudier pendant un an, la Hongrie dont il va devenir le champion à l’âge de 18 ans. On remarquera que l’Europe appartient au passé du personnage, comme à celui de l’auteur en exil. Toutes ces indications géographiques, en Amérique ou en Europe, permettent d’ancrer le récit dans la réalité et donnent au lecteur l’illusion que ce qu’il va lire est vrai. V Les informations Dès le début du récit, six champions d’échecs sont mentionnés ; nés à la fin du XIXe siècle ou au début du XXe, ils sont tous des contemporains de l’auteur. La mention de l’année 1922, date d’un tournoi dans lequel « Rzecewski, le jeune prodige de sept ans, s’était distingué », permet de comprendre que le voyage du narrateur est nettement postérieur à cette date (en réalité, le champion n’avait pas 7 mais 11 ans en 1922. Les impressions Le lecteur est d’abord impressionné par le génie de Czentovic et il a envie d’en savoir plus sur ce personnage. En effet, comparé à des champions renommés, connus du lecteur de 1942, Czentovic paraît plus doué encore. Par ailleurs, de même que les indications de lieu donnent l’impression que l’histoire est bien vraie, de même l’inscription du récit dans l’Histoire crée l’illusion de réel. Notre champion fictif côtoie des champions qui ont existé ; il est même présenté comme leur égal, ce qui amène le lecteur à croire à ce qui lui est raconté : « Il y avait environ un an, Czentovic était devenu d’un coup l’égal des maîtres les plus célèbres de l’échiquier. Aljechin, Capablanca, Tartakower, Lasker, Bogoljubow n’avaient plus rien à lui apprendre. » Le sujet du verbe renvoie à des personnes réelles alors que le COS, lui, désigne un être de papier. Cette rencontre grammaticale noue la réalité et la fiction. W Le récit cadre est mené à la 1re personne. La mention du paquebot au tout début annonce presque un récit de voyage, ce qui ajoute à la vraisemblance du cadre spatio-temporel (voir questions précédentes). Le lecteur a l’impression que le narrateur raconte un épisode de sa vie. U Réponses aux questions – 4 De plus, le lecteur qui connaît Zweig sait qu’il est en exil et qu’il a voyagé de New York à Buenos Aires sur un paquebot qui doit bien ressembler à celui qui est mentionné. La biographie de l’auteur contribue, elle aussi, à l’illusion de réel. u Étudier une ouverture originale Le premier paragraphe est écrit à l’imparfait. Les actions ne sont pas limitées dans le temps ; on ne sait pas depuis combien de temps elles ont commencé ni combien de temps elles vont durer, ce qui peut nous surprendre quand il s’agit du verbe « quitter » (premier verbe qui implique par définition une durée limitée). Que l’on parle de description ou d’imparfait de second plan, on se rejoint sur l’effet produit : Zweig pose un cadre nu (la description) ou un arrière-plan sans avant-scène. L’imparfait de cette ouverture crée un vide : le lecteur attend l’événement. Le récit n’a pas vraiment commencé et le « va-et-vient » évoque presque les préparatifs de la narration elle-même. at On relève : quittait (l.1) : « le grand paquebot » singulier. régnait (l.2) : « le va-et-vient » singulier. embarquaient (l.3) : « les passagers » pluriel. jetaient (l.5) : « des porteurs de télégrammes » pluriel. amenait (l.5) : « on » singulier. couraient (l.6) : « des enfants curieux » pluriel. jouait (l.7) : « l’orchestre » singulier. Les sujets au singulier sont tous des collectifs : de nombreux passagers sur le « paquebot », de nombreux musiciens dans l’ »orchestre »… On remarque ainsi que l’ouverture se fait au pluriel alors que le lecteur attend la singularité d’une histoire particulière. Le groupe nominal liminaire « le grand paquebot » se ramifie, se précise mais toujours au pluriel. Aucun individu ne se détache. Le lecteur a l’impression que le récit s’ouvre sur une absence d’événements (l’imparfait) et sur une absence de personnages. Voilà de quoi piquer sa curiosité. ak Deux groupes nominaux (classe grammaticale) compléments circonstanciels de lieu (fonction) ouvrent les deux premiers paragraphes : « Sur le grand paquebot », « Sur le pont-promenade ». Tous deux se rapportent au bateau et esquissent le cadre du récit, mais la seconde indication constitue un gros plan par rapport à la première. Après nous avoir donné une vision globale du paquebot (« à travers les salons », « du haut en bas du navire »), Zweig se focalise sur un lieu délimité tandis que les personnages s’individualisent. al Au début du deuxième paragraphe, on relève un « on » qui nous rappelle les personnages anonymes de l’ouverture du récit : « on photographiait ». Mais, cette fois-ci, trois individualités se détachent au singulier : le « je » personnage-narrateur, son « ami » et « un personnage de marque ». On n’apprend rien sur le narrateur hormis qu’il quitte New York pour l’Amérique du Sud ; de la même manière, aucun renseignement sur l’ami n’est fourni. L’article indéfini « un » accentue cet anonymat. Le troisième personnage, bien qu’accompagné par l’indéfini « un » lui aussi, est davantage caractérisé. Un complément du nom apporte une précision que les éclairs des photographes confirment : c’est un « personnage de marque ». Le lecteur est alors enclin à penser qu’il s’agit du héros du récit. am Lignes 1 à 7 (« Sur le grand paquebot » à « imperturbablement ») : récit à la 3e personne. Lignes 8 à 17 (« Sur le pont-promenade » à « Argentine ») : récit à la 1re personne. Lignes 18 à 21 (« Je me souvins » à « anecdotes ») : récit à la 1re personne. Lignes 22 à 34 (« Il y avait environ un an » à « universelle ») : récit à la 3e personne. Ce glissement d’un mode de narration à un autre ne manque pas de surprendre le lecteur en quête d’un personnage auquel s’attacher. Qui va-t-il suivre au fil des pages ? Personne en particulier, répond le premier paragraphe. La suite de l’incipit brouille les pistes en multipliant les réponses : un narrateur qui dit « je », un ami sans nom ou un plutôt peut-être, parce qu’il s’annonce original, l’« oiseau rare » qu’est Czentovic ? X Le Joueur d’échecs – 5 Une lecture rétrospective nous apprend que ce ne sera ni le narrateur, ni son ami, ni même le champion du monde, mais un obscur passager au départ fondu dans « le va-et-vient habituel du dernier moment ». L’image du bateau qui ouvre le roman évoque ce glissement d’un personnage à un autre, d’une forme de narration à une autre. Le paquebot s’éloigne de New York pour rejoindre l’Amérique du Sud : ce déplacement gomme tout décor, et le lecteur est prêt à se concentrer sur les personnages. Mais là s’opère un glissement qui s’apparente au mouvement même du navire : on passe de la 3e personne à la 1re, puis on retrouve la 3e personne pour découvrir le champion d’échecs. Un autre glissement évoque celui du navire : les passagers, le narrateur, puis l’ami et enfin Czentovic. an Lignes 35 à 207 (« Czentovic était » à « il étalait grossièrement ») : récit à la 3e personne. Lignes 208 à 243 (« Mais comment » à « l’étendue de son ignorance ») : récit à la 1re personne ; échange entre le narrateur et son ami. Lignes 245 à 311 (« L’expérience devait justifier » à « une planchette ») : récit à la 1re personne ; réflexions du narrateur. ao Le récit de la vie de Czentovic est dû à l’ami du narrateur comme le montrent les verbes « conclure » et « conter » employés page 23 : « “Mais comment un si prompt succès n’eût-il pas grisé une cervelle aussi vide ? “ conclut mon ami, après avoir conté quelques traits caractéristiques de la puérile suffisance de Czentovic » (l. 208 à 211). Pour cette raison, on peut parler de récits-emboîtés, le compte-rendu de l’ami étant inséré dans le récit cadre-du narrateur. u Étudier le portrait d’un personnage Ce sont tout d’abord les éclairs des photographes qui attirent l’attention du narrateur et de son ami. Le passager ainsi approché par les journalistes est un « personnage de marque » que l’ami qualifie d’« oiseau rare ». Un peu plus loin, le narrateur, bien qu’il n’ait pas immédiatement identifié le passager, se rappellera son « étonnante carrière ». Ces différents termes, en soulignant la singularité du champion, justifient des explications complémentaires. Un récit à la 3e personne enchâssé dans la narration à la 1re personne et attribué à l’ami apporte les précisions attendues. Mais, avant de raconter le parcours hors norme du champion, l’ami met en avant un paradoxe qui donne envie d’en savoir plus : comment un homme « incapable d’écrire une phrase, même dans sa propre langue » (l. 31-32) peut-il devenir « l’égal des maîtres les plus célèbres de l’échiquier » (l. 23) ? Voilà qui justifie pleinement l’analepse. « Ces propos de mon ami ne manquèrent pas d’exciter ma curiosité » (l. 224-225) : la rétrospective crée l’envie d’une découverte plus personnelle (« Les gens qui sont possédés par une seule idée m’ont toujours intrigué, car plus un esprit se limite, plus il touche par ailleurs à l’infini », l. 225 à 227). Cette fois-ci la curiosité n’est pas réduite à la personnalité du champion mais à une réflexion plus générale (le présent de vérité générale, « les gens », « un esprit ») sur la nature humaine et sa quête d’infini. Par la suite, c’est l’attitude même du joueur d’échecs qui pique la curiosité du narrateur. En effet, quand Czentovic se promène, c’est « toujours d’un air absorbé et farouche » (l. 250). Enfermé d’ailleurs « le plus clair de son temps dans sa cabine » (l. 255-256), il apparaît tellement inaccessible que le narrateur parle de « tactique défensive » (l. 257) et se montre « très contrarié » : « Je n’avais encore jamais eu l’occasion de connaître personnellement un champion du jeu d’échecs, et plus je m’efforçais de me représenter celui-ci, moins j’y parvenais » (l. 259 à 261). Comme le lecteur a tendance à adopter le point de vue du narrateur, il porte lui aussi sur Czentovic un regard intrigué et se demande si le passager correspond bien au portrait qui en a été fait. De plus, ce que dit le narrateur des hommes « possédés par une seule idée », limités mais proches « par ailleurs de l’infini », ouvre une perspective philosophique qui dépasse la simple histoire d’un destin particulier et peut également séduire le lecteur. aq On peut relever : « large front », « œil vide », « air absent et vague des moutons au pâturage », « tignasse blonde », « des yeux qu’on croyait endormis et indifférents ». Le portrait qui compare le jeune homme aux moutons est fortement négatif. Mais, si certaines expressions laissent entendre que le garçon est dénué d’intelligence (« vide », « absent », « endormis »…), d’autres ouvrent une nouvelle perspective : le « large front » suggère une pensée complexe, les yeux ne sont qu’apparemment « endormis et indifférents » (modalisateur « on croyait »). Comme souvent, le portrait physique suggère le portrait moral. ap Réponses aux questions – 6 Le lecteur, qui connaît le parcours extraordinaire du champion, découvre une curieuse personnalité dont l’intelligence va se réduire au seul territoire de l’échiquier. ar On relève : « apathique et taciturne », « une lenteur exaspérante », « n’entreprenait rien de son chef », « ne jouait pas avec les garçons de son âge », « silencieusement ». Ce repli sur soi semble s’expliquer d’abord par de faibles capacités intellectuelles : « il n’arrivait pas à retenir à l’école » ; « Mirko penchait son large front sur des caractères d’écriture qu’on lui avait déjà expliqués cent fois » ; « À quatorze ans, il s’aidait encore de ses doigts pour compter et ne lisait un livre ou un journal qu’au prix des plus grands efforts ». On voit également que le garçon est docile et qu’il fait ce qu’on lui demande : « Il faisait docilement ce qu’on lui ordonnait, portait l’eau, fendait le bois, travaillait aux champs, nettoyait la cuisine ; bref, il rendait consciencieusement […] tous les services qu’on lui demandait. » Un élément vient cependant contredire ce portrait négatif d’un jeune homme dépourvu d’intelligence : le garçon passe ses soirées à regarder le curé et le maréchal des logis jouer aux échecs (« L’adolescent approchait alors de la table sa tignasse blonde et fixait silencieusement l’échiquier »). as Sur le Danube : mort du père de Mirko ; ce dernier, âgé de 12 ans, est recueilli par « le curé de son village ». Au village : Mirko a 14 ans ; il ne sait toujours pas compter sans s’aider de ses doigts, lire couramment et retenir ce qu’on lui apprend. Au village, « un soir d’hiver » : Mirko, âgé de 15 ans, bat aux échecs le maréchal des logis puis le curé. Dans « la petite ville voisine » : Mirko bat les différents joueurs et gagne sept parties simultanées sur huit. À Vienne : « En six mois, Mirko apprit tous les secrets de la technique du jeu d’échecs » (l. 144-145). Hongrie : « à dix-huit ans, il était champion de Hongrie » (l. 165-166). Monde : « et à vingt, champion du monde » (l. 166). On le rencontre d’ailleurs sur un bateau qui le mène de New York à Buenos Aires. bt On peut relever : « ses connaissances étaient étroitement limitées » (l. 145) ; « Il était absolument incapable de se représenter l’échiquier en imagination dans l’espace » (l. 149-150) ; « son manque d’imagination » (l. 158) ; « ce rustre lourdaud et taciturne » (l. 177) ; « un individu comique et presque grotesque » (l. 183) ; « ongles laborieusement polis » (l. 186) ; « les manières et le maintien du jeune paysan borné qui balayait autrefois la chambre de son curé » (l. 186 à 188) ; « Sa cupidité ne reculait devant aucune mesquinerie » (l. 192), « aucun sens du ridicule » (l. 201) ; « une froide présomption qu’il étalait grossièrement » (l. 206-207). Czentovic a beau être exceptionnel et avoir un destin de conte de fées (un obscur orphelin devenu champion du monde) à la manière d’Andersen, il demeure antipathique. En effet, ce qui pourrait inspirer au lecteur de la compassion (par exemple, le « jeune paysan borné qui balayait autrefois la chambre de son curé ») est contrecarré par des expressions montrant des défauts inexcusables tels que la « cupidité » ou la « froide présomption ». Le lecteur ne s’attachera pas à ce personnage hors du commun, ce qui lui laissera ensuite la possibilité de s’attacher au véritable héros du récit. u Étudier la présentation d’un thème : les échecs Le temps dominant est le présent ; c’est un présent de vérité générale qui montre que le narrateur a quitté un moment le fil de son récit pour proposer une réflexion sur le jeu d’échecs. bl On relève : « cependant » (l. 273, adverbe) ; « mais » (l. 269, 274 et 276, conjonction de coordination) ; « pourtant » (l. 276, adverbe) ; « néanmoins » (l. 280, adverbe). bm Les connecteurs logiques relevés en réponse à la question précédente opposent deux à deux un certain nombre de caractéristiques du jeu d’échecs : - un jeu très ancien, perdu « dans la nuit des temps » mais « toujours nouveau » ; - une marche « mécanique » mais qui nécessite de « l’imagination » ; - l’« espace géométrique limité » de l’échiquier offre pourtant des combinaisons « illimitées » ; - il se développe (« développement continuel ») mais ne produit rien (« stérile ») ; - « une pensée qui ne mène à rien » mais qui est « plus durable […] que les livres ou que tout autre monument ». bk Le Joueur d’échecs – 7 Ces oppositions montrent toute la complexité du jeu d’échecs ; la personnalité du champion, homme rustre et génial à la fois, fait d’ailleurs écho aux paradoxes du jeu lui-même. Sans doute, à ce stade de l’histoire, le lecteur a-t-il envie d’en savoir plus sur le jeu comme sur le joueur ; peut-être s’interroge-t-il sur ce que cette complexité symbolise chez Zweig ? bn Les interrogations n’attendent pas de réponse : ce sont donc des interrogations rhétoriques. Les deux premières interrogatives commencent par « n’est-ce pas », les deux autres par « où » : le redoublement est souligné par le procédé de l’anaphore. Le passage marque une pause dans la narration, et les interrogations liminaires permettent d’introduire la réflexion en sollicitant le lecteur. Avant de surprendre avec une succession de cinq paradoxes, Zweig accroche notre attention en recourant à l’interrogation rhétorique. Mais il ne faudrait pas réduire ce procédé à un effet de manches destiné à capter l’attention. En effet, on devine ici toute la perplexité du narrateur (de l’auteur également bien entendu). La personnalité de Czentovic est incompréhensible : « Comment se figurer un cerveau exclusivement occupé, sa vie durant, d’une surface composée de soixante-quatre cases noires et blanches ? » (l. 261 à 263). Le jeu d’échecs lui-même est le foyer de mystérieux paradoxes. Peut-être ces interrogations sans réponses sont-elles également celles d’un écrivain exilé, privé de ses repères, face à un monde pris de démence ? u Lire l’image ! On distingue deux parties dans le tableau. À gauche, au second plan, se tient tout un petit groupe de personnages, certains restant dans l’ombre, voire apparaissant de dos. Au premier plan, à droite, séparé des autres par un espace vide, on peut reconnaître Napoléon. Il tourne le dos aux autres et ne se soucie donc pas des regards posés sur lui. Il est seul et contemple la mer ; sans doute représente-telle la liberté et l’aventure. Le costume de Napoléon diffère de celui porté par les autres personnages (chapeau, redingote), ce qui accentue la différence. bp Le cadre du bateau suggère sûrement au narrateur le tableau représentant Napoléon. Mais c’est le rapprochement entre l’Empereur solitaire et Czentovic qui est le plus intéressant, le groupe des personnages à gauche nous rappelant les passagers du paquebot. Comme Napoléon, le champion s’isole volontairement des autres ; son ascension fulgurante (comme l’est celle de Czentovic) explique cet écart. Faut-il voir, dans le fait que l’Empereur soit représenté au moment de son déclin, une façon pour le narrateur d’annoncer l’échec de Czentovic face à Monsieur B. ? bo u À vos plumes ! Le sujet proposé invite à reprendre deux des techniques employées par Zweig : le récit enchâssé et une présentation qui pique la curiosité du lecteur. On attend que l’analepse soit clairement insérée dans le récit et qu’elle associe étroitement l’analyse propre au portrait (« le caractère de ce personnage ») et la narration (« la vie »). L’expression « hors du commun » ne devra pas non plus être négligée. On pourra préciser le sujet en spécifiant que le personnage doit être réel ou fictif. Dans le second cas, on valorisera les devoirs qui auront su créer, à la manière de Zweig, une illusion de réel. bq L i g n e s 5 0 8 à 6 8 9 ( p p . 3 8 à 4 4 ) u Que s’est-il passé entre- temps ? On relèvera : amateur de whisky, amateur de cigares et vaniteux. MacConnor est un ingénieur écossais trapu ; il doit sa fortune aux puits de pétrole qu’il a forés. v Les propositions inexactes sont les propositions c) et f). c) Czentovic ne joue pas aux échecs pour moins de 250 dollars la partie. f) Durant la partie, Czentovic feuillette négligemment un journal tandis que ses adversaires se consultent. u Réponses aux questions – 8 MacConnor a très mal supporté son échec face au champion, et cette blessure d’amour-propre le métamorphose : « MacConnor paraissait avoir changé de nature » (l. 492-493). Il est pris d’une « folle passion » (l. 497) qui pourrait amener sa perte, comme le suggère la comparaison avec les joueurs de roulette. w u Avez-vous bien lu ? Les passagers, sans bien s’en rendre compte, étaient en train de perdre la partie quand un inconnu, en interrompant un coup, modifie la situation et amène le champion à se concentrer davantage sur le jeu : « Déjà, MacConnor poussait le pion, lorsque quelqu’un le saisit brusquement par le bras et lui chuchota vivement : “Pour l’amour du ciel, ne faites pas cela !” » (l. 528 à 530). y La deuxième partie jouée contre Czentovic est un match nul. U a) me : MacConnor ; vous : l’inconnu. b) il : Czentovic. c) le : Czentovic. d) vous : l’inconnu ; lui : Czentovic. e) il : l’inconnu. x u Étudier l’introduction d’un nouveau personnage Le pronom personnel « nous » apparaît 10 fois dans le passage pour représenter le groupe de passagers qui joue contre Czentovic. Le recours à la 1re personne se justifie car le narrateur fait partie du groupe. W Le nouveau personnage est successivement désigné par : - quelqu’un (l. 529) : pronom indéfini, sujet du verbe « saisir ». - homme (l. 531) : nom commun, COD du verbe « voir ». - que (l. 532) : pronom relatif, COD du verbe « remarquer ». - qui (l. 533) : pronom relatif, sujet du verbe « frapper ». - il (l. 534) : pronom personnel, sujet du verbe « devoir ». Le nom du nouveau personnage n’apparaît pas et les pronoms dominent. Le premier, un indéfini, n’apporte aucune précision ; les autres, deux pronoms relatifs et un pronom personnel, reprennent le mot « homme », lui aussi très imprécis. On peut remarquer que le nouveau personnage est tantôt sujet, tantôt objet des verbes du passage : il est à la fois quelqu’un qui agit, prend une initiative et quelqu’un que l’on regarde. X Czentovic est évoqué au début de notre passage, mais il n’intervient pas. Il est une instance supérieure : « qui voyait évidemment plus loin que nous » (l. 524). Mais ses intentions machiavéliques (« appât » l. 524, « traquenard » l. 526) échappent au groupe des joueurs : « nous soupçonnions Czentovic » (l. 523) ; « nous eûmes beau chercher et discuter, nous ne pûmes découvrir le traquenard » (l. 525526). Dans la suite du passage, Czentovic n’est pas mentionné, les regards des passagers et du lecteur étant posés sur l’inconnu. Ce dernier semble aussi mystérieux à sa manière que le champion du monde. En effet, alors que les joueurs se perdent dans l’élaboration d’une stratégie, le nouveau personnage se déplace sans attirer l’attention : « Il avait dû s’approcher de nous, pendant que nous étions absorbés tout entiers par le problème à résoudre » (l. 534-535). Ainsi, l’introduction du nouveau personnage invite les passagers (dont le narrateur) ainsi que le lecteur à déplacer leur regard : Czentovic s’efface pour laisser l’avant-scène à un inconnu qui suscite la curiosité de tous. V u Étudier les portraits contrastés Concernant MacConnor, on relève : - surpris (l. 544) : apposé au nom MacConnor ; - émerveillé (l. 545) : apposé au nom MacConnor ; - excité (l. 552) : apposé au pronom « il » ; - subjugué (l. 580) : apposé au nom MacConnor ; at Le Joueur d’échecs – 9 - débordant d’orgueil triomphant (l. 635-636) : apposé au nom MacConnor ; - bouillant (l. 650) : épithète du nom MacConnor. Quel que soit le sentiment éprouvé, MacConnor est présenté comme un personnage passionné, dominé par ses émotions. Concernant Czentovic, on relève : - songeur (l. 611) : attribut du sujet Czentovic ; - raide et indifférent (l. 624) : apposé au pronom « il » ; - impassible (l. 657) : attribut du sujet « champion ». À l’inverse de l’Écossais, le champion du monde maîtrise ses émotions et ne laisse rien paraître de ce qu’il ressent. Il est aussi possible de penser qu’il est dépourvu de tout sentiment, comme le laissait entendre le portrait brossé par l’ami du narrateur au début du récit. ak À plusieurs reprises, Zweig montre à quel point les passagers sont de piètres joueurs face au champion, ce qui souligne la supériorité de ce dernier. Tout d’abord, bien que nombreux et pressentant un traquenard dans le cadeau (un pion qui serait promu dame) que leur fait Czentovic, ils ne parviennent pas à réagir convenablement et ne jouent que parce que le temps imparti est achevé : « Finalement, le délai réglementaire touchant à sa fin, nous nous décidâmes à risquer le coup » (l. 527-528). Alors que le champion maîtrise parfaitement sa stratégie comme ses sentiments, les passagers ne savent pas se contrôler et se laissent « involontairement » perturber par l’arrivée de l’inconnu. Par la suite, le groupe autour de MacConnor est présenté comme incapable de comprendre le jeu des deux hommes. Plusieurs passages vont dans ce sens : « La précision et la rapidité de ses calculs étaient déconcertantes » (l. 560-561) ; « sans réfléchir » (l. 581) ; « Nous ne comprenions pas ce qu’il voulait dire, pas plus que s’il eût parlé chinois » (l. 579-580) ; « les deux adversaires se livrèrent sur l’échiquier à un manège auquel nous autres, comparses inutiles, ne comprenions rien du tout » (l. 608 à 610). On remarque également que les passagers s’effacent pour laisser s’affronter les deux joueurs hors pair. En s’écartant pour laisser l’inconnu voir l’échiquier plus commodément, ils semblent se retirer du jeu. MacConnor se met au service (« MacConnor obéit ») du nouveau venu en déplaçant les pions comme demandé. Leur rôle finit par se réduire à marquer le rythme de la partie : « nous frappâmes sur le verre », « je saisis la cuiller pour rappeler Czentovic en frappant sur le verre ». al Quelques notations descriptives permettent au lecteur de se représenter l’inconnu : « un homme d’environ quarante-cinq ans, au visage étroit et anguleux » (l. 532), « sa pâleur extrême » (l. 534). Ces éléments brossent le portrait d’un homme torturé (« étroit », « anguleux », « pâleur ») et hors du commun (« extrême ») et piquent la curiosité des passagers comme du lecteur. am L’inconnu se montre autoritaire en recourant très fréquemment au mode impératif à la forme négative ou affirmative : « ne faites pas cela ! » (l. 530) ; « N’avancez pas maintenant » (l. 553) ; « ne vous y laissez pas prendre » (l. 605) ; ou encore « évitez l’adversaire » (l. 553) ; « avancez la tour de C8 en C4 » (l. 574) ; « Obligez-le à choisir » (l. 606)… Le futur a également une valeur injonctive tout en montrant que l’inconnu maîtrise le jeu puisqu’il peut annoncer ce qui va se passer : « vous y parerez avec la tour » (l. 555-556) ; « vous ferez partie nulle » (l. 558) ; « vous attaquerez alors avec le cavalier » (l. 576)…. La tournure impersonnelle exprime également l’autorité d’un personnage qui domine parfaitement la situation : « Il faut éviter l’adversaire » (l. 568) ; « il n’est plus nécessaire de vous défendre » (l. 578). La modalité exclamative qui vient doubler les injonctions ainsi que l’adverbe modalisateur « certainement » contribuent également à exprimer la fermeté du personnage. an Alors qu’il s’est montré autoritaire tout au long de la partie engagée, quand MacConnor le convie à un nouvel affrontement contre le champion du monde, le mystérieux joueur perd toute son autorité. Les impératifs font place à un conditionnel d’atténuation (« je ne saurais », l. 643) tandis que les points d’exclamation sont remplacés par des points de suspension marquant le désarroi, voire le bégaiement (l’incise narrative « bégaya-t-il », l. 642) du personnage. Pour donner toute sa force à la narration, Zweig accentue les contrastes entre les personnages (MacConnor / Czentovic ; les néophytes / les champions) mais aussi dans le comportement même de l’inconnu, qui, autoritaire et sûr de lui quand il joue, se met à bégayer à la fin du passage. ao Première hypothèse L’inconnu est un professionnel ; il sait jouer et a étudié les maîtres : « Ce sont à peu près les positions qu’avaient Aljechin et Bogoljubow lors du grand tournoi de Pistyan en 1922 » (l.541-543), dit-il pour Réponses aux questions – 10 expliquer sa stratégie. Et nos personnages d’en déduire : « Pour prévoir neuf coups d’avance qui feraient mat, ce devait être un professionnel distingué, peut-être même un concurrent de Czentovic, se rendant au même tournoi » (l. 546 à 549). À la fin du passage, cette hypothèse est formulée à nouveau : « Ou bien était-ce un maître déjà célèbre, qui nous cachait son nom pour un motif impénétrable ? » (l. 677-678). Deuxième hypothèse L’inconnu est un génie méconnu : la « modestie presque excessive » (l. 674) de l’inconnu contraste avec « l’imperturbable arrogance du professionnel » (l. 675) qu’est Czentovic, si bien que l’on peine à ranger le personnage dans la catégorie des professionnels. À la fin du passage, une deuxième hypothèse est formulée : « Le hasard nous avait-il fait découvrir un nouveau génie de l’échiquier ? » (l. 676-677). Troisième hypothèse Dans la tradition du récit fantastique, une troisième hypothèse se profile : le joueur semble une créature surnaturelle. Sa « pâleur extrême » (l. 534) en fait un revenant, et le narrateur, parlant de « miracle » (l. 551), de « magie » (l. 564), fait du nouveau venu un « ange sauveur » (l. 546) tombé du ciel. Aucune de ces hypothèses n’est pleinement satisfaisante et ne répond aux interrogations des personnages (« Qui était cet inconnu ? », l. 675) ni à celles du lecteur. La connaissance des parties célèbres, la rapidité de jeu, le ton ferme du personnage contrastent avec son apparition/disparition, sa modestie et sa confusion. L’inconnu se comporte « bizarrement », et son comportement évoque la folie. L’anonymat complet du personnage et les différentes hypothèses formulées dans le récit luimême créent une tension dramatique qui suscite l’intérêt du lecteur. u Étudier les coups de théâtre successifs On relève : « avait frappé », « surpris », « soudaine intervention », « miracle », « de plus en plus étonnés », « déconcertantes », « inespérée », « magie », « inattendu », « l’invraisemblance », « surprenant », « bizarrement ». aq Le champ lexical de la surprise est fortement présent dans le passage car les rebondissements se succèdent : - L’intervention de l’inconnu « Surpris, MacConnor lâcha la pièce qu’il tenait dans sa main ». - Le talent de l’inconnu « La précision et la rapidité de ses calculs étaient déconcertantes ». – Czentovic a découvert un adversaire à sa mesure ; il devra s’asseoir et réfléchir, puis s’incliner « Alors se produisit un fait nouveau, inattendu : Czentovic leva les yeux et il examina nos rangs. Il cherchait manifestement à savoir qui lui opposait tout à coup une si énergique résistance » (l. 586 à 588) ; « Il se laissa tomber à regret et pesamment sur son siège ; qu’importe, il cessait ainsi de marquer physiquement sa supériorité sur nous » (l. 596 à 598) ; « Czentovic resta longtemps songeur, puis il déclara : « “Partie nulle.” » (l. 611-612). - L’étranger adopte un comportement étrange et refuse la revanche ; il quitte brusquement le fumoir « Un fait surprenant se produisit alors. L’étranger, qui était resté bizarrement absorbé par l’échiquier vide, sursauta » (l. 638-639) ; « C’est tout à fait impossible » (l. 642) ; « avant que nous fussions remis de notre surprise, il avait quitté la chambre » (l. 648-649). Tous ces rebondissements sont liés à la présence du mystérieux joueur. Qu’il s’agisse de sa façon de jouer, de son brusque départ ou du changement d’attitude de son adversaire, tout tient en une question : qui est cet étrange joueur d’échecs ? ar Jusqu’à présent, le titre du récit semblait désigner Czentovic sur qui les éclairs des photographes et le récit de l’ami avaient attiré notre attention. Mais le passage étudié opère un glissement : en s’asseyant, Czentovic laisse sa place à une nouvelle personnalité hors norme. Le lecteur passe d’un joueur d’échecs à un autre et comprend que le titre désigne le mystérieux nouveau venu plutôt que le peu sympathique champion en titre. ap u Lire l’image La photo se situe au moment de la rencontre entre les passagers et Czentovic. Le champion laisse MacConnor consulter ses amis et ne reste pas assis devant l’échiquier. Il ne viendra s’asseoir que lorsqu’il aura mesuré les qualités hors pair de l’inconnu. Sur la photo, MacConnor et le narrateur (en marron à droite) examinent la stratégie à adopter. Monsieur B., en arrière plan, est sur le point d’intervenir pour les aider. as Le Joueur d’échecs – 11 Le costume des personnages et les accessoires expriment leur caractère. Ainsi, vêtu de rouge, MacConnor aime se faire remarquer et dominer. Le tissu écossais rappelle son origine. Son attitude extravertie et autoritaire est parfois ridicule, ce qu’exprime sa tenue. Le cigare indique sa condition sociale élevée : c’est un ingénieur, il a les moyens de payer le champion du monde. Le narrateur porte un costume sérieux, ordinaire ; il se conforme aux règles et ne cherche pas à attirer l’attention ; sa position dans le récit est celle d’un témoin fiable. La cravate de Monsieur B. est dénouée, ce qui traduit un certain relâchement. Son costume trois pièces révèle son attachement aux traditions : il appartient au « monde d’hier » pour reprendre le titre de l’autobiographie de Zweig. Les lunettes font de lui un intellectuel. L’attitude des comédiens est aussi significative : la place en face de l’Écossais est vide car Czentovic ne prend pas la peine de réfléchir ; se tenant dans une autre partie du fumoir, il se désintéresse d’un jeu qu’il domine aisément. Aussi est-il absent de la photo. MacConnor, fumant son cigare, est sûr de lui, alors que Monsieur B. reste discrètement en arrière et semble peu confiant. bt u À vos plumes ! Les récits devront comporter deux étapes : dans un premier temps l’événement raconté se déroule comme prévu ; dans un second temps l’arrivée d’un nouveau personnage modifie le cours des choses. On valorisera les devoirs qui auront mis en avant le coup de théâtre, notamment en prenant soin de poser précisément le cadre prévu de l’événement. bk L i g n e s 1 1 4 1 à 1 4 4 4 ( p p . 6 4 à 7 5 ) u Que s’est-il passé entre-temps ? Le narrateur, en découvrant le joueur d’échecs sur un des ponts du navire, est frappé par le contraste entre la jeunesse du personnage et les marques de l’âge (« pose un peu lasse », « étonnante pâleur », l. 693). Il a l’impression que « cet homme avait vieilli prématurément » (l. 695-696). C’est bien entendu une façon d’amener le lecteur à se demander ce qui a pu provoquer ce vieillissement. v Le narrateur s’étonne de ce que le joueur, bien que ne connaissant pas la renommée de Czentovic, se rappelle les différentes tactiques des grands maîtres du jeu. Comme Monsieur B. a affirmé ne pas avoir touché un échiquier depuis le lycée, le narrateur suppose une étonnante connaissance théorique (« théoriquement du moins », l. 723). C’est cette remarque qui introduit le récit : « Dieu seul sait à quel point ce que vous venez de dire est vrai. Mais la chose se produisit dans des circonstances tout à fait particulières, voire uniques.» (l. 725 à 727). Après avoir invité le narrateur à s’asseoir à ses côtés, Monsieur B. va présenter ces circonstances. w Nom : il porte un nom autrichien connu, celui d’une vieille famille « très considérée ». Résidence : Vienne. Profession : avocat. x Dénoncé par un de ses commis chargé de l’espionner, Monsieur B. est arrêté car on le soupçonne d’être en relation avec les grandes familles autrichiennes dont la maison impériale (fin de l’Empire en 1918) et de connaître les secrets, notamment financiers, de ces familles. y Monsieur B. est enfermé dans une chambre de l’hôtel Métropole à Vienne et ce qui pourrait sembler un confort s’avère une torture car la solitude et le vide sont insupportables : « Autour de moi, c’était le néant, j’y étais tout entier plongé » (l. 875). U Le 27 juillet, Monsieur B. aperçoit un livre dans la poche d’un des manteaux suspendus dans l’antichambre de la salle d’interrogatoire et il le subtilise. Monsieur B. était retenu prisonnier à l’hôtel Métropole depuis quatre mois. u u Avez-vous bien lu ? Le manuel compte 150 parties. Monsieur B. en étudie quatre par jours : « deux parties le matin, deux parties l’après-midi, et le soir une brève révision des quatre » (l. 1203 à 1205). V Réponses aux questions – 12 Monsieur B. se fabrique un échiquier en pliant le drap quadrillé de son lit de façon à obtenir un plateau de 64 cases. Les pièces sont formées avec de la mie de pain prélevée sur les repas qui lui sont servis. X Monsieur B. sombre dans la folie quand, après avoir étudié toutes les parties du livre, il se met à jouer contre lui-même. at Monsieur B. est transféré à l’hôpital où il reprend conscience. W u Étudier la composition du passage Après avoir souffert de l’isolement et du vide, Monsieur B. parvient à subtiliser un livre. Il s’agit d’un manuel du jeu d’échecs présentant 150 parties jouées par des maîtres du jeu. L’entrée du livre dans la chambre vide de Monsieur B. est l’événement qui déclenche les péripéties racontées dans le passage. al Le récit de Monsieur B. s’organise en trois étapes. L’apprentissage des parties : « Au premier coup d’œil » à « environ trois mois » (l. 1141 à 1234). Le narrateur étudie les différentes parties du manuel, et ce travail intellectuel le réconforte et développe son assurance face à ses interrogateurs. Cette étape dure trois mois ; elle est déclenchée, comme tout le passage, par la découverte du livre. Le jeu contre soi : « Là, parvenu au point mort » à « “Échec !” ou “Mat !” » (l. 1234 à 1391). Le narrateur joue contre lui-même, et la folie le gagne progressivement. C’est le fait que le joueur ne puisse plus rien tirer du livre dérobé qui déclenche cette étape. Le séjour à l’hôpital : « Je ne puis vous dire comment » à « je me trouvais à l’hôpital » (l. 1392 à 1444). Le narrateur reprend peu à peu conscience ; il est heureux d’avoir quitté sa chambre d’hôtel. Cette étape est déclenchée par une crise de démence. ak u Étudier l’enchâssement des récits Récit enchâssé, Monsieur B. est le narrateur : « Eh ! bien » à « de toutes parts » (l. 1262 à 1266). Récit cadre, le passager découvert dès la première page est le narrateur : « Monsieur B. se renversa » à « poursuivit » (l. 1267 à 1270). Récit enchâssé, Monsieur B. est le narrateur : « Jusqu’ici » à « représenter » (l. 1271 à 1288). an Le premier passage appartenant au récit de Monsieur B. s’achève par des expressions très sombres : « écrasé », « néant horrible », « cernait de toutes parts ». Cette horreur justifie une pause durant laquelle s’effectue le retour au récit cadre. Le narrateur écoute Monsieur B. ; il le regarde également. Aussi profite-t-il de la pause du fabuleux joueur pour évoquer son attitude : « Monsieur B. se renversa sur sa chaise longue et ferma les yeux un instant. » Zweig soigne la vraisemblance de l’enchaînement des récits. Le second passage appartenant au récit enchâssé est introduit par un verbe qui clôt le court retour au récit cadre en introduisant les propos enchâssés : « Puis il se redressa et poursuivit ». Le mouvement même du personnage semble donner de l’élan à la conduite de la narration. ao On peut trouver plusieurs raisons à l’interruption du récit de Monsieur B. - La rupture dynamise le récit, introduit un peu de vie, sollicite l’attention du lecteur. - Le retour au récit cadre permet de rappeler que la narration de Monsieur B. trouve sa place dans un ensemble plus large et que le joueur n’est pas le narrateur principal de la nouvelle. - Le passage appartenant au récit cadre souligne la gravité de l’expérience vécue par Monsieur B. : « ferma les yeux », « souvenir importun », « tic ». Le retour au récit cadre signale un changement dans le récit enchâssé. Comme l’explicite Monsieur B. lui-même, ce qui va suivre sera différent de ce qui vient d’être raconté. En effet, il oppose un « jusqu’ici » et une « suite ». L’adjectif « nouvelle » exprime également un changement dans le cours des événements vécus par Monsieur B. am u Étudier un récit de forme autobiographique On relève : - je (ou j’) : pronom personnel ; - moi : pronom personnel ; ap Le Joueur d’échecs – 13 - ma : déterminant possessif ; - mes : déterminant possessif ; - me (m’) : pronom personnel. aq Différentes époques se trouvent réunies dans le passage. Le temps du lycée durant lequel Monsieur B. a eu l’occasion « de faire marcher des pions sur un échiquier ». On relève « avais essayé », un indicatif plus-que-parfait. Le moment où le prisonnier a dérobé le livre. On relève « avais escamoté » et « avait éveillé », tous deux à l’indicatif plus-que-parfait. Le moment de la découverte du livre. On relève le passé simple « fus » et l’imparfait « pouvais ». Le dernier verbe du paragraphe est un présent de vérité générale (« peut ») : l’action est vraie au passé comme au moment où le narrateur l’évoque. Les verbes au conditionnel passé première forme (« j’aurais […] jeté ») ou deuxième forme (« N’eussé-je pas été enfermé » : voix passive) permettent d’imaginer des actions qui n’ont pas eu lieu. ar Monsieur B. raconte ce qui lui est arrivé, mais son récit n’est pas une simple succession de faits. Il s’agit pour lui d’analyser. En effet, d’une part, il situe les événements les uns par rapport aux autres et effectue un retour en arrière (le lycée) destiné à expliquer l’action principale. D’autre part, il dépasse le simple cadre de l’histoire pour avancer des remarques générales : « On ne peut jouer aux échecs sans partenaire » ; et il émet au conditionnel des hypothèses, imagine un autre parcours. Ainsi, la narration est complexe (plusieurs époques dans le même paragraphe) et sert de support à une analyse. u Étudier l’expression de la folie Monsieur B. devient fou quand il a terminé d’étudier les différentes parties proposées dans le manuel. Les échecs étant devenus sa façon de surmonter l’emprisonnement, il ne peut que continuer à jouer et se retrouve obligé de créer ses propres parties et, donc, de jouer contre lui-même. Ce dédoublement de personnalité le précipite dans la folie à laquelle il avait tenté d’échapper en jouant de tête aux échecs. bt Différents temps de l’indicatif sont employés dans le passage. L’imparfait - L’imparfait est le temps dominant. C’est un imparfait itératif. La répétition des actions peut être comprise comme un signe de folie, mais c’est en revenant à la valeur fondamentale de l’imparfait que l’on comprend mieux comment l’emploi de ce temps exprime l’emprise de la démence. L’imparfait, en effet, exprime des faits non définis dans le temps, ce qui signifie que, ne connaissant ni le début ni la fin de l’action, on a l’impression que le temps ne s’écoule pas. C’est ce qui se passe ici : dans sa folie, le joueur a perdu tout repère, le temps n’a plus de signification pour lui. Le passé simple - Le passé simple apparaît dans le troisième paragraphe ; il marque un retour au temps et annonce le dénouement : « Cette monomanie finit par m’empoisonner corps et âme » (l. 13821383). Le plus-que-parfait - On relève un plus-que-parfait qui exprime une antériorité par rapport à la situation évoquée et dresse un bilan (« J’étais devenu si faible […] que je ne portais un verre à mes lèvres qu’au prix d’un gros effort », l. 1385 à 1387) dont les conséquences sont précisées dans la subordonnée consécutive. Le présent - Le présent de narration (« sait », « trouve », l. 1379 et l. 1380) est clairement associé à l’adverbe « aujourd’hui » : il exprime l’analyse caractéristique de la démarche autobiographique. La réflexion débouche sur une généralisation : « celui d’“intoxication par le jeu d’échecs” qui n’est pas encore dans le vocabulaire médical » (l. 1380 à 1382). Le présent a ici une valeur de vérité générale. bk Le verbe « galvaniser » est à l’imparfait de l’indicatif passif : « j’étais galvanisé par une force sauvage » (l. 1388). Le recours au passif exprime l’incapacité du personnage à agir ; il subit l’action d’une « force sauvage » (le complément d’agent) qui le dépasse. Grammaticalement et intellectuellement, Monsieur B. a perdu son statut de sujet en sombrant dans la folie « sauvage » qui a pris possession de lui. bl On peut relever : « quart d’heure » (l. 1360) ; « deux minutes » (l. 1361) ; « le soir » (l. 1363) ; « l’instant d’après » (l. 1366) ; « d’un trait » (l. 1365) ; « une minute » (l. 1369) ; « toute la journée » (l. 1370) ; « sans arrêt » (l. 1371) ; « toujours plus vite » (l. 1371) ; « plus vite, plus vite » (l. 1377). Ces indicateurs de temps montrent bien que la folie de Monsieur B. est liée à une perception erronée du temps ; de la même manière, sa perception de son environnement est faussée : « à travers un as Réponses aux questions – 14 brouillard rougeâtre » (l. 1389). Le lecteur est sensible à la précipitation et à l’accélération qui manifestent toutes deux le désordre mental du personnage. bm Plusieurs éléments viennent présenter la passion de Monsieur B. pour les échecs comme une monomanie. Le joueur ne pense plus qu’à jouer, et rien d’autre n’existe pour lui. Ainsi, alors qu’auparavant Monsieur B. rêvait de sortir de sa chambre, il ne pense plus qu’à retourner entre ses quatre murs pour poursuivre inlassablement les parties entreprises : « je n’attendais, dans ma passion avide, que le moment d’être reconduit dans ma chambre pour y reprendre mon jeu » (l. 1357-1358). Les interrogatoires semblent ne plus exister ; de même, les repas sont oubliés : « Souvent, mon repas était encore intact le soir dans son écuelle, car j’en oubliais de manger » (l. 1362-1363). Toute autre occupation ayant été bannie, le jeu occupe tout l’esprit de Monsieur B. et l’on peut parler de monomanie : « Je ne faisais absolument rien d’autre que de jouer toute la journée » (l. 1369-1370). bn Monsieur B. est affecté de différents troubles qui traduisent sa souffrance et préparent la crise. Il oublie de manger et maigrit. Bien qu’il boive beaucoup, le joueur a toujours soif et sa bouche reste sèche. Son sommeil est également perturbé : « mon sommeil devint agité, intermittent », « mes paupières étaient de plomb » (l. 1383). L’excitation constante provoque des tremblements : « mes mains tremblaient tellement que je ne portais un verre à mes lèvres qu’au prix d’un gros effort » (l. 1385 à 1387). À la fin du passage, la faiblesse du personnage est extrême. bo Certaines expressions temporelles montrent la progression de la folie : les adverbes « déjà », « ne…plus », « peu à peu ». Le comparatif joue un rôle similaire en montrant l’accélération du temps : « plus vite », « plus pressé », « pas assez prompte ». Les verbes de modalité expriment également la gradation : « Cette monomanie finit par m’empoisonner », « mon sommeil devint agité », « j’étais devenu si faible ». Le lecteur peut aussi rapprocher le début du passage où l’on voit Monsieur B. boire (« je vidais ma carafe d’un trait ») et la fin où il a du mal à porter le verre à ses lèvres. u À vos plumes ! Le sujet proposé amène l’élève à choisir un roman dont il va pouvoir parler. De même que Zweig montre comment le jeu d’échecs permet à Monsieur B. de développer ses qualités intellectuelles mais le conduit à la folie, les élèves devront montrer l’impact du roman retenu sur la vie du prisonnier. Ici, l’analyse devra se mêler à la narration et l’on valorisera les copies qui auront su évoquer des moments précis, voire des phrases, du roman choisi. bp L i g n e s 1 5 6 8 à 1 8 2 9 ( p p . 8 3 à 9 1 ) u Que s’est-il passé entre-temps ? Lignes 1466 à 1478 : Narrateur : le médecin - Thème du récit : la crise de folie. Lignes 1445 à 1466 et 1479 à 1529 : Narrateur : Monsieur B. - Thème du récit : ce qui s’est passé après la crise. Lignes 1530 à 1567 : Narrateur : narrateur principal - Thème du récit : l’affrontement des deux joueurs. u v Événements historiques Vie de Monsieur B. Anschluss Arrestation et emprisonnement de Monsieur B. Libération de Monsieur B. Occupation de la Tchécoslovaquie Le médecin aide Monsieur B. car il connaît la renommée de sa famille et il désapprouve les méthodes employées par la Gestapo. w Le Joueur d’échecs – 15 u Avez-vous bien lu ? La partie dure environ trois heures. En effet, « au quarante-deuxième coup, la partie avait duré deux heures trois quart » (l. 1626-1627) ; ensuite, Monsieur B. joue de telle sorte que Czentovic se trouve dans une impasse : « du revers de la main, il repoussa les pièces de l’échiquier » (l. 1670-1671). C’est Monsieur B. qui remporte la première partie. y Dix-neuf coups sont joués dans la seconde partie, avant que Monsieur B., devenu fou, glisse dans une partie imaginaire et déclare forfait. U Le narrateur, qui a perçu chez Monsieur B. des signes de folie, s’inquiète de ce que son compatriote accepte de jouer à nouveau contre le champion, alors qu’il avait bien précisé, lors de l’entretien sur le pont, qu’il ne jouerait qu’une seule partie afin de ne pas sombrer dans la démence. Pour ces raisons, le narrateur tente d’empêcher Monsieur B. de jouer : « Cela suffit ! […] ne jouez plus ! C’est assez pour aujourd’hui, vous êtes trop fatigué » (l. 1696-1697). V À la fin de la seconde partie, le narrateur ramène Monsieur B. à la réalité, d’abord en l’empoignant par le bras et en le pinçant, puis en lui montrant la cicatrice de la blessure qu’il s’est faite lors de sa précédente crise de démence : « Remember ! lui murmurai-je seulement, et je passai le doigt sur la cicatrice qu’il portait à la main. » (l. 1798-1799). x u Étudier l’illusion de réel dans l’ouverture du passage Différents temps sont utilisés dans le premier paragraphe. Le plus-que-parfait (« étions réunis », « s’étaient joints »). Ce temps exprime l’antériorité par rapport au moment de la partie. Plus loin, le plus-que-parfait « avaient intéressés » exprime une antériorité par rapport à « essayâmes » (le lendemain). Le passé simple (« fit », « engagea »). Ce temps exprime des actions de premier plan durant la partie. Plus loin, le passé simple « essayâmes » est aussi une action en avant-scène, mais elle se déroule le lendemain. L’imparfait (« mettait », « retrouvions »). Ce temps exprime une action située en arrière-plan de faits racontés au passé simple, « engagea » pour le premier et « essayâmes » pour le second. Le présent (« regrette », indicatif et « soit perdue », présent du subjonctif passif). C’est un présent de l’énonciation qui correspond au moment où le narrateur écrit ce qui lui est arrivé. Le passé du subjonctif (« se soit déroulée »). C’est un temps de l’énonciation qui exprime une antériorité par rapport au présent « regrette ». Pour « soit perdue » et « se soit déroulée », le subjonctif (en proposition subordonnée) est demandé par le verbe de la principale, « regrette », qui exprime un sentiment. L’intrusion du présent de narration au cœur du récit vient nous rappeler l’existence du narrateur et lui donner une épaisseur psychologique qui permet l’illusion de réel. X La comparaison avec Beethoven met en relation un fait réel (les improvisations du compositeur) et une situation fictive de façon à donner au lecteur l’illusion que la partie d’échecs a existé tout comme les improvisations de Beethoven. at La moitié du paragraphe est consacrée à l’impossibilité de rapporter fidèlement la partie qui a mis en échec le champion du monde. L’affrontement est présenté d’emblée comme « mémorable » pourtant les mémoires n’en ont pas gardé trace… Zweig explique le fait : d’une part, les spectateurs n’étaient pas assez compétents pour retenir le déroulement des coups et, d’autre part, ils s’attachaient plus à la personnalité qu’à la stratégie des joueurs. Pour donner plus de crédibilité à ces éléments, Zweig raconte que les témoins ont, malgré tout, essayé le lendemain de « reconstituer la partie de mémoire » mais vainement. De cette manière, la dimension exceptionnelle de la partie est soulignée de même que le tempérament singulier des deux joueurs. De plus, que le narrateur raconte avoir tenté de fixer le jeu tout en avouant ses faiblesses (« d’aussi incompétents spectateurs ») crée une illusion de sincérité qui donne l’impression que l’histoire est vraie. C’est également une façon de dispenser l’auteur de se montrer à la hauteur de ses personnages imaginaires en rapportant une partie brillante mais fictive qui pourrait décevoir quelques lecteurs spécialistes du jeu... W Réponses aux questions – 16 u Étudier la tension dramatique Dès le premier paragraphe, l’adjectif « mémorable » (l. 1572) annonce le caractère exceptionnel de la première partie d’échecs. Par la suite, la rapidité avec laquelle joue Monsieur B. justifie cette présentation : il « ne regardait l’échiquier qu’une minute avant de jouer. Il semblait toujours avoir prévu les intentions de l’adversaire » (l. 1592-1593). À partir du « septième ou huitième coup » (l. 1593), la stratégie des joueurs échappe aux spectateurs ; les deux joueurs semblent en effet évoluer dans des sphères inaccessibles au commun des mortels : « nous ne pouvions comprendre les buts stratégiques de ces mouvements » (l. 1604-1605). Le déplacement des pièces devient un mystérieux ballet où celles-ci composent « leurs étranges arabesques » (l. 1599), tissant un impénétrable « sens caché » (l. 1600). Le dénouement de la partie est présenté comme particulièrement exceptionnel. Et, alors même que l’auteur cherche à créer une illusion de réel, c’est l’adjectif « invraisemblable » qui est employé : « L’invraisemblable s’était produit » (l. 1673). Les antithèses renforcent la singularité de la situation : « champion mondial » (l. 1674) ; « vainqueur d’innombrables tournois » (l. 1674) / « inconnu » (l. 1675) ; « cet anonyme » (l. 1677). La réaction des spectateurs est à la hauteur : « émotion » et « joyeux effroi » ; « nous nous étions tous levés » (l. 1679 et 1681). al Rappelons d’abord que les parcours des deux joueurs sont opposés. Quand Czentovic est un habitué des tournois et se retire chaque jour dans sa cabine pour s’entraîner, Monsieur B. est un inconnu qui n’a pas « touché à un échiquier depuis vingt ou vingt-cinq ans », c’est-à-dire depuis le lycée. Leurs façons de jouer sont très différentes. Le narrateur souligne la lenteur de Czentovic, et l’on devine qu’il doit se concentrer beaucoup pour parvenir à affronter Monsieur B. D’ailleurs, alors que l’inconnu a déjà constaté que son adversaire avait perdu, il faudra une dizaine de minutes au champion pour avouer son échec en renversant les pièces. Autant Czentovic est immobile et concentré, autant Monsieur B. se montre désinvolte, voire agité. Au début de la partie, cette désinvolture est signe de facilité : « il ne voyait dans le jeu que le plaisir qu’il lui causait, nous donnait avec désinvolture des explications entre les coups, allumait une cigarette d’une main légère » (l. 1588-1591). Le joueur inconnu est beaucoup plus habile que le champion du monde car il n’a pas besoin de réfléchir : « Il était évident qu’il calculait ses coups cent fois plus vite que Czentovic » (l. 1614-1615). Mais, petit à petit, l’insouciance devient une agitation annonciatrice de la folie. On voit Monsieur B. s’irriter, allumer « nerveusement cigarette sur cigarette » (l. 1611). Le narrateur perçoit le changement : « Je remarquai avec inquiétude qu’il s’agitait de plus en plus sur son siège » (l. 1610-1611). L’opposition entre les deux façons de jouer confère tout son relief à la scène et touche le lecteur, chaque attitude faisant ressortir par contraste le comportement adverse. am Au début, les spectateurs sont curieux. Deux officiers du bord ont même demandé l’autorisation d’assister à l’affrontement tant il promet d’être exceptionnel. Mais très vite la lassitude gagne le public ; le tournoi est présenté comme décevant car les stratégies des joueurs échappent aux spectateurs : « Nous ne saisissions ni les intentions des adversaires ni dans quel camp se trouvait l’avantage » (l. 1600-1601). De plus, la partie s’éternisant en raison des temps de réflexion prolongés de Czentovic, la fatigue et l’ennui se font sentir : « un regard hébété de fatigue » (l. 1628). Les deux officiers qui nous permettaient de mesurer le degré de curiosité au début de la rencontre nous montrent maintenant cet ennui : l’un est parti et l’autre lit. Puis, lorsque Monsieur B. laisse entendre qu’il a gagné, l’attention devient à nouveau soutenue : « L’attente devenait intolérable pour Monsieur B. comme pour nous » (l. 1651-1652), « Chacun regarda anxieusement ce qu’il allait faire » (l. 1669). Mais, quand Monsieur B. se met à arpenter le fumoir, le narrateur nous fait part de ses propres réactions, lui qui connaît le passé de Monsieur B. Ce qui est chez les autres un simple étonnement devant le comportement étrange du mystérieux joueur devient, chez lui, de l’inquiétude : « Tout le monde le regardait, un peu surpris, et moi, j’étais plein d’inquiétude » (l. 1654-1655). La capitulation de Czentovic et la victoire de son adversaire déclenchent des sentiments contradictoires résumés dans l’oxymore « joyeux effroi » (l. 1681). Le récit de la seconde partie est davantage centré sur les deux joueurs, et l’on voit assez peu les sentiments des spectateurs : « Nous attendions le cœur battant » (l. 1717). Le narrateur, quant à lui, continue à observer la progression de l’ancienne folie et s’en inquiète : « Il allait perdre la tête, j’en eus l’irrésistible pressentiment » (l. 1735-1736). ak Le Joueur d’échecs – 17 Ce n’est qu’à la toute fin de la nouvelle que les spectateurs, incapables de comprendre ce qui s’est joué devant eux, reprennent conscience : « Les autres demeuraient là, vaguement conscients d’avoir échappé à je ne sais quel danger » (l. 1822-1823). an Page 82, Monsieur B. a annoncé qu’il ne jouerait qu’une seule partie contre le champion car son médecin l’avait averti des risques qu’il courait en s’intéressant à nouveau aux échecs. Cette révélation, placée en conclusion de ses confidences, ne peut pas avoir échappé au lecteur. Ainsi, lorsque Monsieur B., malgré sa résolution, accepte de jouer une nouvelle partie contre Czentovic, le lecteur ne peut que s’inquiéter et imaginer que la folie va s’emparer à nouveau du personnage. u Étudier l’expression de la folie Le comportement de Monsieur B. à la fin de la première partie s’oppose à son attitude au début de la rencontre. Il en va de même pour la seconde partie. Au début, Monsieur B. se montre désinvolte et agréable, « parfaitement dégagé et libre dans ses mouvements » (l. 1587). Il maîtrise le jeu (« Il semblait toujours avoir prévu les intentions de l’adversaire », l. 1592) au point d’avoir le temps de donner des explications à son public. À la fin de la partie, l’humeur légère du joueur a fait place à l’excitation et à l’agressivité : « un regard de défi où couvait une lueur brûlante » (l. 1638). Au début de la seconde partie, Monsieur B., à l’inverse du premier affrontement, se montre nerveux et fébrile. Le narrateur observe sa « hâte fiévreuse » (l. 1689), son « excitation exagérée » (l. 1692), le tic qui fait « tressaillir toujours plus souvent le coin de sa bouche » (l. 1693-1694). À la fin de la partie, avant de pousser le cri qui fera sursauter tout le monde, Monsieur B. a perdu toute excitation ; il est au contraire, « immobile » (l. 1758) et « hagard » (l. 1759), absent à ce qui se passe dans le fumoir. ap Les expressions de temps qui expriment la lenteur : « tarda longtemps », « sa lenteur » (répété), « quatre grandes minutes », « attendions », « attend », « tarde, tarde encore », « lent », « le loisir », « interminables », « pas plus rapidement », « ces attentes », « il attendit sept minutes », « continua à se traîner à ce rythme mortel », « sans arrêt », « interminables », Les expressions qui expriment la précipitation : « aussitôt », « déjà », « excitation », « il éclata », « vite, toujours plus vite », « impatience », « rire bref », « rire sec », « une minute lui suffisait », « éclater tout à coup ». Alors que Czentovic cherche à désorienter son adversaire en ralentissant la partie jusqu’à atteindre un « rythme mortel », Monsieur B. est fébrile. Sa façon de jouer et ses gestes sont précipités. Ce décalage souligne la personnalité opposée des joueurs, dynamise le récit et laisse présager une fin tragique car Monsieur B. supporte de moins en moins la lenteur calculée du champion. À la fin du passage, il semble avoir adopté – mais en dehors de la partie en cours – l’immobilité de son adversaire, ce qui marque un tournant et inquiète le narrateur comme le lecteur. aq Monsieur B. présente différents symptômes de la folie. L’agitation : « il s’agitait de plus en plus sur son siège » ; « il allumait nerveusement cigarette sur cigarette » ; « il se mit à trembler de tout son corps » ; « une hâte fiévreuse » ; « exalté » ; « Le tic faisait tressaillir toujours plus souvent le coin de sa bouche, et tout son corps tremblait, comme secoué par une fièvre subite » ; « excitation anormale » ; « il se pencha, en avant, en arrière, et se mit à tambouriner du doigt sur la table ». La soif : « Il commença à se faire servir des bouteilles d’eau minérale qu’il avalait précipitamment » ; « il avait déjà avalé trois verres d’eau ». L’agressivité : « expression de contrariété presque hostile » ; « d’un air méchant » ; « sur un ton violent, presque grossier » ; « un rire sec et méchant ». Sa façon d’arpenter la pièce : « Il arpentait toujours le même espace ; on eût dit qu’une barrière invisible l’arrêtait au milieu de la chambre et l’obligeait à revenir sur ses pas ». L’immobilité qui montre que Monsieur B. a quitté la partie : « pour s’occuper de tout autre chose », « immobile sur sa chaise » ; « un œil hagard ». ar Le comportement étrange de Monsieur B. durant les deux parties qu’il joue contre Czentovic s’explique par son passé de prisonnier. Comme il l’a lui-même confié au narrateur de la nouvelle, en jouant à nouveau aux échecs il risquait de sombrer dans la folie. Monsieur B. reproduit la vie qu’il menait dans sa chambre de l’hôtel Métropole : il éprouve la même soif dévorante, arpente le fumoir comme s’il s’agissait de la pièce dans laquelle il était enfermé : « Je ao Réponses aux questions – 18 compris en frissonnant qu’il refaisait sans le vouloir le même nombre de pas que dans sa chambre d’hôtel » (l. 1658-1660). La cicatrice elle-même, signe tangible de la première crise, devient étrangement (la nouvelle frôle le fantastique) plus marquée : « la cicatrice, sur sa main, devenait plus rouge et plus marquée » (l. 1725-1726). u Étudier la symbolique du jeu d’échecs Zweig nous dit clairement que l’affrontement entre les deux hommes dépasse le simple jeu, aussi perfectionné soit-il : « Ce n’étaient plus deux partenaires qui voulaient éprouver leur force en s’amusant, c’étaient deux ennemis qui avaient juré de s’anéantir réciproquement » (l. 1706 à 1708). Il est question de « dangereuse tension » (l. 1705), de « haine passionnée » (l. 1706) et les joueurs contiennent difficilement leur agressivité. L’un parle sur un « ton violent, presque grossier » (l. 1702-1703) ; l’autre, « dur comme un poing fermé » (l. 1704), cherche à irriter son adversaire en jouant lentement. Il ne s’agit plus simplement d’un jeu mais de l’affrontement de deux personnalités contraires. Monsieur B. est, avant que la folie ne prenne le dessus, un homme cultivé et agréable tandis que Czentovic est un homme inculte, taciturne et sans scrupules. Au-delà du jeu et même des personnes, ce sont deux civilisations qui s’affrontent, Monsieur B. étant sans doute assez proche de Zweig luimême, par sa culture, son origine viennoise, son naturel curieux… bt La métaphore filée de la guerre invite à voir, dans la partie d’échecs, autre chose qu’un simple jeu. On peut relever : « bataille », « plan précis », « lutte », « camp », « généraux », « troupes », « brèche », « lignes ennemies », « buts stratégiques ». Certains termes comme « adversaire » ou « stratégiques » sont communs aux échecs et au monde de la guerre. Mais le glissement d’un thème à l’autre ne saurait être anodin en 1941, juste avant que l’écrivain ne se suicide. La partie d’échecs est une représentation symbolique de l’Europe en guerre : deux forces s’affrontent et le monde les regarde, prêt à intervenir comme aux échecs. bk Czentovic est obtus, intéressé et dépourvu de sentiments. Il pense à asseoir sa domination, vit reclus dans sa cabine et s’entraîne pour mieux vaincre. Il ne parle pas et ne s’intéresse qu’à son jeu. Le monde se réduit, pour lui, à un échiquier. N’en est-il pas de même, au sens propre cette fois-ci, pour Hitler qui déplace ses pions en Europe et anéantit des peuples sans état d’âme ? Face à lui, Monsieur B. représente la culture traditionnelle européenne, ouverte et tolérante. Il est affable, soucieux des autres : on le voit donner des explications à ceux qui assistent à la partie. Mais, au fil des deux parties, lorsque le passé resurgit, la folie le gagne et le présent reproduit le terrible emprisonnement. Il devient agressif, aussi grossier que son adversaire. Monsieur B. (alias Zweig et la culture européenne des Lumières) sombre dans la folie. Certes, il a pu quitter l’hôtel Métropole et son pays avant que n’éclate la guerre ; mais les traces laissées par la torture morale qui lui a été infligée sont indélébiles. La monstruosité nazie est venue à bout de la culture que représente Monsieur B., et l’échec face à Czentovic dans la seconde partie marque la victoire de la force inculte (le nazisme et Czentovic). Les spectateurs sont surpris par l’attitude étrange de Monsieur B. La partie qui se déroule sous leurs yeux leur échappe ; les coups sont d’« étranges arabesques » dont le « sens caché » est inaccessible. Ce qui se passe en Europe et qui est en train de gagner le monde (le Brésil notamment) est incompréhensible. Le regard inquiet du narrateur est plus perspicace ; il exprime toute l’angoisse de ceux qui ont les yeux rivés sur l’Europe en ruine. Le suspense de la nouvelle se confond avec l’angoisse et le désespoir de l’écrivain. Et l’échec de Monsieur B. (contre Czentovic et contre la folie) annonce l’abandon de Zweig lui-même. as u Lire l’image Les personnages vivent sous la Renaissance et appartiennent à un milieu aisé, comme l’indiquent leurs costumes. Ils sont très nombreux, ce qui montre que le jeu d’échecs est une activité sociale ; bien qu’il n’implique que deux joueurs, ce jeu attire un public que le peintre a choisi de montrer dans sa diversité. bm Certains personnages comme l’homme juste à côté de la femme sont intéressés par le jeu et semblent même prêts à intervenir comme le suggère la main de l’homme juste au-dessus de bl Le Joueur d’échecs – 19 l’échiquier. Dans la nouvelle de Zweig, c’est Monsieur B. qui intervient ; mais, auparavant, MacConnor s’était approché de la partie que jouaient le narrateur et son épouse. Les autres personnages ne suivent pas la partie ; ils parlent ou bien, lassés, se sont endormis comme le joueur au premier plan à gauche. Les échecs sont alors prétexte à une rencontre sociale. Sur le paquebot, les parties ont lieu dans le fumoir et les passagers viennent voir ce qui se passe. Mais la complexité du jeu en rebute plus d’un, et Zweig insiste à plusieurs reprises sur l’ennui des spectateurs dépassés par les stratégies inaccessibles des joueurs. bn Dans le tableau, un homme et une femme s’affrontent, ce qui peut surprendre à la Renaissance. Sans doute s’agit-il, dans l’esprit du peintre, de dénoncer le divertissement, de montrer que la femme n’a pas sa place dans ce monde d’hommes : l’autre femme est une servante et plusieurs hommes regardent, voire guident le joueuse, ce qui rompt avec la morale conjugale. À cette époque, la représentation picturale de la vie quotidienne a une fonction moralisatrice. Mais, dans la mesure où l’échiquier est lui-même un espace symbolique (le roi et la reine, le masculin et le féminin, des rapports de force), on peut penser que le peintre met aussi en scène des relations de pouvoir. La femme (qui a les noirs) joue, alors que l’homme (ce sont les blancs qui commencent la partie et décident de sa conduite) s’est endormi ou semble dormir comme pour afficher sa supériorité masculine : Czentovic ne se comporte pas autrement lorsque, affrontant les passagers lors de la première partie, il ne prend pas la peine de s’asseoir en face de l’échiquier. Cependant, il reste plus de grosses pièces noires que de grosses pièces blanches, et l’on peut se demander si la femme, bien que minoritaire et faible (sa taille comparée à celle de son adversaire), n’est pas en train de remporter la partie, donnant une leçon à l’homme prétentieux et négligent. u À vos plumes ! Il s’agit ici de reprendre l’écriture de Zweig en associant narration et dialogue, les répliques des personnages permettant les analepses attendues par le sujet. En s’appuyant sur la nouvelle, notamment son implicite, les élèves devront imaginer la vie de Monsieur B. après la guerre. bo R e t o u r s u r l ’ œ u v r e ( p p . 9 7 à 1 0 0 ) u H O N G E W 2 V R I E 3 P A 1 I N B D A N U B É C M B U É C O S T R O P R K S E N 4 O L E L E M A G N - Y 5 E T A R O P O L I S D E O S A I R E S Réponses aux questions – 20 v MacConnor : industriel – Monsieur B. : avocat – Père de Czentovic : batelier. f h e n u l y w r a v i h t o i e p z r o d r n u n j d v i a d t j o a p c f u g o m v n a i s k z t o b q d t t e c c x r x r n u b a t e l i e r s t f w t e b d q a l k e l u m w Non. x a) Quelqu’un : Monsieur B. – le : MacConnor. b) On : les nazis. – m’ : Monsieur B. c) Vous : le narrateur principal. – il : MacConnor. d) Je : Czentovic. – vous : Monsieur B. e) Il : le médecin. – vous : Monsieur B. y a) L’auteur est une personne bien réelle alors que le narrateur peut être fictif. b) Dans le récit à la 3e personne, le narrateur est extérieur à l’histoire. c) Le récit enchâssé est inséré à l’intérieur d’un récit cadre. d) Dans le récit autobiographique, l’auteur raconte et analyse sa propre vie. e) Dans le récit de forme autobiographique, la vie racontée n’est pas réelle. U Histoire : événements tels qu’ils se sont produits ou sont censés s’être produits. Narration : événements racontés par un narrateur. V Dans l’ordre chronologique de l’histoire : c, h, b, g, i, e, d, f, j, a. Dans l’ordre de la narration : e, c, d, f, h, b, g, i, j, a. R é p o n s e s a u x q u e s t i o n s d u g r o u p e m e n t ( p p . 1 2 2 à 1 3 2 ) d e t e x t e s u Document 1 : Jean Phillipe, Lettre de démission, 13 janvier 1943 A. Pierre Laval (1883-1945) a été, à plusieurs reprises, président du Conseil sous la IIIe République. En 1940, il œuvre pour la constitution de « l’État français » et met en place la Collaboration avec l’Allemagne nazie, dans le cadre du gouvernement de Vichy dirigé par le maréchal Pétain. Écarté en décembre 1940, il est à nouveau au gouvernement et joue un rôle important dans la persécution des juifs de 1942 à 1944. En 1945, il est condamné à mort et exécuté. Philippe Pétain (1856-1951), considéré comme le vainqueur de Verdun (1916), est fait maréchal de France en 1918. Rappelé au gouvernement en 1940 et considérant la guerre comme perdue, il demande l’armistice le 22 juin et, après avoir obtenu les pleins pouvoirs, il met en place à Vichy un gouvernement autoritaire prêt à collaborer avec l’Allemagne. En 1945, il est condamné à mort, mais il ne sera pas exécuté en raison de son grand âge. Il est prisonnier à l’Île-d’Yeu où il meurt en 1951. B. Le commissaire Jean Phillipe démissionne parce qu’il ne veut pas exécuter une politique qu’il désapprouve. Il nomme clairement les membres du gouvernement et les accuse de trahison. Sa position est claire : s’en prendre à des Français, traiter de façon particulière les israélites, c’est agir en traître. Le Joueur d’échecs – 21 u Document 2 : Robert Desnos, Lettre à Youki, 15 juillet 1944 A. Desnos est un résistant et il sait que son arrestation ne peut se terminer que par son exécution ou sa déportation. L’avenir n’existe donc pas pour lui. En employant le futur et en l’imaginant heureux, il lance un défi à la souffrance et à l’oppression. Il exprime un espoir qu’il veut transmettre à Youki. B. Les vers de Desnos sont gravés à l’entrée du Mémorial de Compiègne afin de rappeler que le poète est mort en déportation. Les vers eux-mêmes expriment le devoir de mémoire : « l’empreinte de nos semelles ». Si la terre du camp est « stérile », c’est parce que l’idéologie nazie est porteuse de mort, mais il faut se souvenir de ceux qui ont souffert dans ce camp afin que leur souffrance et leur mort n’aient pas été vaines et stériles mais qu’elles nous aident à construire un monde dans lequel pareille barbarie ne se reproduira pas. u Document 3 : Jorge Semprun, L’Écriture ou la Vie A. Semprun témoigne de la souffrance des déportés en racontant l’agonie du résistant Maurice Halbwachs. On peut relever des expressions fortes et crues : « détresse immonde », « corps en déliquescence », « puanteur », en raison de la dysenterie. B. Les prisonniers ne se laissent pas anéantir par le nazisme, même s’ils peuvent en mourir comme Maurice Halbwachs, car leur attitude témoigne de la grandeur et de la dignité de l’homme. On voit, en effet, l’auteur tout faire pour rassurer le mourant (« pour qu’il entende le son d’une voix amie ») et on lit dans le regard de ce dernier « une flamme de dignité, d’humanité vaincue mais inentamée ». L’antithèse (« vaincue » / « inentamée ») renforcée par le préfixe privatif -in exprime la victoire des valeurs humanistes contre la barbarie. Le sourire du professeur et le dernier adjectif du passage montrent un autre aspect de la grandeur humaine : la fraternité. C. Dans ce passage, Jorge Semprun raconte qu’il a lu à son ami des vers de Baudelaire. La « voix amie » est une voix littéraire, et le choix du poème n’est pas anodin. Il s’agit du dernier des Fleurs du mal ; Maurice Halbwachs meurt en entendant les derniers mots de ce poème ; le thème est justement le voyage, métaphore de la mort. La huitième et dernière partie du poème comprend deux quatrains : VIII Ô Mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l’ancre! Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons ! Si le ciel et la mer sont noirs comme de l’encre, Nos cœurs que tu connais sont remplis de rayons ! Verse-nous ton poison pour qu'il nous réconforte ! Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau, Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu’importe ? Au fond de l’Inconnu pour trouver du nouveau ! Dans ce poème, la mort n’anéantit pas la grandeur des hommes dont les cœurs « sont remplis de rayons » et prêts à « trouver du nouveau ». En lisant « Le Voyage » à son ami mourant, Jorge Semprun fait du professeur le destinataire particulier de ce texte. L’espoir des derniers vers est aussi celui de Maurice Halbwachs qui quitte le monde en souriant. Le « mince frémissement » de ses lèvres montre qu’il fait sien le texte de Baudelaire. Dans la nouvelle de Zweig, même s’il ne s’agit pas de littérature, c’est un livre qui permet à Monsieur B. de surmonter la torture morale qui lui est infligée. Ici, c’est un poème qui accompagne le départ du résistant et lui permet de montrer que l’horreur nazie ne sera pas venue à bout de la dignité humaine. u Document 4 : Victor Hugo, « Ultima Verba », Les Châtiments A. Hugo donne une image négative de Napoléon III en le comparant de façon ironique à César et en faisant de la demeure impériale un « cabanon », c’est-à-dire une résidence pour les fous. Plus loin, la référence à Sylla dénonce la violence et l’autoritarisme du personnage. Réponses aux questions – 22 B. De nombreux procédés permettent au poète d’affirmer sa détermination : – le dernier vers, préparé depuis le début de la strophe et rappelant la Bible (Genèse, 18, 1-15), fait du poète proscrit un nouvel Abraham ; – l’emploi de la 1re personne « Moi, je te montrerai » et le futur qui a valeur de certitude expriment l’engagement ; – l’anaphore de l’apostrophe « France » rend sensible l’attachement du poète à son pays ; – les phrases exclamatives renforcent l’engagement. u Document 5 : Pablo Neruda, Chant général A. Les termes qui expriment l’engagement politique du poète : « solitude traquée », « la foule des combats », « nous conquérons », « pain ouvert », « paysans communautaires », « le navire de la terre », « la persécution », « les ailes clandestines de ma patrie ». Les termes qui évoquent le travail de l’écrivain : « ma main », « mon chant », « ma parole », « mon Chant général », « un livre écrit », « chantant ». Le poète accorde une même importance à ces deux facettes de sa personnalité ; elles sont même indissociables. En effet, la « main » qui écrit est aussi celle qui tient celle de la patrie (« dans ta main ») ; le « pain ouvert » laisse entendre un livre ouvert, et le « chant » n’a pas d’autre composition, d’autre « géographie » que celle de son pays. B. Ces vers concluent le poème : « Ici s’achève mon Chant général » ; le livre est présenté comme « écrit », c’est-à-dire comme terminé ; le poème, de façon originale, inclut la date dans les vers euxmêmes en soulignant la dimension personnelle : « J’aurai, / dans quelques mois, quarante-cinq ans ». Le livre est donc à la fois l’expression d’une sensibilité poétique particulière et un message « général » adressé à tous. u Document 6 : Émile Zola, Lettre à la jeunesse A. La modalité exclamative et les interrogations rhétoriques sont très présentes dans le texte, ce qui contribue à l’art de persuader en touchant la sensibilité du lecteur. L’interrogation oratoire, plus particulièrement, invite le lecteur à réagir en acceptant la réponse implicite. On relève aussi des phrases injonctives qui expriment l’ascendant de l’auteur sur son destinataire ; le tutoiement marque la proximité et permet l’adhésion du lecteur qui se sent personnellement concerné, même si le « toi » représente la « jeunesse » en général. B. Zola choisit de s’adresser à la jeunesse parce qu’elle représente l’avenir du pays et que c’est elle qui, plus tard, devra prendre les décisions importantes. De même que les impératifs sont tournés vers le futur de leur réalisation, les interrogations rhétoriques vers la réponse attendue, la jeunesse incarne l’avenir et la possibilité du progrès, une valeur clé au XIXe siècle. L’auteur demande d’abord à la jeunesse d’être consciente de ce que la liberté dont elle jouit est le fruit d’un combat mené par les générations précédentes. Ainsi, la liberté est une valeur précieuse et il faudra se battre pour la conserver en refusant « la force brutale, l’intolérance des fanatiques, la voracité des ambitieux ». L’autre valeur que Zola proclame est la justice. Celle des codes étant acquise depuis la victoire de la liberté, il s’agit d’une « notion plus haute », « celle qui pose en principe que tout jugement des hommes est faillible ». Au-delà des lois, des « luttes d’intérêts et de personnes », la « passion du droit », c’est-à-dire de ce qui est juste, doit exercer toute sa vigilance de façon à ce que les institutions n’agissent pas à l’encontre des valeurs qu’elles sont supposées défendre. Zola demande à la jeunesse de garder sa pureté et de ne se compromettre dans « aucune affaire louche », c’est-à-dire de ne pas se contenter des lois, de ne pas céder aux influences des « intérêts » et des « personnes » afin que les valeurs essentielles de liberté et de justice ne soient pas entachées. Le Joueur d’échecs – 23 E X P L O I T A T I O N G R O U P E M E N T C O M P L É M E N T A I R E D U Les textes réunis dans le groupement invitent, d’une part, à considérer la « résistance » dans un contexte plus large que celui de la Seconde Guerre mondiale et, d’autre part, à étudier le rôle que l’écriture peut jouer dans les combats pour la défense des valeurs. On pourra travailler dans plusieurs directions. u La Seconde Guerre mondiale La nouvelle de Zweig, écrite juste avant son suicide, est profondément ancrée dans le contexte de la guerre et de la persécution nazie. On pourra étudier, à partir du groupement, à la fois ce que subissent les victimes et leur manière de résister. Les différentes formes d’enfermements : l’isolement dans la chambre de l’hôtel Métropole et la souffrance morale, la souffrance physique des camps (Semprun), l’obligation pour le commissaire Phillipe de se soumettre au régime de Vichy. Les différentes manières de résister : – Monsieur B. croit éviter la folie en étudiant le manuel d’échecs afin de maintenir ses capacités intellectuelles ; c’est une façon également de fuir la solitude et de remplir le vide. – Robert Desnos écrit ses projets d’avenir et semble ainsi nier la dure réalité de son enfermement. – Alors même que le corps de son ami Maurice Halbwachs se délite et que la mort est proche, Jorge Semprun défend la dignité humaine et les valeurs de fraternité. – Le commissaire Phillipe affirme sa liberté et ose accuser ceux qui vont causer ensuite sa perte. La littérature est un moyen de résister : voir plus loin. u Élargissement de la notion de résistance Le groupement pourra être complété par d’autres textes correspondant à d’autres lieux (le Qatar, Mohammed El Ajami et son « Poème du jasmin »), ou d’autres périodes (Agrippa d’Aubigné dénonçant le massacre de la Saint-Barthélemy à la Renaissance). Une autre époque : Victor Hugo et Napoléon III. L’écrivain proscrit refusera l’amnistie et ne rentrera en France (après 20 ans d’exil) que lorsque l’empereur abdiquera. Attitude et écrits concordent. On étudiera les procédés qui affirment l’attachement à la patrie et la volonté ferme de résister. Un autre lieu : Pablo Neruda, engagé d’abord dans la guerre d’Espagne, prend position contre la dictature dans son propre pays. Là aussi, les actes (la clandestinité) et les écrits montrent le même engagement. On pourra analyser l’évocation des combats, la confiance dans l’avenir et le rôle de la littérature. Zola et la lettre adressée à la jeunesse : le contexte est celui de l’affaire Dreyfus, mais la lettre peut être lue comme un appel général lancé à la jeunesse. Elle clôt le groupement de façon à ce que les jeunes lecteurs se sentent concernés par l’appel à la vigilance et n’enferment pas la notion de « résistance » dans le passé. On pourra faire remarquer que les valeurs défendues sont toujours les mêmes. Il peut être intéressant de compléter l’étude en proposant un extrait du Discours de la servitude volontaire d’Étienne de La Boétie. « Pauvres et misérables, peuples insensés, nations opiniâtres en votre mal et aveugles en votre bien, vous vous laissez emporter devant vous le plus beau et le plus clair de votre revenu, piller vos champs, voler vos maisons et les dépouiller des meubles anciens et paternels ! Vous vivez de sorte que vous ne vous pouvez vanter que rien soit à vous ; et semblerait que meshui ce vous serait grand heur de tenir à ferme vos biens, vos familles et vos vies ; et tout ce dégât, ce malheur, cette ruine, vous vient, non pas des ennemis, mais certes oui bien de l’ennemi, et de celui que vous faites si grand qu’il est, pour lequel vous allez si courageusement à la guerre, pour la grandeur duquel vous ne refusez point de présenter à la mort vos personnes. Celui qui vous maîtrise tant n’a que deux yeux, n’a que deux mains, n’a qu’un corps et n’a autre chose que ce qu’a le moindre homme du grand et infini nombre de nos villes, sinon que l’avantage que vous lui faites pour vous détruire. D’où a-t-il pris tant d’yeux, dont il vous épie, si vous ne les lui baillez ? Comment a-t-il tant de mains pour vous frapper, s’il ne Exploitation complémentaire du groupement – 24 les prend de vous ? Les pieds dont il foule vos cités, d’où les a-t-il, s’ils ne sont-des vôtres ? Comment a-t-il aucun pouvoir sur vous, que par vous ? Comment vous oserait-il courir sus, s’il n’avait intelligence avec vous ? Que vous pourrait-il vous faire, si vous n’étiez receleurs du larron qui vous pille, complices du meurtrier qui vous tue, et traîtres à vous-mêmes ? Vous semez vos fruits, afin qu’il en fasse le dégât ; vous meublez et remplissez vos maisons, afin de fournir à ses pilleries ; vous nourrissez vos filles, afin qu’il ait de quoi soûler sa luxure ; vous nourrissez vos enfants, afin que, pour le mieux qu’il leur saurait faire, il les amène en ses guerres, qu’il les conduise à la boucherie, qu’il les fasse les ministres de ses convoitises, et les exécuteurs de ses vengeances ; vous rompez à la peine vos personnes, afin qu’il se puisse mignarder en ses délices et se vautrer dans les sales et vilains plaisirs ; vous vous affaiblissez, afin de le rendre plus fort et roide à vous tenir plus courte la bride : et de tant d’indignités, que les bêtes mêmes ou ne les sentiraient point ou ne l’endureraient point, vous pouvez vous en délivrer, si vous l’essayez, non pas de vous en délivrer, mais seulement de le vouloir faire. Soyez résolus de ne servir plus, et vous voilà libres. Je ne veux pas que vous le poussiez ou l’ébranliez, mais seulement ne le soutenez plus, et vous le verrez, comme un grand colosse à qui on a dérobé sa base, de son poids même fondre en bas et se rompre. » Étienne de La Boétie, Discours de la servitude volontaire, 1549, Éditions Garnier Flammarion, 1983. u Le livre et la Résistance À double titre, la nouvelle de Zweig fait du livre un instrument de résistance : c’est en s’emparant du manuel d’échecs que Monsieur B. résiste aux interrogatoires et c’est en écrivant son récit que l’auteur dénonce le régime nazi. On pourra étudier cette double perspective dans l’ensemble du groupement de textes. – La littérature joue un rôle dans les situations évoquées : Zweig et Semprun (le poème de Baudelaire qui montre le triomphe de la culture sur la barbarie malgré la mort du professeur Maurice Halbwachs). – Écrire, c’est s’engager : la lettre du commissaire Phillipe est un acte plus qu’un écrit. Hugo dénonce Napoléon III (on pourra étudier les accusations dans les deux textes). Pablo Neruda associe intimement engagement et écriture. Pensons aussi au « J’accuse ! » de Zola, au poème « Liberté » d’Éluard dont des milliers d’exemplaires ont été parachutés sur le sol français par des avions britanniques. – Les écrits imposent un rêve face à un avenir sombre : la lettre de Robert Desnos mais aussi l’espoir à la fin du Chant général de Neruda et les derniers vers du poème « Le Voyage » de Baudelaire. – Les écrits demeurent : Monsieur B. aurait bien aimé trouver un livre d’Homère ou de Goethe. Parce qu’ils durent, les écrits peuvent témoigner : les vers de Desnos gravés à l’entrée du Mémorial de Compiègne, le livre de Jorge Semprun, le poème de Baudelaire. Le Joueur d’échecs – 25 TABLEAU DES CONTENUS Questionnaire 1. Lignes 1 à 311 À la découverte d’un personnage étonnant 2. Lignes 508 à 689 Un nouveau « joueur d’échecs » ? 3. Lignes 1141 à 1444 Qui est Monsieur B. ? 4. Lignes 1568 à 1829 Le dénouement Étude de la langue • L’imparfait, le présent • Le sujet du verbe • Les compléments circonstanciels de lieu • Les connecteurs logiques • Quelques figures de style • Les fonctions de l’adjectif • Les substituts lexicaux et pronominaux • L’expression de l’autorité • Le champ lexical de la surprise • Les marques de la 1re personne • La voix passive • Les valeurs des temps • L’expression de la souffrance • La gradation • Les valeurs des temps • Le rôle de la comparaison • L’expression du temps Technique littéraire • Les fonctions de l’incipit • L’illusion de réel • Le récit à la 1re et à la 3e personne • Les récits enchâssés • Le portrait Expression écrite • Rédaction d’un récit enchâssé dans un dialogue • Rédaction d’un portrait • L’introduction d’un nouveau personnage • Les portraits contrastés • Les rebondissements dans le récit • Rédaction d’un récit introduisant un nouveau personnage • Rédaction d’un coup de théâtre • La composition d’un passage • L’enchâssement • Le récit de forme autobiographique • L’expression de la folie • L’enchâssement complexe (3 récits) • L’expression de la folie • La transformation d’un personnage • L’écriture symbolique Rédaction d’un récit à la 1re personne en modifiant une information du texte support Rédaction de la suite de l’histoire Pistes de recherches documentaires – 26 PISTES DE RECHERCHES DOCUMENTAIRES – Les écrivains et la Résistance : présentation, sous forme d’exposés ou de panneaux, de quelques figures : Desnos, Eluard, Char, Vercors… – La Résistance : en lien avec le professeur d’histoire. – Le regard des écrivains sur la prison : Claude Gueux, Le Dernier Jour d’un condamné d’Hugo ; Une journée d’Ivan Denissovitch d’Alexandre Soljenitsyne… – La représentation de la guerre dans la peinture. – Les grandes figures autrichiennes/allemandes contemporaines de Zweig : Freud, Fritz Lang, Einstein, Thomas Mann… Le Joueur d’échecs – 27 BIBLIOGRAPHIE COMPLÉMENTAIRE u Autres récits sur les échecs – Arrigo Boito, Le Fou noir, Mille et Une Nuits, 2013. – Patrick Séry, Le Maître et le Scorpion, Flammarion, 1991. – Georges Perec, La Vie mode d’emploi, Hachette Littérature, 2000 ; Le Livre de Poche, 2007. – Arnaldur Indridason, Le Duel, Éditions Métailié, 2014. u Sur Le Joueur d’échecs de Stefan Zweig – Corinna Gepner, Le Joueur d’échecs, Stefan Zweig, Connaissance d’une œuvre, Bréal, 2000. – Corinne Cichella, Le Joueur d’échecs, Stefan Zweig, Ellipses, 2001. – Dominique Bona, Stefan Zweig : l’ami blessé, Librairie académique Perrin, 2011. u Sur les échecs ou sur les jeux – Jerôme Maufras, Le Jeu d’échecs, « Que sais-je ? », PUF, 2005. – Vera Gandelman Terekhov, Jeu d’échecs : littérature et mondes possibles, « L’Écarlate », L’Harmattan, 2013. – Roger Caillois, Les Jeux et les Hommes, « Folio Essais », Gallimard, 1991.