Interview complète
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Actualité 4 VENDREDI 22 JANVIER 2016 WWW.SUDOUEST.FR ÉDITORIAL La Chine et l’or noir affolent les marchés près avoir vécu en 2015 son année la plus chaude, le monde subit un coup de froid économique. Car un autre thermomètre, celui des marchés boursiers, dégringole dans le sillage des cours du pétrole sur fond de panne de l’économie chinoise et d’une croissance mondiale en berne. En Europe, encore relativement épargnée de ce côté-là, l’opinion n’a sans doute pas encore conscience de l’ampleur du phénomène. Mais de Moscou, où le rouble s’effondre, à Shanghai, où le petit porteur déchire sa chemise, en passant par Caracas, Alger, Lagos et même Riyad, où la fonte des reCHRISTOPHE cettes pétrolières impose l’austéLUCET rité, ce début d’année à des [email protected] res de cauchemar. Et si l’automobiliste occidental se réjouit de remplir son réservoir à bon marché, le citoyen qu’il est pourrait déchanter à mesure que l’effet boomerang de cette chute va se manifester. L’Europe, pour Ainsi la déprime boursière de l’heure relativece mois de janvier s’expliquet-elle en partie par le fait que les ment épargnée, producteurs de pétrole tirent sur ne mesure pas leur bas de laine en rapatriant encore l’ampleur des capitaux pour éponger leurs déficits. Bénéficiaires audu phénomène jourd’hui de la baisse du prix de l’énergie et des matières premières, les pays développés vont souffrir demain des difficultés de leurs fournisseurs affectés par la baisse des cours et par celle de la demande chinoise. Avec, à la clé, moins de débouchés et davantage de chômage. Sommes-nous face à un simple ajustement lié au crépuscule du « miracle chinois » et aux rivalités actuelles des grands producteurs d’hydrocarbures, Arabie saoudite en tête ? C’est possible, mais pour soigner ce coup de froid, les banques centrales se retrouvent démunies. Car elles ont déjà usé et abusé de l’arme monétaire – taux bas, liquidités abondantes – obérant d’autant leurs capacités à relancer l’économie mondiale. Il est frappant de voir combien les éléments du malaise actuel – boursiers, pétroliers, monétaires, stratégiques… – sont convergents. Et de constater que la plupart des pays, développés ou émergents, producteurs ou consommateurs, puissants ou pas, sont affectés. Si les problèmes sont sectoriels et appellent des réponses variées selon les lieux, ils sont les facettes d’un seul système. On serait même tenté d’écrire « d’un seul climat ». A ÇA VA FAIRE DU BRUIT Mont Blanc. Google a ouvert hier une page permettant de se lancer virtuellement dans une ascension du mont Blanc. Le dispositif Street View de Google, utilisé d’habitude pour photographier les rues des villes, a été installé au-dessus du sac à dos d’un alpiniste. LE CHIFFRE DU JOUR 1,6 million. C’est le nombre d’exemplaires écoulés du nouvel « Astérix », « Le Papyrus de César », livre le plus vendu en France en 2015. Le quatrième volet de « Cinquante nuances de Grey » (624 000 ex.), d’E. L. James, et « Central Park » (613 000), de Guillaume Musso, complètent le podium. ● @ C’est rare de voir un ministre avoir des propos aussi clivants. C’est une façon de cracher au visage de 23 millions de personnes » Olivier Besancenot, après qu’Emmanuel Macron a lancé « la vie d’un entrepreneur est souvent plus dure que celle d’un salarié ». www.sudouest.fr Sport business : le PSG vaut 480 millions d’euros. Quels sont les clubs les plus riches du monde ? ENTRETIEN Paris-Berlin, la panne EUROPE La relation franco-allemande, clé de l’Union, est en crise. Philippe Gustin et Stephan Martens font des propositions (1) « Sud Ouest ». Le 22 janvier est la Journée franco-allemande, mais le « moteur » de l’Europe ne tourne pas rond. Pourquoi ? Stephan Martens. Il faut même dire qu’il n’a jamais tourné aussi mal, en tout cas depuis la crise générée il y a vingt-cinq ans par la réunification allemande. Et cela pour deux raisons majeures. La première est le non français de 2005 au projet de Constitution européenne, qui a révélé une divergence profonde en ce qui concerne la construction de l’Europe, sujet sur lequel plus aucune proposition sérieuse n’a été faite. L’autre raison est le décrochage économique de la France : l’Allemagne ne comprend pas le refus de Paris de réformer en profondeur le modèle social français pour faire baisser le chômage et assainir les finances publiques. Le climat entre les deux pays s’est-il dégradé ? C’est évident. Des responsables politiques français – Bartolone, Montebourg, Mélenchon… – ont accumulé des déclarations qui alimentent la germanophobie.L’Allemagnerefuse l’affrontement, mais on perçoit çà et là des traces de gallophobie. Berlin estimequelaFranceserecroqueville, quecesoitparsonrefusdesréformes ousaméfiancevis-à-visdesmigrants. Et la réforme française du collège, avec pour corollaire la suppression des classes bilangues allemand, passetrèsmaldel’autrecôtéduRhin. L’Allemagne va-t-elle réduire, chez elle, l’enseignement du français ? On n’en est pas là, mais, si ces classes bilangues sont effectivement fermées en septembre, les Länder, qui ont la compétence éducative, seront tentés de ne plus faire d’efforts pour le français – cela semble déjà le cas dans des Länder de l’Est. Tous les responsables allemands ont protesté, y Philippe Gustin et Stephan Martens, coauteurs du livre. PHOTO DR « On continue à faire des petits pas, on prend des décisions communes le dos au mur, mais il n’y a plus de vision collective » compris la chancelière, auprès de François Hollande. Car ce blocage de l’enseignement de l’allemand en France est vécu comme un viol du traité de l’Élysée de 1963. Faut-il s’inquiéter pour la solidité du lien franco-allemand ? Hélas, oui. On continue à faire des petits pas – quelques soldats allemands au Mali, un plus grand intérêt des Français pour l’Est –, mais il n’y a plus de vision. Et lorsqu’on prend une décision importante – Hollande et Merkel qui vont ensemble à Minsk pour obtenir un cessez-le-feu en Ukraine –, c’est parce qu’on est le dos au mur. L’espoir, c’est que jusqu’à présent le consensus l’a toujours emporté, mais demain ? Il va sans doute falloir attendre les élections de 2017 pour qu’en France des réformes fassent cesser le décrochage entre les deux pays. Quelles solutions voyez-vous ? Les migrations, Schengen, l’énergie, la défense… Ces enjeux essentiels ne trouveront d’issue que si le dialogue franco-allemand s’améliore. Rendre du tonus à l’Office franco-allemand pour la jeunesse (Ofaj), à l’enseignement de langue du voisin, y compris post-bac, aux Conseils des ministres bilatéraux, aller vers la convergence fiscale, aider l’Allemagne à obtenir un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, voilà des pistes pour que l’on se réentende entre Français et Allemands. Car, si ce « moteur » n’est pas suffisant pour faire avancer l’Europe, il est indispensable. Recueilli par Christophe Lucet (1) Stephan Martens est professeur de civilisation allemande à Cergy-Pontoise et recteur honoraire. Philippe Gustin est préfet et ancien ambassadeur de France en Roumanie. Ils publient « France-Allemagne. Relancer le moteur de l’Europe », préfacé par Bruno Le Maire, éd. Lemieux, 98 p., 10 €.