Emploi€: Un contexte morose
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Emploi€: Un contexte morose
Industrie Conjoncture Emploi Un contexte morose L’industrie pharmaceutique française a longtemps été créatrice d’emplois. Mais son business model est sur la sellette : plans sociaux et externalisations sont à l’ordre du jour. L’emploi souffre et les perspectives sont pour le moins moroses. Stagnation de l’emploi en 2007 En matière d’emploi, la photographie du secteur pharmaceutique reste, en 2007, plutôt flatteuse. Au cours des dix dernières années, les entreprises du médicament ont en moyenne créé 2 000 emplois par an, soit une progression annuelle de 2 %. En 2007, 103 633 personnes étaient employées dans le secteur, en progression de plus de 18 % depuis 10 ans. En prenant en compte les emplois indirects2, ce nombre est trois fois plus élevé. La moyenne d’âge est d’environ 40 ans et les moins de 26 ans représentent 25 % 78 PHARMACEUTIQUES - JANVIER 2009 des recrutements. Les femmes occupent une place importante (57 % des effectifs), les salariés qualifiés aussi : les cadres représentent 47 % des effectifs. Enfin, autre élément de poids : plus d’un salarié sur cinq, soit 22 640 personnes, travaille dans les centres de R&D, deux fois plus qu’il y a quinze ans, plaçant le secteur pharmaceutique en tête de l’économie dans ce domaine. Pourtant, l’année 2007 pourrait bien marquer la fin d’une époque et écorner quelque peu cette image. Car contrairement aux années précédentes, l’emploi du secteur a stagné (+ 0,1 %, soit 103 créations nettes) par rapport à l’année précédente. En Europe, la tendance est la même, avec une hausse modérée de + 0,3 %. Et les perspectives ne sont pas bonnes. Selon le Leem, si plusieurs entreprises ont annoncé des projets d’investissement en France, qui pourraient aboutir à la création d’environ 1 200 emplois d’ici 2010, notamment en bioproduction, pas moins de 17 plans sociaux ont aussi été annoncés, susceptibles de toucher 4 350 postes entre 2008 et 2010, les deux tiers concernant des visiteurs médicaux. Ces mesures s’ajoutent aux 21 plans de sauvegarde de l’emploi de 2007, concernant un peu moins de 2 500 postes. Les diminutions d’effectifs sont bien de mise, même si certaines personnes bénéficieront de solution de reclassement interne. Il ne fait pas de doute que la réorganisation du secteur est en marche, Graphique 1 : Evolution des effectifs des entreprises du médicament SOURCE : LEEM L ’industrie pharmaceutique est confrontée à des évolutions inéluctables de son business model, entre montée en puissance des pays émergents, pertes de brevets majeurs sur des blockbusters et croissance parallèle des génériques, exigences accrues des autorités de santé. Les modèles de R&D sont également remis en question, du fait à la fois de la baisse de productivité de la recherche et de la progression des médicaments d’origine biologique, qui entraînent une modification des infrastructures de recherche et de production. Si l’externalisation est en plein essor, en France comme à l’étranger, notamment sur les activités de production et de recherche clinique, les plans sociaux se multiplient1 aussi dans une industrie qui cherche à rationaliser ses coûts. Industrie Conjoncture SOURCE : LEEM Graphique 2 : Evolution des effectifs par famille de 1992 à 2007 et que le processus s’est même accéléré depuis le début de l’année 2008. Au total, selon les prévisions effectuées par le cabinet de conseil Arthur D. Little en mars 2008, le nombre de personnes employées en promotion/vente pourrait enregistrer une baisse allant de 25 % (scénario volontariste, supposant une attitude anticipatrice de l’ensemble des acteurs) à 38 % (scénario statu quo, attitude attentiste). Les principaux enjeux en termes d’emplois concernent en effet majoritairement deux catégories de professions : la promotion/commercialisation, du fait de la réduction des budgets marketing des laboratoires, et la production, de plus en plus délaissée par les labos au profit des façonniers. A ces restructurations, s’ajoutent en outre les mouvements naturels inhérents à tout domaine d’activité : près de 18 000 salariés du secteur pharmaceutique vont ainsi prendre leur retraite d’ici 2016 (soit plus de 17 % des effectifs), auxquels s’ajoutent plus de 24 000 départs naturels (23 % des effectifs). Tous ces éléments risquent de bouleverser en profondeur l’emploi sur un secteur au solde recrutements/ départs historiquement positif. Construire l’emploi de demain Les perspectives en matière d’emplois sont donc loin d’être optimistes pour 2009 et 2010. Pourtant, s’attacher aux seules perspectives à court terme ne suffit pas et le secteur pharmaceutique doit dès à présent se préoccuper des recrutements dans des compétences spécifiques, représentant des enjeux clés pour l’attractivité de la France. En tête de liste : la R&D et la 80 PHARMACEUTIQUES - JANVIER 2009 production. Par ailleurs, pour faire face aux nombreuses annonces de réduction des effectifs, l’industrie pharmaceutique a décidé de mettre en place des mesures d’accompagnement. La première concerne la création par le Leem d’un outil Internet destiné à la profession la plus touchée par les restructurations actuelles : les visiteurs médicaux. L’objectif est en particulier de les guider dans leurs choix d’orientation professionnelle (voir encadré). La seconde concerne la formation, un outil déjà très prisé par les industriels de la branche : depuis dix ans, l’industrie du médicament consacre en effet près de 4 % de sa masse salariale aux dépenses de formation, 25 % de plus que dans les autres industries. En 2007, 63,5 % des salariés ont bénéficié d’une formation, contre 40,4 % des salariés d’autres secteurs industriels. Afin de renforcer les liens entre entreprises et universités, le Leem a signé en novembre 2008 un partenariat avec l’Université de Bordeaux II, visant à mieux adapter les formations aux besoins des industriels, afin de « construire ensemble la mutation qui fait passer l’industrie du médicament de la chimie à la biotechnologie ». Pour relever le défi de l’emploi dans les 10 ans qui viennent et assurer le renouvellement des nombreux départs actuels, forcés ou naturels, l’état de santé économique du secteur sera bien entendu un élément clé. Pour le Leem, certaines décisions doivent être prises, notamment le choix du maillage entre centres de recherche, sociétés de biotechnologies et usines de production/bioproduction. De même, il est indispensable de donner plus de lisibilité et de visibilité aux régions de production pharmaceutique. Enfin, la France doit se donner les moyens d’attirer les compétences de demain, notamment les profils qui risquent de manquer à l’avenir : pharmaciens, médecins, techniciens de maintenance et de production. Autant d’enjeux de poids, qu’on ne pourra plus longtemps ignorer. ■ Valérie Moulle (1) Les syndicats font état en décembre de plus de 30 plans sociaux dans la pharma en France. (2) Les emplois indirects prennent en compte les personnes travaillant dans : les PME de biotechnologie, les centres de recherche distincts de ceux de l’industrie, les sociétés de visite médicale, les CROs, l’industrie des principes actifs à usage pharmaceutique, les façonniers, les grossistes-répartiteurs, les dépositaires, les pharmacies d’officine. Un outil Internet d’aide à la reconversion pour les VM Dans le contexte actuel de forte réduction des effectifs dans la visite médicale (les prévisions tablent sur un passage de 23 000 à 17 000 visiteurs médicaux en ville d’ici huit ans), une étude consacrée à l’employabilité des visiteurs médicaux (VM) a été conduite en 2008 par les organisations syndicales de salariés et le Leem, au travers de l’Observatoire des métiers des Entreprises du Médicament. Cette étude, menée avec le cabinet BPI, et dont les résultats ont été validés par un sondage de l’institut BVA auprès de plus de 350 VM, a permis d’identifier la perception des évolutions de leur métier par les visiteurs médicaux, d’analyser les axes d’évolution et de renforcement des compétences du métier de VM à moyen terme, d’étudier les passerelles les plus attractives et réalisables vers d’autres métiers. L’étude a enfin permis de construire un outil Internet d’auto-positionnement et d’aide à l’orientation professionnelle des visiteurs médicaux en fonction de leurs aspirations. Les nombreuses passerelles proposées sur le site ont pour objectif d’aider chaque VM à identifier les métiers les plus adaptés à son propre profil et à ses aspirations. 66 métiers passerelles sont ainsi décrits dans la pharmacie ou la santé en général, mais aussi « hors santé » (assurance, beauté et bien-être, loisir, service, immobilier, banque/finance, etc.). Plus de détails sur le site http://leem-evm.bpinet.com/