À chacun sa mort - Lycée Paul Mathou
Transcription
À chacun sa mort - Lycée Paul Mathou
À chacun sa mort ! Texte rédigé par Swann Gonzalez; élève de 1ère S.SVT, qui a obtenu la 3ème place lors de la finale régionale du concours de plaidoiries des lycéens qui s’est déroulée à Toulouse en décembre 2011. Joan Baez a dit : « vous n’avez pas le loisir de choisir quand et comment vous allez mourir. Vous pouvez toutefois décider comment vous allez vivre ». Si chacun peut être maître de sa vie, pourquoi ne lui reconnaît-on pas le droit de choisir sa mort ? Il y a encore en 2011 de nombreuses personnes qui revendiquent le droit de mourir en toute dignité mais elles ne sont toujours pas entendues, malgré le cas de Vincent Humbert et Chantal Sébire qui ont relancé le débat sur l'euthanasie. La mort de Vincent Humbert a ému les Français. Ce jeune homme était devenu paraplégique après un accident de la route survenu à l'âge de 19 ans. Il est resté neuf mois dans le coma après son accident, chaque jour sa mère est restée à son chevet. Lorsqu'il est sorti de son coma, il ne voyait plus, ne parlait plus et avait perdu 25 kilos. De plus, il était paralysé des quatre membres. Malgré les difficultés, il a voulu témoigner au nom de tous ceux qui souffrent et ont délibérément choisi de mourir. Pour communiquer, il ne pouvait utiliser que son pouce droit, sa mère lui dictait inlassablement l'alphabet et il pressait sa main avec son pouce chaque fois qu'une lettre lui convenait, ainsi se formaient des mots, des phrases Avec l'aide de son animatrice, il a aussi rédigé une requête adressée au Président de la République où il plaide le droit de mourir pour abréger ses souffrances et mettre fin au chagrin qu'il perçoit chez sa mère. Cette requête lui a été refusée alors que Vincent était lucide quand il l’a formulée. Un autre cas récent a replacé la question de l'euthanasie au premier plan. Chantal Sébire est morte en 2008, à l’âge de 53 ans, elle était enseignante. Elle était atteinte d'un esthésioneuroblastome, c'est: une tumeur incurable et très rare des sinus et de la cloison nasale. Chantal Sébire a perdu l’odorat, le goût et la vue à la fin de l’année 2007. Comme elle l’a dit elle-même, elle était mangée par la douleur. Elle a aussi demandé à la justice et au Président de la République française le droit de mourir dans la dignité. Après leur refus, elle s'est vue obligée de se suicider, ce qui était contraire à son éthique. Vous rendez-vous compte des souffrances morales et physiques de cette femme ? Chantal Sébire a été privée d'un droit plus que légitime : celui de mourir dignement et en pleine conscience ! Elle s'est suicidée en ingurgitant des barbituriques. Elle était mère de trois enfants, la plus jeune n'avait pas encore 13 ans. Malgré l'amour qu'ils vouaient à leur mère, ils ont accepté son choix. Si des enfants acceptent la mort d'un être qui représente tout pour eux, comment comprendre que des législateurs restent sourds aux demandes de ceux qui souffrent ? De telles positions poussent ceux qui veulent mourir en toute dignité à se rendre à l’étranger, notamment en Suisse, où ils peuvent acheter leur mort qui se produit dans des conditions généralement déplorables, à savoir l’injection d'un produit létal administré dans un vulgaire entrepôt, sans suivi médical véritablement organisé. Daniel Gall a témoigné au nom de sa sœur, atteinte de la maladie d’Alzheimer, qui a bénéficié d'un suicide assisté en Suisse en 2008. Vincent Humbert est mort à l'âge de 22 ans, a priori, son espérance de vie n'était pas compromise. Quelles sont les raisons qui poussé un garçon si jeune à choisir la mort? Comme tous ceux qui sont dans son cas, Vincent ne supportait plus les souffrances physiques et morales car il avait perdu le contrôle de son corps rongé par des douleurs continuelles. Sa mère l'a assisté sans relâche après avoir abandonné son travail pour se consacrer à son fils. Conscient du sacrifice qu'elle a fait pour lui, il a voulu cesser d'être un fardeau pour elle. Tous ceux qui veulent recourir à l'euthanasie ne veulent plus être un poids pour leur entourage. J’ai demandé à une infirmière de témoigner pour mieux comprendre les raisons qui expliquent le choix de l’euthanasie. Selon elle, au désir des malades s’ajoute le fait que les autorités françaises ne répondent que partiellement: aux besoins des malades. En effet, la prise en charge de la douleur n’est toujours pas correctement assurée, même si elle fait partie des critères essentiels sur lesquels la Haute autorité de santé se repose pour évaluer la qualité des soins proposés par les hôpitaux privés ou publics français. La prise en charge de la douleur représente une priorité dans les services de soins palliatifs qui reçoivent les personnes jugées incurables. Or, l'organisation des soins palliatifs en France reste à ce jour largement insuffisante : manque de lits, manque de moyens pour maintenir à domicile les malades en fin de vie dans de bonnes conditions. Compte tenu de la longueur des listes d'attente pour la prise en charge en hospitalisation à domicile, des familles se voient contraintes de cesser leur activité professionnelle pour pouvoir accompagner leur parent en fin de vie, ceci lorsque celles-ci peuvent se le permettre bien évidemment. Celles qui ne le peuvent pas se voient donc contraintes de « confier » le malade à des services en soins généraux qui n’ont ni la compétence ni les moyens de répondre à ses attentes. Dans ce contexte, comment peut-on refuser de comprendre que des personnes puissent émettre le désir de mourir dans la dignité? Leur choix apparaît tout à fait légitime puisque le système français ne peut pas satisfaire leurs besoins. Pourquoi en sommes-nous réduits à devoir défendre l’euthanasie aujourd'hui? N'oublions pas que la France est appelée « le pays des droits de l'Homme » et choisir sa mort est un droit qui devrait être reconnu à tous les « condamnés de la vie ». L'euthanasie peut être considérée comme une libération pour tous ceux qui souffrent sans espoir de guérison. Kurt Cobain ne chante-t-il pas : « Il vaut: mieux mourir en plein vol que s’éteindre à petit feu ». L’article 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen affirme « que la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. ». L'euthanasie est bien un choix personnel, elle relève de notre seule liberté et n'entrave en rien celle des autres. A tous ceux qui refusent à chaque homme le droit de choisir sa mort, je demande : - Comment peut-on mesurer 1’intensité des souffrances morales et physiques des autres ? - Qui peut affirmer qu'il pourrait supporter pendant de longues années le calvaire vécu par Vincent Humbert et Chantal Sébire ? - Qui peut affirmer qu'il accepterait que d’autres s'immiscent dans sa vie privée et lui refusent le droit de mourir dans la dignité ? De plus, l'article 12 affirme que « nul ne sera l'objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée ». Le choix de sa mort relève bien du domaine de la vie privée. D'après l'article 5, « nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants ». L'acharnement thérapeutique ne peut-il pas être considéré comme un traitement cruel et dégradant, voire une torture, lorsqu’il va à l’encontre du désir du patient ? Il n'a pour seul avantage que le retardement de la mort et épuise le patient qui doit subir des humiliations répétées car il est incapable d'accomplir les gestes élémentaires comme se nourrir, aller à la selle, et faire sa toilette, sa survie dépendant uniquement de son entourage. Contrairement à ceux qui ont peur de la mort, on peut penser, comme Édith Piaf, que la mort est le commencement de quelque chose. Nous ne sommes pas à la place de ceux qui veulent mourir. Pourquoi leur refuser encore ce droit fondamental que représente l'euthanasie ? Si, dans un monde idéal, les services de soins palliatifs étaient en nombre suffisant, si le personnel soignant avait assez de temps pour écouter les malades en fin de vie ou une conscience professionnelle plus grande, la demande d'euthanasie deviendrait alors inutile. Nous savons tous que ce monde idéal n'existe pas et que le contexte économique aggravera la situation, faute de moyens suffisants. Aujourd'hui, la seule solution est de légaliser l'euthanasie, en précisant bien évidemment des règles strictes à respecter, notamment la pleine possession de ses moyens intellectuels, avant d’effectuer son choix. N'oublions pas aussi que légaliser l'euthanasie n’est pas la banaliser. Il faut tout faire pour améliorer les derniers instants de ceux qui souffrent afin de leur donner une fin de vie digne qui éloigne tout désir de recourir à cette ultime solution. Néanmoins, la prise en compte des cas les plus extrêmes comme Vincent Humbert et Chantal Sébire montre que le monde politique doit agir, non pas pour plaire aux électeurs qui, par ignorance, refusent l’euthanasie, mais pour mettre fin à une situation inhumaine et injuste. Au nom de ceux qui souffrent, arrêtons l'hypocrisie et luttons pour la légalisation de l’euthanasie !