CARREAUX AU PAYS BLEU

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CARREAUX AU PAYS BLEU
CARREAUX AU PAYS BLEU
JEAN-MICHEL BARRA (1949)
«Le jeu Provencal est considéré par beaucoup (et c'est surement vrai),comme le plus difficile de tous les jeux de
boules, Si tout un chacun peut jouer à la Petanque et reussir quelque chose ,jouer au jeu Provencal demande un
apprentissage et une adresse bien supérieur.Aussi surnommee la longue,il est pour les Meridionaux l'aristocratie
du jeu de boulesExtrait de -Les jeux de boulespar Y, Moreau- editions H,C,
Jean -Michel Barra vous raconte sa passion pour le Jeu Provencal
Les lignes qui vont suivre auraient pu s'intituler -Les mémoires d'un joueur de boules-
SOCIETES BOULISTES
Avenir Bouliste Cabassois (1962-1967)
Boule Bleue Lucoise (1968-1975)
Association Sportive des Boulomanes Brignolais(1976-1989 et 1997-1998)
Lei RenaïreValen (1999-2001)
ABG Hyeres (2002)
Lei Rima Pierrefeu (depuis 2003)
PALMARES:
Vainqueur du Grand Prix d'Hiver de Martigues (2005)
Vice-champion du Var 3x3 Jeu Provencal (2002)
Vice-champion du Var 3x3 Jeu Provencal (2007)
Finaliste du National de Toulon (2005)
Finaliste du National de Draguignan (2011)
Vainqueur du Challenge des Iles Paul Ricard Les Embiez (2009)
Plusieurs carrés dans les Nationaux et Régionaux (depuis 1999)
Vainqueur d'une soixantaine de concours Fédéraux (depuis 1965)
ODE au tireur de Jeu Provencal
Depuis la Camargue aux fins de l'Esterel
Et des Alpilles à la Méditerranee
Une allure d'aristocrate pour un modele
Le geste parfait pour un tir harmonise
Heureux mariage d'adresse et de fluidite
Permettez-moi de vous présenter comme un bal
Ses trois pas sont ceux d'une danse exécutee
Le magnifique tireur du Jeu Provencal
Quelle beaute du geste,quelle elegance
Tel ce fier cavalier en selle sur son cheval
Chaque boule frappee,la plus belle danse
Du magnifique tireur du Jeu Provencal
Lundi 24 janvier 2005,1730
Dans la Halle de Martigues,transformee pour l'occasion en un vaste jeu de boules,va se disputer dans quelques
minutes la finale du dix-septieme Grand Prix d'Hiver de la ville du meme nom,au Jeu Provencal.Les tribunes sont
copieusement remplies et trois ou quatre haies de spectateurs se dressent au dela des barrières.Près de deux mille
personnes sont presentes pour assister à la finale de ce marathon bouliste de neuf parties,disputees en trois jours.
C'est le premier rendez-vous de l'annee au Jeu Provençal et aucun des cadors de la discipline ne manque au
rendez-vous.Pensez donc! Lors des inscriptions ,plus de deux cent equipes ont été refusees,l-epreuve étant limitee à
512 triplettes.Après Le Provencal et le Midi Libre ,c'est la troisième épreuve sur le territoire au jeu
Provencal.Depuis seize ans, tous les tenors,tous les champions ont grave leur nom au palmares
Et ce soir encore ,les plus grands sont presents:Andre Massoni,Philippe Roux et Claude Carbo vont disputer la
finale.Face à cette redoutable formation ,l'une des meilleures de ces dernieres annees,l'on retrouve une modeste
equipe de copains venus du departement voisin du Var pour simplement participer. Licencies à Lei Rima de
Pierrefeu,Olivier Signoret,Bernard Rebecq et Jean-Michel Barra sont la devant l'estrade des officiels pour la
presentation des equipes au public,ecoutant et regardant autour d'eux,et se demandant à quelle sauce ils allaient
etre devores dans cette bouillonnante arene,prete à tout pour encourager ses favoris et souriant ironiquement vers
ces trois malheureux joueurs qui ne devraient pas peser bien lourd dans cette partie.
Invites à donner leur palmares au speaker de la finale,en premier ,les favoris faisaient de plus en plus figure
d'epouvantails.Pendant que j'entendais l-enumération de celui de Claude Carbo(deux pages recto-verso),de
Philippe Roux (quatre pages recto-verso) et de Dede Massoni (un cahier de cinquante pages bien
remplies),certaines images,le film de ma vie de bouliste ,se mirent à defiler dans ma tete...
Mes lointains souvenirs
Je venais d'avoir tout juste dix ans,et je recevais en cadeau de mes parents une paire de boules jaunes d'un
diametre de 66-68 mm pour un poids d'environ 580-600 grammes.Elles avaient deux stries.
Mon père m'avait dit:
«Tu pourras jouer avec tes copains et faire le sixieme avec nous s'il en manque un,»
J-en etais fier.J'étais heureux.Helas,aujourd'hui, je ne sais plus où est passee cette paire de boules.Ma premiere
A la belle saison ,le soir ,dans ma rue ,La Ferrage ,dans ce charmant petit village,bordant les rives d'une Issole
poissonneuse à souhait,carrefour des Alpes et de la Cote d'Azur,mon pays bleu,ancienne Matavon romaine,Cabasse
pour vous la presenter,se déroulait une partie de petanque que je ne manquais pour rien au monde
A l'epoque,c'est vrai, durant les annees cinquante- soixante,il n'y avait pas ou peu de jeux de boules et le soir ,la
partie amicale se déroulait sur la place du village ou dans les rues,la circulation automobile ne genant pas les
acteurs.Encore qu'à Cabasse il existait un jeu de boules,le long de l'Issole,mais un peu à l'exterieur du village.
Je me souviens de ces acteurs-comediens qui emerveillaient mes papilles et mes oreilles par des exclamations en
Provencal ! Il y avait les frères Degioanni,Marcel et Henri,et Nénin Logiacco qui commencait à se forger un beau
palmares dans le gotha varois de la petanque,Nenin a joue avec les plus grands de l'epoque (Jaures,Adrien le
Lapin...). Il est pour moi une reference,le premier et peut-etre le seul Cabassois à avoir porte haut , souvent sur la
plus haute marche des grandes epreuves du département (championnat,le canadien...),l'image de notre village,
lui et son frère Michel,mon parrain,un joueur tres adroit,aux qualites pures mais qui à mon avis est passe à cote
d'une belle carriere par manque de confiance,m'ont prodigue les premiers conseils.Je leur dois beaucoup et les en
remercie.Je pense neanmoins que l'adresse ne s'apprend pas,qu'elle se cultive et qu'il faut etre doue,tout
simplement.Ensuite,pour gagner une partie,il faut faire preuve d'intelligence;c'est ce qu'on appelle la mene de jeu.
Les premiers carreaux,sur le goudron,que je vis,furent donc effectues par Nenin Logiacco et Jean Boffredo.Des
lors dans mon esprit,si un jour je me retrouvais à leur place,comme eux ,comme mon parrain(on dit que l'on
possede toujours quelque chose de son parrain)je serais tireur!
Ayant fait une bonne annee scolaire,en cinquieme au lycee Raynouard de Brignoles,je reçus pour les vacances
scolaires un cadeau exceptionnel:une paire de vraies boules comme les grands,une paire de JB,striees au
maximum(mon pere m'avait dit.»Pour qu'elles tiennent mieux»)d'un diametre de 73 pour un poids de 715
grammes,Je me souviens de n'avoir eu la sensation d'aucune gene:il me semblait que je les avais depuis toujours
entre les mains, et un dimanche après-midi,mon pere m'autorisa à disputer le concours à la melee de l'Avenir
Bouliste Cabassoise,sur le jeu de boules! J'avais treize ans.Mon premier concours! L'eau a coule sous le pont de
l'Issole depuis une quarantaine d'annees.Et aujourd'hui,le speaker de la finale du Grand Prix d'hiver de la Petite
Venise,le dix-septieme du nom,est la present devant moi.Qu'il est loin le temps de mon premier deplacement,avec
Rene Collomp (le prof) à Agay....
«Et vous ,Monsieur Barra,quel est votre palmares?»
Sans aucune hesitation,avec une pointe d'humour non negligeable et une serenite froide et calculee:
«Moi,j'ai remporté deux fois le grand prix de Pomples et une fois le grand prix de Camdumy.»
J-ai cru ,sur le moment,que les deux yeux écarquilles,interrogatifs qui s'opposaient à mon regard malicieux,allaient
exploser.
«C'est ou-Pomples et Campdumy-bafouilla le pauvre homme.-Comment,vous ne connaissez pas ces deux domaines
viticoles de mon pays bleu chéri de Cabasse-lui répondis-je avec un tel aplomb,que cela fit rire mes adversaires et
decontracta mes partenaires.
Ce fut au tour des journalistes de la -Provence- et de -La Marseillaise- de poser des questions ,savoir ou etait
Pierrefeu,que signifiait-Lei Rima»,que nous pensions nous de cette finale... Ma reponse fut claire,nette et sans
ambiguite:
«Ils ont six boules,nous aussi!»
La presentation des joueurs ne fut qu'une enumeration de prenoms et de noms,sans citer la moindre victoire de
l'un ou de l'autre.
La finale
Même dans nos rêves les plus fous ,nous n'aurions pu imaginer ce qui allait suivre .Nous allions ,Bernard ,Olivier
et moi,nous hisser sur un nuage! Et planer par notre jeu au dessus de la halle martégale.Menés 2-0 après deux
mènes de jeu,face à un Philippe Roux qui attaquait fort(quatre boules frappées sur quatre dont un carreau),nous
faisions une troisième mène pleine(personnellement je frappais double) et empochions quatre points. Il y a ainsi
quelques mènes qui resteront à jamais gravées dans ma mémoire.A la quatrième mène ,nous avions serré et nous
aurions dû perdre un point lorsque Dédé Massoni,à sa dernière boule longue de près d'un mètre,tirassa le bouchon
sur cinquante centimètres pour faire quatre points...sous les applaudissements nourris et moqueurs de spectateurs
qui ne l'étaient pas moins,Bernard eut ces paroles:»Il n'y a que des connaisseurs!»
La septième mène(alors que nous étions menés 6-7),Olivier embouchonna, Philippe Roux manqua double,alors
dédé Massoni décida ,contre l'avis de ses partenaires de tirer sa dernière boule en finesse.Il manqua.Avec cinq
boules en main ,je frappais double,fis un carreau et Bernard eut en main les deux boules pour faire quatre points,Il
rata la première et frappa la seconde pour trois points.Le grand Massoni s'était foutu du jeu: il perdait trois points
et ne devait plus revoir le bouchon.A la mène suivante, avec ses deux boules,Olivier en fit passer six.Hélas,Bernard
n'ajouta pas.C'était une première mène de gagne,car je glissais les deux miens,enfin,je me souviendrai longtemps
de la dernière mène: nous menions12-7,il y avait dix-huit mètres environ,et je frappais la boule de Carbo,,,pour
gagner ! L'image de Bernard et Olivier,tombant en pleurs dans les bras l'un de l'autre fut touchante.Quant à moi,
je fus félicité par Claude Carbo très sympathiquement.Ce qui tend à prouver tout simplement que sur une
partie,même avec une équipe incontestablement au- dessus du lot on ne sait jamais.Mon bras n'a jamais tremblé
au cours de cette finale.Mais je n'étais pas peu fier lorsqu'on annonça:
«Jean-Michel Barra ,meilleur joueur de la finale» .Nous, les invités surprise,avions crée la sensation en battant les
grandissimes favoris,en deux tours d'horloge.Notre premier succès dans cette compétition d'envergure,«la partie
finale nous révéla Jean-Michel Barra,sans contestation possible le meilleur sur le terrain, pointant et,surtout,
tirant avec efficacité si ce n'est avec aisance»(La Marseillaise).
C'était pour nous ,équipe de valeur moyenne,le plus beau concours que nous pouvions rêver de gagner,avec un
plateau composé du gratin du Jeu Provençal.Dès ce soir dès le 24 janvier 2005, notre statut de joueur avait
changé.Nos adversaires désormais ,nous regarderaient différemment.Le soir, en rentrant ,sur l'autoroute, la neige
nous attendait comme pour saluer la surprenante victoire d'une équipe soudée et homogène,d'une équipe d'amis
dans et en dehors du monde bouliste.
Notre Grand Prix d'hiver
Durant toute la nuit,je ne pus fermer l'oeil,Je revoyais le film de ces trois dernières journées,Les neuf parties
défilaient sur mon oreiller.Le samedi,nous avions jamais forcé notre talent pour nous imposer(13-1,13-3et 13-1.Une
anecdote des plus sympathiques me revient en mémoire,Il est dix-huit heures et nous devons disputer la troisième
partie,à l'extérieur.Face à nous une triplette emmenée par le président de Bellegarde( Gard). On nous avait
prévenu qu'il était capable d'endormir ses adversaires par ses paroles,comme à l'époque.Nous gagnons la pièce et
envoyons le but à environ 17,50 mètres,Olivier pointe sa boule à dix centimètres devant le but.Deux minutes
s'écoulent,le président de Bellegarde(un brave homme,hâbleur,de soixante-dix ans et bedonnant)nous prie de
renvoyer le but.Nous ,on répond pas.Il insiste.Les minutes s'écoulent.Son pointeur lui demande alors de tirer,un
,deux,trois pas et la boule d'Olivier et le but se retrouvent,au fond du jeu ,dans la poutre.»Vous êtes
contents,s'exclame t'il ! Vous n'avez pas voulu renvoyer quand je vous l'ai demandé.Nous avons perdu une dizaine
de minutes!»Ca c'était vraiment dit «à l'ancienne»,
Le dimanche matin,nous l'emportons face au champions de l'Hérault 13-6.L'après-midi,contre une équipe de
Pertuis,nous sommes menés largement, au score de 6 à 11.Et pourtant nous faisons compter trois ou quatre boules
chaque mène.C'était insuffisant,Ils faisaient le plein,jouant à la perfection quatre ou cinq boules par mène.Le
tireur ,un jeune adolescent que nous avons déjà battu lors du National de Saint Maximin ne manquait pas de
boules.Le pointeur ouvrait les mènes et le milieu ajoutait.
Et puis arriva cette fameuse mène,irréelle,impensable,Le but était à près de vingt mètres,Le pointeur pointa
quarante centimètres long dans la direction du but,Olivier,à sa première, mit sa boule à cinq centimètre sur le
côté.A sa première boule tirée ,le tireur fit casquette.Il manqua sa seconde.Le pointeur ,excellent jusqu'à là,fit trou
dans la donnée et resta deux mètres court.Le milieu pointa sa première boule quarante centimètres devant le
but.Sa seconde heurta la boule courte de son pointeur,Olivier,à sa seconde,rentra des deux boules courtes mais ne
mit pas le point,Bernard ajouta à sa première et rentra(des deux courtes)à sa seconde,Je me souviens des paroles
d'encouragement de Bernard:
«Tu en glisses un sur deux et ça fera 9 à 11,on revient en partie.»
C'est ce que je m'apprêtais à faire quand Olivier me demanda:
«Tu ne veux pas tirer à celle qui est devant le but?Si tu frappes et que tu as le contre à l'autre derrière le but,tout
rentre»,
Une fois retourné au rond ,je vis alignés à dix-neuf mètres la boule de l'adversaire,le but,la boule d'Olivier et
l'autre boule adverse derrière le but.Tout ce qu'il pouvait m'arriver était,en tirant,de ne pas marquer,alors que
j'avais deux points sur le tapis,Bernard me proposa alors d'écouter la proposition de notre pointeur.Nous étions
venus pour jouer.C'est vrai que la chance tourna de notre côté.
Je fis carreau en place à la première et contre à la seconde:il n'y avait plus que nos boules sur le terrain(sans
compter les deux boules de nos adversaires courtes de deux mètres).J'ajoutais,tranquille.Le milieu d'en face se
tourna vers son pointeur et lui glissa:»Nous avons tiré un coup de trop et l'on perd quatre points».Gentiment,
Bernard lui fait remarquer qu'il venait de perdre six points sur la mène! Ils ne s'en remirent pas.La mène
suivante,Olivier pointa à plus d'un mètre,sur le côté,ils perdirent six fois le point.Nous nous retrouvions,en
huitième,face à l'équipe varoise emmenée par l'adroit et sympathique Sébastien Perrin(Le Muy). Partie remportée
sans souffrir 13-3(avec un brin de chance). Nous voilà,petits poucets,le lundi matin en quarts de finale contre
Thierry Terreno,Escalier et Fouque.Cette partie on aurait dû la perdre,mais à chaque fois ,on s'en sortait.
Tout d'abord ,merci à Bernard pour son jeu d'appoint,Thierry ,lui,explosait tout ce qui s'approchait du but,les
reculs succédant aux carreaux
Menés 5 à13,nous avons réussi à renverser la vapeur.Quatre mènes ,je fus confronté boule à boule avec Thierry
Terreno.Quatre fois, il glissa le treizième point,quatre fois,je frappai pour ne pas perdre.Et finalement,après plus
de quatre heures de jeu,nous l'emportions 13-12
Nous venions d'accomplir un exploit: nous étions dans le carré,nous venions de remporter sept victoires
consécutives dans le même concours et nous étions en demi-finale l'après-midi contre les sympathiques Bas-Alpins
Marcel Egret,Alex Blanc et Lambert que nous battions difficilement 13-11,
La suite vous la connaissez: neuf parties de longue en trois jours,plus de sept cent kilomètres,des réveils à six
heures,des couchers vers vingt-trois heures,toute cette fatigue nerveuse et physique avait disparu comme par un
coup de baguette magique dès le mardi matin.Il ne restait plus que le goût,oh! Combien savoureux de la victoire!
Les jours qui suivirent ne furent qu'une suite de félicitations.Combien de fois avons nous raconté cette finale! Les
photos,les interviews dans la presse locale et départementale.»L'exploit des joueurs de Leï Rima". Il fallait nous
prêter à ce jeu(agréable),pour la première fois de notre carrière bouliste et obtenir une certaine reconnaissance de
nos pairs.Au cours de mon adolescence,j'avais déjà pris ma plus belle plume pour écrire une centaine de
chansons.Mais, jamais je n'aurais écrit la moindre ligne sur ma passion vouée au Jeu Provençal,si je n'avais,ce 24
janvier 2005,remporté le Grand Prix d'Hiver de Martigues,
Où je préférais la longue ,,,,,,à la pétanque
Lorsque j'appris à faire les trois pas ,j'avais une dizaine de printemps et je fus très vite attiré à ce jeu.Et sans
problème ,je jouais à la pétanque(à l'époque on avait intérêt à avoir les pieds tanqués dans le rond)ou à la longue
avec les plus anciens.Là j'ai appris à tirer en ne faisant que trois pas et à pointer sur un pas,ce n'est pas toujours le
cas aujourd'hui sur les terrains.C'est pas la faute aux «autres»,aux étrangers à notre région provençale,créatrice
de ce jeu aujourd'hui escagassé et trahi par des règles absurdes,inventées à la fédération à Paris.
Pour revenir à mes premiers trois pas ,j'ouvre avec une profonde tristesse une parenthèse souvenir liée à la
disparition de mes premiers partenaires Claude et Marius,aujourd'hui au Paradis des boules.
Parallèlement à la pratique ,j'ai participé depuis mon adolescence à la vie associative de plusieurs clubs
boulistes,avec comme bâton de maréchal le titre,en 1990,de meilleur président bouliste varois(président de l'ASB
Brignoles).
Pourquoi avoir choisi la longue?Je pense avec le recul que c'est parce qu'il s'agit du jeu de la provence,de ma
région natale.Et puis,avec les boulodromes crées dans les années 1970 ,la pratique du tir à la rafle s'est
développée ,au détriment de l'adresse pure,à la pétanque.Et que pour tous ceux(vous les pétanqueurs) qui croient
que c'est plus facile de gagner à la longue,ils n'ont qu'à venir y participer.Car je suis persuadé qu'une personne
adroite au jeu provençal le sera à la pétanque,mais je pense que le contraire est loin de la réalité.
Oh,je sais bien que je vais pas me faire de nouveaux amis chez les pétanqueurs ,mais ceux qui me connaissent le
savaient déjà ,je ne crains pas d'écrire également que la mentalité n'est pas la même aux deux jeux.
Je ne vois pas chez le joueurs de pétanque,la chaleur ,la camaraderie,la fraternité que l'on retrouve chez les
adeptes du Jeu Provençal.L'image laissée aux buvettes est bien présente pour appuyer mes dires .Et que dire des
partages?Lors d'une épreuve à la longue ,au fur et à mesure que l'on avance dans les concours,le coût n'en est que
plus élevé.On joue au jeu Provençal parce que l'on aime ce jeu,pas pour y gagner de l'argent
Souvent lorsqu'on arrive dans le dernier carré,on fait les frais(deux jours,déplacement,restaurants,buvette...)Et
puis sur une partie qui dure en moyenne trois heures,les liens sont presque obligés de se nouer avec l'équipe
adverse.A la pétanque ,par contre,le temps passé sur les jeux est moyennement inférieur à l'heure sur une partie,et
neuf fois sur dix,l'on se sépare avec une poignée de main...alors qu'à la longue,le passage à la buvette est quasiment
la normalité.Pour moi ,dans ce monde de boules,entre Camargues,Alpes et Esterel,le jeu provençal fait partie de
notre patrimoine culturel et sportif et la transmission du savoir jouer est forte,pour nous les papés(la moyenne
d'âge est plus élevée à la longue qu'à la pétanque)vers nos pitchouns qui,je l'espère fort,continueront de porter
haut les couleurs et les lettres de ce noble jeu.
Quelques parties,,,,,,,,,,,,éternelles
Au comptoir, connaissez-vous quelqu'un de plus menteur qu'un pêcheur?Un chasseur .Et connaissez-vous
quelqu'un de plus menteur qu'un chasseur? Un joueur de boules. Encore que ces trois personnages,au demeurant
fort sympathiques, ne sont tout simplement que des braves gens qui exagèrent,la faute au soleil qui frappe fort sur
nos cerveaux,heureusement bien abrité sous la paille de nos chapeaux! Mais devant un verre d'anis posé sur le
zinc....tout devient grandiose!
Je n'étais que gamin encore boutonneux, lorsqu'un jour ,sous les marronniers ,sur la place de Cabasse,j'entendis
une histoire ,qui est toujours présente en ma mémoire;le conteur se nommait Gaby:»Un jour avec mes deux
partenaires de l'époque,nous jouions à la Londe,contre le Grava,Parpelet(deux surnoms de très grands joueurs
d'avant guerre) et je souviens plus du troisième. Nous étions menés 1 à 12,nous allions en quinze points. Cette
mène-ci,mon pointeur envoya le but à plus de vingt mètres, fit le pas,pointa ,embouchonna et tomba raide mort,
Que faire? On ne pouvait pas abandonner la partie! Alors, avec mon partenaire ,nous l'avons allongé sur le
parapet et avons continué; Nous avons finalement, à quatre boules contre six, gagné 15 à 14.» C'est ce que j'appelle
envoyer le bouchon un peu loin!
Je me souviens qu'un jour au Luc, la partie s'éternisait et l'arbitre vint nous demander de ne plus rien toucher au
sol. Le jeu était injouable ,parsemé de gravillons,de bosses et de trous. Comment pouvoir pointer dans ces
conditions? Et bien,un spectateur se proposa de nettoyer le terrain et se fit siffler par l'arbitre! Il lui répondit qu'il
avait le droit de nettoyer, car il ne jouait pas!Et la partie se continua ainsi. C'était il y a plus de quarante ans,une
autre époque où l'on aimait bien vivre ;
Un jour ,le Grand Lilou Maurin me raconta ,lors d'un concours ,que son pointeur(un Nimois dont j'ai oublié le
nom)faisait souvent le point sien qu'il mesurait avec les patelles;Alors qu'ils étaient en terrasse d'un bar,à
l'apéritif,Lilou s'aperçut que son pointeur avait deux chaussures de tailles différentes(une 42 et une 45). En partant
du bon pied,lorsqu'il fallait mesurer sur trois ou cinq patelles,il faisait toujours le point sien.
Une histoire suivante, réelle, qui a mon avis ne se reproduira plus; C'est le double Champion de France et amis
Léon Barbier qui me l'a narrée. Au Grand Prix de Digne en1965 ,en demi-finale, Fernand Carbonnel frappa, sur le
goudron,vingt-quatre boules d'affilée. Il manqua la vingt-cinquième et se retourna vers Léon:»Prends le tir ,je ne
veux plus tirer!»
Il y a toujours les mêmes expressions qui reviennent au cours de la partie:
-Elle est là(se dit de la boule pointée qui peut se perdre);
-Et pourtant,elle est droite comme un «i»(parole d'un tireur)
-Nous avons perdu à la dernière mène alors que nous étions toujours devant ! (Ca alors)
-Aïe,j'ai mal frappé(Paroles d'un pointeur)
-On aurait du tourner avant'( Hélas)
-Si tu n'était pas venu,ç' aurait été la même chose!Se dit d'un partenaire qui a mal joué)
Mais le chiffre le plus impressionnant,c'est le nombre de carreaux faits par un joueur à l'heure du jaune!
Personnellement,j'ai réussi un jour ,sur le stade Saurin,à Toulon ,en 2005,à faire cinq carreaux en place sur cinq
boules tirées,en trois mènes consécutives; Si vous ne me croyez pas ,mes partenaires Bernard et Olivier(toujours
eux),seront là pour en témoigner. Quant à mon adversaire malheureux Christian Ros (de la Crau),il n'en ai
toujours pas revenu
«Il fallait que ça tombe sur moi»implora- t-il
Depuis ce jour,Bernard,vous dira que je suis capable de tout,dans un grand jour,que je suis fou ! Ces tirs réussis,ce
jour là,peuvent assurément faire partie du livre des records:un sentiment de fierté et d'humilité se mêle en
moi,dans ces moment-là.
Un carreau qui a beaucoup compté ,c'est celui que j'ai fait en quart de finale du championnat du Var (avec
Momond Gibert et Robert Barale contre R Palombo,E Duranti et Francisi):nous étions menés 8 à 9 et allions en 11
points. Pour ne pas perdre ,Momond me fit tirer à vingt pas,à la sautée,à ma dernière boule: je fis carreau sur
place. Ce jour-là, je connus à la fois le bonheur et l'échec de perdre en finale,car l'histoire ne retient (dans tous les
sports)que le nom des vainqueurs
C'était en mai 2002,et cinq ans plus tard (avec Bernard Rebecq et Maurice Alfiéri),j'échouais de nouveau en finale.
Aujourd'hui,mon seul regret personnel est de ne pas avoir remporté le titre de champion du Var
J'ai eu la chance,au cours de ma carrière,de pouvoir jouer avec les plus grands:Léon Barbier,Lilou Maurin,Jo
Cavalière,Momond Gibert......J'ai beaucoup appris à leurs côtés. Des tirs réussis,il y en a bien d'autres(je n'ai pas
assez de papier pour le conter?
Quelques-uns me viennent à l'esprit:un soir vers vingt-tois heures, lors du challenge Borel,à Garéoult,je passais
complètement au travers;face au locaux René Paladini et Claude Lecomte,mon partenaire Mario Gervavasoni
faisait le mille,et nous menions, sans partage,7 à 6. Sur cette mène ,Mario fit passer à sa première les six boules
adverses....Toutes pointées....Toutes courtes. Il me demanda de tirer au but:quelle confiance envers moi, ! A ma
première boule tirée,le but s'envola et nous fîmes six points pour gagner .
Un autre tir restera toujours gravé en ma mémoire. En 1998 ,en huitième du National de Saint Maximin,contre
Christian Cuny(qui depuis est devenu un ami),j'étais mené 2 à 11 et pour ne pas perdre ,avec mes deux boules en
main, il me fallait taper le petit à ma première ,à dix- neuf mètres. Frappé de plein fouet, le morceau de bois s'éleva
dans les airs,heurta la branche d'un platane à sept ou huit mètres et revint mourir dans le jeu d'à côté,à une
dizaine de mètre du rond. Un premier arbitre fit le but bon. Un second fit nul. Le comité organisateur se réunit et à
trois voix contre deux, le but fut décidé bon.
Déçu de cette décision,je donnais la victoire à mes adversaires. Pour moi,ce sera toujours une injustice,mais comme
j'étais mené largement au score, je n'avait pas insisté?
Il m'est arrivé plusieurs fois ,avec Bernard Rebecq,de faire un carreau alors que je devais frapper pour gagner. A
chaque fois Bernard me dit: «Ca ne sert à rien de faire un carreau!»
Ah,ces boules!Elles roulent et font jaser. Un jour à Vidauban ,alors que je lui explosais les boules,autant de boules
tirées,autant de boules arrêtées(carreaux,palets,reculs;tout y passa) Claude Carbo se mit au milieu du jeu et me
demanda:
« Comment tu les vois,mes boules?»
«Elles grossissent quand je fais les pas!»répondis-je et je fis un recul à la suivante.
Souvent, mes partenaires me reprochent de manquer derrière:ce n'est pas parce que je tire au carreau,c'est
simplement parce que j'ai appris à tirer sur le goudron. Et même lorsque je rate court ou long ,si je suis droit je
suis à demi satisfait
Car le plus dur c'est de mettre droit. Par ailleurs,l'une de mes forces est que je ne crains pas les longues portées. Ma
préférence va au jeu en triplettes . Je le trouve plus complet ,plus équilibré et plus agréable à regarder sous les
platanes séculaires.
Celui qui croit avoir tout vu sur un terrain est loin de la vérité. Lors d'une demi-finale du Ponzo à Brignoles,la nuit
étant tombée,mon partenaire alluma une cigarette près de la boule que je frappais à 12 à 12 pour gagner.
Au Muy,l'année dernière,j'ai réussi(et cela ne tient plus au miracle qu'autre chose)à faire un carreau en place à dixhuit mètres.....sur une plaque d'égout. Tout,même l'impossible qui défie toutes les lois de la physique,tout peut donc
se produire.L'eau coulera sous les ponts avoir de revoir une telle action!
D'autres parties,comme la finale disputée au Luc,ferons toujours partie de mes souvenirs inoubliables. Ce jour-là
,j'ai du réussir l'un des plus beaux tirs de ma carrière avec ,en apothéose, sur le goudron pur et lisse ,la frappe
d'une boule seule placée en devant de boule,alors que nous étions 12 à 12 ! Heureux mariage de l'adresse avec la
réussite!
Je n'oublierai pas de citer le seizième ,le quart et la finale de Martigues en 2005,trois parties qui ne s'effaceront
jamais de mes souvenirs boulistes et qui selon la nouvelle expression consacrée dans les milieux sportifs, feront
figure de parties de références. Ah! Il y eut aussi ce carreau ,à douze partout,sur une boule embouchonnée par
derrière sur les plages du Mourillon à Toulon
Pendant que j'écrivais ces souvenirs ,j'ai fait une pause écriture qui m'a permis de m'illustrer en finale du premier
National de Draguignan,en compagnie de mon fidèle Bernard et de Hervé Agarat(dont c'était le premier concours
avec nous)où j'ai perdu à cause d'un contre à l'équerre . Mais ce jour-là, j'ai fait l'une de mes meilleures
prestations:sur le goudron cassé du boulodrome couvert de l'ancienne Préfecture,j'ai frappé quinze boules sur dixneuf dont un carreau.Mené à 0-9 par Garnero,Lafleur et Antigo,nous avons perdu 9-13
Où l'amitié est ma préférence
Depuis tout ce temps passé sur les boulodromes, j'ai dû, à quelques reprises,essayer de faire une grosse partie. Je
manquerais de vérité si je disais le contraire. Mais ,dans l'ensemble,je suis toujours revenu vers l'amitié. Ma
préférence c'est le plus souvent tournée vers ce noble sentiment.
Jamais je n'aurai imaginé ,lorsque par hasard j'ai signé à Pierrefeu en 2003,trouver ce dont je n'aurai rêvé: plus
qu'un club,une famille composée d 'une soixantaine de joueurs,de vrais copains. Dès mes premiers pas sous le
maillot de Leï Rima (cher à son président à vie,Marcel Laugier),j'ai été adopté par tous et même par les nombreux
supporters .
Et puis j'ai découvert ,à la cinquantaine passée,une nouvelle et grande amitié avec celui qui est mon partenaire
préféré,Bernard Rebecq.
Cela fait aujourd'hui presque une décennie que nous arpentons les terrains de boules provençaux et parfois,
comme le disent certains,avec un œil amusé,nos querelles sont celles d'un vieux couple. Mais,chacun de nous
connaît parfaitement l'autre et dans les moments difficiles,cela nous permet de s'en sortir. Notre amitié est à la vie
comme aux boules. Bernard est un peu devenu le frère que je n'ai jamais eu.
Aujourd'hui,je sais pertinemment que ma carrière de joueur se trouve derrière moi et que je n'ai plus rien ou bien
peu à prouver. Mais ,c'est toujours avec l'état d'esprit d'un junior que j'aborde les compétitions.
Et le jour où mes vieilles guibolles ne me traîneront plus,je prendrai un chapeau et un pliant et regarderai une
partie de Jeu Provençal sous les platanes,en regrettant peut-être le temps où en harmonie avec le chant des
cigales .. trois pas...trois pas...trois pas... et puis s'en vont..

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