techniques d`evaluations des effets non

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techniques d`evaluations des effets non
AFPP – DIXIÈME CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LES RAVAGEURS EN AGRICULTURE
MONTPELLIER – 22 ET 23 OCTOBRE 2014
TECHNIQUES D’EVALUATIONS DES EFFETS NON INTENTIONNELS DE TRAITEMENTS
PHYTOSANITAIRES SUR LA FAUNE AUXILIAIRE AU CHAMP EN CULTURES MARAÎCHERES
(1)
C. MARTIN , A. LUSETTI
(1)
(1)
et R. RACINE
(1)
PHYTEX 9 RUE DE L’ARTISANAT 66180 VILLENEUVE France [email protected]
RÉSUMÉ
Des données d’observations sur la faune auxiliaire entomophage dans des essais d’efficacité
biologique au champ à la norme BPE (Bonnes Pratiques Expérimentales) sur pucerons des laitues et
du melon sont prises en exemple sur différentes espèces de prédateurs et parasitoïdes observables
pour évaluer la compatibilité des produits et des modes d’application testés. Les évaluations
d’évolution temporelle de présence des auxiliaires dans la culture sont complémentaires d’études de
laboratoire ponctuelles plus précises. Elles semblent particulièrement pertinentes dans le cadre de la
connaissance de l’efficacité pratique pour des stratégies de traitement comparées nécessaires aux
prescriptions futures aussi bien pour des produits conventionnels qu’alternatifs.
Mots-clés : effets non intentionnels, auxiliaire, produit phytosanitaire, essais au champ,
compatibilité.
ABSTRACT
ASSESSMENT TECHNIQUES OF SIDE EFFECTS OF PESTICIDES TREATMENTS ON BENEFICALS IN THE
FIELD FOR VEGETABLE CROPS
Assessment data on beneficials (aphidophagous predator and parasitoids) in GEP (Good
Experimental Practice) biological efficacy trials of lettuce and melon aphids allow us to evaluate and
compare compatibility and side-effects between treatments, positioning strategy or application type
on a long period.
These field data are complementary results to laboratory eco toxicological data and pertinent for the
future relevant prescriptions and closer to practice as well for conventional and alternative products.
Keywords: side effects, beneficial, pesticides, field trials, compatibility.
INTRODUCTION
L’importance des entomophages dans la régulation des populations de ravageurs est un constat
récurrent qui concerne aussi les cultures maraîchères de plein champ (Francis et al. 2002). Les
données sur les effets secondaires des produits phytosanitaires et en particulier les conditions de
leur compatibilité avec les insectes auxiliaires entomophages présentent un intérêt majeur pour les
pratiques de protection intégrée dans un souci de réduction des intrants et d’optimisation du
résultat de contrôle des parasites ou des ravageurs des cultures. Pour les stimulateurs de défense
naturelle des plantes, ces données de compatibilité sont aussi importantes que pour les produits
conventionnels et viennent compléter un argumentaire technique de prescription. Cette publication
est limitée à la présentation d’exemples de données acquises dans des essais d’efficacité biologique
réalisés à la norme BPE (Bonnes Pratiques Expérimentales) qui permettent dans des conditions
d’environnement favorables de cumuler des observations d’efficacité biologique sur les ravageurs visés
et sur les auxiliaires présents en cultures légumières.
L’objectif étant de confirmer le caractère complémentaire des données obtenues au champ et des
données éco-toxicologiques de laboratoire aux fins d’alimenter les bases de données existantes comme
ECOACS, (Chauvet, 2002) dont l’intérêt pratique justifie l’augmentation du temps de collecte des
données.
MATERIEL ET MÉTHODES
La méthodologie suivie correspond pour les ravageurs et les cultures hôtes aux méthodes de la
Commission des Essais biologiques (Monnet, 1998) et de l’OEPP (Anonyme, 2011), dont seuls les
aspects concrets liés à la taille des parcelles élémentaires et aux méthodes d’échantillonnage sont
rappelés.
Les essais dont les résultats sont présentés ci-après sont disposés en blocs de Fischer complets éclatés
selon le niveau de présence des ravageurs lors d’un comptage préliminaire aux applications.
Pour les essais sur salade, les parcelles élémentaires sont de 120 pieds avec un échantillon de 10 pieds
de salade par parcelle élémentaire soit environ 250 feuilles observées avec des comptages destructifs
par effeuillage au laboratoire.
Pour les essais sur melon les parcelles élémentaires sont constituées de 12 plants et 50 feuilles de
melon par parcelle élémentaire sont observées au champ (dont 25 feuilles jeunes et 25 feuilles âgées)
ce qui correspond aux fourchettes d’échantillonnage recommandées.
Dans tous les essais, seuls les pieds centraux font l’objet de comptage périodique à To, T+ 4 h, T+ 2 jrs,
T+ 7 jrs, T + 14 jrs, T+21 jrs., T+ 41 jrs,
Une identification sommaire par famille d’insectes auxiliaires présents sur la feuille est pratiquée selon
les stades observables: nous listons ci-après les auxiliaires intervenant régulièrement dans les essais
pucerons de plein champ en particulier en cultures maraîchères sur salade ou cucurbitacées.
A partir de ces observations il est possible de proposer un classement pour l’effet du produit sur
l’insecte auxiliaire selon la classification OILB (biblio) qui intègre les effets secondaires directs ou
indirects en quatre catégories : inoffensif (réduction de moins de 25% de l’efficacité des ennemis
naturels), peu toxique (réduction de 25 à 50%), moyennement toxique (50 à 75%) à très toxique (plus
de 75%).
INSECTES AUXILIAIRES OBSERVABLES
Plusieurs groupes d’arthropodes utiles peuvent être observés.
Le premier groupe correspond aux prédateurs : Staphylins (adultes), les Cécidomyies (larves), les
Coccinelles (larves et adultes) les Névroptères (pontes, larves et adultes), les Syrphes (larves).
Le second est celui des parasitoïdes : Hyménoptères (traces d’action = momies).
La méthodologie suivie est celle de Breitenmoser et Baur (2013), pour retenir les auxiliaires
pertinents sur les pucerons des céréale. Dans les données présentées ci-après, seuls des
représentants des groupes suivants ont fait l’objet d’observations :
Photo 1 & 2 : Chrysopes œuf et adulte
A l’observation des feuilles de cucurbitacées il est possible d’identifier
facilement les pontes caractéristiques des chrysopes avec leur pédoncule.
Les adultes peu mobiles peuvent également faire l’objet d’un comptage
au champ ainsi que les larves.
Photo 3 : Syrphes
Ce sont des « larves-sangsues », leur observation et le comptage des
larves de dernier stade présentes sur les feuilles restant fixées sont
seuls possibles car les mouches adultes sont très mobiles
Photo 4 : Cécidomyies
Leurs larves de couleur orangée sont
facilement repérables
Coccinelles
Les larves peuvent être identifiées facilement, sur cucurbitacées certaines espèces s’alimentent
du mycélium d’oïdium présent et non de pucerons
Photo 5 : Hyménoptères parasitoïdes (opercule de sortie)
Même si l’observation des insectes adultes est souvent possible, ce
sont les traces de l’action de parasitisme entraînant une momification
des pucerons qui peuvent faire l’objet d’un comptage. Bien que la
couleur des momies ne soit pas un critère déterminant, on peut
différencier facilement les momies résultant de l’action des
Aphelinidae (cf. photo 5) des momies « sur pilotis » posées sur le cocon
de nymphose résultant de l’action des Aphidinae comme le Praon
volucre.
EVOLUTION DES POPULATIONS, CONTINGENCES, PROBLEMATIQUE
La méthodologie des essais de ravageurs prévoit normalement la gestion des parcelles témoins non
traitées en fonction du risque d’effet de bordure sur les parcelles traitées adjacentes selon un
système de témoins inclus, imbriqués ou exclus. (Monnet et al 1998).
Avec l’évolution normale exponentielle des populations de ravageurs, il est suggéré à partir d’un
certain niveau de population de réguler cette population par un traitement correctif aux fins d’éviter
les effets de bordure de re-contaminations intempestives des autres parcelles.
Dans certaines conditions d’environnement de l’essai dans des secteurs où la biodiversité permet le
maintien et le développement d’une faune auxiliaire importante, les parcelles non traitées peuvent
servir de refuge et un développement de la population des auxiliaires peut être observé.
La question se pose alors de pouvoir suivre le développement de cette faune auxiliaire qui vient
modifier l’évolution des populations du ravageur observé sur les parcelles non traitées dans des
proportions souvent importantes et parallèlement de vérifier si ces auxiliaires sont présents aussi sur
les différentes modalités de traitement comparées dans l’essai.
La décision délicate repose sur les objectifs du protocole et doit faire l’objet d’une concertation avec
les sponsors de l’essai pour évaluer l’intérêt de données d’observations des auxiliaires pendant la
durée des observations possibles.
L’expérience de l’expérimentateur à anticiper les évolutions ravageur/auxiliaire grâce à sa
connaissance de l’écosystème local et des interactions avec le microclimat et la qualité de
signification statistique des observations déjà réalisées permettent seule de prendre la décision la
plus pertinente au cas par cas.
RESULTATS
ESSAI SUR PUCERONS DES LAITUES :
Les comptages d’auxiliaires réalisés 10 jours après le traitement D et juste avant le traitement E
montrent un niveau d’auxiliaire moyen par plante cumulé pour les 3 espèces visibles Aphidius sp.,
Aphelinus sp. et Syrphus sp. présentant des différences significatives entre les modalités et plus
particulièrement avec le témoin non traité. Cf. Figure. 1
Tableau I : Pourcentage de réduction du nombre d’auxiliaires par rapport au témoin non traité
( Reduction percentage of beneficial number by comparison with untreated control)
modalité
X
Y
Z
% réduction nbre auxiliaire/ effectif témoin non traité
syrphus
aphidius
aphelinus
0% a
-13% a
-34% a
-93% b
-93% b
-100% a
-95% b
-93% b
-90% a
* nombre suivis de la même lettre non significativement différent à 5% (Newman et Keuls).
Dans ce cas particulier sur la base des ratios OILB et les notes méthodologiques du groupe de travail
« Action secondaire » Ecoacs (Anonyme 2012) il est possible de conclure à la sélectivité pour les
auxiliaires observés de la modalité X neutre pour syrphus et aphidius et peu toxique pour aphelinus par
rapport aux modalités Y et Z très toxiques.
Sans rentrer dans le détail du protocole, nous pouvons seulement préciser que le mode d’application
peut être un facteur à prendre en compte pour pouvoir observer cette sélectivité.
Figure 1 : Nombre moyen cumulé par plante sur une durée de 15 jours d’insectes auxiliaires après
traitement dans un essai d’efficacité biologique sur pucerons des laitues
Data of cumulative average number of beneficials by plant after insecticide application in a biological
efficacy trial on lettuce aphids for 15 days
nombre par plante
5a
4a
21a
24a
aphidius
aphelinus
syrphus
19a
15a
non traité
nombre par plante
5
X
0a
2b
1b
1a
2b
1b
Y
Z
4
21
24
aphidius
aphelinus
syrphus
19
15
non traité
X
0
2
1
1
2
1
Y
Z
ESSAI SUR PUCERONS DES CUCURBITACEES :
Dans cet essai réalisé selon la norme CEB et prenant en compte les remarques de Boll et al (2002)
sur le dénombrement visuel des pucerons sur melon, la population de larves de cécidomyies était
remarquable dès le premier comptage avant traitement, nous avons suivi son évolution pendant 3
semaines après l’application : cf. Figure 2
Les données comparées d’évolution sur les parcelles témoin non traité et une modalité permettent de
constater un effet choc suite à l’application suivi d’une remontée de la population d’auxiliaires active à
partir de 15 jours après l’application et identique entre les parcelles traitées et non traitées. Cette
remontée des populations d’auxiliaires peut aussi s’expliquer par le redémarrage des populations de
pucerons en fin de rémanence d’action des insecticides étudiés ce que montre parallèlement l’évolution
du nombre de pucerons qui passe par un maximum le 26/9.
On peut considérer que la rémanence de la modalité insecticide n’a pas impacté le redémarrage de
la population d’auxiliaires de façon définitive et a permis d’atteindre un équilibre des populations de
ravageurs et d’auxiliaires en permanence sous le seuil de nuisibilité ce qui est l’objectif pratique
souhaité d’une protection raisonnée.
En comparant ces observations avec les ratios Ecoacs/OILB nous classons la modalité insecticide
comme peu toxique à moyen terme.
Figure 2: Evolution du nombre de larves Aphidoletes aphidimyza par feuille de melon de 1 DAA (Jour
Après Application) à 22 DAA dans un essai d’efficacité biologique sur pucerons du melon.
Evolution of Aphidoletes aphidimyza larvae average number by leave from 1 DAA (Days After
Application) to 22 DAA in a biological efficacy trial on melon aphids.
22,8 a
20,8 a
17,5 a
12,0 a
8,3 a
4,7 a
3,3 a
13
13
02
/1
0
/2
0
13
/2
0
01
/1
0
/2
0
13
/0
9
30
29
/0
9
/2
0
13
13
28
/0
9
/2
0
13
27
/0
9
/2
0
13
26
/0
9
/2
0
13
/2
0
25
/0
9
/2
0
13
/0
9
24
23
/0
9
/2
0
13
13
22
/0
9
/2
0
13
21
/0
9
/2
0
13
20
/0
9
/2
0
13
/2
0
19
/0
9
/2
0
13
/0
9
18
17
/0
9
/2
0
13
13
16
/0
9
/2
0
13
/0
9
15
X
0,0 b
/2
0
13
14
/0
9
/2
0
13
/2
0
13
/0
9
/2
0
/0
9
12
11
/0
9
/2
0
13
0,0 b
non traité
3,0 a
25,0
Traitement
20,0
15,0
non traité
X
10,0
5,0
12
11
/0
9
/2
0
/0 13
9/
2
0
13
/0 13
9/
1 4 2 01
3
/0
9/
1 5 2 01
3
/0
9/
1 6 2 01
3
/0
9/
1 7 2 01
3
/0
9/
1 8 2 01
3
/0
9/
1 9 2 01
3
/0
9/
2 0 2 01
3
/0
9/
2 1 2 01
3
/0
9/
2 2 2 01
3
/0
9/
2 3 2 01
3
/0
9/
2 4 2 01
3
/0
9/
2 5 2 01
3
/0
9/
2 6 2 01
3
/0
9/
2 7 2 01
3
/0
9/
2 8 2 01
3
/0
9/
2 9 2 01
3
/0
9/
3 0 2 01
3
/0
9/
0 1 2 01
3
/1
0/
0 2 2 01
3
/1
0/
20
13
0,0
DISCUSSION
Les observations réalisées sont limitées puisque souvent un seul stade de l’auxiliaire se prête à des
observations visuelles évidentes et doivent s’interpréter en fonction de l’observation des variations
de population des ravageurs. Par ailleurs la détermination des espèces présentes nécessite le plus
souvent la confirmation d’un entomologiste spécialisé et disponible. Ces données aussi limitées
soient elles ont le mérite d’exister et permettent de mobiliser les observateurs concernés en
valorisant leur finesse d’observation et leur intérêt pour les connaissances d’entomologie appliquée
à la faune auxiliaire dont l’approfondissement est toujours utile dans ces essais.
CONCLUSION
La complémentarité des données efficacité sur ravageurs et compatibilité auxiliaires est pertinente
lorsque les conditions de l’écosystème plante hôte-ravageurs-insectes auxiliaires s’y prêtent.
La précision des données recueillies n’est pas comparable à celle obtenue dans des tests de
laboratoires en condition contrôlée mais comme toute notation visuelle répétée dans le temps cette
imprécision est largement compensée par l’appréciation de la tendance d’évolution dans la durée
dans des conditions proches de la « vraie vie » des auxiliaires aux conséquences pratiques décisives
en protection intégrée des cultures selon un modèle d’équilibre aleurode/ punaise prédatrice
Macrolophus spp déjà évalué (Martin et al , 2008).
Par rapport au schéma décisionnel classique d’évaluation des effets non intentionnels des produits
de protection des cultures, ces données peuvent donc contribuer à la classification comparée des
effets non intentionnels des produits conventionnels ou alternatifs par rapport au comportement du
témoin non traité et si la toxicité ou l’innocuité des produits de référence de l’essai sont déjà
connus. Cette contribution nous semble particulièrement décisive dans le cadre des données
d’efficacité pratique nécessaires à la connaissance d’un produit ou d’une stratégie d’alternance et
des modes d’application.
REMERCIEMENTS
Nous remercions les sociétés Scotts France et ISK Biosciences pour leur accord sur la diffusion de
données d’essais partielles dans le respect de la confidentialité contractuelle.
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