L`approche de la juste distance dans les soins à domicile
Transcription
L`approche de la juste distance dans les soins à domicile
Institut de Formation de Professions de Santé Formation infirmière 44 chemin du Sanatorium 25030 Besançon Cedex L’APPROCHE DE LA JUSTE DISTANCE DANS LES SOINS A DOMICILE UE 3.4.S6 Initiation à la démarche de recherche UE 5.6.S6 Analyse de la qualité et traitement des données scientifiques et professionnelles UE 6.2 S6 Anglais – Rédaction de l’abstract du travail de fin d’étude Présenté par : Laurine JEAN EP LOCATELLI, Anne PARROT, Marc PLENAT. Promotion 2012-2015 Formateur de guidance : Françoise FOURNIER-LIEGEON REMERCIEMENTS En premier lieu, nous tenons à remercier vivement notre formatrice de guidance, Madame FOURNIER-LIEGEON, pour sa disponibilité et ses judicieux conseils qui nous permis d’élaborer ce mémoire. Nos remerciements vont également aux infirmiers libéraux que nous avons rencontrés à l’occasion de ce travail pour leurs témoignages, leur gentillesse et le temps qu’ils ont consacré à répondre à nos questions. Nous exprimons aussi notre profonde gratitude à l’ensemble des enseignants et des professionnels qui nous ont formés, accompagnés et fait progresser tout au long de notre cursus. Enfin, nous adressons un grand merci à notre entourage et à toutes les personnes qui nous ont apporté un soutien dans la réalisation de ce mémoire ainsi que durant nos trois années d’études à l’IFSI. LISTE D’ABREVIATIONS IDE : Infirmier diplômé d’état IFPS : Institut de Formation des Professions de Santé ! SOMMAIRE( Page 1 2 INTRODUCTION SITUATION D’APPEL METHODOLOGIE 4 I. CADRE CONCEPTUEL 6 1.1. Cadre de référence 6 1.1.1 La posture 1.1.2 Cadre législatif de l’IDE libéral 1.1.3 Le travail en milieu libéral 1.2. La relation soignant-soigné 1.2.1. Définition 1.2.2. La relation de confiance 1.2.3 Gestion des émotions 1.2.4 Proximité et Attachement 1.3. La distance relationnelle 1.3.1 Définition 1.3.2 De la distance défensive à la distance excessive 1.3.3 Au plus prés de la juste distance II. EXPLORATION PRATIQUE 2.1 Présentation des professionnels 2.2. Conditions de l’entretien 2.3. Analyse des entretiens 2.3.1 Relation soignant soignée 2.3.2 La distance relationnelle 6 6 7 7 7 8 9 10 11 11 12 13 15 15 15 16 16 18 PROBLEMATIQUE 20 CONCLUSION 21 BIBLIOGRAPHIE 23 ANNEXE 1 25 ANNEXE 2 26 ANNEXE 3 27 ANNEXE 4 28 ! 1! INTRODUCTION La question de la juste distance relationnelle est au cœur de notre métier de soignant. Aussi avons-nous choisi de l’aborder dans le cadre de notre travail d’initiation à la démarche de recherche en soins infirmiers, en orientant notre questionnement sur la distance relationnelle dans les soins à domicile, thème qui fait l’objet du présent mémoire de fin d’études. En effet, nous portons un grand intérêt à l’aspect relationnel lié à l’exercice du métier d’infirmier car celui-ci est omniprésent dans les soins qui ne sauraient se réduire à des actes techniques et au respect des protocoles et autres réglementations en vigueur. Au cours de notre formation clinique, nous avons été confrontés à des situations de proximité entre soignants et patients qui nous ont conduits à nous interroger sur la distance à observer afin de rester professionnel. Cette question s’est par ailleurs révélée avec une acuité plus prégnante lors des stages que nous avons réalisés dans des cabinets d’infirmiers libéraux. Puisque nous avons comme projet professionnel d’exercer en milieu libéral, il nous a semblé pertinent de centrer notre recherche et notre réflexion la distance relationnelle dans la réalisation des soins à domicile. Ce travail nous permettra d’élargir notre connaissance et notre regard sur les différents concepts liés à la distance dans le soin. De plus, il nous procurera des ressources pour guider notre future pratique. En première partie de notre mémoire, nous présenterons la situation d’appel qui a fait naître en nous le désir de réfléchir sur ce thème. En seconde partie, nous aborderons les principaux concepts et tenterons de les définir grâce aux apports de la littérature. En troisième partie, nous traiterons l’exploration pratique que nous avons menée sur le terrain et qui nous a permis d’approfondir, à partir d’un questionnaire soumis à plusieurs professionnels, nos recherches. Enfin, nous analyserons les données recueillies, de façon théorique et sur le terrain, afin de formuler une problématique qui pourra servir à un futur travail de recherche. ! 2! SITUATION D’APPEL Au cours d’un stage en cabinet libéral lors de ma troisième année d’études en soins infirmier, je me suis rendue un soir, et pour la première fois, avec l’infirmière chez M. X. Ce patient était atteint d’un cancer en phase terminale, et il lui était prescrit une injection d’anticoagulant en traitement curatif d’une phlébite. A notre arrivée, j’ai été surprise de constater que l’infirmière embrassait le patient et son épouse, les tutoyait, et que ceux-ci nous attendaient avec boissons et gâteaux, alors que cette infirmière gardait ses distances avec les autres patients. Mme X servit donc un café à l’infirmière et me proposa une boisson, puis, pendant que je réalisais l’injection à M. X, discuta avec l’infirmière de leurs enfants respectifs, de leurs loisirs, avant de fixer une date pour un dîner commun en famille chez le patient. Une fois partie du domicile, l’infirmière m’a expliqué qu’elle avait sympathisé avec le couple au fur et à mesure de ses interventions et qu’ils se rencontraient en dehors des soins depuis plusieurs années. Ces rencontres étaient bénéfiques à Mme X dans son rôle d’aidant. Elles lui ont permis de verbaliser le stress causé par son travail mais surtout par le pronostic vital de son mari auquel elle était soumise. Cela a conduit l’infirmière à inciter Mme X à pratiquer des activités de loisirs, afin de se détendre et de ne pas s’enfermer dans son travail et son domicile, conseil que Mme X a suivi. Ce rapprochement, au-delà du domaine professionnel, semble avoir permis à l’IDE d’apporter une réponse adaptée, et à l’épouse de parler de son mal être à l’infirmière dans une relation de totale confiance, ce qu’elle n’aurait peut-être pas fait auprès d’un autre professionnel de santé. Cette situation m’a interpellée, car la relation qui s’est nouée entre l’infirmière et le couple est particulière et relève plus d’une relation d’amitié que d’une relation professionnelle. Je me suis notamment interrogée sur le fait que l’infirmière, dans le cas présent, ne semblait plus faire de différence entre sa vie privée et sa vie professionnelle. Dans ce contexte, la situation décrite ci-dessus interroge sur la distance à avoir avec des patients que l’IDE soigne tous les jours, parfois plusieurs fois par jour, et depuis des années. Lorsqu’il intervient à domicile, l’infirmier libéral entre dans le quotidien, voire dans l’intimité, des patients ; il est appelé à connaître leurs habitudes de vie, leur famille... Il semble donc normal que des échanges s’établissent plus facilement et que des liens se tissent au fil du temps dans la mesure où, à l’instar des patients, les soignants sont des êtres humains. Des questions me sont alors spontanément venues à l’esprit : ! 3! Quelles sont les particularités au niveau relationnel des soins à domicile et des soins prodigués en établissement? Quel est l’impact du port de la blouse sur la relation soignant-soigné ? Est-ce facilitant ou limitant ? Un soignant a t-il le droit d’entretenir une relation amicale avec ses patients sans se mettre en difficulté, voire en danger ? Peut-on, après plusieurs années de soins réguliers auprès d’un patient, ne pas avoir ce genre de relation ? Est-ce évitable ? Est-ce une fatalité ? Est-ce que le transfert entre le patient et le soignant peut favoriser la proximité dans la relation ? Quelle(s) émotion(s) le soignant et le soigné peuvent-ils ressentir lorsque le transfert s’immisce dans leur relation ? Qu’est-ce que le soignant et le patient cherchent à satisfaire dans une relation de proximité ? Comment la famille peut-elle réagir devant un surinvestissement de la part de l’infirmier? Peut-on parler d’intrusion de l’infirmier dans la vie privée de ses patients ou de dépendance du patient vis à vis de l’infirmier en lui demandant plus que son rôle ? Comment faire pour nouer une relation de confiance entre le patient et sa famille et, dans le même temps, trouver la juste distance pour mener à bien le soin ? Comment différencier le surinvestissement du don de soi ? Comment le soignant réussit-il à maintenir une pratique équitable entre tous ses patients ? N’a-t-il pas tendance à privilégier, en termes de disponibilité, ceux dont il se sent très proche ? Est-il possible pour l’IDE de garder une distance professionnelle lors qu’il prend en charge des patients depuis de nombreuses années ? Est-il néfaste pour la qualité des soins d’adopter une relation proche avec le patient et/ou l’aidant ? L’attachement peut-il avoir des répercussions sur la prise en soins du patient ? Lesquelles ? Comment instaurer et maintenir une juste distance relationnelle dans les soins ? Est-ce difficile de maintenir un positionnement professionnel dans les soins à domicile ? Le soignant très proche du soigné, est-il suffisamment objectif pour identifier les réels besoins de la personne ? Comment être authentique dans sa relation au patient, tout en ayant une posture professionnelle ? Faut-il éviter la proximité dans les soins pour se protéger ? Après cette phase de questionnement, la question de départ retenue est : A domicile, comment la posture d’IDE (libéral) peut- elle influencer la distance relationnelle dans la prise en soin des patients et leur famille? ! 4! METHODOLOGIE Afin de débuter ce travail de recherche, chaque étudiant a été amené à formuler une situation d’appel vécue pendant l’un de ses stages. Des groupes ont été établis suivant les thèmes évoqués. Ayant tous les quatre traité une situation en rapport avec la distance relationnelle, nous avons donc constitué un groupe de travail pour rédiger le présent mémoire ; une de nos camarades ayant quitté la formation, nous avons effectué l’essentiel du travail à trois. Nous avons ensuite retenu la situation d’appel qui nous semblait la plus pertinente par rapport au sujet que nous voulions aborder, à savoir la distance relationnelle dans les soins à domicile. A ce stade, nous avions prévu de nous intéresser à la relation entretenue par le soignant avec le patient mais aussi avec son environnement familial. 1 – Recherches théoriques En termes de méthodologie, nous avons commencé par réaliser des recherches documentaires à partir d’ouvrages et de revues avant de nous rapprocher de la formatrice chargée de guider nos travaux. Les recherches, ainsi que les rencontres avec la formatrice, nous ont permis d’ouvrir notre champ d’investigation, d’aboutir à la formulation de la question de départ et de faire émerger différents concepts. 2 – Recueil de données auprès de professionnels Il nous incombait alors de confronter la théorie aux apports essentiels du terrain en recueillant l’avis de professionnels sur le sujet de notre recherche. Après avoir élaboré un guide d’entretien identique 1 pour l’ensemble des professionnels et validé par notre formatrice, nous avons pris contact par téléphone avec différents cabinets infirmiers du Doubs, en prenant soin de solliciter des professionnels des deux sexes exerçant en milieu rural et en milieu urbain, de façon à obtenir différents points de vue selon les déterminants sociaux et géographiques pour enrichir notre réflexion. 3 – Analyse des données Après avoir analysé les entretiens les uns après les autres, nous nous sommes attachés à identifier les thèmes récurrents, que nous avons mis en lien avec les concepts théoriques et à repérer les similitudes et les divergences d’opinions. L’analyse des données nous a permis d’aborder certains thèmes auxquels nous n'avions pas pensé de prime abord. 4 – Réflexion autour de la question de départ Enfin, lorsque l’écriture de notre mémoire a débuté, nous nous sommes aperçus que nous !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 1!Cf. annexe n°1! ! 5! n’avions pas traité la totalité de la question de départ. En effet, notre guide d’entretien a été essentiellement élaboré à partir des recherches documentaires que nous avions effectuées. Celles-ci étaient généralement ciblées sur la relation du soignant aux patients dans les soins à domicile sans élargissement de la problématique à celles entretenues par le soignant avec les familles. Nos entretiens, qui se sont appuyés sur le guide, reflètent donc peu la question du relationnel avec les familles puisque nous n’avons pas orienté les professionnels dans cette direction. Une question a néanmoins été posée dans le premier entretien mais le professionnel a répondu très rapidement, revenant aussitôt sur la relation soignant-soigné. Nous avons mis cet item de coté lors des entretiens suivants. ! 6! I. CADRE CONCEPTUEL 1.1. Cadre de référence 1.1.1 La posture Il est important de définir, dans un premier temps, le mot posture. Il s’agit de la « position du corps ou d'une de ses parties dans l'espace ». [1] Au cours de notre formation, nous abordons le concept de posture professionnelle à travers l’unité d’enseignement cinq du nouveau référentiel infirmier défini par l’arrêté du 31 juillet 2009. Cette unité s’intitule : Intégration des savoirs et posture professionnelle infirmière. Les sept sous-unités composant l’unité sont les suivantes: l’accompagnement de la personne dans la réalisation de ses soins quotidiens ; l’évaluation d’une situation clinique ; la communication et la conduite de projet ; les soins éducatifs et la formation des professionnels et des stagiaires ; la mise en œuvre des thérapeutiques et la coordination des soins ; l’analyse de la qualité et le traitement des données scientifiques et professionnelles ; l’unité optionnelle. Ces sous-unités sont réparties sur les six semestres de la formation [2, p. 60]. La posture professionnelle est donc un ensemble de savoirs (connaissances théoriques), de savoir faire (compétences acquises par l’expérience) et de savoir être (compétence relationnelle, savoir trouver un comportement adapté à chaque situation). Elle s’acquiert et évolue tout au long d’une carrière. La posture professionnelle est un concept faisant partie intégrante de la profession d’infirmier. Les concepts qui seront développés ultérieurement découlent de cette notion de posture professionnelle. 1.1.2 Cadre législatif de l’IDE libéral L'Ordonnance n°2003-850 du 4 septembre 2003 sur la simplification dans l'organisation et le fonctionnement du système de santé et des procédures de créations d'établissement, impose une justification de deux ans d'expérience professionnelle en soins infirmiers, durant les six années précédant la demande d'installation [3, p.5]. Ensuite, l'infirmier libéral doit répondre aux règles professionnelles qui sont déclinées dans le Code de la santé publique au titre II. Notamment, il doit respecter la vie, la personne humaine et le secret professionnel, faisant écho à la loi du 4 mars 2002, sur les droits des patients. [3, p.21]. Par ailleurs, comme tout infirmier travaillant dans d'autres secteurs, il a l'obligation de soigner toute personne, quels que soient les origines, les croyances, l'appartenance ou non à une ethnie, le sexe, l'âge et la religion du patient [3, p.22]. Enfin, ! 7! dans un souci de la continuité des soins, le Code de la santé publique stipule à l'article R. 4312-30 que «dès qu'il a accepté d'effectuer des soins, l'infirmier ou l'infirmière est tenu(e) d'en assurer la continuité.» [3, p.63]. Ainsi, toutes ces dispositions réglementaires sont propices à l'instauration d'une relation soignant- soigné dans les meilleures conditions. 1.1.3 Le travail en milieu libéral A la différence de ses collègues exerçant en milieu hospitalier, l’infirmier libéral quitte sa blouse de travail pour se rendre au domicile des patients qui font appel à lui et où il effectue la majeure partie de son activité. Il pénètre dans le lieu d’habitation de ses patients tout en respectant leur vie privée. Dans ce sens, il doit donc veiller à adapter ses visites aux contraintes et aux habitudes de vie du patient. Il est essentiel qu’il possède un grand sens de l’adaptation car « l’intime de l’un n’est pas forcément celui de l’autre » [4], [5]. L’infirmier doit également faire preuve d’aptitudes à l’écoute, puisqu’à domicile il est l’interlocuteur privilégié du patient et de sa famille qui voient en lui un soutien dans l’épreuve traversée. En effet, au delà des soins techniques qu’il prodigue, l’infirmier libéral est une personne ressources qui fait le lien avec le médecin avec qui il travaille en étroite collaboration. L’infirmier libéral propose également des solutions d’ordre social, les familles ne connaissant pas toujours les aides auxquelles elles peuvent prétendre. Il accomplit également de nombreuses formalités administratives. 1.2. La relation soignant-soigné La relation soignant-soigné revêt une grande importance dans la qualité des soins. Elle conditionne la bonne prise en charge du patient et l’instauration d’un climat de confiance. Cette notion fait partie intégrante du décret de compétence infirmier (article R.4311-2 du code de la santé publique2). 1. 2.1. Définition La relation se définit comme « une rencontre entre deux personnes au moins, c’est-à-dire deux caractères, deux psychologies particulières et deux histoires » [6,p.9]. D’après A. MANOUKIAN, des facteurs psychologiques, sociaux et physiques interviennent dans !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 2 cf. annexe 2 ! 8! l’établissement d’une relation De plus, une relation se définit aussi suivant un contexte particulier de lieu ou de réalité des personnes. Ainsi, la relation initiée entre le soignant et le soigné est une relation professionnelle qui se déroule en milieu hospitalier ou extrahospitalier. Elle est asymétrique, comme toute relation, car « une des deux personnes mobilise son savoir-faire pour l’autre »[7, p.13 ]. Dans cette relation, chaque acteur adopte un statut différent, imposant des savoirs et des comportements adaptés. Le rôle du soignant est « inscrit dans une pyramide hiérarchique dont les diplômes sont les garants de compétence et de savoir ».[6, p.19] Il nécessite trois attitudes: « un engagement personnel de l’infirmier [ …], une objectivité […], un minimum de disponibilité ».[8, p.281 ]. Le rôle du soigné est différent car il est imposé par une maladie ou une dépendance. Pour autant, il a un rôle « au sein d’un groupe de soignants et d’autres malades » [ 6 p.18] et une conduite imposée. Aussi, est-il important de saisir cette notion de relation inconstante, car les patients et les soignants ne choisissent pas toujours d’entrer en relation. L’infirmier doit donc être capable de s’adapter aux relations qu’il établit avec ses patients de façon à répondre le mieux possible à leurs besoins. Cette relation de soins passe indéniablement par l’instauration d’une relation de confiance qui permettra d’établir une alliance thérapeutique. 1.2. 2. La relation de confiance L’établissement d’une relation de confiance entre l’infirmier et le patient est déterminant pour le bon déroulement des soins, à domicile comme en milieu hospitalier. Selon le petit Larousse illustré, la confiance est « un sentiment de sécurité d’une personne qui se fie à quelqu’un ou à quelque chose». Il s’agit d’une notion subjective qui ne s’acquiert pas grâce à un diplôme, mais se construit au fil du temps. « La confiance ne va pas de soi dans l’exercice libéral », « on n’ouvre pas la porte à quelqu’un en qui on n’a pas confiance » [9]. Pour que le patient accorde sa confiance, il doit d’abord dépasser le stade de la méfiance, lié à l’inconnu. Pour cela, le soignant doit montrer, par son comportement rassurant, empathique et sa compétence professionnelle, qu’il est digne de confiance. Cela débute dès le premier contact, qu’il soit téléphonique ou visuel. En effet, à domicile, le soignant est l’invité du patient à la différence de l’hôpital où le soignant est le « maître des lieux » [9] ; il doit donc agir en conséquence. ! 9! Cependant, ne présentant pas un caractère immuable, la confiance doit être entretenue pour subsister. Dans ce sens, l’infirmier libéral doit être particulièrement vigilant au respect du secret professionnel parfois « mis à mal en milieu rural » [9], de manière à préserver la confiance établie. En effet, il est soumis au secret professionnel, au même titre que les autres professionnels de santé, et ne peut divulguer aucune information sous peine de sanctions pénales. (art 226-13 du Code pénal3) [10]. 1.2.3 Gestion des émotions L’émotion est un « trouble affectif global, brusque, intense et passager d’un sujet, de tonalité agréable ou pénible (joie, peur, colère) provoqué par une situation inattendue et qui s’accompagne d’une réaction organique confuse de dérèglement, de désadaptation et d’un effort plus ou moins désordonné pour rétablir l’équilibre rompu »[11, p.99]. Il y a six émotions fondamentales qui sont la colère, la peur, le dégoût, la surprise, la joie et la tristesse. Elles ont chacune leur mode d’expression et sont universelles chez l’homme. D’autres émotions existent mais sont dites plus complexes. Plusieurs composantes interviennent dans l’apparition de l’émotion. Tout d’abord, il faut un événement déclencheur. Des répercussions physiologiques et physiques s’ensuivent afin de préparer l’organisme à réagir à cet événement, comme une augmentation du rythme cardiaque pour la colère ou la peur. De plus, il y a aussi une modification de l’expression faciale, pour chaque émotion, ce qui aura une importance dans la communication non verbale [12]. Dans le milieu de la santé, en particulier hospitalier, beaucoup de soignants sont « poussés » « à la chasse à l’affect » [13, p.12]. Le soignant a le droit de ressentir des émotions mais a presque le devoir de les ignorer selon Yves GINESTE [14, p.169, 170]. En effet, dans beaucoup de formations actuelles, on apprend la gestion des émotions. Ces formations insistent « sur la nécessité de mettre de la distance » [15] entre le soignant et le soigné, afin de « se préserver soi-même, de ne pas devenir une victime dans sa relation à l'autre » [15]. Le but est de se créer une carapace. Le soignant doit adopter une position neutre auprès du patient. Ses émotions ne doivent pas être perçues par le patient. Le contraire peut influencer le soin. Géraldine Langlois affirme, par exemple, que « la colère peut faire rater un soin » [16]. Un soignant qui s’implique !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 3!cf. annexe n°3! ! 10! beaucoup dans la relation, prend le risque de ne plus avoir de recul. Cela peut impacter sa vie professionnelle comme sa vie privée. La maladie, la souffrance et la mort sont le lot quotidien des infirmiers (ères). Ces situations se surmontent très difficilement. Selon Yves GINESTE, « le mythe de la neutralité affective », qui inciterait à laisser ses émotions au vestiaire, existe toujours. De plus, une « personne en souffrance physique ou psychique est souvent dans une recherche affective »[17]. Nos émotions nous permettent de ressentir et de comprendre ce que vit l’autre. C’est un apprentissage de chaque jour. Par ailleurs, la neutralité affective n’implique pas une absence d’émotion. Elle consiste à comprendre ce que ressent l’autre sans se mettre à sa place. Les souffrances de l’autre ne doivent pas envahir le soignant. Sinon la souffrance qui inquiète le patient inquiètera aussi le soignant et il en résultera une prise en soin du patient de moins bonne qualité. La gestion de ses émotions n’est pas chose aisée pour l'infirmier. La capacité à gérer ses émotions reste propre à chaque soignant et dépend du caractère, de l’histoire de vie et des valeurs de chacun. Percevoir la douleur de l’autre, sans se l’approprier, rejoint la notion d’empathie définie par C. ROGERS. Etre empathique signifie donc «faire tout notre possible pour penser et ressentir ce que vit autrui, tout en étant lucide sur le fait que ceci n’est jamais vraiment possible »[18]. 1.2.4 Proximité et Attachement Dans le métier d’infirmier, le soignant établit un contact physique avec son patient afin de lui prodiguer des soins, contact qui entraîne nécessairement une distance intime. Le rapprochement soignant-soigné constitue la proximité [19]. Dans l’exercice libéral, les soins peuvent éventuellement instaurer une forme de lien plus fort, si ceux-ci s’inscrivent dans le temps. Dans les soins de courte durée, durant lesquels le soignant n’est présent que de manière ponctuelle, l’aide apportée au patient aura peu d’impact émotionnel sur eux. En revanche, si les soins se prolongent dans le temps, le contact quotidien avec la souffrance du patient peut engendrer une charge émotionnelle chez le soignant. Cette dernière peut réveiller, chez lui, d’éventuels souvenirs enfouis, liés à des évènements de sa vie et modifier ainsi la relation, qui pourrait, le cas échéant, s’orienter vers une forme d’attachement. [13, p.15]. Or, l’attachement est « une relation affective unissant deux individus, qui se base sur la valorisation et l’importance que chacun a pour l’autre » [ 20, p. 108]. J. BOWLBY définit la théorie de l’attachement comme un comportement d’une personne se sentant menacée et ! 11! cherchant à se rapprocher d’une autre qu’il considère comme sa figure d’attachement. [21]. Il a été mis en évidence que les liens d’attachement, construits durant l’enfance, déterminent les comportements à l’âge adulte. [20, p.109]. Ainsi, une chronicité des soins risque de favoriser une situation similaire. En effet, le soigné, se sentant vulnérable, voit, en la personne du soignant, une figure protectrice auprès de laquelle il pourra se rassurer et se confier. [22] C’est la raison pour laquelle le soignant doit se protéger en mettant en place une juste distance relationnelle avec ses patients tout en restant attentif à leurs besoins en termes de soin et à leur souffrance. 1.3. La distance relationnelle 1.3.1 Définition Lorsque des individus se rencontrent, une relation s’instaure qu’elle soit d’ordre amical, professionnel ou social. Une distance relationnelle existe pour tout type de relation. Nous nous intéresserons plus particulièrement à la distance relationnelle en milieu professionnel car elle conditionne la qualité de la prise en soin. « La distance est la séparation de deux points dans l’espace, de deux objets éloignés l’un de l’autre par un écart mesurable » [13 p.9]. D’après Edward T Hall il existe quatre types de distance physique : - La distance intime : Cette distance revient à laisser rentrer quelqu’un à l’intérieur de cette bulle de protection. Les mains de l’autre peuvent se poser sur nous, le souffle de son haleine, son rythme respiratoire se perçoivent. Les soignants se retrouvent fréquemment dans cette distance lors des toilettes par exemple. La présence de l’autre peut être ressentie comme gênante. - La distance personnelle : distance se situant entre 0.45 à1.20 mètres. C’est une distance facilitant les échanges. Il s’agit de la distance minimum acceptable par chaque individu. On peut la comparer à une bulle de protection qu’un individu crée autour de lui, permettant de s’isoler des autres. - La distance sociale entre 1m20 et 3m50. Elle se retrouve lors de conversation entre amis et ou collègues. L’individu se sent en sécurité à cette distance, il est en interaction avec l’autre mais il n’y pas de contact physique. Il peut communiquer librement. - La distance publique égale ou supérieure à 3 m 50. C’est la distance qui est mise en place lorsqu’un individu parle à un groupe. Il parle à voix haute en n’exagérant pas les gestes. Le discours a plus d’importance que la personne qui le prononce [23]. ! 12! Se retrouver en distance intime, avec possibilité d’un contact physique avec un individu, peut se révéler embarrassant. Les soignants quotidiennement en contact avec les patients tentent de préserver une certaine distance. Ils parlent à voix haute au patient lors d’une toilette par exemple. Dans le cas présent, une voix adaptée à une « distance personnelle » suffit. Il s’agit ici d’établir « une distance symbolique », là où il n’y a plus de distance physique. Cette distance symbolique ne signifie pas pour autant que le soignant ne ressent plus d’émotion au contact d’un patient. [13, p 31-47]. 1. 3. 2 De la distance défensive à la distance excessive Etre confronté à l’intimité du patient peut entraîner l’apparition de mécanismes de défense chez le soignant dans le but de créer une distance. Des facteurs superficiels influencent ce processus de distance. Ainsi, l’odeur dégagée ou l’apparence physique du patient produisent soit du dégoût, soit une attention plus marquée. Les mécanismes de défense apparaissent lorsque le soignant gère difficilement ses émotions. Ils surviennent de manière automatique et inconsciente afin de réduire l’angoisse de l’individu, générée par un événement vécu comme intolérable. Ces mécanismes de défense sont préjudiciables à la relation avec le patient. Travailler dans une routine, sans individualiser le soin, ou rester dans un discours purement technique auprès du patient, constituent des exemples de mécanismes de défense. Par manque d’expérience, les jeunes diplômés ou les étudiants restent prisonniers de leurs connaissances médicales et de leurs gestes techniques appris lors de leur formation. L’évolution du système de santé, s’illustrant par une diminution du personnel, est une conséquence de la généralisation des soins. Cette évolution est en contradiction avec l’humanisation des soins prônée aux étudiants par les écoles de santé. Les soignants doivent être tout aussi efficaces et humains avec moins de moyens et moins de temps. Ils sont ainsi contraints de « se blinder » pour ne pas souffrir. C’est injuste pour eux, car le personnel soignant souffre de ces conditions. La prise en soin des patients est de qualité lorsque l’estime de soi et l’épanouissement du soignant sont présents. Le contexte actuel, la confrontation quotidienne à la douleur et à la souffrance, laissent peu de place aux émotions. Les soignants se concentrent sur la souffrance physique et délaissent la souffrance psychologique qui passe souvent au second plan. On appelle cela la banalisation. Le malade est seul avec sa souffrance ; il est relégué au statut d’objet. La maladie rend le patient vulnérable tandis que le soignant est en position de force. Il est aisé de lui imposer un traitement prescrit, par exemple. ! 13! Une distance injuste se crée dans la relation car le patient est « abandonné à son sort […] dans l’indifférence des personnes qui sont censées l’aider et le soigner » [13 p.41]. D’autres mécanismes de défense existent, comme l’évitement, la dérision ou encore l’identification projective, que nous ne développerons pas ici. Pour assurer une prise en soin et une relation de qualité, le soignant doit apprendre à se protéger. Il est indispensable pour ce faire qu’il comprenne ce qui peut le faire souffrir. Se laisser déborder par cette souffrance le conduira à un syndrome d’épuisement professionnel ou « burn-out ». [13, p.31-47, 109-111]. 1. 3. 3 Au plus près de la juste distance A quelle distance du patient devons-nous nous placer ? Il n’existe pas de mode d’emploi que le soignant n’aurait plus qu’à suivre car il s’agit de relations humaines impliquant des personnes qui ont chacune leur singularité, leur histoire et leur ressenti. Trouver une juste distance avec l’autre, c’est trouver un juste milieu et un équilibre dans l’implication à l’autre. Effectivement, une relation d’aide authentique se traduit obligatoirement par une implication du soignant. Il s’agit donc d’être dans le « ni trop, ni pas assez » de manière à éviter les deux extrêmes qui aboutissent chacun à une rupture dans la relation. En effet, si le soignant met trop de distance avec le soigné en cachant toute affectivité, il se protège, mais, en même temps, il ne laisse plus de place à l’échange. Il risque donc de ne pas entendre la souffrance du patient qui n’osera pas lui parle, le trouvant trop froid et distant. D’autre part, si le soignant ne met aucune distance, en se laissant guider par ses émotions, il risque de se retrouver dans une relation fusionnelle avec le patient. [24] [25] [26]. La relation n’est alors plus possible car lorsque le soignant s’engage excessivement dans celle-ci et prend la place du soigné ; il le dépossède de toute possibilité de décision. La relation est alors déséquilibrée. Ce constat s’explique par l’effet délétère du don. En effet, les travaux de l’anthropologue Marcel Mauss ont montré que si le don est la base de la socialité, il est cependant à mesurer puisque cet échange, qui permet le renforcement du lien social, peut entraîner une escalade d’endettement par le remerciement du don par un contre-don d’une valeur excessive. Ainsi, dans le contexte d’une relation de soin, lorsque le soignant donne sans mesure, il attend un contre-don en retour (changement de comportement, par exemple) auquel il ! 14! apportera un remerciement de valeur croissante jusqu’au délaissement de sa vie privée au profit de son travail, voire jusqu’à l’épuisement. Le risque de trop donner de soi renvoie au surinvestissement signifiant un investissement excessif qui dépasse les besoins réels/investissement excessif dans une action, un objet, ce qui n’est pas sans risque. D’après P.PRAYEZ, « Donner sans compter, fait perdre toute distance ». [27, p.63]. En effet, cette relation fusionnelle pourra créer un attachement - mais lorsqu’une séparation aura lieu (départ ou décès), cette relation affective sera « coûteuse pour le soignant » [27, p.63] qui ne se sera pas préservé - ou, à l’inverse, engendrer une rupture brutale de l’échange. Pour éviter une telle escalade, le soignant ne doit pas oublier qu’il est payé pour donner de lui-même. Cela permet de replacer le cadre de la relation de soin et d’épargner le soignant des dangers du don. [27, p.61-75]. La juste distance, entre soignant et soigné, repose donc sur une prise de conscience, où chacun doit réfléchir aux limites à se fixer. En effet, le patient doit garder à l’esprit, que le don du soignant est réalisé dans le cadre de son travail, et non par bénévolat. D’autre part, afin de préserver son intégrité physique et son bien être, le soignant doit entretenir une relation de confiance avec son patient, sans que cette dernière ne devienne fusionnelle. Ainsi, les deux parties mettent en place une relation d’humanité, où chacun bénéficie d’un équilibre entre « ce que le soignant donne et ce que le patient est en droit d’attendre » [27, p.74]. Toutefois, il n’existe pas de schémas préétablis permettant d’appliquer, en toute circonstance, une « bonne » distance relationnelle, car les relations humaines sont par nature complexes. Par ailleurs, d’après P.PRAYEZ, il est possible, pour un soignant, dans le cadre de son travail, d’accepter des cadeaux mesurés de la part d’un patient, à condition que ceux-ci proviennent uniquement d’une reconnaissance et n’engendrent pas une surenchère [27, p. 68-69]. Il appartient donc au soignant, comme au patient, de prendre en compte les différents éléments constitutifs d’une relation appropriée, afin de construire leur propre distance relationnelle. En conclusion, Il est important de retenir que l’infirmier doit donner de lui-même sans s’oublier afin de permettre une écoute centrée sur le patient et la construction d’un « lien de qualité » [27, p75] favorisant une démarche éthique. ! 15! II. EXPLORATION PRATIQUE 2.1 Présentation des professionnels Infirmiers IDE 1 IDE 2 IDE 3 IDE 4 Sexe femme femme homme femme Age 51 ans 61 ans 33 ans 60 ans 1987 1993 2004 1977 7 ans 3,5 ans Déterminants Date du diplôme Expérience professionnelle 3 ans en structure Expérience professionnelle 25 ans 22 ans 4 ans 35 ans rural rural urbain rural en milieu libéral Lieu d’exercice 2. 2 Conditions de l’entretien : Nous avons réalisé des entretiens semi-directifs qui ont permis d’orienter les professionnels sur les concepts que nous voulions développer. Tous les entretiens se sont déroulés sur le temps libre du professionnel à l’exception de l’IDE 2 qui nous a reçus sur son temps de travail. Cet entretien s’est révélé plus court que les autres ; elle paraissait moins disposée à répondre à nos questions car elle était préoccupée par l’état de santé d’une patiente. Tous les professionnels ont accepté d’être enregistrés. L’analyse des deux premiers entretiens a montré que les réponses des professionnels n’étaient pas assez détaillées. Aussi, lors des entretiens suivants nous les avons amenés à compléter davantage leurs réponses. Par ailleurs, nous avons remarqué que la présence des trois étudiants était plus enrichissante dans la mesure où elle permettait des interactions plus nombreuses. ! 16! 2.3 Analyse des entretiens 2.3.1. Relation soignant soignée ! Confiance Des différents entretiens conduits, il ressort que la notion de confiance est un élément majeur dans la relation soignant-soigné. Nous en déduisons donc que la confiance est indispensable à toute relation de soin, ceci étant d’ailleurs en parfait accord avec le cadre théorique. L’IDE 4 dit : « Vous rentrez dans l’intimité des gens, pour cela il faut qu’il y ait une relation de confiance. Si les gens ne vous font pas confiance et que vous ne leur faites pas confiance, ça ne va pas marcher. Il faut qu’ils se sentent en sécurité». Dans le cas où il n’y a pas de confiance, en libéral, les patients sont libres de stopper la prise en soin. Dans la relation de confiance, intervient le secret professionnel, clef de voûte de toute relation soignant-soigné: « Ils vous confient des choses qu’ils n’auraient pas confié à personne d’autre…ils savent que ce ne sera pas divulgué » (IDE4). Mais le secret professionnel est parfois difficile à préserver dans le cadre de l’exercice libéral : « Ils ne savent pas ce qui se passe, parce que nous on fait très attention au secret professionnel, ce n’est pas facile à domicile, à la campagne » (IDE 2). Il n’est pas rare que des personnes soignées par un même cabinet se connaissent. Les soignants sont donc souvent questionnés sur l’état de santé des connaissances de leurs patients. Ils ont parfois recours à des stratagèmes pour éviter de répondre à ces questions et d’enfreindre la règle du secret professionnel posée par les articles L 1110-4 et R 4312-44 du code de la santé publique : « Je ne sais jamais rien, c’est le discours que je tiens » (IDE 1). ! Les émotions Pour les IDE 1, 3 et 4, il est préférable de ne pas exprimer ses émotions. « Exprimer ses émotions est un manque de professionnalisme » (IDE4). Cela concorde avec la « chasse à l’affect » que l’on retrouve dans le milieu du soin. L’IDE 1 est plus nuancée : « mes émotions je les cache, mais si je les montrais, je ne serais pas moins professionnelle ». Nous ne pouvons pas déterminer, à ce stade, en quoi montrer ses émotions n’est pas professionnel car les infirmiers n’ont pas explicité cette affirmation. Contrairement aux autres professionnels interrogés, l’IDE 2 exprime parfois ses émotions : « on essaie de ne pas pleurer, mais ça peut arriver d’avoir les larmes aux yeux ou de pleurer chez nous ». Elle n’a pas précisé, pour autant, si cela perturbait ses soins ou sa relation avec ses patients. !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! 4 cf.annexe n°4 ! 17! L’empathie est un « idéal » pour un infirmier, mais il n’est pas aisé de l’atteindre. Il ressort, de tous les entretiens, que les soignants sont touchés par ce qu’ils vivent au quotidien. Cependant, ils n’expriment pas ce qu’ils ressentent de la même manière. Leur professionnalisme est-il, pour autant, remis en question ? Exprimer ses émotions aux patients, toujours dans une juste mesure, est-il réellement néfaste à la relation soignantsoigné? Cela ne permettrait-il pas de rendre le soin plus humain et, pour le patient, de mieux se sentir pris en considération ? ! Proximité, attachement La notion de proximité, aussi bien du côté patient que du côté soignant, apparaît dans les discours des IDE, ce qui confirme son caractère inéluctable dans la relation soignant-soigné. Selon eux, plusieurs facteurs entrent en jeux dans la mise en place de ce processus. Tout d'abord, pour les 4 IDE, les soins de longue durée en sont un facteur. L'IDE 1, explique qu’elle n'a pas la même relation avec un patient à qui elle réalise un soin ponctuel, qu'avec un autre qu'elle soigne tous les jours depuis longtemps. Par ailleurs, pour les IDE 2 et 4, la notion de proximité est un repère indispensable pour les patients, ce qui tend à montrer qu'il est possible que les soignants deviennent, peu à peu, une figure d'attachement lorsque les soins sont récurrents. En termes d’illustration, l'IDE 2 indique que, bien qu'elle ne fasse pas partie de la famille des personnes qu’elle soigne dans la durée, elle sait qu’elle est importante pour elles. Ensuite pour les IDE 1 et 2, les centres d'intérêt et les goûts personnels communs constituent un autre facteur dans la relation de proximité aux patients. Dans la même idée, l'IDE 3 parle d'«affinités» qui influenceraient la durée de sa présence auprès des patients. Puis, pour les IDE 2 et 3, la personnalité du patient intervient aussi. Ainsi, selon l'IDE 3, le caractère froid et réservé d'une personne conditionne son temps de présence chez le patient. Enfin, pour l'IDE 4, ce sont les lourdes pathologies et la fin de vie qui favorisent proximité et attachement au patient même si elle estime que cela ne devrait pas être. Plus jeune dans le métier, l'IDE 3 semble s’attacher plus facilement à ses patients que ses confrères. On peut donc supposer que l'attachement a une incidence sur la distance relationnelle. Il convient donc de s’interroger sur quelles peuvent être ses répercussions sur la pratique professionnelle des infirmiers qui vivent cette situation. ! 18! 2.3.2. La distance relationnelle Les quatre IDE définissent la distance relationnelle comme un équilibre à trouver, une barrière à mettre avec le patient pour ne pas risquer une sur-implication qui empièterait sur leur vie privée. L’IDE 1 a formulé cela en disant : « il faut être proche, mais il faut être professionnel et ça implique une certaine distance », « si vous ne faites pas ça, vous risquez d’être embarqué », « il faut essayer de trouver un équilibre ». Pour l’IDE 3, la distance relationnelle nécessite aussi « une séparation entre vie professionnelle et vie privée ». Les IDE 2 et 4 ont davantage insisté sur des notions de posture « rester à sa place », « savoir garder ses distances ». Ces termes viennent corroborer la notion de juste distance dans les soins en évoquant un autre aspect, la posture, qui permet de comprendre que pour influer sur la distance, le professionnel doit mettre en place différents moyens de se préserver. Pour cela, les IDE précisent qu’ils vouvoient leurs patients et leur serrent généralement la main. Le tutoiement et les embrassades demeurent, disent-ils, exceptionnels et plus généralement réservés, au cas par cas, aux enfants et à de rares occasions (nouvel an, anniversaire). Ils indiquent qu’agir ainsi leur permet de garder une certaine distance et de marquer le respect qu’ils témoignent à leurs patients, ce qui serait impossible avec une plus grande familiarité. De plus, l’IDE 1 et l’IDE 2, ont mis l’accent sur le fait qu’elles évitaient de se montrer curieuses par rapport à la vie privée de leurs patients pour respecter l’intimité de ceux-ci et se soustraire à des questions concernant la leur. L’IDE 1 « je ne pose pas de questions personnelles », l’IDE 2 « ne pas être trop curieux dans les maisons », « on pose des questions […] en rapport à leurs besoins ». Les soignants soulignent aussi l’importance de savoir dire « non » comme moyen de mettre de la distance : IDE 4 « savoir dire non, quand ça va un peu trop loin ». L’IDE 3, plus jeune dans le métier, explique qu’il a encore du mal à dire non, ce qui pourrait laisser supposer qu’apprendre à mettre de la distance s’acquiert avec l’expérience. En ce qui concerne le fait de donner son numéro de téléphone personnel aux patients, les avis et les pratiques des professionnels interrogés divergent. Les IDE 2 et 4 ne donnent pas leur numéro, souhaitant le dédier exclusivement à leur vie privée. A l’inverse, les deux autres IDE le donnent facilement pour être joignables à tout moment, mais avouent être souvent dérangés pendant leurs congés. L’IDE 1 explique devoir mentir quelques fois afin que les patients la laissent tranquille. Cela met en exergue le fait que l’établissement d’une distance est difficile dans la relation de soin à domicile car les soignants, qui se retrouvent seuls, sont tiraillés entre la conscience professionnelle et le surinvestissement. Tous les professionnels indiquent rendre des petits services du quotidien à certains de leurs patients, comme aller chercher les médicaments à la pharmacie, apporter le pain… Ils vivent cela comme un service de proximité rendu aux personnes ne pouvant pas se déplacer. L’IDE ! 19! 3 va plus loin dans l’aide apportée et l’investissement, puisqu’il explique avoir aidé une patiente à déménager, ou avoir présenté ses enfants à une patiente. Il explique ses agissements par le fait que cela lui fait plaisir de faire plaisir. Pour lui, c’est « normal », mais on est en droit de se demander s’il ne s’agit pas de surinvestissement dans la relation, puisque nous avons défini la distance comme une façon de garantir sa vie privée. L’IDE 4 nous a donné sa définition du surinvestissement : « on est déjà bien sollicité pour des choses qui ne sont pas forcément de notre ressort, on le fait car ce n’est pas un souci, mais à un moment il faudra que ça s’arrête […] c’est notre travail pas notre loisir », « s’ils nous en demandaient plus, je pense que ce serait du surinvestissement ». L’IDE 3 semble toutefois se rendre compte, grâce aux remarques de son épouse, qu’il en fait parfois trop. On comprend donc que la limite est ténue entre service rendu et surinvestissement. De plus, on peut se demander si le peu d’expérience du soignant en libéral n’aurait pas une incidence sur le surinvestissement de celui-ci. Pour ce qui est du franchissement de la distance, seule l’IDE 1 nous a rapporté une situation où l’instauration d’une faible distance l’avait mise en difficulté. D’autre part, l’ensemble des IDE disent accepter de modestes présents de la part de leurs patients comme des chocolats, des légumes, des fruits, des confitures, des cadeaux de naissance, qu’ils ne se verraient pas refuser de peur de vexer leurs patients, sans pour autant forcément donner en retour. Cette notion est en corrélation avec la surenchère du don, contre laquelle les soignants rencontrés se prémunissent. Par ailleurs, on aurait pu penser que l’âge des patients pouvait influencer la distance. Or d’après les IDE 2 et 4 qui ont répondu négativement, l’âge des patients ne serait pas une variable majeure dans l’établissement de la juste distance. Pour sa part, l’IDE 1 pointe le fait que la distance est plus difficile à mettre en place pour elle avec des patients du même âge que le sien. Les propos parfois flous, et évasifs, de l’IDE 3 n’ont pas permis d’apporter un éclairage supplémentaire sur ce point qui demanderait, pour une analyse pertinente, de pouvoir s’appuyer sur les témoignages d’un panel plus large de professionnels. ! 20! PROBLEMATIQUE La question de recherche initialement formulée était la suivante : A domicile, comment la posture de l’IDE peut-elle influencer la distance relationnelle dans la prise en soins des patients et leur famille? Cette question de la distance relationnelle nous est apparue à la fois très vaste avec des parties très imbriquées les unes aux autres, si bien qu’il a été difficile d’organiser notre travail. Nous avons été obligés de nous limiter, au risque d’être un peu généralistes sur certains points, car chacun des aspects traités aurait pu, à lui seul, constituer un sujet de mémoire. Cela nous a beaucoup questionné et occasionné une certaine frustration. Grâce aux recherches théoriques effectuées et aux entretiens réalisés auprès des professionnels, il apparaît que la notion de distance relationnelle est une notion subjective. Si bien qu’une définition incontestable et universelle semble difficile à donner, tant la notion est dépendante du vécu émotionnel de chacun. En cela, il est apparu que les professionnels usaient de différents procédés pour influer sur la distance. Même si leurs pratiques sont similaires, la personnalité et les réactions instinctives de chacun pouvaient entraîner des relations différentes avec leurs patients. Tant l’équilibre relationnel est fragile, les soignants doivent, en permanence et tout au long de leur carrière, se remettre en question afin de le préserver et d’éviter de dériver vers le surinvestissement, ou, au contraire, vers la déshumanisation de la relation. Cette remise en cause permanente de la pratique professionnelle met en lumière la problématique suivante : Comment l’approche et la perception de la juste distance, chez le soignant exerçant à domicile, évolue-t-elle au cours de sa carrière ? Pour répondre à cette question, les axes suivants pourraient être explorés: - Quels sont les facteurs qui conditionnent la mise en place d’une juste distance ? - Quelles sont les incidences d’une prise en charge de patients dans la durée sur la distance relationnelle ? - Quelle attitude adopter envers des patients en grande demande affective souvent liée à l’isolement et à la solitude ? - Quelles conséquences, une période de surinvestissement, peut-elle avoir sur la santé physique, mentale et l’équilibre du soignant ? ! 21! CONCLUSION L’analyse croisée des entretiens réalisés auprès des professionnels rencontrés avec la théorie, nous a apporté un éclairage sur les différentes interrogations que la situation de départ avait fait émerger. En effet, nous avons pu voir que l’établissement d’une relation soignant- soigné dépendait étroitement du lien de confiance noué entre les deux parties. Nous avons également pu appréhender la place des émotions dans la pratique des soins, celles-ci pouvant orienter la relation dans un sens ou dans un autre. Il semble que montrer ses émotions, dans une juste mesure, peut favoriser la relation et humaniser les soins. Pour ce qui est de la proximité et de l’attachement, les professionnels mettent en avant la durée des soins comme élément favorisant le rapprochement, même s’ils ont conscience que cette relation ne devrait pas évoluer dans ce sens. Concernant la juste distance, les professionnels semblent avoir la même conception du terme, chacun s’accordant à reconnaître que sa mise en place est indispensable au soignant pour ne pas être impacté au-delà de ce qu’exige l’empathie dont il doit faire preuve dans sa vie professionnelle. Toutefois, au niveau de leur pratique, leur conscience professionnelle ne définit pas les mêmes limites en matière de surinvestissement. En conclusion, ce travail de recherche a mis en lumière plusieurs éléments essentiels de la relation. Tout d’abord, il ressort que la confiance et la juste distance se construisent au fil du temps, à partir des équations personnelles du soignant et du soigné, ce qui contribue à établir avec chaque patient une relation unique. Ensuite, les émotions apparaissent comme un paramètre qui entre en ligne de compte dans la relation et la distance et peut parfois avoir une influence sur elles. Ce travail de recherche nous permet également d’identifier et de comprendre les éléments qui conditionnent une distance relationnelle pertinente, indispensable à l’exercice des soins dans l’intérêt bien compris du soigné et du soignant. Toutefois, la pratique des professionnels interrogés témoigne de la difficulté à maintenir, en permanence, la juste distance et le bon équilibre dans la relation dans la mesure où soignants et soignés sont avant tout des êtres humains. A la veille de démarrer notre carrière d’infirmiers, il nous a semblé intéressant de nous pencher sur la question de la juste distance car s’interroger sur ce sujet revient en fait à s’interroger sur sa pratique. La notion de juste distance s’imposera à nous tout au long de ! 22! notre vie professionnelle et adopter, en la matière, la bonne ligne de conduite, ne sera sans doute pas aisé durant nos premiers mois, voire nos premières années, d’exercice. On peut espérer que l’expérience parviendra à nous faire adopter, au fil du temps, la bonne posture professionnelle dans toutes nos prises en charge de patients. ! 23! BIBLIOGRAPHIE 1. Larousse. Posture [en ligne].Disponible sur: http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/posture/62965 (Consulté le 22/04/2015 à 10h00) 2. Profession infirmier. Recueil des principaux textes relatifs à la formation préparant au diplôme d’état et à l’exercice de la profession. Berger Levrault, 2012, 205 p. 3. CARONNE Muriel. Le guide de l'infirmière libérale. Rueil-Malmaison: Lamarre, 2010, 186p pages. 4. Talon-Chrétien Marie-Claire, Letheule Ngom Marjolaine. L’approche du corps en exercice libéral. Soins, juin 2011, n°756, pp 49-50 5. LEDUC Florence, DELCOURT Jean-Baptiste. Aider, soigner, accompagner les personnes à domicile. Gérontologie et société, mars 2007, n°122, pp145-149 6. MANOUKIAN Alexandre, avec la collaboration de MASSEBEUF Anne. La relation soignant-soigné. 3ème édition. Rueil-Malmaison : Lamarre, 2008, 223 p. 7. DESHAYS Catherine. Trouver la bonne distance avec l’autre grâce au curseur relationnel. Paris : InterEditions, 2013, 225p. 8. POTIER Marguerite. Dictionnaire encyclopédique des soins infirmiers. RueilMalmaison : Lamarre, 2002, 363p. 9. PIVOT Annie. La confiance au cœur de l’exercice libéral infirmier. Soins, octobre 2013, n°779, pp 43-44. 10. ALBUS. Le secret médical [en ligne]. Disponible sur : http://albus.fr/logiciel_infirmiere/sesam_vitale_infirmier/2013/07/le-secret-medicalapplication-pour-les-infirmiers-liberaux/ (consulté le 22/04/2015 à 12h) 11. LEFRANCE Jean, MORFAUX. Louis-Marie. Vocabulaire de la philosophie et des sciences humaines, édition Armand colin, 1980, 400 p. 12. HARM Jonathan ; concepts de base en psychologie cognitive : les émotions, UE 1.1 S1 psychologie, sociologie, anthropologie [cours enregistré], 2012. 13. PRAYEZ Pascal. Distance professionnelle et qualité du soin. Rueil- Malmaison : Lamarre , 2003, 227 p. 14. GINESTE. Yves, PELISSIER, Jérôme. Humanitude. Paris : Armand Colin, 2012, 319 p. 15. EVOLUTE. Gérérer ses émotions [en ligne]. Disponible sur : https://www.evolute.fr/relation-aide/gerer-emotions-relation-aide. (consulté le 28/04/2015) 16. LANGLOIS Géraldine. De l’émotion dans le soin. L’infirmière magazine, juillet/aout ! 24! 2010 n°262, p 22-26. 17. SERPSY. Entretien infirmier [en ligne]. Disponible sur : http://www.serpsy.org/pisterecherche/entretien_infirmier/liegeois.html, (consulté le 28/04/2015) 18 Psychologie positive.net. Empathie [en ligne]. Disponible sur : http://www.psychologie-positive.net/spip.php?rubrique16.(consulté le 28 /04/2015) 19. Larousse. Proximité [en ligne]. Disponible sur : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/proximit%C3%A9/64681 (consulté le 01/05/15) 20. HALLOUET Pascal. DAGORNE Gwenhaela. Mémo-guide infirmier. Issy-LesMoulineaux : Elsevier Masson, 2012, 325p. 21. CAIRN. Théorie de l’attachement et approche systémique [en ligne]. Disponible sur : www.cairn.info/revue-cahiers-critiques-de-thérapie-familiale-2005-2-page-13-htm (consulté le 22/04/15) 22. GAILLARD Muriel. L’attachement et l’affection [en ligne]. Disponible sur : http://www.aveclesaidants.fr/conseils/l%E2%80%99attachement-et-l %E2%80%99affection (consulté le 03/05/15) 23. SERPSY. Distance thérapeutique [en ligne]. Disponible sur : http://www.serpsy.org/detour/distance.html!(consulté le 29/04) 24. DEPENNE Dominique. Distance professionnelle et implication dans la relation d'accompagnement. Les cahiers de l’Actif, octobre 2014, n° 460/461, p 46- 54. 25. BLANCHARD François. Une juste distance pour soigner. Gérontologie et société, septembre 2006, n°118, pp 21-22. 26. RIOULT Catherine. La juste distance. Soins, février 2001, N°652, pp37-39 27. PRAYEZ Pascal. Distance professionnelle et qualité du soin. Rueil- Malmaison : Lamarre, 2009, 287 p. ! ! ! 25! ANNEXE 1 Questionnaire ! ! I. Cursus'professionnel' ' 1. Depuis'quand'êtes6vous'diplômé(e)'?' 2. Depuis'combien'de'temps'exercez6vous'en'tant'qu’infirmier(e)'libéral(e)'?' 3. Quel'âge'avez6vous'?' ' II. Relation'soignant6soigné' ' 1. Comment'concevez6vous'la'relation'soignant6soigné'?' 2. Pensez6vous'que'le'prise'en'charge'des'patients'au'long'cours'modifie'cette''relation?''' Si'oui':'En'quoi'cette'relation'peut6être'modifiée?''' ' Distance'relationnelle' III. ' 1. Comment'définissez6vous'la'bonne'distance'relationnelle?''' 2. Pouvez6vous'nous'relater'une'situation'dans'laquelle'il'vous'semble'avoir'franchi''cette' bonne'distance'relationnelle?''' 3. Cela'vous'a6t6il'gêné?''' Si'oui':'Avez6vous'continué'la'prise'en'soins?''' 4. 'Pour'quelles'raisons'pourriez6vous'vous'sentir'plus'proche'd’un'patient'que'd’un' autre?''' 5. 'Selon'vous'est6il'problématique'd’être'plus'proche'd’un'patient'que'd’un'autre?''' 6. 'L’âge'du'patient'influence6t6il'la'distance'relationnelle?' 7. Quels'sont'les'moyens'que'vous'employez'pour'garder'une'bonne'distance' 'relationnelle?''Quelles'sont'leurs'limites?''' IV. ' Professionnalisme/posture'professionnelle' ' 1. Certaines'situations'difficiles'vécues'par'des'patients,'vous'affectent6elles' 'émotionnellement'dans'votre'vie'quotidienne?''' 2. ''Selon'vous'exprimer'ses'émotions'serait6il'un'manque'de'professionnalisme?''' 3. Acceptez6vous'des'présents'de'vos'patients?''' 4. Comment'leur'dites6vous'bonjour?'(bise'ou'poignée'de'main)''' ! 26! ANNEXE 2 Article R. 4311-2 ELI: http://legifrance.gouv.fr/eli/decret/2004/7/29/SANP0422530D/jo/article_r._4311-2 Alias: http://legifrance.gouv.fr/eli/decret/2004/7/29/2004-802/jo/article_r._4311-2 Les soins infirmiers, préventifs, curatifs ou palliatifs, intègrent qualité technique et qualité des relations avec le malade. Ils sont réalisés en tenant compte de l'évolution des sciences et des techniques. Ils ont pour objet, dans le respect des droits de la personne, dans le souci de son éducation à la santé et en tenant compte de la personnalité de celle-ci dans ses composantes physiologique, psychologique, économique, sociale et culturelle : 1° De protéger, maintenir, restaurer et promouvoir la santé physique et mentale des personnes ou l'autonomie de leurs fonctions vitales physiques et psychiques en vue de favoriser leur maintien, leur insertion ou leur réinsertion dans leur cadre de vie familial ou social ; 2° De concourir à la mise en place de méthodes et au recueil des informations utiles aux autres professionnels, et notamment aux médecins pour poser leur diagnostic et évaluer l'effet de leurs prescriptions ; 3° De participer à l'évaluation du degré de dépendance des personnes ; 4° De contribuer à la mise en oeuvre des traitements en participant à la surveillance clinique et à l'application des prescriptions médicales contenues, le cas échéant, dans des protocoles établis à l'initiative du ou des médecins prescripteurs ; 5° De participer à la prévention, à l'évaluation et au soulagement de la douleur et de la détresse physique et psychique des personnes, particulièrement en fin de vie au moyen des soins palliatifs, et d'accompagner, en tant que de besoin, leur entourage. Source : Legifrance.gouv.fr ! 27! ANNEXE 3 Article 226-13 Modifié par Ordonnance n°2000-916 du 19 septembre 2000 - art. 3 (V) JORF 2septembre 2000 en vigueur le 1er janvier 2002 La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. Source : Legifrance.gouv.fr ! 28! ANNEXE 4 Article R4312-4 Le secret professionnel s'impose à tout infirmier ou infirmière et à tout étudiant infirmier dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il a vu, lu, entendu, constaté ou compris. L'infirmier ou l'infirmière instruit ses collaborateurs de leurs obligations en matière de secret professionnel et veille à ce qu'ils s'y conforment. Article L1110-4 Modifié par LOI n°2011-940 du 10 août 2011 - art. 2 Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. Excepté dans les cas de dérogation, expressément prévus par la loi, ce secret couvre l'ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel de santé, de tout membre du personnel de ces établissements ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes. Il s'impose à tout professionnel de santé, ainsi qu'à tous les professionnels intervenant dans le système de santé. Deux ou plusieurs professionnels de santé peuvent toutefois, sauf opposition de la personne dûment avertie, échanger des informations relatives à une même personne prise en charge, afin d'assurer la continuité des soins ou de déterminer la meilleure prise en charge sanitaire possible. Lorsque la personne est prise en charge par une équipe de soins dans un établissement de santé, les informations la concernant sont réputées confiées par le malade à l'ensemble de l'équipe. Source : Legifrance.gouv.fr RESUME Titre : la distance relationnelle dans les soins à domicile La dimension relationnelle, dans le cadre du métier d’infirmière, repose avant tout sur une relation avec le patient. Toute relation nécessite une distance appropriée. Selon les situations, cette distance peut être plus ou moins proche. L’instauration d’une distance relationnelle semble plus compliquée à établir à domicile puisqu’elle doit reposer sur une autodiscipline du soignant qui entre dans le domicile du patient ; contrairement à une structure de soins, où la pratique soignante est guidée par un cadre institutionnel. Il est donc important que le soignant, notamment lorsqu’il exerce en libéral, sache se poser des limites pour se protéger émotionnellement et psychologiquement. Ce travail de recherche a pour but d’étudier en quoi la posture de l’infirmier peut influencer la distance relationnelle à domicile. Pour tenter d’apporter des éléments de réponse, nous avons réalisé des recherches théoriques sur les concepts relatifs à cette question de départ. Ensuite, la méthode d’exploration choisie s’est basée sur des entretiens semi-directifs auprès de quatre infirmiers libéraux en milieu rural et urbain. Enfin, la confrontation des données a montré que sur le plan théorique, les infirmiers interrogés étaient d’accord sur les notions de relation et de juste distance. Toutefois, au niveau pratique, et compte tenu de leurs expériences professionnelles, il apparaît qu’ils n’ont pas tous la même conception du surinvestissement dans la relation au patient. A ce stade, et alors que nous n’avons que peu de pratique des soins, notre travail nous interroge sur la corrélation entre l’expérience professionnelle et la mise en place d’une juste distance relationnelle dans le soin. La nouvelle question de recherche pourrait donc être la suivante: comment l’approche et la perception de la juste distance chez le soignant exerçant domicile évolue-t-elle au cours de sa carrière ? Mots clefs : distance relationnelle, infirmier libéral, relation soignant-soigné surinvestissement Abstract Title: Relational Distance in Home Care In professional nursing care, a fundamental dimension is the care provider-patient relationship. Establishing the right distance between the carer and the patient is essential. This distance will vary according to the situation. At the patient’s home, the appropriate distance may be more difficult to find than in a dedicated health care setting. In the latter, health care practises tend to follow standardized criteria, whereas, at the patient’s home, a higher degree of self-discipline is required on the part of a care giver. It is therefore essential for nurses - especially private practise nurses - to be able to set out limits in order to protect themselves from emotional and psychological stress. This research aimed to study the extent to which the nurse’s attitude may influence the relational distance at a patient’s home. To try and bring some answers, we first carried out some theoretical research on the concept of relational distance. Then, our exploration method consisted in performing semi-directed interviews with four private practise nurses, working in rural and urban areas. Finally, the analysis of the data showed that the professionals interviewed agreed in theory about the notion of carer-to-patient relationship and the need to maintain the appropriate distance. However, from a practical standpoint, and based on the interviewed nurses’ own specific professional experience, it turned out that they disagree about how to define overinvestment in a nurse-to-patient relationship. At this stage, and because we only have a limited experience in health care practise, this research leads us ask ourselves if there is any correlation between the care giver’s professional experience and his/her ability to establish an appropriate relational distance in health care. Therefore, a new research question could be: to what extend does the notion of what is the right distance between the care giver and the patient, in a home setting, changes during the course of the professional’s career? Key words: relational distance, private practise nurse, patient-care giver relationship, overinvestment