surveillance - DeVilDead

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SURVEILLANCE
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Titre original : SURVEILLANCE
Année : 2008
Nationalité : Etats-Unis / Allemagne
Acteurs : Julia Ormond, Bill Pullman, Pell James, Ryan Simpkins, French Stewart, Kent Harper, Michael
Ironside & Charlie Newmark
Réalisateur : Jennifer Chambers Lynch
Scénario : Kent Harper & Jennifer Chambers Lynch
Musique : Todd Bryanton
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Quinze ans après son controversé BOXING HELENA,
Jennifer Lynch revient donc à la mise en scène. Accompagnée
de quelques acteurs réguliers l´ayant accompagnée dans ses
divers projets depuis 1993 (Kent Harper ou encore Charlie
Newmark), elle présenta hors compétition au Festival de
Cannes 2008 ce SURVEILLANCE qui ne laissa pas indifférent
l´assemblée. Toujours délicat lorsqu´on est «fille de» de
pouvoir se détacher de l´influence et l´aura du paternel afin de
trouver sa propre voie (même si David garde ici la place de
producteur exécutif…).
Suite au massacre de plusieurs personnes par un tueur en
série, deux agents du FBI (Bill Pullman et Julia Ormond)
viennent procéder à l´interrogatoire des survivants. Un flic
retors (French Stewart), une junkie (Pell James) et une enfant
(Ryan Simpkins) qui cachent tous pour une raison précise
certains pans de la vérité.
Surveillance totale, craintes partagées, mensonges
permanents. Jennifer Lynch a créé un jeu de dupes croisées
entre chaque personnage qui se suspecte mutuellement. Cette
surveillance commence par les écrans derrières lesquels Bill
Pullman observe chacune des salles d´interrogatoire. Il scrute
les mouvements, détermine le doute. Julia Ormond joue les
électrons libres, tentant d´extirper à l´enfant le moindre détail
susceptible d´éclairer ce qu´il s´est réellement passé.
L´œil. La caméra. L´écran. L´œil trompe, volontairement ou
non. Si les deux agents du FBI surveillent (veillent sur ?) les
protagonistes, il en va de même dans l´autre sens. L´enfant
semble d´ailleurs particulièrement doué pour ce jeu. Tant il fit
de même lors du meurtre de sa famille. Simple spectateur
passif ou témoin actif ? Question triviale et pourtant cruciale :
le sens du détail prime dans la progression de l´investigation.
Un troisième niveau de surveillance apparaît alors : le
spectateur. Témoin de la scène des meurtres mais également
des trois témoignages croisés, puis de l´enquête menée et donc
des omissions, des maquillages de la (des) vérité(s), du drame
qui se noue, de la tension qui monte, des théories qui
s´échafaudent. Mais surtout des affrontements psychologiques
et physiques qui en découlent.
La construction narrative demeure en ce sens plutôt adroite,
à la fois pour perdre les personnages et le spectateur. Les pistes
égrenées dans la première partie du récit sont là aussi pour
tromper l´œil du spectateur, attirer son attention, sa
«surveillance» du déroulement du récit. Pour mieux déjouer
son œil. Des mouvements anodins qui ne le sont plus. Tout
comme la clé de l´énigme qui se déroule subrepticement devant
chacun sans que personne ne s´en aperçoive.
Il s´agit petit à petit d´une atmosphère de déviance qui se
construit autour des relations. De trois récits à la RASHOMON
montés en parallèle lié par un fil rouge représenté par l´enquête
du FBI, le film aboutit à une scène nodale qui va le précipiter
vers une nouvelle direction. Ces trois, plus un, récits ne font
plus qu´un mais pas dans le sens que la mise en scène ne le
laissée imaginer à tous (personnages comme spectateurs).
Comme si Jennifer Lynch avait élaboré un jeu savant,
transgressif, aux confins de la sexualité. La violence comme
catalyseur de la sexualité et vecteur charnel rejoint dans une
certaine mesure le CRASH de David Cronenberg. Toute notion
de justice, de morale commune se trouve dynamitée au profit
d´un ordre moral atypique contraire à ce qu´un certain cinéma
grand public américain aurait pu laisser entrevoir. Jennifer
Lynch joue ainsi avec les codes utilisés par ce cinéma
«mainstream» pour les délaisser et se diriger vers quelque
chose de plus extrême. Une violence éruptive, des éclairs
sanglants, un certain refus de l´ordre établi et la certitude que la
cellule familiale ne représente plus le havre sacré du salut.
Même si, finalement, le dernier plan laisse à penser que la
réalisatrice n´a pas eu le culot de pousser son principe jusqu´au
bout.
Tous les personnages apparaissent dans une sorte de
désordre moral. Le policier (French Stewart) souhaite régner
sur son petit monde et terroriser d´innocents conducteurs qui
ont le malheur de passer devant lui. D´abord en provoquant une
crevaison puis en jouant sur son statut dominateur de
représentant de la loi. Le jeune couple qui se drogue, se croyant
libéré de tout carcan social. L´enfant dont la mère est presque
violentée par le policier. Le récit s´avère complexe, s´articulant
autour des caractères oscillant entre vérités et mensonges.
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L´occupation de l´espace et la science du mouvement pointent
sur les regards, les déplacements dans le cadre et l´attention
portée sur des gestes à priori anodins. Jennifer Lynch créé ainsi
une opposition entre les espaces clos des entretiens (ou la vérité
se cache) et l´espace ouvert désertique de l´agression (ou le
mensonge prend place).
La gestation du projet semble avoir été longue depuis son
premier film. La construction du récit et l´aspect rugueux de la
mise en scène indiquent des efforts sur chaque élément. La
direction d´acteurs, la disposition des acteurs dans le cadre.
Jusqu´à un certain point culminant –Eros et Thanatos, nos bienaimés- où les thèmes entrelacés de la violence/du désir/de la
douleur/de la mort semblent voués à un orgasme ultime. Et non
réprimé. Impuni. Il y a très peu de frontières que
SURVEILLANCE ne franchit pas, glissant le film vers un
thriller trash, certes peu nouveau dans sa thématique, avec un
Bill Pullman parfois en roue libre et une Julia Ormond au
charme froid toujours plus sophistiqué.
Mais il s´agit d´un exercice salutaire pour un cinéma qui est
soit dévolu à une hégémonie du nivellement par le bas (la
politique des grands studios) ou à une conduite de l´extrême
par la forme choisie ou le caractère graphique de sa
représentation (la vague actuelle du «torture porn», par
exemple). Jennifer Lynch n´a pas choisi un chemin simple pour
s´exprimer mais qui se révèle parfois passionnant pour qui veut
s'y perdre, en pardonnant les quelques scories d´agression
sonore et visuelle parfois faciles.
Francis Barbier
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