Communication de Madame Alimata Salembéré Membre du Comité

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Communication de Madame Alimata Salembéré Membre du Comité
Séninaire international sur la gestion de la transition en République démocratique du Congo
Communication de Madame Alimata Salembéré
Membre du Comité national d’étique du Burkina Faso
’est suite aux secousses socio-politiques nées de la mort du journaliste Norbert ZOGO en
décembre 1998 qu’un collège de Sages, à partir d’une analyse faite de notre société, a
recommandé la mise en place d’un Comité National d’Ethique (CNE) en vue de faire des propositions
susceptibles de renforcer la paix dans le pays. Crée par décret présidentiel le 08 juin 2001 le CNE a
été officiellement installé en mars 2002.
C
C’est un observatoire de la société burkinabé. Il veille à la sauvegarde des valeurs laïques et
républicaines aux plans moral, culturel et humain.
Le Comité National d’Ethique est chargé de proposer et de suggérer toutes mesures tendant à la
préservation du civisme et à la moralisation de la vie publique et sociale.
Il est composé de :
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Trois représentants des autorités coutumières et religieuses désignés par le praesidium de la
journée nationale de pardon.
Trois représentants des grands corps de contrôle de l’Etat (Cour des Comptes, Inspection
Générale d’Etat, Médiateur du Faso).
Trois personnalités désignées par le Président du Faso.
Les membres du Comité National d’Ethique sont choisis pour leur probité et leur sens du devoir. Ils
sont nommés par décret pour un mandat de cinq ans non renouvelable. Il publie chaque année un
rapport sur l’état de l’éthique au Burkina Faso.
La production du rapport a été rendue possible grâce à l’appui et aux contributions de nombreuses
personnalités et personnes ressources. Bref, à toutes les composantes de la société burkinabé.
En effet, conscients que l’éthique est un ensemble de règles qui doivent être placées au cœur de la
cité, et qu’elles ne sauraient par conséquent émaner de seuls membres du Comité national d’Ethique,
ceux-ci ont envisagé une méthodologie d’approche pour mieux appréhender l’ensemble des réflexions
individuelles et collectives. Ils ont donc adopté une démarche bâtie autour de :
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Rencontres préparatoires et réunions ordinaires ;
Visites, audiences et rencontres ;
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Conférences et ateliers ;
Questionnaires de sondage d’opinion.
Mesdames, Messieurs,
Le tout premier rapport du Comité National d’Ethique a été consacré à une rapide analyse de la
situation nationale afin d’établir un état des lieux et une identification des problèmes d’éthique qui se
posent à notre pays dans plusieurs domaines majeurs de la vie publique et sociale.
De l’analyse de la situation nationale
L’analyse de la situation nationale au regard de l’éthique a été un exercice difficile.
Cette difficulté tient entre autres à l’immensité du champ d’investigation, la situation nationale
recouvrant, en principe, tous les secteurs de la vie sociale du pays au sens le plus large.
L’on peut cependant convenir qu’il s’agit d’examiner de manière globale la vie de la société Burkinabé
à l’étape actuelle de son histoire et à la loupe des valeurs morales universelles trempées dans notre
sociologie et dans nos traditions.
Effectivement les conséquences de la déperdition des valeurs morales et éthiques sont perceptibles
dans tous les domaines de la vie nationale. Ces domaines peuvent être répertoriées et classées ainsi
qu’il suit :
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des traditions et des coutumes ;
de la religion ;
social et de la culture ;
de l’économie et des finances ;
de la politique et de l’Administration ;
de la santé ;
de la justice;
du contrôle et de la médiation ;
de la presse et de la communication ;
de la sécurité ;
de la défense nationale.
Il faut cependant observer que les autorités politiques et administratives qui se sont succédé, ont pris
conscience de la situation et ont entrepris, chacune à sa manière, de combattre les maux qui minent
notre société afin de remettre le pays sur les rails d’un développement économique et social durable.
A cet effet, nombre d’actions d’ordre politique, législatif et administratif ont été entreprises.
1.
Au plan politique
Il s’agit essentiellement de tous les projets de société que l’on a tenté d’instaurer par des coups de
force ou non pour changer la société burkinabé.
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Ainsi, de 1960 à 1991, nombreux sont les régimes qui se sont succédé afin d’améliorer la vie sociale
et économique des populations. Les expériences acquises au cours de cette période de tâtonnement
politique à la recherche d’une
Société meilleure ont inéluctablement conduit le Burkina Faso à opter pour un Etat de droit
démocratique caractérisé par :
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Le retour à une vie constitutionnelle normale depuis 1991 ;
L’instauration du multipartisme ;
L’adoption du principe de la bonne gouvernance ;
L’élaboration d’une charte des partis politiques ;
L’élaboration du statut de l’opposition.
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Au plan législatif et administratif
Le Burkina Faso dispose sans conteste aujourd’hui d’un arsenal de textes juridiques susceptibles de
réglementer globalement l’ensemble des secteurs de la vie Nationale.
Cela peut être mis au crédit de la volonté de nos autorités et des citoyens de faire de notre pays un
Etat de droit où les populations peuvent vivre en harmonie suivant des règles pré établies. On peut
saluer à cet égard, l’effort particulier de législation qui a permis à notre pays de se doter d’une
Constitution, de lois et de codes.
Par ailleurs, des structures de contrôle, de régulation, de médiation et d’observation ont été crées et
mises en place pour :
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Veiller à la bonne application des textes et éventuellement proposer les réformes nécessaires
(Cour des comptes, Inspection Générale d’Etat, Inspection générale des Finances, Inspections
techniques, Commission de lutte contre la fraude, Haute Autorité de lutte contre la Corruption,
Comité National d’Ethique) ;
Assurer le bon fonctionnement et la régularité de certaines activités nationales telles que les
élections présidentielles et législatives (Commission Nationale Indépendante des Elections), la
régulation en matière d’information et d’audiovisuel (Conseil Supérieur de l’Information) ;
Garantir l’ordre et la discipline au sein des corps de métiers (ordre des avocats, des médecins,
des pharmaciens des comptables, des ingénieurs, des architectes) etc. ;
Proposer des solutions amiables au règlement des conflits qui opposent l’Etat et ses administrés
(Médiateur du Faso).
Il est à noter également l’émergence d’une société civile dont la place et le rôle sont très déterminants
dans la recherche de solutions pour toutes questions importantes de la vie de la nation. Le dynamisme,
cette force sociale est essentiellement dû :
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A la disponibilité toujours affirmée des communautés traditionnelles et religieuses ;
A la liberté de presse et de communication retrouvée ;
A la liberté syndicale ;
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A la création d’un Ministère des droits humains ;
Au retour progressif et effectif de l’armée dans les casernes.
Toutes ces tentatives et tous ces efforts ont été couronnés par la tenue de la Journée Nationale de
Pardon sur recommandation du Collège de Sages et dont le principe repose sur la ferme volonté des
Burkinabé à mettre en œuvre toutes les voies et tous les moyens nécessaires à la construction d’une
véritable cohésion nationale et d’une paix sociale durable. C’est à la faveur de cette journée que
d’importantes structures ont été crées et mises en place avec pour vocation première de favoriser
l’installation d’un climat de confiance afin de transformer l’accalmie sociale en paix durable. Il s’agit
principalement du Comité de Suivi de la mise en œuvre des Engagements de la Journée Nationale de
Pardon, du Fonds d’Indemnisation des Personnes victimes de la violence en politique, du Comité
National d’Ethique.
Si toutes ces actions n’ont pas réussi à empêcher ou à endiguer les dérives constatées aujourd’hui,
c’est parce qu’elles ont été handicapées par des contraintes importantes ; Ce sont entre autres,
l’immensité et la gravité des problèmes à résoudre et le manque de consensus sur les questions
majeures. Tout cela est aggravé par les différents maux dénoncés dans le rapport, et dont les plus
importants sont stigmatisés dans ce qui suit et qui fait ressortir cinq problèmes majeurs que l’on
retrouve dans tous les secteurs d’activités de la vie nationale ce sont :
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La politisation des structures administratives de l’Etat ;
L’impunité ;
La corruption ;
L’incivisme ;
La crise de l’éducation.
Mesdames, Messieurs,
L’inventaire assez exhaustif des maux décriés de notre société que l’on vient de dresser permet de
distinguer les maux communs aux différents domaines identifiés comme problèmes transversaux et
des maux spécifiques à chacun des domaines analysés.
Cet inventaire des nombreuses insuffisances, responsables du dysfonctionnement de la jeune
démocratie burkinabé dépeint une situation inquiétante, voire alarmante mais non désespérée.
Le Comité National d’Ethique estime que cette situation n’est ni fatale, ni irrémédiable. Il apparaît qu’il
peut se dégager une base minimale autour de laquelle on peut créer les conditions favorables à la
construction d’un Burkina nouveau où l’on puisse vivre en harmonie et construire un développement
durable fondé sur l’éthique, une éthique entendue comme un ensemble de principes et davelurs de
base qui organise la vie au quotidien. Du reste l’histoire du peuple burkinabé rappelle qu’il a été
quelquefois confronté à des difficultés qui ont gravement menacé sa cohésion et sa paix sociales.
Pourtant, les burkinabé ont toujours su se redresser, parce qu’ils ont eu la sagesses de puiser dans
leurs valeurs propres, les ressources qui leur ont permis de surmonter les moments difficiles.
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C’est parce que le Comité National d’Ethique pense que le Burkina Faso est toujours capable de ce
sursaut, qu’il a d’abord procédé à l’analyse sans complaisance de la situation nationale avec la
collaboration des différentes composantes de la société burkinabé, et qu’il a ensuite formulé des
recommandations d’ordre général et d’ordre spécifique, en mettant l’accent particulièrement sur des
sujets graves comme le SIDA et les problèmes de nos compatriotes à l’étranger.
Au-delà de leur contenu intrinsèque, ces recommandations constituent avant tout une interpellation.
Elles invitent chacun à se sentir concerné par la situation du pays, et à accepter une remise en cause
de soi-même dans l’intérêt supérieur de la nation.
Toutefois, il faut reconnaître que ces recommandations ne constituent pas une panacée, et tel n’est
pas au demeurant, l’objectif visé par le rapport. Il s’est agi pour le Comité National d’Ethique dans ce
rapport, de faire l’état des lieux afin d’établir la situation de l’éthique dans le pays, en vue de poser les
bases d’une réflexion profonde devant déboucher sur des solutions appropriées et durables.
Pour le futur, la voie est donc toute tracée ; celle d’approfondir les analyses et la réflexion autour de la
problématique de la lutte contre les grands maux qui minent notre société. Cela contribuera sans
doute, dans des délais raisonnables à la moralisation et à l’instauration d’une paix sociale durable.
Dans tous les cas, la question de l’éthique, n’est pas un problème insurmontable. Il suffit que les uns
et les autres acceptent de jouer leur rôle pour l’émergence d’une société de plus en plus responsable,
avec pour toile de fond une volonté politique affirmée et soutenue.
L’élaboration de ce rapport a été enrichie par la collaboration des populations burkinabé, à l’occasion
d’écoutes attentives, d’échanges et de partage. En retour celles-ci nous ont demandé avec insistance
de bien vouloir traduire fidèlement aux décideurs politiques leurs préoccupations.
Le rapport a donc été remis en mars 2003 au Chef de l’Etat qui l’a fait reproduire tel quel, à l’attention
des membres du gouvernement pour exploitation.
La réaction et les commentaires de toutes les sensibilités :
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Autorités gouvernementales et partis politiques,
Autorités coutumières et religieuses,
Presse privée et publique,
Représentations diplomatiques et consulaires,
Etudiants,
ONG.
Sont majoritairement positives et justifient la nécessité de la création d’un Comité National d’Ethique.
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