EN PRÉPA LITTÉRAIRE - SAINT
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EN PRÉPA LITTÉRAIRE - SAINT
espace intro 1 enseignante, 3 élèves : 4 témoignages pour un grand entretien ENSEIGNER ET ÉTUDIER EN PRÉPA LITTÉRAIRE par Élisabeth Di Marco, professeur de chaire supérieure au lycée Saint-Exupéry, à Mantes-la-Jolie Nous avons toujours pensé qu’il était utile de faire figurer dans ce numéro d’Espace Prépas spécialement réalisé à l’attention des littéraires des témoignages d’élèves (anciens) khâgneux ayant fait le choix des écoles de management. Pour aider à « dédramatiser », accompagner la projection, encourager l’ouverture. L’occasion nous a été donnée cette année de publier un long entretien réalisé par une enseignante avec trois de ses (anciennes) élèves aujourd’hui à différentes étapes de leur parcours : Céline est diplômée d’une école de management depuis 2005, Amira poursuit son cursus en 2e année, Malika a choisi de cuber. Élisabeth Di Marco, professeur d’espagnol au lycée Saint-Exupéry de Mantes-la-Jolie depuis 1998 a largement contribué à leur réussite académique et continue de suivre leurs parcours. Elles-mêmes n’hésitent pas à témoigner et ont participé avec enthousiasme à l’anniversaire des 15 ans de leur classe préparatoire A/L, en 2013 (20 ans pour les prépas EC et S). C’est Élisabeth Di Marco — nous l’en remercions — qui a pris l’initiative de cet échange fourni, assorti de quelques bons conseils à l’attention de ceux d’entre vous qui souhaitent préparer les concours des écoles de commerce et d’un témoignage édifiant sur l’évolution de la formation en prépa littéraire mettant en lumière le rôle des enseignants dans le destin de « carrière » académique et professionnelle des élèves. Le tout offrant un large aperçu d’une voie dont l’image se modernise, et qui prend une place de plus en plus affirmée dans le paysage de l’enseignement supérieur français. Stéphanie Ouezman 12 Espace Prépas : hors-série « spécial littéraires » Élisabeth Di Marco. Vous rappelez-vous votre décision de vous inscrire en prépa A/L au lycée Saint-Exupéry ? Ce choix s’est fait en terminale, en première ? Cette décision est-elle personnelle ou motivée par l’intervention d’une tierce personne ? Céline. À l’issue de mon cursus au lycée qui m’a permis d’obtenir un bac S, les mathématiques ont eu raison de moi ! Je me suis longuement interrogée lors de mon année de terminale sur la suite à donner à mes études. La perspective de rejoindre les bancs de l’université ne m’enchantait pas vraiment et en assistant à divers forums d’orientation, j’ai découvert les classes prépa. Mon intérêt pour les langues vivantes ainsi que pour les matières littéraires m’a tout naturellement incitée à postuler en hypokhâgne. Comme beaucoup d’étudiants, mon choix s’est dans un premier temps porté sur Mantes pour des questions de logistique. Mes parents habitant Limay, il était plus simple pour moi de me rendre quotidiennement à Saint-Exupéry que de faire les allers-retours à Paris ou même à SaintGermain-en-Laye. Cependant, ce qui a réellement été déterminant dans ma décision, c’est la lettre de réponse positive que j’ai reçue des professeurs de la prépa littéraire de Saint-Exupéry : sa personnalisation dénotait déjà l’intérêt porté à chaque étudiant et la proximité de l’enseignement qui y était proposé. Amira. Oui je m’en souviens ! J’ai pris ma décision lors de ma terminale, c’est notamment grâce à ma professeure d’espagnol que j’ai été motivée pour intégrer une classe préparatoire. J’ai beaucoup hésité avant de me lancer dans ce cursus soutenu, mais je me suis dit que j’allais pouvoir suivre des études pluridisciplinaires de très bonne qualité et que cela me laisserait le temps de choisir précisément ce que je souhaiterais faire plus tard. Malika. J’ai fait mon choix en terminale après le passage des épreuves du bac. Au début je me dirigeais plutôt vers la faculté de droit de Paris Assas (Paris 2), pour laquelle j’étais sur liste d’attente, mais j’ai décidé de démissionner, malgré mes chances de l’intégrer, pour revenir sur ce que j’estimais être le meilleur des chemins : la classe préparatoire. espace intro Cependant, ce choix n’a pas été totalement personnel : déjà, mes professeurs et mes proches m’avaient exhortée dans ce sens. Je me souviens encore de ma grand-mère me disant: « La classe prépa se prend à la porte du lycée, vas-y, et puis si ça te plaît vraiment pas, tu iras à l’université. L’inverse sera difficile: si tu entres tout de suite à l’université, tu as peu de chances de revenir vers la prépa. » J’ai donc appelé tous les lycées des Yvelines où il y avait des classes préparatoires, et j’ai non seulement découvert que le lycée Saint-Exupéry à Mantes-la-Jolie faisait les parcours hypokhâgne et khâgne, mais de surcroît, qu’il y restait de la place. J’ai été sélectionnée après examen de mon dossier par le corps enseignant. Aujourd’hui, je ne regrette pas d’avoir fait ce choix; je continue de penser que c’est une des meilleures décisions que j’ai pu prendre, même si, de prime abord, ce n’était pas évident. E.D.M. Seriez-vous capable de me dire à quel moment vous est venue cette idée de préparer les concours d’entrée aux ESC? Aviez-vous un projet précis en tête ou hésitiez-vous encore entre deux, voire trois options? Comment avez-vous travaillé sur votre projet d’orientation? Céline. Le fait de rejoindre une classe préparatoire était pour moi l’opportunité de me laisser encore un peu de temps après le bac pour déterminer mon parcours professionnel, tout en acquérant un bagage solide pour l’avenir en termes de rigueur, de méthodologie de travail… À l’issue de l’année d’hypokhâgne, il était clair pour moi que je ne souhaitais pas me diriger vers l’enseignement. C’est en échangeant avec vous, Mme Di Marco, et mes anciens camarades de lycée qui avaient choisi de rejoindre la classe prépa éco de SaintExupéry que l’idée de tenter les concours pour entrer en école de commerce a commencé à mûrir et à me séduire. Amira. À vrai dire, je souhaitais faire Sciences Po à l’entrée en prépa. Le côté politique m’intéressait beaucoup. Mais après avoir discuté avec des anciens de la prépa littéraire qui ont fait une école de management, je me suis orientée vers cette voie qui me plaisait. Dès lors, dès mes débuts en hypokhâgne, je me suis fixé l’objectif d’intégrer une ESC ; et très vite j’ai abandonné l’idée de faire Sciences Po. Puis j’ai également échangé avec les professeurs et nous avons travaillé ensemble sur mon orientation et la préparation au concours dès l’hypokhâgne. Malika. Je ne me suis pas intéressée d’emblée aux écoles de management. Pour moi, la fin était claire: je voulais faire un parcours politico-droit, ou être dans l’enseignement, voire les deux. Mais je me suis rendu compte au fil du temps, notamment au début de la khâgne, que les écoles de commerce, qui sont à leur juste dénomination des écoles de management, étaient très riches et offraient une multiplicité de parcours possibles ; qu’on pouvait par exemple au sein d’une même école faire un cursus de commerce international assorti à une formation politique, c’est le cas à SKEMA ou encore à l’EM Strasbourg. Par ailleurs, je dois ajouter que toute la vie de la prépa a contribué à m’intéresser aux écoles de management: nos professeurs organisent régulièrement des rencontres interfilières (avec les prépas économiques et scientifiques du lycée de promotions actuelles ou antérieures), lors de forums ou de séjours d’intégration. J’ai non seulement pu y échanger au sujet de ces écoles, qui a priori, semblent être ouvertes aux profils littéraires, mais j’y ai aussi tissé des liens d’amitié indéfectibles avec d’autres élèves. Enfin, mes premiers pas dans le monde politique ne cessent de me confirmer qu’un bon politicien doit être un bon gestionnaire et en ce sens, je pense que les écoles de management sont formatrices. E.D.M. Il est indéniable que l’entraînement de nos préparationnaires intéressés par les ESC a considérablement évolué au cours de ces années. Vous en êtes toutes les trois un vivant exemple. Pouvez-vous m’aider à le démontrer? Céline. J’ai fait partie des premiers étudiants de prépa littéraire à Saint-Exupéry à tenter les concours aux écoles de commerce, et il est vrai que les méthodes de préparation étaient plutôt artisanales à l’époque. Je suivais tous mes cours avec mes camarades de prépa littéraire mais je faisais aussi quelques heures supplémentaires avec le “clan éco”: je participais à certains de leurs cours d’espagnol et d’anglais afin de travailler sur des sujets d’actualité économique, je rejoignais leurs sessions d’écoute en laboratoire de langues et je planchais bien entendu sur des colles complémentaires, délaissant Aristote et García Márquez l’espace de quelques heures pour le New York Times ou El País! J’ai eu beaucoup de chance par rapport à l’accompagnement et au soutien qui m’ont été apportés au cours de cette période, notamment par vous, Mme Di Marco. Je garde éga- Amira Azouaou, 21 ans, en 2e année à l’ISC Paris « Amira faisait partie de la promo 20112013. Elle occupe un poste au sein de l’association humanitaire de l’ISC Paris : Aide Mondiale. Elle envisage de faire une année de césure en France et à l’étranger entre son M1 et son M2 pour bénéficier d’une expérience professionnelle valorisante et elle compte se spécialiser en management des systèmes d’information lors de son M2. Par ailleurs, pour compléter son parcours, elle espère pouvoir faire un double diplôme à l’étranger lors de son M2. » Malika Sakhi, 21 ans, a choisi de refaire une khâgne « Malika n’est pas mon étudiante car elle est germaniste, mais nous nous connaissons bien et échangeons très régulièrement sur les concours et tout autre sujet qui nous passionne. Malika a fait le choix de cuber cette année pour obtenir l’école de ses rêves : Science Po ou SKEMA et la possibilité de faire un double cursus, commerce international et sciences politiques. » Céline Bertheaume, 32 ans, diplômée de l’ESC Rennes en 2005, associée et directrice des opérations de la société iDalgo « Céline a fait partie de nos premières promos, elle a été mon étudiante entre 2000 et 2002. Elle a rejoint la prépa littéraire de Saint-Exupéry après un bac scientifique, et a été l’une des premières étudiantes de ce cursus à tenter les concours d’écoles de management, à l’époque on disait plutôt « écoles de commerce », ce qui avait d’ailleurs un effet repoussoir, les littéraires se demandant ce qu’ils pouvaient bien trouver dans ces écoles. Son choix s’est porté sur l’ESC Rennes, où elle a obtenu un Master en commerce international en 2005, après une année passée en échange universitaire en Nouvelle-Zélande. En 2006, elle a rejoint le cabinet de conseil en recrutement Clémentine, spécialisé dans les nouvelles technologies et le digital, en tant que consultante. En septembre 2012, elle a quitté le conseil pour se lancer dans un projet entrepreneurial, dans un domaine qui la passionne depuis longtemps — le sport — et est devenue associée et directrice des opérations de la société iDalgo, spécialisée dans la création, réalisation et diffusion de contenus sportifs dans le monde des médias et du web. » Décembre 2014 13 espace intro CÉLINE Céline et quelques camarades de prépa posent devant le tableau il y a 15 ans. lement un très bon souvenir des étudiants de prépa éco qui m’ont accueillie dans leurs groupes de travail sans aucun jugement et avec beaucoup d’enthousiasme. Amira. Oui c’est exact! Il y a un véritable suivi pour les étudiants qui sont intéressés par un concours spécifique, ici celui des ESC. Je me souviens de mes premiers concours blancs en hypokhâgne, pendant lesquels je me suis entraînée aux épreuves de la BCE en plus de celles de l’ENS. En khâgne, j’ai continué à préparer de manière intensive mes concours en m’entraînant aux différentes épreuves écrites. Avec mon professeur de lettres modernes, M. Muller, je préparais les contraction et synthèse de texte : deux épreuves importantes pour les ESC. En langue, avec vous, le suivi était très rapproché. On avait la chance d’avoir des professeurs impliqués qui s’inquiétaient de notre réussite. Pour l’oral aussi je me suis sentie soutenue, ils n’ont pas hésité à me proposer leur aide. Je me souviens encore de ma préparation à l’entretien de personnalité avec mon professeur de philosophie qui m’a beaucoup apporté, ainsi qu’avec ma professeure de grec ancien, Mme Doriath qui m’a reçue chez elle juste pour m’aider à travailler ces épreuves. C’est un certain luxe en prépa d’avoir ce type d’entraînement très personnalisé. Avec ses camarades de l’ESC Rennes, dernière soirée avant le départ en échange académique. Malika. Ce que je peux dire de mon expérience : dès le début, nos professeurs ont mis en place des programmes spécifiques pour ceux qui voulaient tenter ce type d’écoles. Nous avons la chance inouïe à Saint-Exupéry, notamment grâce à l’effectif réduit des classes, d’avoir un encadrement personnalisé pour nous entraîner au format des épreuves des écoles de commerce. Pour l’écrit, les cours de civilisation en langue allemande, anglaise ou encore espagnole pour les hispanisants, sont centrés autour de questions historiques mais aussi d’actualité, ce qui nous aide à penser nos essais linguistiques en vue du concours. Pour les épreuves de synthèse ou encore de contraction de texte qui sont propres aux écoles de commerce, les professeurs envoient des travaux supplémentaires aux intéressés par mail. Pour un entraînement en temps réel, nous avons également la possibilité de composer sur table avec les prépas économiques les samedis matin. Concernant l’oral, nos professeurs organisent deux à trois sessions d’entraînements oraux par an, appelés « entretiens de personnalité » et devant un jury dont la composition respecte généralement ce type de schéma : un ancien élève, un professeur et un professionnel d’entreprise, parfois les trois en même temps. Mais les professeurs En Nouvelle Zélande, en 2005, Céline pose devant le lac Hawea. ne se contentent pas de nous entraîner sur le plan intellectuel, ils participent et nous poussent à construire notre personnalité par le biais d’actions ponctuelles, le plus souvent associatives, notamment avec les membres du Lions Club. Cette valeur ajoutée est non négligeable pour la réussite de nos parcours à court, moyen, mais aussi à long terme, dans la mesure où nous montrons notre potentiel humain et notre originalité. E.D.M. Pouvez-vous me dire si cette décision de tenter ces concours bien particuliers a (eu) une incidence sur vos rapports avec les autres étudiants ou avec vos professeurs ? Vous sent(i)ezvous « différentes » des autres ? Céline. Le fait d’être la seule de ma promotion à tenter cette aventure a forcément suscité quelques interrogations de la part de mes camarades, mais il s’agissait plus de curiosité que d’un jugement négatif. Je venais déjà d’un environnement assez différent du leur, avec mon parcours préalable en filière scientifique ; ils n’ont donc pas été réellement surpris par mon choix ! Du côté du corps professoral, le discours était à l’époque très clair : l’objectif de la prépa littéraire est avant tout de préparer une entrée à Ulm. Les écoles de commerce Retour sur l’histoire d’une filière pas comme les autres… En 2013, le lycée Saint-Exupéry de Mantes-la-Jolie fêtait les 15 ans de sa prépa A/L. Diversité, excellence, proximité et ouverture sociale caractérisent cette classe préparatoire littéraire qui a aussi connu des difficultés et continue de combattre certains a priori sur la formation et l’autocensure de quelques élèves à l’aide d’une équipe enseignante dynamique dont fait partie Élisabeth Di Marco qui y enseigne l’espagnol depuis 1998. Elle témoigne… « Depuis 1998, des centaines d’élèves ont été formés dans nos classes d’hypokhâgne et 14 Espace Prépas : hors-série « spécial littéraires » Élisabeth Di Marco (à droite) entourée de ses étudiants lors des séjours d’étude en Espagne qu’elle organise régulièrement. de khâgne par des équipes pédagogiques qui se sont beaucoup renouvelées avec le temps mais qui restent fidèles à l’esprit des débuts : offrir un enseignement de très grande qualité à proximité, faire vivre un pôle d’excellence à la portée des meilleurs espace intro n’avaient donc pas vraiment leur place dans le programme. Heureusement, certains membres de l’équipe avaient un regard différent, plus ouvert sur le sujet, et ont su faire bouger les lignes. Amira. Non pas du tout, cela n’a changé en rien mes rapports avec les autres étudiants ni même avec mes professeurs. Certains étaient enthousiastes de voir que des profils littéraires se préparaient aux ESC. Différente non, plutôt atypique, car certains ne voyaient pas le rapport entre une CPGE littéraire et une ESC ; c’est vrai, il y en a peu, mais cela permet à la fois de suivre un parcours original et d’avoir un profil qui sort de l’ordinaire. Malika. Absolument pas, je ne me suis jamais sentie différente au sens de « un peu à part », voire « exclue » de la classe. Mais si on regarde bien, on est en définitive tous différents dans la classe, puisque personne n’a les mêmes projets d’études, professionnels, ou de vie pour les plus visionnaires. Pour répondre plus précisément à la question, je suis convaincue que c’est ce refus du « moule » qui fait à la fois la particularité et la richesse de Saint-Exupéry. Et à l’inverse ce sont justement nos « différences » qui nous ont permis de créer des liens exceptionnels avec nos professeurs et nos camarades. gique à donner à mon parcours. Près de dix ans après avoir été diplômée de l’ESC Rennes, ce sentiment reste intact. Je pense que la diversité de mon parcours a été un réel atout pour m’intégrer sans difficulté dans le monde du travail et m’y épanouir encore pleinement aujourd’hui en tant qu’entrepreneur. Amira. Oui tout à fait, je me voyais très bien en ESC. J’avais le sentiment que c’était ce qu’il me fallait tant sur le plan académique que professionnel, car à mon sens si on intègre une ESC c’est surtout pour s’insérer plus sereinement dans le monde professionnel. Malika. Pour être honnête, j’ai eu des doutes plus d’une fois. Il faut avouer qu’il y a tout de même un monde entre Kant et Keynes, entre la dissertation d’histoire et l’élaboration d’un business plan, mais je pense que si ces écoles recrutent des profils littéraires, c’est que nous y avons notre place. Nous allons apporter un regard différent et paradoxalement « neuf » à ces cursus, et plus largement aux métiers qui en découlent. Les littéraires ont, en général, bien au-delà de leur talent pour communiquer et rédiger, cette faculté de voir le monde avec ouverture et pénétration d’es- prit tout en étant pétris d’une culture mêlant savoirs anciens et nouveaux; cela rend le traitement des problématiques plus intéressant et permet d’y apporter une réponse pertinente. Il me semble qu’après tout ça, l’épanouissement va de soi, non? (Rires.) E.D.M. Pensez-vous que cette formation suivie au cours de ces deux, voire trois ans en prépa littéraire soit un plus pour les écoles de management qui vous ont accueillies ou qui vont vous accueillir? En d’autres termes, que pensez-vous apporter ou avoir apporté à votre école? Céline. Lorsque j’ai rejoint l’ESC Rennes en 2002, ma promotion comptait environ 300 étudiants et nous n’étions qu’une poignée à avoir été intégrés suite à une prépa littéraire. Je pense que les choses sont bien différentes aujourd’hui, comme pourra sûrement en témoigner Amira. AMIRA E.D.M. Avez-vous toujours eu l’impression que les ESC étaient faites pour vous, que vous y trouveriez votre place et la certitude d’un épanouissement intellectuel et professionnel? Céline. Je n’ai en effet jamais eu de doutes quant à mon choix de rejoindre une école de commerce. Plus je me préparais pour les concours et me renseignais sur les écoles, plus j’étais convaincue que c’était la suite lo- bacheliers mais aussi de tous les élèves suffisamment volontaires et sérieux, désireux de se dépasser et de progresser. Intégrer des profils variés Des trois filières présentes au lycée SaintExupéry, l’hypokhâgne et la khâgne sont certainement les classes qui jouent le plus la carte de la diversité : diversité des profils d’étudiants venus de terminales littéraires, notamment des sections artistiques, mais aussi de terminales ES et S ; diversité des parcours possibles à l’issue de la 2e année : outre le concours de la rue d’Ulm, nos littéraires sont préparés aux concours des écoles de management, de Sciences Po, des IEP ou de toutes les écoles de communication, d’architecture, de journalisme, sans oublier le partenariat privilégié que nous avons avec l’ISIT Paris. Amira entourée de ses camarades membres de l’association humanitaire d’ISC Paris, Aide Mondiale. Défendre la prépa Si tout le monde s’accorde sur la valeur de ce type d’enseignement de très haut niveau qui donne aux étudiants passés par ces classes littéraires une solide culture générale, une méthode de travail à toute épreuve, un sens de l’analyse et une aisance indéniable à l’oral (des qualités qu’apprécient les ESC et les entreprises), beaucoup demandent encore à être convaincus de l’intérêt de faire une prépa au lycée Saint-Exupéry : nous sommes toujours aujourd’hui, et malgré nos excellents résultats, confrontés à toutes sortes de préjugés et d’idées toutes faites concernant l’implantation de nos CPGE à Mantes-la-Jolie. La meilleure réponse serait une invitation à venir voir sur place le travail fait dans nos classes, ce qui ne saurait être une parole en l’air puisque depuis quelques années, nos traditionnelles portes ouvertes ont été remplacées par des “mini-stages” Amira à l’ISC Paris lors de sa soutenance orale pour le projet associatif qu’elle entreprend avec son équipe. d’observation au cours desquels des terminales issus des lycées du Mantois et d’au-delà peuvent assister à un certain nombre de cours puis débattre avec les prépas et échanger avec les professeurs. Il est aussi possible d’évoquer à grands traits ce qui fait la spécificité de nos CPGE : tout d’abord la volonté de former le mieux possible dans nos classes l’ensemble de nos étudiants afin de les aider à réaliser leur projet d’orientation. C’est pour cette raison que nous avons mis en place il y a une dizaine d’années un renforcement horaire pour la préparation aux concours spécifiques, dont ceux des ESC avec des heures de civilisation en langues étrangères ou un entraînement adapté aux demandes concernant les épreuves de contraction et de synthèse. Nous avons appris aussi à entraîner de façon intensive nos littéraires aux épreuves orales, notamment de langues, par le biais des colles mais aussi en Décembre 2014 4 15 espace intro MALIKA Dans le hall d’accueil du lycée Saint-Exupéry, Malika est prête à accueillir les visiteurs du forum de présentation des classes préparatoires. Je suis convaincue que les étudiants de prépa littéraire apportent un réel plus aux écoles de management : leurs solides connaissances culturelles, leur soif d’apprendre, leur maîtrise des langues vivantes ou bien encore leurs facilités pour rédiger sont autant de compétences recherchées par ces grandes écoles, mais également par les entreprises. Amira. Je pense que c’est une richesse que l’on promènera tout au long de notre cursus en ESC et en entreprise. La prépa littéraire est un enseignement pointilleux qui nous conduit à une bonne maîtrise du français, rare selon certains professionnels, qui nous livre une méthodologie et une culture générale plutôt dense. Grâce à cet enseignement on apprend également à argumenter, à avancer nos idées et à les organiser, cela est primordial si l’on souhaite bien réussir. Tout ce savoir acquis me sert aujourd’hui en école de management. Je ne sais pas si c’est véritablement une valeur ajoutée car un étudiant en prépa éco a pu vivre la même expérience, mais il n’en demeure pas moins que ce genre de profil donne une certaine les associant aux groupes formés par les prépas ECE lors des entraînements de fin d’année ; ils travaillent alors les épreuves de langues ou d’entretien avec des jurys constitués de professionnels et d’anciens étudiants en écoles ou déjà sur le marché du travail. Se rapprocher des écoles de management Force est de constater que ces choix n’ont pas toujours fait l’unanimité, y compris au sein de nos équipes. Il aura fallu vaincre un certain nombre de résistances car nombreuses étaient les interrogations. Quel effet à long terme pouvait avoir cette porte ouverte sur un monde bien différent, celui des écoles de management qui elles-mêmes apprenaient à découvrir tout l’intérêt d’accueillir de plus en plus d’étudiants issus des filières littéraires, et commençaient à roder leur discours à 16 Espace Prépas : hors-série « spécial littéraires » Malika participe à une vente aux enchères de vins dans le cadre d’un projet caritatif du Lions Club Val de Seine. originalité et c’est cette richesse intellectuelle, académique que j’apporte au sein de mon école, l’ISC Paris. Malika. Évidemment. La classe préparatoire m’a beaucoup apporté en termes de rigueur de méthodes dans le travail — « apprendre à apprendre » —, de culture aussi bien en classe à travers divers supports (visuels, auditifs) que lors des nombreux voyages effectués (en Andalousie, à Rome, et à Athènes pour février 2015). Tous ces éléments sont des vecteurs indispensables pour la suite de mes études et incontournables pour les futures écoles auxquelles j’aspire. E.D.M. Que pensez-vous avoir le mieux réussi? Quels sont aussi peut-être vos regrets? Quels conseils donneriez-vous aux littéraires tentés par ce cursus? Céline. Mes réussites, ce dont je suis la plus fière? Très certainement d’avoir réussi à démontrer par mon propre parcours que le choix d’une filière scientifique ou d’une prépa littéraire à un certain moment de votre vie, ne vous engage pas à y rester ad vitam aeternam. On y acquiert un bagage culturel, l’attention des khâgnes ? Proposer ce type d’entraînements ne pouvait-il pas revenir à se renier en partie en devenant une sorte de « prépa éco déguisée » ou « sous-prépa éco » (sic) ? Faire le choix de l’entraînement multiple n’a certes pas rencontré l’approbation générale dans un premier temps, et je me souviens avec un certain amusement que nous entraînions les toutes premiers candidats, comme Céline, de façon presque clandestine, sans trop oser le dire. Faire ce choix supposait aussi tout simplement que nous découvrions nousmêmes ce monde des ESC que nous ne connaissions pas du tout : en comprenant mieux les attentes des écoles, en nous familiarisant avec les concours et les différentes banques avant et après la mise en place de la BEL, en découvrant les parcours possibles pour nos étudiants sur des campus qui étaient pour nous « terra incognita ». Sans des méthodologies de travail, une ouverture d’esprit… et toutes ces connaissances peuvent parfaitement être transposées dans des environnements différents par la suite, si vous le voulez. À partir du moment où votre parcours est construit intelligemment, vous pouvez tout tenter! Mes regrets? Franchement, aucun. Les conseils que je donnerais aux étudiants qui souhaitent tenter l’aventure sont simples. – Devenez ce que vous êtes ! Ne laissez personne vous dire que, si vous souhaitiez faire une école de commerce, il fallait vous engager dans une prépa éco et non en hypokhâgne. Le choix d’une classe prépa littéraire pendant deux ou trois ans ne doit pas vous limiter à tenter le concours d’entrée à Ulm ou à réintégrer l’université. Sachez que c’est une formation aujourd’hui reconnue par bien des écoles (Sciences Po, écoles de commerce, de journalisme, de design,... ) qui ont compris depuis des années maintenant tout l’intérêt des profils littéraires. L’important pour vous est bien, avant tout, de poursuivre un objectif d’épanouissement intellectuel et professionnel. – Appuyez-vous sur le réseau d’anciens de prépa littéraire qui ont fait le choix de cette aventure : nous sommes maintenant de plus en plus nombreux dans ce cas et pouvons vous donner des conseils sur les préparations aux concours, l’intégration en école de commerce, les débouchés possibles… – Commencez tranquillement mais sérieusement à préparer vos concours dès l’année d’hypokhâgne: sessions d’entraînement, informations sur les écoles pour trouver celles qui vous correspondront le mieux en termes de programme… C’est la meilleure méthode oublier que nos équipes étaient constituées très souvent d’anciens khâgneux ayant toujours jeté un regard condescendant sur leurs camarades de prépa HEC ! Développer une pédagogie originale Au lycée Saint-Exupéry de Mantes, nous avons aussi instauré une tradition, celle de la participation régulière à des conférences de haut vol, à Paris bien évidemment mais surtout à Mantes même, avec la ferme intention de « décentraliser la culture » : c’est ainsi que nous avons eu l’honneur de recevoir des personnalités comme Lise London ou Pascal Boniface, un ancien de notre lycée, des historiens comme Pierre Guichard ou Benjamin Stora, des universitaires comme Jean Canavaggio ou Daniel Ménager, des romanciers comme Tony Cartano ou Laura Alcoba… ; nous croyons aussi aux vertus du suivi personnalisé à travers des expériences de espace intro Soyez motivés et demandeurs Coin conseils… Nouez des contacts Pour travailler en commun : 1 et 2 années ont tout intérêt à se reconnaître au plus vite comme candidats potentiels à ces concours très particuliers et à travailler de concert : échanges de conseils méthodologiques, séances d’entraînement aux épreuves écrites ou orales, sans oublier les terribles listes de lexique à apprendre tous ensemble dans la joie et la bonne humeur ! Pour vous projeter dans la suite de votre parcours : il est essentiel de rencontrer les anciens de votre prépa littéraire, mais aussi de prépas éco lors des forums, dans les jurys d’entraînement ainsi que sur les réseaux sociaux. Nos anciens étudiants sont d’ailleurs habitués au « tutorat par mail » et les plus fidèles occupent une place de choix dans un listing que nous consultons régulièrement lorsque nous avons besoin de témoignages ponctuels, qu’ils n’hésitent pas à partager également sur le site www.prépamantes.fr, très consulté par nos élèves. Ceux qui ont intégré une ESC ne demandent qu’à transmettre leur expérience des concours, du choix de l’école, du vécu dans ce nouvel environnement. Plus que de « réseau », nombreux sont nos anciens qui parlent de « famille » et de « solidarité bien naturelle » entre ses membres. re e Les bons interlocuteurs : vos interlocuteurs privilégiés sont des professeurs d’hypokhâgne et de khâgne qui enseignent parfois aussi en prépa éco, qui font partie des jurys d’entraînement dans ces mêmes classes, qui interviennent dans des jurys des banques d’ESC pour la correction des épreuves écrites ou qui sont invités à faire passer les oraux dans les écoles. La bonne préparation : des entraînements spécifiques vous sont proposés, notamment en langues, en synthèse et contraction, ou pour les épreuves orales. Montrez votre désir d’être entraînés, multipliez les occasions de DM, de DS, choisissez les épreuves spécifiques pour mettre toutes les chances de votre côté. Un professeur d’hypokhâgne ou de khâgne n’a pas à talonner ses étudiants pour cet entraînement spécifique qui reste un « plus ». C’est à l’étudiant de faire montre d’enthousiasme, de rigueur et d’ambition ; de réclamer des sujets supplémentaires, des interrogations orales spécifiques. C’est ainsi que s’instaureront un dialogue et une relation de confiance entre le candidat aux ESC et son/ses professeur(s) référent(s). Sans dialogue ni climat de confiance, il sera plus difficile de franchir le cap parfois délicat des inscriptions aux différents concours, du choix des écoles, ou de prendre certaines décisions comme celle de cuber… ou pas. pour vous donner l’opportunité d’entrer dans l’école dont vous rêvez. Amira. Je ne m’y attendais pas, mais j’ai eu de très bonnes notes aux oraux (20/20 à l’EM Strasbourg), les jurys sont très intéressés par les profils littéraires, je pense que cela a joué en ma faveur. L’un de mes regrets : ma préparation aux écrits, avec le concours de l’ENS et celui de la BCE il faut bien gérer les temps de révisions et de repos. J’aurais aimé me sentir prête et maîtriser tous mes cours lors des écrits mais ce qui est fait est fait ! Aujourd’hui je suis contente de mon orientation. Il faut apprendre à maîtriser son programme de révisions, je pense qu’avec une bonne motivation et une préparation très à l’avance (car le programme en prépa littéraire est chargé), tout est réalisable. En fait il faut adopter un rythme très soutenu dès la fin de l’hypokhâgne et jusqu’à la fin des épreuves, soit un an, si l’on souhaite intégrer l’école de ses rêves! Malika. Je vous dirai cela à la fin de ma troisième année (rires). En fait, je n’aime pas trop tirer des bilans prématurément… Je dirais pour l’instant que j’ai bien réussi sur le plan culturel, j’ai beaucoup appris dans divers domaines, et disons que je peux vraiment prétendre « avoir de la conversation ». J’aimerais me perfectionner davantage en langues, outils que je juge nécessaires dans le monde du XXIe siècle. Si je devais donner un conseil aux hypokhâgneux, c’est de vivre leur prépa intensément. Ce sont deux, voire trois années de travail rigoureux, mais les résultats sont au rendezvous avec un peu de patience. Alors foncez et ayez confiance en vos qualités, même dans la difficulté ! = colles méthodologiques et de tutorat qui ont leurs adeptes et leurs détracteurs, un suivi que rendent possible nos effectifs à taille humaine ; enfin, notre formation privilégie l’ouverture sur le monde avec des séjours de travail à l’étranger, la certification en allemand grâce à un partenariat privilégié, notre Semaine culturelle de fin d’année avec des promenades thématiques et des visites de sites ou de musées, des ateliers ou des cours à deux voix… Sans oublier l’engagement de nos étudiants dans des actions caritatives ou humanitaires depuis le lancement de notre partenariat avec le Lions Club Val de Seine qui a permis à deux khâgneux de partir quinze jours à Weimar cet été, pour une très belle rencontre avec des jeunes de différentes nationalités et des échanges sur la construction européenne. Les projets sont multiples et variés et disent notre grande soif de renouvellement et d’adaptation à un public forcément de plus en plus hétérogène. Sans oublier le plaisir de travailler sur des projets transdisciplinaires, en littérature ou histoire notamment, qui visent à rappeler à nos étudiants que le savoir ne saurait être compartimenté et que la vraie et belle culture générale s’élabore à la fois dans les cours, à la bibliothèque mais aussi hors les murs du lycée. Et l’avenir ? Le chemin est encore long et rien n’est jamais gagné : comment détecter le plus vite possible les candidats potentiels à ces concours très particuliers ? Comment faire comprendre aux hypokhâgneux que c’est en démarrant dès la rentrée l’entraînement spécifique qu’ils auront toutes les chances d’intégrer une ESC ? Et que c’est en s’entraînant sur les épreuves spécifiques, sans pour autant délaisser le parcours de formation classique, qu’ils deviendront des candidats capables d’affronter les épreuves les plus complexes et donc de prétendre aux écoles les plus prestigieuses ? C’est surtout en enclenchant une vraie dynamique de préparation, en privilégiant le travail en petits groupes pour la mémorisation, l’apprentissage des mécanismes linguistiques de base, la traduction, l’expression orale que ces jeunes étudiants se forgeront une solide armure pour livrer les batailles nécessaires. Ce dont je suis la plus fière ? Très certainement la philosophie qui nous anime, empreinte d’humanisme et de respect mutuel, et qui fait converger autour de projets communs professeurs et étudiants : notre réseau, notre pôle PrépaMantes, aujourd’hui très épaulé par la Communauté d’agglomération de Mantesen-Yvelines (CAMY) et dans lequel nous retrouvons les autres filières, nos journées d’intégration, nos projets communs de liaison secondaire/prépa… » Décembre 2014 17