47 Laboratory : Shigaraki transport CD, Shigaraki

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47 Laboratory : Shigaraki transport CD, Shigaraki
Extrait du banc d’essai des 47 Lab Shigaraki transport CD et convertisseur par
Aaron Weiss, paru en août 2005 sur
47 Laboratory : Shigaraki transport CD,
Shigaraki convertisseur et leurs alimentations.
En détail
Junji Kimura, le fondateur de 47 Laboratory, en fit la réputation sur plusieurs produits de référence, en
particulier l’intégré Gaincard, le transport CD Flatfih et le convertisseur Progression.
La série Shigaraki a trouvé place comme ligne « économique », inspirée par l’emploi du shigaraki, une
céramique abordable et un matériau quotidiennement utilisée au Japon. Les Shigaraki transport CD model
4716 et Shigaraki convertiseur model 4715 constituent un ensemble de lecture CD à environ la moitié du
prix de l’ensemble équivalent de la série Reference. Ensemble qui ne diffère pas tant par la conception de
leur circuit mais par les composants utilisés et leurs alimentations.
Le Shigaraki DAC 4715 se présente sous la forme de deux cubes presque identiques, l’un contenant le
convertisseur et l’autre son alimentation. Tous deux sont enchâssés dans des petits boîtiers de ce matériau.
L’allure de ces boîtes noires et terreuses ne rappelle pas spécialement celui d’appareils électroniques,
mais plutôt de pavés d’environ 8 cm de côté pour l’alimentation, celui du convertisseur étant un peu plus
profond, 15 cm, lui donnant plutôt l’aspect d’une brique. 47 Lab prétend que les propriétés isolantes de la
céramique contribue à son esthétique sonore.
Le Shigaraki DAC emploie des convertisseurs Crystal TDA 1531 et un récepteur d’entrée Crystal CS
8414 acceptant les signaux de fréquences 32 kHz, 44,1 kHz ou 48 kHz, reconnus automatiquement. Il
possède une entrée numérique S/PDIF et une sortie sur une paire de prises RCA. Un cordon ombilical
d’environ 30 cm, relie le convertisseur à son alimentation et autorise une faible séparation entre les deux
cubes. Le cube alimentation est pourvu d’une embase IEC pour recevoir le cordon secteur.
L’intérieur du convertisseur répond à la conception minimaliste : pas de suréchantillonnage, pas de
filtrage numérique ni analogique. 47 Lab estime que le suréchantillonnage introduit une complication
préjudiciable dans la chaîne du traitement du signal, met en doute son apport dans la précision en dessous
de 16 bit par les limitations technologiques dans la lutte contre le jitter et prétend qu’il s’accompagne de
fréquences qui, bien qu’inaudibles directement à l’oreille humaine, peuvent avoir des conséquences
inattendues sur l’équipement en aval. Quant aux filtrages numérique ou analogique, 47 Lab affirme que
les concepteurs sont, par les technologies numériques disponibles, forcés de choisir entre la précision
dans le domaine temporel ou dans le domaine des fréquences et que l’écoute, plus musicale, confirme
l’importance de la propreté du temps, en général sacrifié au profit d’une perfection de fréquence sur
l’écran de l’oscilloscope.
Le complément de ce sculptural convertisseur est le transport associé dont le châssis, en finition argent,
est fixé sur un socle Shigaraki. On le croirait installé sur un piédestal. Ce choix technico-organique donne
l’impression d’une mécanique nichée dans la mousse et les champignons lors d’une randonnée dans des
gorges rocheuses. Le transport utilise une mécanique Sanyo et, conformément à l’approche minimaliste
chère à 47 Lab, il expose l’entraînement du disque. Contrairement à l’habitude, le disque se pose
directement sur le mécanisme d’entraînement du laser par le dessus du transport. Il reste à coiffer
l’ensemble d’un petit palet magnétique pour éviter que le CD ne devienne un dangereux frisbee. Le
lecteur en fonction ressemble finalement à une platine tourne-disque sans bras de lecture : le disque posé
et tournant autour de l’axe du plateau, bien en vue.
La suspension est de conception rigide : le mécanisme d’entraînement, de la diode lectrice et le circuit
imprimé sont fixés sur le sous-châssis. « Plus il y a d’éléments, plus il y a de risques de résonances »,
c’est le principe retenu justifiant l’absence de plateau et des mécanismes habituels.
La face arrière du transport de lecture ne porte qu’un interrupteur et deux sorties numériques, l’une est
filtrée en courant continu et l’autre pas. Si votre convertisseur ne filtre pas le courant continu ou si vous
n’en êtes pas sûr, c’est la sortie filtrée du transport qu’il vous faudra lui connecter, au risque sinon de
l’endommager. La sortie numérique non filtrée a été ajoutée au transport afin d’optimiser les
performances des associations aux convertisseurs 47 Lab qui intègrent ce filtrage.
Comme pour le convertisseur, l’alimentation du transport est abritée dans un coffret externe en
céramique, en fait identique à l’alimentation du DAC, un même cordon les reliant, un autre cordon
amovible reliant l’embase IEC au secteur. Les dimensions du transport sont de (lxhxp) : 285 x 85 x 200
mm et celles de l’alimentation externe de 76 x 76 x 141 mm.
Sur le côté du dessus du châssis on trouve les touches de commandes manuelles des fonctions
habituelles : lecture/pause, arrêt, saut de plage et recherche rapide. Il faut noter une commande
inhabituelle de « tracking ». Sur un lecteur conventionnel, le fonctionnement du tiroir déclenche la lecture
de la table des matières du disque. Le transport Shigaraki étant dépourvu de plateau, il est nécessaire,
après avoir mis en place le disque et le palet, de commander la lecture de la table des matières en
actionnant la touche « tracking ». Une fois effectué pour un disque, n’importe quel autre disque ayant le
même nombre de plages indexées que le premier peut être lu à sa place, sinon il suffit de renouveler
l’indexation par la même touche. Indexation qu’il faut renouveler chaque fois que le transport est mis en
fonction.
En façade, un afficheur à LED noires fournit les informations habituelles de lecture. Le transport est livré
avec une télécommande mais ne vous inquiétez pas d’une erreur éventuelle en la voyant : la céramique
Shigaraki a laissé place à un simple boîtier de plastique ! Accessoirement, elle est même équipée d’une
touche open/close qui n’a aucune utilité pour un appareil dépourvu de tiroir ! Les deux fonctions de
lecture aléatoire et de programmation ne sont disponibles que par la télécommande.
Malgré le choix minimaliste effectué pour chaque élément, l’ensemble Shigaraki, une fois tout dit et
effectué, est légèrement encombrant. Tout compte fait, ce sont quatre boîtes connectées entre elles par un
tissu de câbles. Le convertisseur est particulièrement léger et sensible à facilement déplacé par la tension
des câbles y aboutissant.
Système d’écoute :
lecteur CD Marantz CC65SE, filtre Audio Harmony Two
amplificateur intégré Primare A 60
enceintes Proac Response 2S
câble numérique Canare LV-61S, câbles de modulation DH Labs BL-1, câbles hp Canare 4S8
Écoute :
Antics d’Interpol est un enregistrement volontairement bouché ! Un son maussade mais mélodieux lié à
une atmosphère embrumée. Sur nombre de systèmes, cette brume se transforme trop souvent en
margouillis. À chaque fois, le duo Shigaraki a fait preuve d’agilité doublée d’autorité, ne pouvant être
décrit autrement que par le cliché éculé de « musical ». Une particularité qui ne s’est pas fait remarquer
dans un registre précis de fréquence, bien qu’ayant entendu plus de grave et des aigus plus purs, mais
dans la reproduction de l’espace, du rythme et dans l’équilibre tonal. Sur l’exemple évident
d’arrangements volontairement congestionnés qu’est « Slow Hands », l’ensemble Shigaraki a prêté un air
d’humanité à ces procédés. La musique s’est épanouie et, un mot dont usent et abusent souvent les
critiques, respirait. Dans le cas d’Interpol, l’oxygène était suffisant pour réanimer, dans le bon sens, le
groupe de robots gothiques en troupe humaine folklorique bardé de rimmel noir.
Plutôt que d’utiliser de la musique symphonique pour mes bancs d’essais, je préfère y balancer du métal.
Malheureusement les faits d’armes qui ne sont confusément absurdes ou humiliants sont peu nombreux
et même rarissimes depuis que les Metallica se sont coupés les cheveux ! La situation est peut être sauvée
par System of a Down dont le Mezmerise a repris la suite, là où le pilonnage à pas cadencé de Toxicity
l’avait laissé. « BYOB » est une chanson contestataire, gentiment ironique, dans laquelle un chœur de
garçons railleurs est rythmé par des riffs de métal. Le contraste est accentué par la vivacité de l’allure et
l’aptitude à révéler tous les détails par le duo Shigaraki. Les lourds riffs ne criblent pas le paysage sonore
et parviennent pourtant à conserver leur force. Le son des Shigaraki n’est pas trop retenu. Les coups de
poing du métal ne sont pas assénés mollement et en même temps la musique est toujours sous contrôle :
l’ensemble frappe par ce bel équilibre.
A propos d’équilibre frappant, les White Sripes, à leur manière, tiennent un peu à la fois d’Interpol et de
System of a Down. Dans Get Behind Me Satan, Jack White reprend un style panaché personnel inspiré de
blues, de riffs épais d’une fidélité rudimentaire, pendant que tout ce temps sa soit disante sœur Meg
pilonne les percussions comme une septuagénaire voulant tout faire sauter. La plage d’ouverture,
première et unique, « Blue Orchid » est simple et floue. Les enregistrements de qualité sommaire peuvent
sonner platement sans les interventions qualifiées et pointues des ingénieurs du son, mais peuvent aussi
mieux capter l’ambiance. L’ensemble Shigaraki l’a reproduit avec tant d’air qu’ils ont ramené ces plages
à la vie, les faisant sonner avec de façon bien plus vivante. En réalité, j’ai trouvé « Blue Orchid » un peu
ennuyeux à la radio et trop unidimensionnel sur mon lecteur CD Marantz, pour m’y faire revenir. Les
Shigaraki lui rendirent la vitalité que Jack White avait vraisemblablement l’intention d’y mettre.
Un point particulièrement intéressant de cet ensemble Shigaraki est son flair à reproduire les éléments de
la musique qui sont mal servis. Je pense au soporifique Abraxas de Santana, et bien sûr à sa guitare. La
sonorité de la guitare de Carlos Santana est identifiable même en provenance de l’espace. À la première
écoute de « Singing Winds, Crying Beasts » et « Oye Como Va » par le duo Shigaraki, aucun doute,
c’était bien la guitare de Santana. Et honnêtement, elle sonnait bien mieux qu’elle ne l’avait jamais fait !
Il est possible que sa guitare transcende tout le matériel d’enregistrement. Elle a dû avoir exactement le
même son qu’à la radio en AM. Pourtant quelque chose d’autre dans ces titres m’a pris par l’oreille.
L’écoute de cette basse : distincte, lyrique et verbeuse. Contrairement au rock habituel où la basse est
sourde entre deux notes pendant la totalité de la chanson, le jeu de Dave Brown dans Abraxas est un
véritable second rôle. Je l’ai perçu, senti et il avait quelque chose à dire. De la même façon, le travail aux
percussions de Jose Chepito Areas et de Mike Carabello est mis en valeur, bien au-delà du simple
accompagnement rythmique au jeu brillant de Santana. L’ensemble Shigaraki a rendu crédible l’idée que
Santana est bel et bien un groupe !
La musique acoustique « live » a permis aux transports et convertisseur Shigaraki de s’exprimer
pleinement, et vice-versa ! Gravity de Jesse Cook est un instrumental de musique du monde « beat »,
infusé de flamenco, sans rien de plus contagieux que la plage d’ouverture « Mario Takes a Walk ». Le
poids de la basse est légèrement atténué mais la guitare acoustique de Cook monte en flèche. Avec
courage et conviction, il prend tout l’espace disponible qui, avec la paire Shigaraki, atteint le firmament.
Le solo de Cook qui termine les 30 dernières secondes de cette plage est d’une vivacité et d’une agilité à
donner des frissons dans le dos que les Shigaraki différencient sans jamais perdre haleine.
Comme il m’est arrivé de l’entendre, la musique hautement arrangée lors de l’enregistrement peut perdre
un peu de son lustre lors de sa reproduction sur du matériel de très haut de gamme. Mushroom Jazz de
Mark Farina est languissant, sensuel où se mêlent force basse profonde et des parties vocales chargées de
bons sentiments. « Music Use It » chanté par Lalomie Washburn illustre les procédés de mixage du son
qui ressortent mieux sur une sonorisation de voiture que sur l’ensemble Shigaraki, sur lequel la musique
manquant d’air empêchant le duo de trouver une respiration.
Situation analogue avec l’album éponyme de Franz Ferdinand. Leur nouveau rock disco est astiqué pour
la radio et même le titre le plus connu « Take Me Out » sonne un peu plat sur les Shigaraki.
Incontestablement, c’est le phénomène observé auparavant, les enregistrements artificiellement arrangés
pour sonner de façon vivante sont à l’image des traitements au botox : la vitalité est crée de toute pièce à
partir de la paralysie. L’ensemble Shigaraki sait faire ressortir la vie des enregistrements naturels mais ne
peut ressusciter les morts !
J’aime à mettre Solid Wood d’Alison Moyet comme remède aux enregistrements de pop trafiqués. Les
Shigaraki ont fait sonner somptueusement la gratte acoustique rythmée de « Ode To Boy » de façon fort
convaincante. Les vocalises de Moyet ont été rendues dans leurs diverses configurations d’arrière plan, de
« la grosse tête flottant dans la pièce » jusqu’à « la femme à la grosse voie ». Cette dernière est la plus
authentique et c’est exactement ce que les éléments séparés Shigaraki restituèrent.
(…)
Conclusion
Les ingénieurs de 47 Laboratory font appel à une espèce particulière d'auditeurs : eux-mêmes, une façon
parfaitement honnête d'aborder toute nouvelle conception. Ils n'essayent pas de prévoir le marché ou de
suivre une tendance. Du coup, les conceptions leur sont propres et uniques. En application avec leur
philosophie, leurs produits ont l’ambition d’associer en un tout cohérent les performances et l’esthétique.
La traduction sonore de la philosophie de 47 Lab est le convertisseur Shigaraki 4715 DAC. Ce n’est pas
un échappatoire que de prétendre éviter l’obsession de la précision absolue. Il y a vraiment dans le rendu
sonore de ce convertisseur quelque chose de naturel, qui respecte le rythme, de musical comme s’en
réclame la société, qui ne relève ni de la précision ni de l’imprécision de la même façon que la glace à la
fraise n’est pas de la glace au chocolat pas plus qu’à la vanille. Si vous adhérez à cette conception, alors
vous en aurez pour votre argent !
Il ne serait pas honnête de prétendre que le transport Shigaraki 4716 ne met pas en valeur le rendu sonore
de l’ensemble, ni l’esthétique sculpturale ou le côté utilitaire étrange. La question reste pourtant posée :
jusqu’à quel supplément seriez-vous prêt à mettre pour la Chantilly et la crème fondante sur votre glace à
la fraise ? La valeur de la proposition que représente ce duo Shigaraki est nettement en faveur du
convertisseur mais certains ne veulent que toute la coupe glacée !
Aaron Weiss

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