UN PETIT TOUR A ALBI ET PUIS S`EN VONT Ils étaient treize

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UN PETIT TOUR A ALBI ET PUIS S`EN VONT Ils étaient treize
UN PETIT TOUR A ALBI ET PUIS S’EN VONT
Ils étaient treize vaillants athlètes dans les starting-blocks. Gonflés à bloc, à l’hélium, Madame, oui, les quadriceps
et les mollets tremblant d’impatience. L’estomac un peu serré bien sur, comme avant chaque départ de course.
PAN !
Ca y est, c’est parti. Saleté de pluie, nous sommes déjà trempés. Chacun essaie de se caler au plus vite sur son
chrono objectif, 1er kilo : c’est bon je suis dans mon temps, 2ème kilo, 3ème kilo : je m’accroche au ballon. Il s’agit
maintenant de garder le rythme pendant 42 ou 21 km, selon. Mais mince, il caille, même à l’abri dans le peloton. Je
pense aux autres, devant moi Laurent R, Alain et Ludo sur le semi, Philippe G sur le marathon, derrière Célestin et
Pierre-Henri qui découvrent l’épreuve reine de la course longue distance sur bitume, et les marathoniens
chevronnés : Michel, Jean Marc, Fabrice, Laurent G, Emmanuel. Comment sont-ils ? Et Erik qui ne peut pas faire
le 42 mais s’aligne quand même sur le 21. Et tout ceux qui n’ont pas pu venir, blessés : jean Pierre, Manu, Gaël.
C’est éprouvant une prépa marathon, ça laisse des traces sur les organismes.
Déjà le 10ème kilomètre, nous commençons à sortir de la ville, les marathoniens et les semi courent encore
ensemble. Les groupes de coureurs sont en place selon leur niveau et leur objectif, on commence à se jauger. Nous
croisons les premiers du semi déjà sur le retour. Aller Laurent, accroche, bon Dieu ça va vite. Vas-y Alain, ah
l’ancien, il a encore du jus. Il fera même podium. Même en rêve moi je n’y arrive pas, il y a toujours quelqu’un qui
me double. Brutalement je me retrouve presque seul, les semis de mon groupe rentrent. Cela me fait drôle, le
peloton des 3 heures n’est pas bien épais, 4 ou 5 coureurs, pas plus. J’ai l’impression d’être un peu en surrégime, ça
va être dur, j’en prends un petit coup au moral.
Ma foulée est régulière, encore souple, je compte méthodiquement les kilomètres en échangeant quelques phrases
clairsemées avec mes compagnons d’une course. 15, 16, 17, le parcours est assez agréable en bordure de Tarn, il
s’est arrêté de pleuvoir depuis un petit moment déjà. Pourvu que cela dure. Mon esprit s’échappe. Sympa hier, cette
après midi de ballade dans le vieil Albi avec les copains du club. La cathédrale Sainte Cécile est impressionnante
de puissance austère. Immense monument de briques rouge qui domine le Tarn. Peu d’ouverture, pas de sculpture,
une sobriété guerrière imposante qui tranche avec la foison d’ornements et de richesses qui s’expose au regard à
l’intérieur. Plus loin le musée de Toulouse-Lautrec dans un remarquable palais. Dommage, nous n’avons pas eu le
temps de le visiter.
21, 22, 23,… Nous entamons le deuxième semi. C’est maintenant qu’on va voir ce que nous avons réellement dans
les jambes aujourd’hui. Nous allons bientôt être dans le dur. Le repas du soir a été un bon moment de convivialité.
Le menu avait été composé pour un avant marathon par l’indispensable Erick : viande blanche et pâtes à tous les
étages. « Tiens, s’te plait, passe-moi la gamelle, j’crois que j’vais en manger une 3ème assiette… Après j’arrête,
faudrait pas abuser quand même. » Certains ont même salué dignement le pichet de Cahors sur la table. Je ne citerai
pas de nom, je ne suis pas certain qu’ils ont tous fait un chrono le lendemain. Faut dire, je ne sais pas si la salade de
fruits en dessert n’était pas un peu lourde…
30, 31, 32,… Encore 10 bornes. J’ai fait le plus long mais pas le plus dur. Je sens que ma course est moins fluide,
plus lourde, je cogne plus sur le bitume. Aller, 10 bornes c’est quoi au fond ? Pas grand-chose, deux « lac bleu ».
Oui, mais, après 30 kilomètres en compagnie du ballon des 3 heures…. C’est long deux « lac bleu ». Bon, serres les
dents, il est hors de questions que les poursuivants du club te rattrapent. Tu veux te faire charrier pendant une
saison par … et puis …. J’espère que les photos de ce matin seront réussies. Nous étions tous ou presque avec la
tenue du club. Souriez, le petit oiseau va sortir. Ah mince, il a déclenché l’objectif juste au moment où je faisais ma
tête de Mickey. Prends en une autre on ne sait jamais. Il manque juste le coach qui a préféré son épouse à ses
athlètes. Pierre Henri était un peu triste hier soir. Est-ce une légère mélancolie à l’idée de se lancer pour la première
fois sur une telle distance ou regrettait-il de ne pas pouvoir bâillonner coach une veille de compétition comme il se
l’était promis depuis le semi de Auch ? J’avais moi même apporté le sparadrap au cas où.
36, 37, 38, …. Là, je suis dans le dur, le très dur même. Le mur, je viens de foncer tête baissée dedans, je me le
prends en pleine poire. Je suis vraiment un idiot pour ne pas avoir réussi à l’éviter, un mur c’est comme une porte,
ça se voit non ? Est-ce que je fonce dans les portes à la maison ? Mes muscles ? Quelque chose comme un mauvais
steak, trop nerveux, trop dur et trop cuit. Immangeable. Le ballon des 3 heures commence à être loin, trop loin pour
que je puisse espérer le rattraper avant la ligne d’arrivée. Ce ne sont plus des jambes qui me portent, mais des
espèces de bâtons, raides, mais raides…. Eh coach, c’est pas ça que j’avais commandé pour ce week-end, j’avais
bien dit je le répète, je veux du fluide, du souple, du tonique. Pas ces boules douloureuses derrière les tibias.
Bonjour mademoiselle Vous êtes la quatrième féminine ? Super. Au revoir mademoiselle. Je ne vous accompagne
pas, excusez-moi, je ne voudrais pas vous retarder. Bon courage, à tout à l’heure sur la ligne d’arrivée (Si j’y arrive,
et dans quel état).
Salut Emmanuel. Comment ? Il faut que je m’accroche, tu m’emmènes jusqu’au stade qui n’est plus qu’à 2
kilomètres. C’est sympa mais t’as oublié la corde. Parce que là, même avec un vélo j’suis pas sûr d’être dans les
clous. Allez, tchao, à plus. Si je continue sur ce rythme, même les boiteux vont me mettre une caisse.
Enfin le stade !!! Souris, fais le mec qu’est à l’aise. Salut les filles, ouais, ouais, j’me ballade. Et vous, vous
regardez passer les ATHLETES... J’aime bien le mot « athlète ». Je trouve ça valorisant. Vous faites quoi dans la
vie durant vos loisirs ? Moi ? Ben, je suis athlète au club de Léognan village.
Heureusement qu’Erick est à coté de la ligne d’arrivée pour me booster sur les 100 derniers mètres, autrement,
le3h05, je crois que je mettais un mouchoir dessus. Merci Erick.
Le regard limite vitreux, le pas franchement chancelant, direction les vestiaires pour une bonne douche chaude et
des fringues sèches. Je croise Emmanuel, un peu hagard qui cherche Ludo avec les clefs de voiture. Il commence à
sérieusement avoir froid. L’après course est toujours délicate à gérer, la fatigue nous tombe dessus, il faut un peu de
temps pour se remettre dans le sens de la marche. Je me souviens des discussions d’hier au soir, pour savoir où
laisser les véhicules afin que chacun puisse le plus rapidement possible récupérer ses affaires.
Sur la ligne d’arrivée les autres copains du club arrivent petit à petit. Ils n’ont vraiment pas de chance, il s’est mis à
tomber des cordes avec un vent assez froid, ça et la fatigue de fin de course, je les plains. Ils ont tous des tronches
azimutées. Normal. Je devais avoir la même tout à l’heure, en pire peut-être. Car il faut dire une chose, sur une
course longue distance, quel que soit le chrono que l’on affiche à l’arrivée, la souffrance est identique pour tout le
monde et probablement davantage pour ceux qui restent plus longtemps dans l’effort. Alors je dis, bravo les gars,
bravo pour ceux qui faisaient leur premier marathon et qui sont allés au bout honorablement, bravo à ceux qui ont
battu leur record, bravo aussi à tous les autres car je n’oublie jamais quand je coure que, dans une compétition, pour
qu’il y ait un premier, il faut aussi qu’il y ait un dernier. (Petit moment de méditation autour de cette pensée de
haute volée, tombée par hasard de mes runnings. Merci).
Mais que c’est difficile. Alors c’est dit, c’est le dernier où je m’arrache comme ça. J’en ai trop bavé, durant la
préparation puis la compétition. Il faut tenir son rang, c’est épuisant. Puis il n’y a pas que ça dans la vie, on y passe
un temps fou à courir, toujours courir, encore courir. Bon, à part ça coach, t’oublies pas de me faire mon plan pour
le marathon du médoc (ou Metz j’hésite) et puis je compte aussi faire Lisbonne en décembre. Mais tranquille, bon
pas trop quand même, voilà, tu vois hein ?…
Enfin, le moment le plus agréable de toutes les compétitions : le repas après course (Qui c’est qu’à dit que c’était le
massage par les petites kinés ? Les mecs, arrêtez vos conneries. C’est une chronique tout public, accessible aux
plus jeunes). Bref, après avoir picoler comme des trous pour récupérer, euh pardon, manger à satiété pour reprendre
des forces, échanger comme il se doit nos impressions de course, c’est le retour du guerrier. A la maison où nous
attendent nos épouses respectives, avides (non ?) que nous leur racontions nos exploits : « Chérie, j’étais en super
forme, j’ai fais un chrono d’enfer, tous les potes sont jaloux quand ils voient mon potentiel, j’en ai ramassé des gars
sur le finish, t’aurais vu l’hécatombe,... »
En résumé, pour faire rapide parce que je sais que vous n’avez pas que ça à faire, lire les élucubrations d’un
anonyme du peloton : Un super week-end club, une réussite, initiée et préparée par coach de mains de maître, avec
le soutien bien sûr de Mme la présidente (Dominique pour les licenciés) que nous les Athlètes athlétiques,
remercions particulièrement. A refaire bien sur. Euh, dis Dominique, le marathon de New York, tu crois que nous
aurions le financement par nos sponsors ? Autrement, Londres me tenterait assez. Bon, on en discute bientôt au
club après l’entraînement. Allez, salut.