Bien vieillir n`est pas vouloir rajeunir
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Bien vieillir n`est pas vouloir rajeunir
Dr Jacques Gardan Bien vieillir n’est pas vouloir rajeunir Pour avoir oublié cette constatation élémentaire, la médecine, depuis 20 ans et plus spécifiquement depuis 10 ans, s’est trompée de cible. En réduisant la femme à un système hormonal, elle a instauré l’équation: ménopause = carence hormonale = vieillissement. A insi, s’opposer à la ménopause, en compensant par un apport extérieur d’hormones, résume encore toute la lutte contre le vieillisse- ment. Cette attitude réductionniste instaura donc le THS (Traitement Hormonal Substitutif ) ou le HRT (Hormone Replacement Therapy) pour toutes les femmes…, puis ce fut l’électrochoc du 31 mai 2002, avec la publication des résultats préliminaires d’une étude appelée WHI (Women’s Health Initiative study). Dans cette étude, il s’agissait d’étudier sur plusieurs années un groupe de 16.608 femmes, âgées de 50 à 79 ans, ménopausées, sous traitement hormonal substitutif. L’étude fut interrompue en mai 2002 parce-que les résultats ne mettaient pas de bénéfice préventif en évidence et ne permettaient pas de justifier la poursuite de l’étude. Telle ne fut pas la stupeur d’observer de nombreux effets négatifs de la prise d’hormones : 29% de plus de maladies cardiovasculaires en particulier infarctus, 41% de plus d’accidents vasculaires cérébraux, 100% de plus de maladies thromboemboliques, 26% de cancer du sein en plus. Comme le dit le professeur Henri Rozenbaum, lors d’une conférence de presse tenue à Paris le 22 juillet 3 4 / RECTOVERSEAU avril 2003 dernier, "le WHI était pour nous l’étalon or…" et l’étalon or s’est brisé le 31 mai dernier, même si dans cette même étude, des bénéfices positifs des traitements hormonaux ont été observés comme : 37% de cancer côlo-rectal en moins 34% de fracture de col du fémur en moins. Comme le disait un confrère dans le forum médical suisse le 31 juillet 2002, "il y a de quoi nous interpeller". Cette interpellation s’étendit d’ailleurs à l’ensemble de la population et l’émission "A Bon Entendeur" s’en fit l’écho à l’automne. On ne peut que se féliciter de tout cela, mais on peut aussi s’étonner de cette clameur subite, car de nombreuses études par le passé avaient mis en évidence les mêmes résultats. Nous rappellerons à cet effet que nous avions ici-même rapporté dans un article (RectoVerseau n° 109/mai 2000) l’étude du Lancet (journal de référence médicale) en 1997 où l’on rapportait un risque accru de 37% de cancer du sein et l’étude du Journal of America Medical Association publiée le 26/01/2000, où l’on retrouvait 20% de risque accru chez 46.355 femmes suivies avec un traitement hormonal substitutif. Il n’y a donc rien de nouveau si ce n’est une prise de conscience et c’est probablement le moment de tenter de tirer les conséquences de ce qui a présidé à de telles attitudes thérapeutiques systématiques. Sans vouloir mettre au banc d’infamie la médecine, deux erreurs fondamentales peuvent être relevées : - la systématisation des prescriptions fidèle à l’esprit dit "de la médecine des preuves". Cette mode venue des Etats Unis, sous prétexte d’approche scientifique et rationnelle, envahit l’exercice médical d’un carcan et la fige dans des attitudes rigides. Le THS systématique en est un exemple et les années à venir en montreront d’autres, malheureusement (on pourrait évoquer la vaccination systématique et bien d’autres situations encore). - La confusion entre accompagner le vieillissement physiologique des femmes en utilisant des doses physiologiques d’hormones et vouloir rajeunir les femmes avec des doses d’hormones trop élevées sans rapport avec leur âge physiologique. Il n’est pas surprenant qu’en soumettant les femmes à des doses d’hormones équivalentes à celles de leur activité génitale, on sollicite l’ensemble des organes soumis à ces hormones, en particulier le sein. En d’autres termes, il est logique qu’en augmentant "l’activité" d’un sein, on augmente le risque statistique de l’apparition d’un cancer de cet organe. l a s a n t é e t l ’ é p a n o u i s s e m e n t On ferait bien de réfléchir sur des situations analogues comme la prescription systématique de pilule sur le long terme et sur les doses massives d’hormones prescrites de façon répétitive dans le cadre de lutte contre la stérilité ou dans le cadre des procréations assistées. Ainsi, pour nous, le vieillissement de la femme, donc sa ménopause, ne se résume pas à un changement de climat hormonal, d’autant que ce dernier dépend de nombreux facteurs. Si l’on veut prendre en charge globalement cette période de vie particulière, plusieurs éléments sont à prendre en compte: certains sont plus socio-économiques et d’autres plus en rapport avec la physiologie. Si les premiers sont difficiles d’accès et dépendent essentiellement de notre action de citoyens, les seconds font partie intégrante des mesures de santé à la fois globaux pour tous mais aussi spécifiques de la situation biologique. Même si le sujet de cet article ne concerne pas les problèmes sociaux, bien vieillir est un enjeu de santé publique. Si la réduction du temps de travail permet aux femmes de mieux gérer leur vie, c’est bien dans les diminutions brutales d’activité que l’on voit actuellement apparaître un grand facteur de vieillissement. L’arrêt professionnel et la mise à l’écart des plus de 50-60 ans sont très péjoratifs. On vieillit quand on n’a plus de projet. Cela doit être modulé pour les personnes exposées à des travaux pénibles et en particulier pour les femmes, qui alors cumulent l’usure prématurée et l’absence de la réalité d’un vrai projet professionnel ou de vie gratifiant. Dans ces cas, le vieillissement est accéléré et seul l’instauration d’un repos favorisera la mise en place d’une hygiène de vie qui fait souvent défaut, lorsque la précarité sociale est présente. Comment alors participer, par des mesures concrètes, à mieux vieillir ? • L’alimentation est le principal et premier point d’ancrage à toute mesure de bonne santé. Dans cette période de vie, pour la femme, deux objectifs s’imposent, l’un de lutter contre l’oxydation cellulaire facteur de vieillissement, l’autre de favoriser les hormones végétales appelées phyto-oestrogènes pour participer à l’instauration d’un équilibre hormonal. Ces deux cibles sont en réalité atteintes par une seule attitude, celle d’une consommation riche en produits végétaux et tout particulièrement en fruits et légumes frais. Ces aliments contiennent des substances antioxydantes puissantes de la classe des flavonoïdes, en particulier les polyphénols qui exercent des effets phyto-oestrogéniques bien définis. Il convient donc de consommer beaucoup de fruits et de légumes de façon variée et générale et en particulier, fréquemment du soja, des légumineuses, des oignons, des brocolis, des endives, du cèleri mais aussi du maïs, du riz, du sésame, etc. L’intérêt de cette alimentation est de fournir à chacune une base en phyto-oestrogènes efficace pour corriger la carence hormonale qui s’installe mais aussi de prévenir les cancers hormonaux dépendants (comme celui du sein), tout en luttant contre l’acidose déminéralisante des alimentations trop carnées, trop sucrées et trop concentrées en toxiques. Cette alimentation inspirée du fameux régime crétois aura par ailleurs un double impact sur les maladies dégénératives justement liées au vieillissement comme l’Alzheimer et sur les maladies cardiovasculaires, dans la mesure où elle inclura une consommation régulière et suffisante d’huile végétale pressée à froid et consommée crue, en particulier d’olive et de colza, sans oublier la noix, la noisette et la cameline. d e l a f e m m e • Comme la nutrition ne peut corriger le vieillissement issu de l’oxydation cellulaire, une supplémentation en antioxydants s’impose : suivant la situation de chacun et souvent grâce à l’aide précieuse des bilans biologiques, il sera logique de proposer plusieurs types de supplémentation. Les vitamines C et E seront les premières à prendre place dans l’arsenal thérapeutique en raison de leur propriété antioxydante. Les différentes vitamines B trouvent souvent bien leur place quand l’assimilation digestive se réduit au fil du temps, à cause du vieillissement physiologique intestinal. Les minéraux et pas seulement le Calcium mais aussi le Magnésium, le Zinc, la Silice s’imposeront afin de prévenir l’ostéoporose, qui, rappelons-le, associe une perte à la fois de trame osseuse protéique et de minéraux; dans cet esprit, une supplémentation protéique pourrait se justifier le cas échéant. La place des acides gras comme les huiles de Bourrache, d’Onagre, de poissons est centrale: ces substances sont en réalité de véritables modulateurs hormonaux et elles représentent la première étape à toute substitution hormonale. D’autres antioxydants comme le Sélénium, les Caroténoïdes, certains Acides Aminés possèdent des indications caractéristiques d’une situation donnée. • Parce que la carence hormonale est aussi une partie de la réalité, se pose le problème de l’intérêt d’une substitution hormonale. Nous avons vu précédemment que l’alimentation pouvait apporter une base phyto-oestrogénique; cependant, il sera difficile à une occidentale d’adopter des comportements alimentaires des populations asiatiques, aussi la prise, sous surveillance, par des thérapeutes compétents, de phyto-oestrogènes (composés végétaux d’origine naturelle à faible activité RECTOVERSEAU avril 2003 /35 l a s a n t é A LIRE DE L’AUTEUR : La médecine orthomoléculaire, Le régime crétois, La morphopsychologie, Ed. Recto-Verseau e t l ’ é p a n o u i s s e m e n t oestrogénique), semble être la voie de choix et surtout une alternative à l’abstention thérapeutique. Il existe de nombreux composés végétaux à action oestrogénique en phytothérapie que ce soit la sauge, le cimicifuga racemosa, les isoflavones du soja, etc., qui peuvent rendre de grands services pour corriger les symptômes de vieillissement en rapport avec la carence hormonale. Comme toujours, il faut individualiser les prescriptions, les surveiller biologiquement, comme tout traitement. Pour certaines, la carence hormonale est "trop bruyante" et ceci d’autant plus que des prises d’hormones de synthèse ont été prescrites auparavant; il sera peut-être légitime, alors, médicalement, d’envisager sur une période limitée, une prescription médicale d’oestrogène. Dans ce cas, on éliminera toutes les contre-indications, on prescrira de petites doses et on pourra se limiter à l’application d’oestrogène d’origine naturelle et localement. Il ne s’agit pas pour nous d’adopter un esprit de système inverse à celui auquel nous sommes assujettis, mais bien de répondre à chaque situation pour chaque femme. Là aussi pourquoi passer sous silence la fameuse DHEA qui est bien documentée, dont les indications surtout pour l’ostéoporose, sont prometteuses mais dont la consommation doit être surveillée cliniquement et biologiquement, ce qui est maintenant possible. • L’hygiène de vie viendra compléter la prise en charge : la lutte contre la sédentarité en représentera le temps essentiel. L’activité physique participe à la réduction de la perte osseuse post-ménopausique. Elle améliore la consommation maximale d’oxygène et les paramètres musculaires. Cette consommation d’oxygène maximale ainsi que les paramètres musculaires sont corrélés positivement avec la densité minérale osseuse. L’activité physique participe aussi 3 6 / RECTOVERSEAU avril 2003 d e l a f e m m e au maintien nutritionnel et prévient les effets du vieillissement sur la fonction d’équilibration et réduit par là même l’incidence des chutes. De même, elle associera une exposition régulière au soleil qui favorise le métabolisme de la vitamine D. Il est important que l’activité physique charge le squelette axial: la marche, le jogging sont par exemple plus efficaces que la natation. Il faudrait envisager trois fois 30 mn par semaine si l’on souhaite améliorer en plus la masse et la force musculaire, l’endurance et la coordination. Un certain sport participe aussi à la réduction du poids par un mécanisme physiologique précis, celui de la réduction de l’hyperinsulinisme, c’est-à-dire la sollicitation exagérée du pancréas qui conduit au diabète. En agissant physiquement, on harmonisera globalement la vie émotionnelle car l’exercice module la sécrétion de nos "hormones cérébrales" appelées neurotransmetteurs. L’expression corporelle pourra aussi se décliner de façon plus globale par la relaxation et toutes les autres techniques s’y rattachant. On n’oubliera pas l’intérêt de l’hydrothérapie, en particulier Kneipp, qui agit sur toute la circulation sanguine et représente un facteur de vie saine. • Pour compléter cette vision globale, l’hygiène du mental contribue à la prévention du vieillissement : deux aspects principaux. - Un projet de vie adapté à chaque situation personnelle sera le rempart contre le ressassement incessant pratiqué chez beaucoup. Il n’est pas simple de se protéger d’idées du passé qui enfoncent l’individu dans des situations inextricables. Vivre avec un projet dans le court et le moyen terme, permet de construire du neuf. - L’aspect social déjà évoqué, tentera pour chaque femme une inser- tion toujours plus active dans la collectivité. Projet de vie et projet relationnel représentent la même préoccupation de partage. Pour conclure, ce débat autour du traitement hormonal substitutif synthétique a eu l’immense avantage de poser différemment l’approche du vieillissement chez la femme et plus encore remis en cause un dogme de la médecine dite moderne. Peut-être est-ce la première fissure de l’esprit médical de système, imprégné d’une philosophie "perverse", celle appelée aux Etats-Unis "Evidence Based Medicine", plus communément connue sous le terme de "Médecine des Preuves"? En effet, cette philosophie qui se voudrait rationnelle et scientifique, enferme les décisions médicales dans des protocoles dits de preuve d’efficacité, mais qui oublient souvent la personne et sa globalité. Les femmes en ont fait les frais les premières car il était facile d’édicter des stratégies répétitives pour une population homogène et surtout non malade. Le paradoxe est que justement c’est une étude (l’étude WHI) de la médecine des preuves qui fait voler en éclats les protocoles thérapeutiques identiques pour tous quelque soit la personne! Il y a donc encore beaucoup à espérer… Comme le disait Virgil GHEORGHIU dans "La vingt-cinquième heure", "la Société Technique Occidentale a réduit la vie…des esclaves techniques…à une statistique. Toute statistique laisse échapper le cas unique en son genre, et plus l’humanité évolue, plus ce sera, précisément, l’unicité de chaque individu et de chaque cas particulier qui comptera." Docteur Jacques Gardan Naturothérapeute