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Joliette - Bon Pasteur Une démarche participative pour une écocité dans un quartier existant Lily CELLE Olivier MICHEL Yasmine OUADI Institut d’Urbanisme et d’Aménagement Régional Master 2 Urbanisme et Aménagement Spécialité « Habitat, Politique de la Ville et Renouvellement Urbain » Année universitaire 2014-2015 REMERCIEMENTS Nous tenons à remercier Brigitte Bertoncello, Séverine Bonnin-Oliveira et Nicolas Persyn pour l’aide et l’expertise qu’ils nous ont apportées tout au long de cette phase de diagnostic, ainsi que pour le temps qu’ils ont consacré à la relecture de ce travail. Nous remercions aussi Olivier Cadart pour ses apports tout au long des séances de travail. Nous remercions Sandra Ben-Brahim, Agent de Développement à la Politique de la Ville, pour le partage de ses connaissances précises sur le périmètre étudié. Nous la remercions aussi d’avoir organisé des rencontre avec Véronique Kloyan, responsable de la concertation pour Euromed, et Emmanuel Viennot. Un grand merci à Odile de l’association Petit à Petit pour la présentation des différentes structures associatives du quartier. Enfin, un grand merci à tous les usagers du quartier qui ont pris le temps pour nous raconter leur histoire, leur ressenti, leur connaissance et leurs envies à propos du quartier. 2< SOMMAIRE Introduction 4 PARTIE I : UN DIAGNOSTIC PRÉALABLE POUR REDÉFINIR L’ÉCOCITÉ 7 1 Constitution, évolution et scission d’un quartier 14 2 Un quartier, deux formes de dynamiques métropolitaines 29 Une habitabilité globale aux caractéristiques différenciées 62 PARTIE II : « ÇA PART DE LÀ », UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE 67 1 Préparer le cadre d’un démarche participative 73 2 Le diagnostic participatif en pratique 94 3 Coélaboration du projet 115 Conclusion 120 >3 INTRODUCTION Depuis le milieu des années 1990, la ville de Marseille est le théâtre d’un vaste projet de redynamisation de son économie et de renouvellement urbain sur un périmètre central étendu (290 ha) appelé Euroméditerranée 1. Il s’étend de la façade maritime jusqu’à la gare Saint-Charles et de la Belle de Mai à Saint-Mauront englobant ainsi « l’arrière quartier » de la façade littorale dont les quartiers Joliette-Bon Pasteur Arenc. Ce projet s’est vu doté du statut d’Opération d’Intérêt National en 1995 et repose sur l’engagement partenarial de l’Etat, la ville de Marseille, la Communauté Urbaine Marseille Provence Métropole, le Conseil Général des Bouches du Rhône et la Région Provence-Alpes-Côte -d’Azur. Euroméditerranée se veut être un accélérateur de l’attractivité et du rayonnement de la métropole marseillaise entre l’Europe et la Méditerranée, ses projets se déclinent en deux phases (figure 1). La première phase, Euromed 1, a permis la requalification de la façade maritime entre le Vieux-Port et la désormais fameuse tour CMA CGM. Une extension du périmètre (Euromed 2) a été approuvée en 2007. Cette phase du projet visait la labellisation ministérielle EcoCité, obtenue en 2009. Définie par le Ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, l’écocité est un projet d’aménagement dont « l’enjeu est de soutenir la croissance et l’attractivité des villes, de les rendre plus respectueuses de leur milieu, moins consommatrices d’énergie ou d’espace périurbain, tout en répondant aux attentes de leurs habitants actuels et futurs ». La première phase du projet n’ayant pas été conçue autour des critères d’écocité, la différence de traitement de ces deux périmètres peut donc interroger quant à la cohérence de leur aménagement. 4 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION Figure 1 : les périmètres du projet d’Euroméditerranée Source : http://www.euromediterranee.fr/ 3119.3123 Of!eÖvof!jojujbujwf!ef!mÖFubu!fu!eft!dpmmfdujwjut!ufssjupsjbmft!fo!2::6-! Fvspnejufssbof!ftu!vof!pqsbujpo!eÖjousu!obujpobm!rvj!b!qpvs!bncjujpo! ef!qmbdfs!Nbstfjmmf!bv!ojwfbv!eft!qmvt!hsboeft!nuspqpmft!fvspqfooft/! 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C’est l’objet de cette étude commandée par la direction de l’Aménagement et de l’Habitat de la Région PACA (désignée, par la loi du 27 janvier 2014, comme chef de file dans les champs de l’aménagement et du développement durable du territoire) qui y a associé le Groupement d’Intérêt Public pour la Gestion de la Politique de la Ville qui poursuit un double objectif de réduction des inégalités entre les territoires et de revalorisation des zones urbaines en difficultés. En décembre 2013, le gouvernement déclarait l’année 2014, année de la transition énergétique. Face à l’urgence du réchauffement climatique et à la multiplication des désastres environnementaux survenus, il devient impératif de mettre en place un mode de vie et de développement plus respectueux de la nature. L’écocité est une réponse à ces impératifs mais son application à des quartiers existants est un défi qui interpelle le service Aménagement et Habitat de la Région. Plusieurs questions sous-jacentes à cette commande ressortent : comment appliquer des principes définis au niveau national à un contexte local ? Comment appliquer le même concept d’écocité à des territoires aux réalités différentes ? Nous avons réalisé un diagnostic préalable qui a révélé une grande diversité des enjeux sur le quartier. Cette caractéristique rend difficilement applicable le modèle de l’écocité au quartier singulier qu’est Joliette – Bon Pasteur. En opérant une redéfinition de ce concept, nous nous sommes rendus compte de la nécessité d’impliquer les usagers. C’est pour cela que le projet que nous proposons est une démarche participative. Cette dernière redéfinit les enjeux en tenant compte des perceptions des habitants. Après avoir présenté le diagnostic préalable, nous vous présenterons cette démarche intitulée « ça part de là ». 6 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION Surce : O. Michel, 2014 PARTIE I : UN DIAGNOSTIC PRÉALABLE POUR REDÉFINIR L’ÉCOCITÉ Le périmètre d’étude, Joliette - Bon Pasteur (figure 2a), fait partie de la Zone Urbaine Sensible (ZUS) Centre Nord, l’une des rares ZUS en France située en centre urbain. Ce périmètre montre pourtant un double visage. Intégré au périmètre d’Euromed 1, il est en pleine requalification urbaine. L’étude porte donc sur un quartier aux réalités paradoxales où se côtoient le cœur des fonctions métropolitaines et des situations de fragilités sociales aggravées. Ce diagnostic territorial a pour but d’analyser la capacité d’un quartier défavorisé situé dans le périmètre Euromed 1, à supporter des opérations de renouvellement urbain en s’appuyant sur la démarche de l’écocité, vecteur d’aménagement durable d’un espace. L’ambition de ce diagnostic est de s’approprier les enjeux et les problématiques qui traversent le quartier Joliette-Bon Pasteur afin de proposer un regard différent sur ce lieu. Il s’agit dès lors d’identifier les dysfonctionnements apparents mais aussi de révéler les potentialités dans une perspective de ‘’requalification‘’ du quartier dans le cadre de l’écocité. Néanmoins, les réalités qui caractérisent cet espace nécessitent de s’éloigner de la seule démarche de l’écocité. En effet, un diagnostic évaluant le quartier à la lumière des trois grands piliers du développement durable ne saurait suffire à comprendre les mutations et les besoins d’une population aussi hétérogène que celle de Joliette-Bon Pasteur. C’est pour ces raisons que les différents éléments d’analyse traités sont appréhendés sous le prisme de l’habitabilité. Un lieu habitable se définit comme un territoire qui « offre à ses habitants les capacités suffisantes d’adaptation et de création pour se l’approprier » (Blanc N., 2010, p.170). Ce concept offre un angle d’approche riche et large pour décliner les différentes problématiques qui traversent ce quartier, où usages et pratiques des habitants sont variés. Correspondant à des enjeux divers et transversaux (culturels, sociaux, économiques, etc.), l’évaluation de l’habitabilité passe par des critères écologiques ainsi que par la qualité de l’habitat et sa capacité à se maintenir dans le temps. Ainsi, tout en prenant du recul par rapport aux seules dimensions du développement durable, le concept d’habitabilité permet de ne pas s’en éloigner. 8 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION Figure 2a : Une ZUS au coeur d’Euroméditerranée La situation du quartier N 0 100m Source : IGN, SCAN25, 2014 Réalisation : CELLE - MICHEL - OUADI, nov. 2014 LA COMMANDE | L’ENTRÉE PAR L’ANALYSE SENSIBLE > 9 Dépendante à la fois du logement, du cadre de vie et des possibilités qu’ont les habitants de s’en saisir, l’habitabilité évolue au fil des transformations d’un lieu et des habitants qui viennent l’habiter. Touché par de nombreuses opérations de rénovation, voire par la requalification complète de certains espaces, le quartier Joliette-Bon Pasteur voit évoluer les possibilités d’adaptation et de création qu’il offre à ses habitants. Ce diagnostic a donc pour double objectif de comprendre comment les mutations d’un quartier populaire ont induit une scission, engendrant la création de deux espaces aux caractéristiques propres, parfois contradictoires ; et comment les complémentarités d’un espace où coexistent fonctions métropolitaines et situation de précarité contribuent (potentiellement) au développement d’une habitabilité globale. 10 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION L’ENTRÉE PAR L’ANALYSE SENSIBLE Afin d’appréhender ce quartier comme pourrait le faire n’importe quel visiteur, nous avons décidé d’en faire une analyse sensible (figure 2b). Loin d’être une analyse neutre, cette synthèse de nos perceptions (visuelles, auditives, olfactives) doit être lue comme une image subjective et ne fait donc pas office de démonstration scientifique. Cependant, elle permet de justifier nos choix d’analyse du quartier. La première forte impression que nous avons eue est celle de l’existence d’une frontière. Une frontière entre deux espaces aux propriétés radicalement différentes. Cette limite est d’autant plus marquante qu’elle est matérialisée par des axes automobiles fortement fréquentés ne rendant pas toujours aisé le passage entre ces deux espaces. Existant également à travers le discours des habitants interrogés, ces deux espaces distincts provoquent des sensations variées que nous avons tenté de décrire et d’expliquer. Le premier sentiment que nous avons partagé est celui d’être étranger à l’ensemble du quartier. Mais alors que ce sentiment s’estompe progressivement dans les rues étroites de Bon Pasteur, il reste inchangé dans les avenues dessinées par la trame Mirès. Cette différence s’explique en partie par la matérialité de l’habitat : architecture, largeur des voies, ouverture des espaces, etc. LA COMMANDE | L’ENTRÉE PAR L’ANALYSE SENSIBLE > 11 L’architecture au nord du quartier présente parfois des dimensions monumentales de par la taille des édifices. Moderne, propre et recherchée, elle semble spatialiser un mode de vie cadré, organisé et rythmé par les horaires des bureaux qu’elle accueille. Ponctuellement, des bâtiments viennent éveiller la curiosité du passant. Le Fonds Régional d’Art Contemporain (FRAC) ou l’ilot M5, de par la particularité de leurs formes, invitent naturellement le regard. Cependant, formes et aspects incitent paradoxalement à rester à l’extérieur : les vitres du FRAC confèrent au bâtiment l’image d’un objet intouchable et les barrières bordant l’ilot M5 le rendent inaccessible. Dans ces rues longues et peu animées, le regard se porte au loin et vient buter sur l’inatteignable tour CMA-CGM, élément d’une vitrine, annoncé dans un Marseille renouvelé. C’est le phénomène inverse qui se produit dans le secteur Bon Pasteur. Focalisé sur le bouillonnement de la rue, le regard ne s’attarde pas sur les logements délaissés et malentretenus. Les bruits de moteurs et de klaxons, si prégnants dans le quartier Mirès, sont couverts par le bruit des marchands et de la foule. Ici, l’habitant ne semble pas replié sur son logement, mais il semble au contraire littéralement « déborder » sur la rue : l’espace public animé par excellence. Au fil des salutations, des propositions, des rencontres ou des sourires, le sentiment d’être étranger s’estompe. Si c’est une sensation de distance qui s’impose dans le quartier Mirès, au contraire, on s’imprègne progressivement de la vie qui anime le secteur Bon Pasteur. Alors que la curiosité n’est suscitée que ponctuellement dans le quartier Mirès, elle est dans une forme d’éveil permanente dans les rues Montolieu ou Bon Pasteur. La richesse ne réside pas dans les formes architecturales mais dans l’animation des rues. 12 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION Figure 2b : la dualité des ambiances ressenties en octobre 2014 LA COMMANDE | L’ENTRÉE PAR L’ANALYSE SENSIBLE > 13 1 CONSTITUTION, ÉVOLUTION ET SCISSION D’UN QUARTIER L’habitabilité d’un lieu est indissociable de la trame matérielle qui le supporte. Les premières observations menées dans le quartier Joliette-Bon Pasteur ont conduit à un constat essentiel : au sein du même périmètre, deux types de morphologie urbaine se distinguent. Alors que la partie sud du quartier (Bon Pasteur) est composée d’un parcellaire resserré, de voies étroites et sinueuses, la partie nord (Joliette) est structurée par des axes orthogonaux, aux voies larges et rectilignes. On peut dès lors interroger la manière dont les transformations historiques ont impacté la forme urbaine contemporaine du quartier. Ce détour par l’histoire nécessite d’appréhender les évolutions de ce lieu dans un contexte plus large. En effet, la formation du cadre de vie, soit du logement, des rues et plus généralement des espaces de rencontre qui composent ce lieu, est profondément liée à l’histoire de Marseille. Plus largement, l’essor du port de la Joliette en 1853, ou la création récente de l’établissement public d’Euroméditerranée, traduisent des ambitions dépassant le seul cadre marseillais. Cette alternance entre initiatives locales et ambitions nationales, voire internationales a eu pour conséquence une différenciation de traitement des espaces au sein même du quartier (figure 3). Pour comprendre comment s’est constitué un tel espace, nous étudierons la constitution du quartier depuis le XVIIème siècle jusqu’aux années 1970, puis son évolution récente résultant notamment des politiques de rénovation et d’aménagement. 14 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION Figure 3 : des tissus urbains différenciés sur les secteurs Bon Pasteur et Joliette en 2014 1.1 LES GRANDES ÉTAPES DE LA CONSTITUTION DU QUARTIER : 1666-1970 Riche de 2600 années, l’histoire de Marseille depuis l’installation des Phocéens jusqu’aux réflexions actuelles sur la métropole Aix-Marseille-Provence ne peut être retracée dans son intégralité. L’accent est mis sur certaines phases jugées cruciales dans la formation du quartier. De la période helléniste jusqu’au XVIIe siècle, la ville est restée figée à l’intérieur de ses premières enceintes. Seuls quelques embryons de faubourgs émergent à l’est et au nord des remparts, lors de l’essor économique du XIIIe siècle. 1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 15 1.1.1. DU FAUBOURG AGRICOLE AU FAUBOURG INDUSTRIEL (1666-1853) Les premières grandes transformations ayant eu un impact direct sur le quartier, remontent à l’agrandissement de 1666 (figure 4) lorsque Louis XIV place Marseille sous tutelle et décide d’étendre le périmètre de la ville en créant une nouvelle enceinte. A cette époque, le nord de la ville accueille les hôpitaux des Insensés (1640) et du Lazaret (1663). Ces deux équipements répulsifs (car associés aux maladies) participent au choix d’extension de la ville en direction du sud et de l’est. Cependant, l’ouverture en 1731 du grand chemin d’Aix (actuelle avenue Camille Pelletan) reliant la Porte de Rome et la Porte d’Aix fait de cette dernière une entrée de la ville active et donc susceptible d’accueillir un développement économique fort. Se déploient alors de part et d’autre des remparts (actuel boulevard des Dames), les industries de l’ancien régime : fabriques de chandelles, tanneries, fabriques de noir animal, etc. L’installation de ces fabriques renforce l’image négative de ce secteur. On assiste aux premiers phénomènes de ségrégation dans le quartier du Panier et sur la butte des Carmes où s’installe la classe ouvrière défavorisée. Figure 4 : les extensions réalisées à Marseille sous Louis XIV Source : KAMISPHERE périmètre d’étude 16 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION Jusqu’à la fin du XVIIIème siècle, la ville reste donc contrainte et se développe principalement démantèlement à l’intérieur des secondes enceintes, mais le de vastes domaines à l’issue de la Révolution française et la destruction des remparts achevée au cours du XIXe siècle amorcent un développement linéaire le long des sorties de ville et des nouveaux boulevards. On assiste, avec la Révolution industrielle, à la croissance de quelques faubourgs embryonnaires. Les industries de l’ancien régime sont reconstruites ou réutilisées en ateliers, dépôts, usines, malgré leur mauvaise liaison avec le port. Progressivement des lotissements viennent se greffer sur les anciens chemins ruraux (figure 5). Construits par des petits propriétaires locaux et peuplés par la classe ouvrière précaire, ces faubourgs industriels marquent le point de départ de la création des quartiers populaires au nord de Marseille. Figure 5 : l’urbanisation autour de la porte d’Aix dans la première moitié du XIXe siècle 0 – 500m Source : Laboratoire INAMA 1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 17 1.1.2 LA TRAME MIRÈS, REFLET D’UNE AMBITION NATIONALE : MARSEILLE CAPITALE DE LA MÉDITERRANÉE (1854-1891) Dans la seconde moitié du XIXème siècle, on assiste à une transformation radicale des principes de développement de la ville, qui marquent la morphologie actuelle du quartier. Désormais, les transformations du territoire sont associées à l’ambition nationale d’ériger Marseille en « capitale de la Méditerranée ». Politique impériale, capitaux nationaux, banques parisiennes et européennes se substituent aux propriétaires locaux dans la maîtrise de l’aménagement. Pour résoudre la question de l’encombrement du Vieux-Port, un nouveau se construit au nord (figure 6). La création du « port auxiliaire de la Joliette » en 1853 affecte durablement le fonctionnement du quartier Joliette-Bon Pasteur et, plus largement, le destin de la cité phocéenne. Plus adapté aux besoins du développement économique, il devient très vite le port principal de la ville. Ainsi, l’ensemble des échanges commerciaux et de l’industrie est ramené vers le Nord de Marseille. Figure 6 : le plan de construction du nouveau port de la Joliette en 1853 Source : Laboratoire INAMA 0 – 500m 18 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION La construction du faubourg nord, longtemps retardée par des contraintes topographiques et la présence d’éléments « gênants » tel que l’hôpital des Insensés, s’intensifie. La destruction de l’ancien hôpital du Lazaret, les atterrissements gagnés sur la mer représentent en effet un domaine foncier considérable (50 hectares) et désormais exploitable. Des investisseurs tels que Jules Mirès, les frères Péreire et Paulin Talabot saisissent cette opportunité et influencent la forme urbaine du quartier. Réinterprétant les principes haussmanniens, ces financiers aménagent le faubourg nord (figure 7) de manière très régulière, créant des voies larges, droites et aérées afin de faciliter la circulation. Des immeubles de prestige sont construits en bordure de quais et le long des axes de communication (notamment le long du grand chemin d’Aix). Mais rapidement, ces investissements d’une grande fragilité, basés sur l’hypothèse d’une augmentation rapide de la valeur foncière, se soldent par un échec. Figure 7 : le plan d’extension du port et le plan de lotissement de Mirès 1872 Source : Laboratoire INAMA 0 – 500m 1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 19 Ne convenant pas aux exigences de la bourgeoisie qui associe toujours ces espaces aux éléments négatifs du nord de la ville et trop onéreux pour la classe ouvrière, ces immeubles ne trouvent pas preneurs. L’essor de cette troisième ville semblait totalement dépendant de sa connexion avec la ville centre et la ville sud. La rue impériale (actuelle rue de la République) est donc née de la volonté de connecter le centre-ville et le port. Achevée en 1864, elle marque un échec aussi considérable que le « quartier Mirès » avec un refus des classes aisées de s’y installer. L’haussmannisation marseillaise est une période charnière dans la constitution du quartier Joliette-Bon Pasteur. Une partie des pratiques, fonctionnements et dysfonctionnements actuels en découlent. De fait, cette nouvelle trame urbaine imbrique pour longtemps le quartier à l’activité industrialo-portuaire. Ainsi, la trame Mirès, recherchant d’avantage l’articulation avec le port que le développement des espaces publics, amorce une rupture entre les nouveaux secteurs d’activité économique et les anciens faubourgs industriels. 20 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION 1.1.3 L’APPROPRIATION DU QUARTIER PAR DES CLASSES POPULAIRES (1892-1970) Malgré la rapidité de réalisation de la trame urbaine et de la percée de la rue impériale, Mirès puis les frères Péreire ne parviennent pas à bâtir la totalité de cet espace. Lors de la faillite de la société des Péreire, 666 maisons ont été construites mais 10 hectares de terrains restent libres. La lenteur de l’urbanisation témoigne ainsi de l’échec de la spéculation. « En dépit d’une trame très régulière basée sur le tracé du boulevard de Paris, des quartiers hybrides (sur 2 km) voient le jour. S’imbriquent alors habitats auto-construits, bidonvilles et infrastructures industrielles et portuaires » (M. Roncayolo, 1996). Très vite, ces quartiers se caractérisent par une forte densité bâtie et des conditions d’hygiène désastreuses. Les conditions d’habitat à Arenc ou dans le faubourg Saint-Lazare deviennent tout aussi déplorables que dans la ville médiévale et font de ces banlieues le lieu d’établissement des migrants les plus défavorisés à la fin du XIXème siècle. Employés par les activités portuaires florissantes, ils logent dans des conditions d’insalubrité. C’est donc une classe sociale très différente qui s’approprie ce quartier pourtant destiné à un tout autre public. La jonction peu évidente entre la trame Mirès et les anciens foyers périphériques où étaient implantés fiacres, scieries et industries, s’effectue ainsi progressivement au début du XXe siècle. Sous la IIIème République, du fait des crises immobilières de 1870-1880, provoquées par les grandes opérations de spéculation, les transformations ne sont que partielles. La trame urbaine n’est affectée que par des remaniements limités et ponctuels. L’arrivée du Docteur Flaissières à la mairie de Marseille en 1892 s’accompagne d’un retour à des aspirations plus modestes et plus ancrées dans la réalité marseillaise que l’ambition de la capitale de la Méditerranée portée sous le régime impérial. Conscient de l’enjeu que représente la fixation d’une main d’œuvre à bon marché pour le fonctionnement de l’industrie, il incite la classe modeste à s’approprier cet espace. Les capitaux immobiliers de Mirès et des Péreire sont repris par la société immobilière marseillaise qui achève les constructions en cours puis entreprend la création de logements plus modestes, en adéquation avec les besoins 1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 21 de la classe ouvrière. En 1921, on compte plus de 25 000 habitants dans cet espace, occupé progressivement par la classe ouvrière et plus tardivement par la petite bourgeoisie. L’arrivée de classes sociales plus aisées contribue à une revitalisation du quartier. De nombreux commerces et petits cafés voient le jour. A défaut d’espaces publics, grands oubliés de l’haussmannisation marseillaise, ces espaces constituent des lieux de sociabilité, permettant de créer les liaisons jamais établies entre les deux secteurs. Des années 1920 jusqu’en 1950, où il atteint son plein développement, le port se déploie de la Joliette à Mourepiane et à l’Estaque. La banlieue qui le borde poursuit un développement urbain aux formes hétérogènes. Industries, immeubles haussmanniens et maisons basses s’y côtoient. Cette grande diversité favorise la constitution d’une clientèle de navigateurs, capitaines, marins, mécaniciens, employés ou ouvriers qui viennent progressivement habiter le quartier. Entre 1945 et 1970, période de forte croissance démographique, les lieux de rencontre se multiplient. La variété des espaces et des habitants vient peu à peu stimuler la vie du quartier. L’attractivité du quartier semble alors liée aux activités du port, lieu considérable d’emploi, plus qu’aux dispositifs d’aménagement urbain. En effet, les plans directeurs qui se succèdent de 1933 à 1970 ciblent leurs actions sur les zones périphériques avec la construction de grands ensembles, semblant oublier les parties plus centrales de la ville. Si ces interventions, pensées à une grande échelle, ne ciblent pas les quartiers centraux, elles ont pourtant des incidences sur ces derniers. Le percement de l’A7 vient ainsi déstructurer tout le tissu urbain autour de la porte d’Aix qui se dégrade déjà par manque d’intervention. 22 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION 1.2 UN ESPACE TRAITÉ DE MANIÈRE DIFFÉRENCIÉE PAR LES POLITIQUES D’AMÉNAGEMENT : 1970-2014 1.2.1 LE QUARTIER JOLIETTE-BON PASTEUR, UN ESPACE OUBLIÉ DES POLITIQUES URBAINES ? 1970-1990 La délocalisation des activités portuaires en direction de Fos-sur-Mer et de l’Etang de Berre touche profondément l’économie marseillaise et plus particulièrement la banlieue d’Arenc, dont le fonctionnement est alors étroitement lié à celui du port. Les processus de dégradation du cadre bâti et de paupérisation sont ainsi accélérés par la crise industrielle. Ils participent à la chute massive de population observée entre 1975 et 1990 (figure 8). Source : INSEE, 2014 Figure 8 : une décroissance démographique à Marseille et davantage dans le 2e arrondissement entre 1975 et 1990 La rénovation de l’arrière quartier, frappé par une dégradation continue, à la fois physique et socio-économique, devient urgente. Plusieurs initiatives publiques visant à résoudre ces problématiques émergent. La municipalité entreprend la rénovation de la butte des Carmes qui nécessite une restructuration complète du tissu ancien (création de l’Hôtel de Région, de la faculté des sciences économique et sociale et rénovation des halles Puget). Puis dès 1979, la municipalité se saisit d’un outil de l’Agence nationale d’amélioration de l’Habitat (ANAH) l’opération programmée d’amélioration de l’habitat (OPAH). Plusieurs OPAH se succèdent dans le quartier du Panier (1979-1990) et dans celui de Belsunce (19821994), avec pour ambition la valorisation de l’existant. Toutefois ces opérations n’impactent que le cadre bâti et laissent pour compte le quartier Joliette-Bon Pasteur. L’addition des processus de désindustrialisation et de focalisation de l’action publique sur l’hyper-centre de la ville accentue un délaissement du quartier au profit du centre de Marseille et plus largement induit une fracture entre le nord et le sud de la ville. 1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 23 1.2.2. UN ESPACE DÉVALORISÉ A partir de 1995, Jean-Claude Gaudin, nouveau Maire de Marseille, impulse un mouvement de « reconquête » du centre nord de la ville, dégradé et qui se vide de sa population. En 1995 est lancée l’Opération d’Intérêt National Euroméditerranée associant l’Etat et les collectivités territoriales. Le projet s’étend sur 290 hectares de tissu hétérogène, mais dans un état comparable de détérioration. La concrétisation de ce projet qui vise à insuffler de nouvelles dynamiques en favorisant notamment la création d’entreprises nouvelles, nécessite l’enrayement des processus de dégradation et de paupérisation. Pour cela, l’action publique s’oriente principalement vers la restauration immobilière et la valorisation du patrimoine mais ne concerne encore une fois pas le secteur étudié (hormis pour la place de la Joliette et le haut de la rue de la République), laissant ainsi, en creux, un espace dévalorisé. Parallèlement, cet espace intègre alors un périmètre d’intervention de nature relativement différente : la ZUS Centre Nord, créée en 1996. Lentement, les pouvoirs publics prennent conscience de l’enjeu que représente la revitalisation du quartier. Le traitement de ces espaces par des outils dont les objectifs et les moyens divergent sensiblement amorce une distinction dans le traitement de ces espaces. 1.2.3. DE LA CAPITALE DE LA MÉDITERRANÉE À LA CAPITALE EUROMÉDITERRANÉENNE ? Dès les années 1990, on constate une différenciation de traitement à l’intérieur même du quartier Joliette-Bon Pasteur. Ancien faubourg séparé de la ville par les remparts, puis banlieue industrielle dédiée au port, cet espace peine à construire une identité homogène qui lui permettrait de faire l’objet de traitements ciblés de l’intervention publique. Jusqu’au début des années 2000, le quartier n’apparait pas comme prioritaire dans les opérations de rénovation. 24 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION En effet, les vocations d’Euroméditerranée semblent renouer avec les aspirations du régime impérial et sa volonté d’ériger Marseille au rang de capitale de la Méditerranée. Si le propos doit bien entendu être nuancé, le rapprochement peut être établi. Le deuxième axe du Plan d’Aménagement et de Développement Durable (PADD) du Plan Local d’Urbanisme (PLU) de 2013 s’intitule ainsi « Marseille, capitale Euro-méditerranéenne ». La redéfinition des axes stratégiques de l’établissement public (conforter les industries de l’information et de la communication, les fonctions tertiaires et les services, les activités liées à la culture, au tourisme et à l’enseignement supérieur) traduit les ambitions de l’Etat de placer Marseille au cœur de la politique méditerranéenne et européenne. Là encore, c’est à une échelle qui dépasse les problématiques locales que se pensent les projets d’aménagement. La concrétisation de ces stratégies au travers des récents projets urbains bouleverse ainsi le fonctionnement traditionnel du quartier. L’espace qui correspond à la trame Mirès (qu’on désignera par « secteur Joliette » dans la suite du document) est appelé à passer en quelques années d’un quartier populaire à un quartier regroupant des fonctions métropolitaines et des unités d’habitation destinées aux classes moyennes et aisées. Les projets de la ZAC République et de la ZAC Joliette viennent transformer le visage et le fonctionnement du quartier (figure 9). Intégré dans le périmètre d’Euroméditerranée, le secteur Bon Pasteur fait l’objet d’un traitement très distinct du secteur Joliette. Le lancement de l’opération Grand Centre Ville en 2009, la signature du Contrat Urbain de Cohésion Sociale (2007-2009), les conventions passées avec l’ANRU, ont amorcé une réflexion sur ce territoire. Principalement pilotées par Euroméditerranée, ces opérations ne sont cependant pas de la même nature que celles réalisées dans les différentes ZAC (Saint-Charles et Joliette). En effet, elles n’intègrent pas de réflexion sur la construction métropolitaine, mais se ciblent davantage sur la réhabilitation du logement. La récente OPAH-RU d’Euroméditerranée en témoigne (figure 10). 1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 25 Figure 9 : Bon Pasteur, un secteur oublié des périmètres d’intervention N 0 50m Bon Pasteur, un secteur oublié des périmètres d’intervention ZAC Cité de la méditerrannée ZAC Joliette ZAC Saint-Charles Rue de la République secteur Bon Pasteur Source : IGN, SCAN25, 2014 Réalisation : CELLE - MICHEL - OUADI, nov. 2014 26 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION Figure 10 : une intervention ciblée sur le logement dans le secteur Bon Pasteur Source : comité de pilotage de septembre 2013 de l’OPAH RU Euromed Ainsi le secteur Bon Pasteur est intégré dans des projets d’urbanisme dont les finalités divergent sensiblement des autres opérations d’aménagement. Cette distinction, entre un espace aux fonctions métropolitaines assumées et un autre qui n’est la cible que de simples opérations de réhabilitation, entérine une scission qui s’est amorcée dès l’élaboration de la trame Mirès. Cette juxtaposition de dispositifs conduit à une situation paradoxale. Aujourd’hui, plus qu’un espace unique et intégré, on assiste à la cohabitation d’un secteur tourné vers l’avenir de la capitale euro-méditerranéenne, concentrant les fonctions métropolitaines et d’un autre fortement marqué par un processus de précarisation qu’on tente d’enrayer dans l’urgence. Si la redéfinition du centre urbain en 2009 par le projet de Grand Centre-Ville permet d’inclure l’espace Bon Pasteur dans le périmètre des projets urbains (figure 11, en blanc sur la carte), il reste, dans les projets d’aménagement, davantage un espace à rénover et à la marge des pôles d’intervention 2011 - 2021. 1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 27 Figure 11 : les 35 pôles d’intervention 2011-2021 de l’opération Grand Centre Ville Joliette Bon Pasteur Source : Ville de Marseille 28 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION 2 UN QUARTIER, DEUX FORMES DE DYNAMIQUES MÉTROPOLITAINES La scission entre ces deux espaces est à la fois la cause et la conséquence de choix d’application de politiques d’aménagement différentes. Ces deux secteurs possèdent des modes de fonctionnement et donc des habitabilités très distinctes. En effet, l’habitabilité, qui renvoie à la fois aux individus et au territoire, peut se décliner de multiples manières. Afin d’enrichir notre propos et d’évaluer ces différentes formes d’habitabilité, nous nous sommes appuyés sur des sources documentaires variées mais surtout sur le discours des habitants recueilli lors d’entretiens individuels. La manière dont ils se saisissent des ressources offertes par le territoire ou encore la représentation qu’ils s’en font, sont des variables indispensables à l’évaluation de l’habitabilité. L’analyse de ces espaces a ainsi révélé l’existence de dysfonctionnements et a contrario de potentialités visibles sur l’ensemble du périmètre d’étude. L’analyse sensible a permis d’identifier la contradiction entre la prégnance d’un urbanisme cadré, ordonné et difficile à s’approprier d’un côté et le dynamisme de la vie urbaine de l’autre. Bien plus que l’évolution des trames matérielles de ces lieux, c’est la manière dont les habitants se les approprient qui les différencie. Le premier pas vers une compréhension de ces formes d’appropriation consiste dès lors en l’analyse des populations qui habitent ce territoire. 1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 29 Les données fournies par l’Observatoire des quartiers à l’échelle du bassin JolietteGrand Carmes, ou encore celles fournies par l’INSEE sur la ZUS Centre-Nord, ne permettant pas d’établir une distinction entre les espaces du périmètre, nous avons choisi de privilégier les Ilôts Référencés pour l’Information Statistique (IRIS, figure 12). Cette échelle d’analyse nous a permis de mettre à jour des contrastes très importants entre les secteurs nord et sud du quartier. En effet, on constate de fortes disparités de revenus, de qualification, ou encore de chômage. Bien que reflétant des disparités entre le nord et le sud ces contrastes sont principalement marqués sur deux IRIS en particulier «Montolieu», au sud, et « L’Evêché-lesDocks », au nord. Pour simplifier la lecture de notre analyse statistique, les IRIS Montolieu et l’Evêché-les-Docks seront utilisés pour discuter des spécificités de chaque quartier. Outre les fortes inégalités sociales mises en lumière par les données statistiques, les entretiens qualitatifs menés avec les habitants ou encore les relevés de terrain, ont mis à jour des fonctionnements très différents entre ces deux espaces. Alors que le quartier Bon Pasteur est marqué par de forts liens tissés au sein de la communauté des habitants, le quartier de la trame Mirès, qui accueille des équipements culturels et commerciaux d’échelle métropolitaine, draine des flux importants mais reste moins marqué par une vie de quartier. 30 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION Figure 12 : les IRIS étudiés pour l’analyse statistique 1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 31 2.1 LE SECTEUR BON PASTEUR, ENTRE FRAGILITÉS ET RESSOURCES Alors que nous arpentions le terrain à la recherche de personnes volontaires pour réaliser des entretiens, nous avons rencontré plusieurs garagistes de la rue de la Joliette. L’un d’entre eux n’était pas intéressé, mais nous a renvoyé vers un de ses amis. « Allez voir en bas de la rue, demandez Georges, il pourra surement vous aider ! ». Cet échange n’est qu’un des nombreux exemples qui confirment l’existence de liens étroits entre les habitants du secteur sud du quartier. Ici, l’anonymat ne semble pas exister. Cependant, ce sentiment d’hospitalité et de convivialité fait passer au second plan un phénomène pourtant lui aussi bien existant : le processus de dégradation du cadre bâti. Ce délitement physique n’est que la manifestation d’un phénomène bien plus important, celui de la dégradation des conditions socio-économiques. En effet, la précarité de certains espaces, à l’instar de celui délimité par l’IRIS Montolieu, atteint aujourd’hui des niveaux alarmants. Figure 13 : les étals qui animent la rue Bon Pasteur Source : O. Michel, 2015 32 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION 2.1.1 UNE POPULATION PRÉCAIRE Souvent réduite à sa dimension financière, la pauvreté est une réalité dans le quartier. L’IRIS Montolieu présente ainsi des revenus annuels1 très faibles Le premier quartile qui représente le seuil de revenus en dessous duquel se situe 25% de la population, s’élève à 1483 euros en 2011 soit près de quatre fois moins que celui de l’IRS l’Evêché-les Docks (6314 euros), et trois fois moins que celui de la ZUS Centre Nord (5768 euros) (figure 14a). Ces faibles revenus sont à mettre en relation avec l’importance du taux de demandeurs d’emplois et de personnes dépendant exclusivement des prestations sociales. Dans l’ensemble du quartier le taux de chômeurs est supérieur à celui de Marseille (18,0%). Mais il atteint des proportions considérables dans certaines zones. Ainsi, il s’élève à plus de 34% dans l’IRIS Montolieu. De même dans les IRIS Montolieu-Forbin, le nombre de personnes dépendant entièrement de la Caisse d’Allocation Familiale s’élève à 43% (Observatoire des quartiers, 2010). 30000 € 25000 Premier quartile Dernier quartile 20000 15000 10000 5000 0 MONTOLIEU DAMES L'EVECHE-LES DOCKS ALBRAND-PONTEVES FORBIN MAZENOD-REPUBLIQUE ZUS Centre Nord Source : INSEE 2011 Figure 14a : les revenus fiscaux par unité de consommation en 2011: des disparités allant du simple au quadruple 1 Le revenu fiscal comprend le cumul des revenus d’activité salariée ou non salariée, des indemnités de chômage, de maladie, des pensions d’invalidité ou de retraite ainsi qu’une partie des revenus du patrimoine, soit les ressources mentionnées dans la déclaration de revenu. Les Unités de Consommation sont la résultante d’un système de pondération attribuant un coefficient à chaque membre du ménage et permettant de comparer les niveaux de vie de ménages de tailles ou de compositions différentes. Avec cette pondération, le nombre de personnes est ramené à un nombre d’unités de consommation (UC). 1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 33 La faible qualification des personnes résidant dans ces espaces explique en partie la difficulté d’insertion vers l’emploi, renforcé par la fermeture de Pôle Emploi en 2014 (figure 14b). Figure 14b : tag sur le mur des anciens bureaux de Pôle Emploi Source : O.Michel, 2014 L’IRIS Montolieu qui présente le taux de chômage le plus important est également celui qui affiche la proportion de personnes non scolarisées et non diplômées la plus forte en 2011 (supérieur à 46%). Inversement, le nombre de personnes ayant suivi de longues études se limite à seulement 2%. Dans ce périmètre où le développement du secteur tertiaire s’accroît, les compétences des actifs ne correspondent pas à l’offre. En effet, la part des ouvriers (selon la nomenclature des catégories socio-professionnelles de l’INSEE) représente plus de 38% des actifs. 34 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION 2.1.2 LE LOGEMENT, CATALYSEUR DES DIFFICULTÉS SOCIO-ÉCONOMIQUES Les rapports de l’Observatoire des quartiers et de la ZUS Centre Nord ont souligné le rôle de « sas » d’accueil de la partie sud du quartier Joliette–Bon Pasteur, dont le parc de logement est peu adapté à la sédentarisation des ménages. En effet, de nombreux primoarrivants viendraient s’installer dans ce secteur. Pourtant, les données récentes indiquent que la part de la population la plus importante est celle qui réside dans le sud du quartier (Montolieu) depuis dix ans ou plus (35.7%). Cette tendance indique les difficultés de mobilité résidentielle auxquelles font face les habitants qui occupent des logements ne répondant pas à leurs besoins. En effet, 62% des logements sont composés d’une à deux pièces, plus de la moitié du parc de logement mesure moins de 40m² et héberge en moyenne 2,3 personnes (figure 15). 100 % 90 80 70 60 4 pièces et plus 50 3 pièces 40 2 pièces 1 pièce 30 20 10 0 Montolieu Dames l'Evéché-Les Docks Albrand-Ponteves Figure 15 : une proportion plus importante des logements de petite taille dans le secteur sud en 2011 Forbin Mazenod-Republique Source : INSEE 2011 Dans un contexte de tensions du marché immobilier et du marché de l’emploi, les solutions précaires de logement temporaires se transforment parfois en impasses. Lors de nos entretiens avec des travailleuses sociales de l’accueil de nuit Saint Jean de Dieu et de l’accueil de jour du Secours Catholique, celles-ci nous ont raconté la situation d’une personne hébergée : arrivé il y a 9 ans, « S. » est le plus ancien résident. Il n’est jamais parvenu à trouver un emploi et un logement. Ses seules perspectives d’évolutions résidentielles aujourd’hui se limitent à son transfert en maison de retraite. 1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 35 Le rapport de la Fondation Abbé Pierre sur l’état du mal-logement en 2014 souligne l’aspect multidimensionnel de la pauvreté et met en lumière l’effet du logement qui joue parfois un rôle de catalyseur des difficultés. En effet, les surcoûts liés à l’insalubrité ou au mauvais confort thermique que les façades dégradées laissent supposer (figure 16) viennent accentuer des situations de précarité déjà existantes. Si l’IRIS Montolieu est celui qui présente les plus forts indicateurs de précarité, d’autres ménages se retrouvent dans des situations de fragilité dans d’autres secteurs. Nous avons eu l’occasion de rencontrer une famille Kurde résidant dans l’IRIS AlbrandPonteves. Réfugiés politiques, cette famille a dû quitter le Kurdistan dans l’urgence, laissant derrière elle deux enfants, âgés de 12 ans et 18 ans. Les parents vivent aujourd’hui avec leur fille de 10 ans et leurs derniers enfants de 3 ans et 3 mois. A cinq personnes dans 67m², ils vivent grâce aux revenus du mari (1600 euros), complétés par 200 euros d’allocations versées par la CAF. Faisant déjà face au loyer (600 euros) et aux frais alimentaires onéreux en raison des besoins nutritifs des plus jeunes, ils envoient également de l’argent à leurs fils ainés restés au Kurdistan. Le passage récent du chauffage au gaz au chauffage électrique a contribué à l’augmentation des charges qui pèsent sur le ménage, rappelant ainsi cet Figure 16 : des façades dégradées dans le secteur Bon Pasteur Source : O. Michel, 2014 36 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION aspect multidimensionnel de la précarité, qui peine à être intégré dans les politiques publiques, se limitant souvent à la prise en compte des revenus. Soulkaïna, leur fille de 10 ans, déclare ainsi ne jamais être partie en vacances. Cependant, des liens de solidarité informels contrebalancent légèrement cette situation d’isolement et de fragilité. Nora, la voisine de palier, enseignante en littérature dans un collège de Marseille, accueille ainsi quotidiennement Soulkaïna afin de l’aider à faire ses devoirs. Ces liens de solidarité qui ne sont pas toujours visibles dans le quartier sont pourtant bien existants. Odile, membre de l’association PetitàPetit1, nous a expliqué lors d’un entretien que l’association était née de pratiques informelles. En effet, lorsqu’elle habitait dans le quartier, dans un immeuble situé rue d’Hozier, (IRIS Forbin) de nombreux enfants venaient chez elle pour jouer, observer la mer avec ses jumelles ou encore trouver un soutien pour les devoirs. De fil en aiguille, ces pratiques informelles se sont ancrées et concrétisées au travers de la création de l’association. Ces liens de solidarité semblent encore plus marqués dans le secteur Bon Pasteur. La forte précarité qui marque cet espace est tempérée par une solidarité active entre les habitants du quartier. Au delà ces fragilités des individus ou les faibles ressources du territoire conduisent parfois à des modes de vie inédits. Mlle L., 23 ans, habitante depuis trois mois du secteur Bon Pasteur, a évoqué plus en détail ces liens de solidarité. Premièrement, depuis son arrivée, de nombreuses habitantes, sachant qu’elle vit avec des enfants, sont venues la voir afin de lui donner des vêtements. De la même manière, elle déclare volontairement éviter les chaines commerciales présentes dans le périmètre (Casino, Monoprix) et favoriser les commerçants de son secteur (rue Bon Pasteur), qui lui rendent service en lui avançant parfois la monnaie qu’elle n’a pas. Cette association développe et accompagne des actions participatives et citoyennes pour agir sur les difficultés à vivre en société. Deux exemples d’actions : formation aux relations sociales et accompagnement à la résolution de conflits dans différents milieux, développement d’une démarche participative sur un quartier d’habitat social. 1 1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 37 2.1.3 UNE SOCIABILITÉ DÉVELOPPÉE GRÂCE À UNE APPROPRIATION DE LA RUE Le manque d’espaces publics dans le secteur Bon Pasteur se traduit par une occupation très active de la rue. Ici, les rues ne sont pas limitées à leur fonction de circulation ou même à leur fonctions commerciales. Si les nombreux commerces drainent la vie du sud du quartier, avec la présence de nombreux marchands de fruits et légumes ou d’autres produits venus en partie du Maghreb, la fréquentation de la rue n’est pas uniquement le fait de ces commerces. Au détour de la rue du Fiacre, on trouve ainsi une occupation originale de l’espace. Les travaux ont permis provisoirement de couper la circulation routière, laissant Figure 17 : les façades dans la rue Pierre Albrand, secteur Joliette Source : O. Michel, 2014 ainsi la possibilité de placer devant un bar associatif, chaises, tables et narguilés. La plupart du temps quand nous sommes passés en journée et lorsque les conditions climatiques étaient favorables, un groupe d’hommes discutait de manière conviviale autour de cet espace public improvisé. Le « débordement sur la rue » est une des caractéristiques du secteur Bon Pasteur, il ne s’agit pas seulement pour les habitants de pratiquer la rue mais de se réapproprier l’espace extérieur. C’est ainsi qu’en traversant la rue Pierre Albrand (figure 17), où se font face deux grands immeubles haussmanniens, il n’est pas rare d’observer une série d’alignement, formé par le linge étendu. 38 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION Bien que la population soit fragile, les ressources mobilisées pour s’approprier le territoire sont donc importantes. L’exemple du marché informel qui se déroule sur la place Jules Guesde en témoigne. Avant l‘arrivée du parking en 2011, ce marché, tenu en partie par des habitants du quartier, avait lieu sur l’intégralité de la place. La construction du parking a changé son organisation mais sans remettre en cause son fonctionnement. En effet, les usages des commerçants, qui continuent de vendre leurs stocks sur les espaces alentours, témoignent d’une forte capacité d’adaptation. 1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 39 2.2 JOLIETTE, UN ESPACE NEUF ET ATTRACTIF POUR DE JEUNES ACTIFS Le nord du quartier Joliette - Bon Pasteur est au cœur des opérations d’aménagement d’Euromediterranée. C’est sur ce périmètre qu’Euromed 1 a ouvert ses premiers chantiers avec le réaménagement de la place de la Joliette en 1998 (figure 18). La volonté de l’Etablissement public est de requalifier ce périmètre pour y développer une activité tertiaire d’envergure internationale, « un véritable quartier de vie en centre-ville pour les salariés des bureaux et pour les habitants » (Euromediterranée). Afin d’en accentuer le rayonnement, une attention particulière est portée à la qualité architecturale des projets et l’aménagement d’espaces qui se veulent être lisibles. Ainsi, Euromed 1 attire de nombreux ménages qui se distinguent par leurs caractéristiques socioéconomiques. Pour dresser cette analyse, l’IRIS l’Evêché-les-Docks (Figure 12, p.21) a été pris dans la plupart des cas comme référence car cet IRIS marque à lui seul les déséquilibres socioéconomiques entre le nord et le sud du quartier. Cet IRIS intègre la Joliette qui, comme dit précédemment, est le terrain d’application des opérations d’Euromed 1. La Joliette intègre la ZUS Centre Nord, mais dispose pourtant de caractéristiques sociales et économiques qui s’apparentent davantage à celles d’un quartier d’affaire dynamique. Figure 18 : la place de la Joliette en 2012 Source : GoogleEarth 40 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION 2.2.1 UNE POPULATION EN PLEINE MUTATION La population de l’IRIS Evêché-les-Docks est plus jeune que la moyenne du quartier en 2011 (31,3% des 25-39 ans). Les ménages sont composés de couples actifs occupant des emplois qualifiés. En effet, les cadres et professions intellectuelles supérieures ainsi que les professions intermédiaires représentent 52,7% des actifs occupés du secteur (figure 19). 100% Artisans Commerçants et Chefs d'entreprise 90% 80% Professions Intermédiaires 70% 60% Cadres et Professions Intellectuelles supérieures 50% 40% Ouvriers 30% 20% Employés 10% 0% Montolieu Dames l'Eveche-Les Docks Albrand-Ponteves Forbin Mazenod-Republique Figure 19 : les actifss occupants des emplois qualifiés sont majoritairement représentés dans le secteur nord du quartier en 2011 Source : INSEE 2011 La majorité de ces ménages ne sont que récemment arrivés dans le secteur : plus de la moitié d’entre eux (62,3%) a emménagé entre 2005 et 2011. La population d’Evêchéles-Docks est plus aisée que dans les autres IRIS, le revenu annuel médian y est égal à 15 583 euros en 2010, ce qui est plus élevé que celui de la ZUS (14 578 euros). Par ailleurs, cet IRIS connaît le taux de chômage le plus bas du quartier (10,9%) en 2011. Le profil des ménages du secteur nord que nous venons de dresser coïncide avec celui des ménages « Euroméditerranéens » décrit par l’enquête éponyme1 et menée par l’AGAM en 2011 : « De jeunes couples d’actifs plutôt aisés et qualifiés, voici ce que pourrait être le profil- type des habitants installés dans les logements récents du périmètre d’Euroméditerranée. De nouveaux visages qui marquent peu à peu de leurs caractéristiques ce morceau de ville populaire déjà engagé dans une nouvelle dynamique résidentielle, économique et urbaine. […] les « Euroméditerranéens » font valoir en tous points leurs différences dans le quartier. Cette enquête a été menée auprès des ménages installés dans les résidences neuves ou rénovées livrées depuis 2004 par Euroméditerranée parmi lesquelles l’îlot M5, M1, Horizon Schuman et Villa Forbin. 1 1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 41 »1 Cette enquête a été menée conjointement par l’AGAM et l’Etablissement Public d’Aménagement d’Euroméditerranée dans le but de mieux connaître les habitants des résidences récentes d’Euroméditerranée. Un certain nombre de résidences visées par cette enquête sont localisées dans le quartier Joliette-Bon Pasteur. Les « Euroméditerranéens » sont soit des Marseillais d’autres arrondissements venus s’installer dans le quartier ou des « néo-marseillais », des habitants qui ne résidaient pas à Marseille il y a cinq ans. Ces derniers représentent la moitié de la population des nouvelles résidences et sont proportionnellement quatre fois plus nombreux qu’à l’échelle de la ville. Le quartier semble exercer une certaine attractivité sur cette catégorie de population dont le motif principal d’emménagement est d’ordre professionnel (60% des enquêtés). La relation entre le motif professionnel, la situation géographique du quartier et l’accès à un logement neuf ou rénové justifie l’installation des ménages dans ce secteur et de fait l’apparition d’un nouveau profil de population dans ce quartier populaire. Ainsi, le secteur nord du quartier Joliette-Bon Pasteur est animé par de nouvelles dynamiques, de jeunes ménages ayant emménagé récemment, attirés par les programmes d’aménagement réalisés par Euroméditerranée. 42 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION 2.2.2 DES NOUVEAUX LOGEMENTS ADAPTÉS À LA POPULATION ACTIVE CIBLÉE MAIS UN ENVIRONNEMENT PEU APPRÉCIÉ PAR CELLE-CI C’est un parc de logements relativement récent qui caractèrise l’IRIS l’Evêché-lesDocks en comparaison avec le reste du quartier. Dans tous les autres secteurs, plus de 50% du parc de logements a été construit avant 1946, cette part n’est que de 30,5% à l’EvêchésLes-Docks (voir figure 20 ci-après). Cet espace a fait l’objet de nombreuses opérations d’aménagement et notamment de construction de logements, 36,3% de son parc de logements y est créé entre 1991 et 2008 alors que cette proportion est quasiment nulle pour le reste du quartier (figure 20). Le projet Euroméditerranée, lancé en 1995 n’est pas étranger à cette dynamique. C’est au regard des chiffres sur la période récente que nous pouvons prendre toute la mesure de l’impact de l’OIN sur la création de logements au sein des IRIS de l’Evêché-les-Docks, Forbin et Mazenod-République. 100 % 90 80 70 60 entre 2008 et 2011 50 entre 1991 et 2008 entre 1946 et 1990 40 avant 1946 30 20 10 0 Montolieu Dames l'Evéché-Les Docks Figure 20 : une juxtaposition de logements neufs et anciens Albrand-Ponteves Forbin Mazenod-Republique Source : INSEE 2011 1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 43 En 2011, les logements créés par Euromed 1 représentent 24,61% du parc de logements dans ces IRIS1 (figure 21). Ont ainsi été créés 865 logements entre 2004 et 2009 dans le quartier Joliette-Bon Pasteur, dont 712 à l’Evêché-les-Docks. Sur un total de 1501 logements existants en 2011, les logements créés dans le cadre d’Euroméditerranée représentent 47,4%. Opérations Euromed 1 Logements Logements en Part des logements créés par créés entre 2011 Euromed 2004 et 2009 Evêché-lesîlot M5 358 1501 47,4 % Docks Horizon Schuman 60 îlot M1 294 Forbin Villa Forbin 38 1044 3,6 % Mazenod-Ré- îlot 19-21 rue de la Ré115 969 11,9 % publique publique Source : INSEE 2011, Radioscopie des Euroméditerranéens Figure 21 : une part importante de logements ont été construits par Euroméditerranée à l’Evêché-les-Docks Les Euroméditerranéens représentent ainsi près de la moitié des habitants du nord du quartier. Le profil des ménages que nous avons dressé plus haut (couples de cadres actifs), se retrouve dans les caractéristiques des logements. En effet, 60,9% des résidences principales sont composées de trois (47%) à quatre pièces (20,9%) en 2011. Selon l’enquête menée conjointement par l’AGAM et l’EPAEM, les résidents Euroméditerranéens sont satisfaits de leur logement, ils lui attribuent en moyenne la note de 15/20 et de 13/20 pour leur résidence. Euroméditerranée propose ainsi, à l’image de l’îlot M5, de grandes résidences, au sein desquelles sont aménagés des espaces ouverts mais privés (figure 22). Les enquêtés de l’AGAM disent jouir d’une « situation d’excellence », grâce à la bonne desserte en transport en commun et à la proximité du centre-ville, de la gare TGV et des grands axes autoroutiers. Malgré ces avantages les enquêtés attribuent au quartier la note de 9/20, l’ambiance du quartier, que ces derniers jugent peu agréable, prévalant ainsi sur sa situation. Ce taux a été calculé en utilisant le nombre de logements créés par les opérations Euromed au regard du nombre total de logements recensés par l’INSEE en 2011. 1 44 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION Figure 22 : les barrières d’interdiction d’accès au centre de l’îlot M5 Source : O. Michel, 2014 Les enquêtés ne se sentent pas à l’aise dans le quartier. Ce sont d’ailleurs les habitants de l’îlot M5 et de la rue de la République qui sont les plus critiques, mettant en cause la saleté des rues, le manque de commerces de proximité et d’espaces récréatifs. Un certain nombre de commerces sont pourtant présents dans le quartier, notamment des commerces non franchisés situés dans le secteur sud (figure 23, p.44) mais ce n’est pas vers ces commerces que se tournent les enquêtés qui préfèrent se rapprocher de la rue de la République (42%) entièrement requalifiée plutôt que la rue Camille Pelletan (18%). Pour certains d’entre eux le sud du périmètre ne semble pas être un secteur attrayant. A cet effet l’enquête de l’AGAM montre que « nombre d’habitants » sont en attente du réaménagement de la porte d’Aix, entrée emblématique de la ville, afin d’effacer ce que certains qualifient de « verrue urbaine ». 1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 45 Figure 23 : une offre commerciale diversifiée en 2014 Occupation en rez-de-chaussée en octobre 2014 Façade d’activités tertiaires, immeubles de bureaux Rue ès M ir Commerces franchisés actifs sur la rue Commerces non franchisés, identitaires et artisanat Equipements éducatifs et services à la personne e eM in ot Locaux associatifs, lieux de culte et équipements culturels B o Ru i lch Gu or u l y r nt ès ev r i e s Ru Ru Po a d e P e d d a n b r d A l r e e r P i u l e P a R u r i e a l e v C h e R u i ar a rfe és Cl v ’U e d D u n k e r q u e e Ru R D ue e ré d’ B o u l e v a r d e Ho zi er Ru e Ru e Vi nc Rue ur Go en . Pl F. Rue bo Fa uc hi er en ue e Ru c Mo M lie ue Ste Ju iq e bl Rue de l a Jo li B o u l e v a r d Sources : IGN, BD TOPO, 2014 relevés de terrain, oct 2014 Réalisation : CELLE - MICHEL - OUADI, oct. 2014 nto Rue D uver ger Ru pu al Ré av la al de Rue ette d e s lie u n ta lle Pe lle mi Ca r ste u on Pa Rue B an e e l’Evé ch é ssa i er um bl Ru Rue d Ma Av e t L C Rue jon in rb Fo s cre Fia es d e Ru D a m e s 46 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION 2.2.3 UN USAGE DE L’ESPACE PUBLIC DU QUARTIER TRÈS LIMITÉ Contrairement au secteur Bon Pasteur, les rues du secteur Joliette sont peu appropriées par ses habitants et les rues sont peu animées. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène. UNE CONFIGURATION IMPROPRE À LA FRÉQUENTATION DE L’ESPACE PUBLIC D’abord, la configuration des constructions d’Euroméditerranée participe au repli des habitants sur l’îlot. En effet, la généralisation des parkings souterrains participe à la déconnexion entre l’îlot et la trame urbaine puisque les habitants-automobilistes peuvent passer une journée entière sans mettre un pied dans le quartier. Par ailleurs, plusieurs îlots possèdent un espace ouvert en leur sein permettant aux habitants de profiter de l’extérieur sans sortir de leur résidence (figure 24). L’interaction avec les autres habitants du quartier est alors très réduite. Figure 24 : les espaces ouverts en coeur d’îlots appropriés au détriment de la rue 1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 47 DES ACTIVITÉS HORS-SOL PEU PORTEUSES D’ANIMATION À L’ÉCHELLE DU QUARTIER Par ailleurs, les activités en rez-de-chaussée sont une variable importante de l’animation de la rue. Une façade d’activités tertiaires et d’immeubles de bureaux se distingue sur toute la partie ouest du périmètre, à l’articulation (que constitue le Boulevard de Dunkerque) avec les Docks, un pôle tertiaire majeur du projet d’Euroméditerranée. Ce secteur économique a peu d’impact sur la vie du quartier : il ne produit que peu d’animation sur la rue, il n’est pas attaché à la culture ou à une ressource locale. Par ailleurs, il ne représente pas une source d’emploi directe importante pour les habitants du quartier en particulier pour les personnes peu ou pas diplômées, même si certains emplois induits (tels que la restauration, les prestations d’entretien, de maintenance et de gardiennage) peuvent participer à la dynamique du quartier. Il s’agit d’une activité dite « hors-sol » dont l’empreinte sur le territoire est limitée. DES ÉQUIPEMENTS SCOLAIRES, PÉRISCOLAIRES ET DES SERVICES QUI AMÈNENT UNE DIMENSION HUMAINE AU SECTEUR Le cœur du secteur Joliette est principalement occupé par des équipements scolaires, périscolaires et des services à la personne : • Ecole communale maternelle Leblanc (1) • Ecole maternelle Désirée Clary (2) • Ecole élémentaire Chevalier Paul (3) • Collège Izzo et son terrain de sport géré par une association en dehors des heures scolaires (4) • Crèche Hozier (5) • Services 13Habitat (6) • Cabinet médical de chirurgie (7) • Maison de repos (La Maison de Fannie) (8) 48 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION Les équipements éducatifs sont particulièrement vecteurs d’animation et de vie communautaire au sein d’un quartier. Dans le cas du secteur Joliette, cette ambiance communautaire reste limitée mais la présence des jeunes et donc des familles amène une certaine humanité dans un cadre bâti très dense et imposant (des îlots étendus, des immeubles hauts, des façades homogènes et monolithiques). UN PETIT AGGLOMÉRAT D’ÉQUIPEMENTS CULTURELS ET DE LOCAUX ASSOCIATIFS À L’INTERFACE AVEC LE SECTEUR BON PASTEUR Autour de l’îlot Massabo gravitent une mosquée, une école de musique, un espace de rencontre pour les séniors, un cinéma de quartier, un centre d’accueil de nuit pour les personnes sans-abris, une auberge de voyageurs, un local associatif du Secours Catholique et l’association Petitàpetit d’accueil pour les enfants. Ce cœur associatif et culturel situé dans la trame Mirès mais destiné à accueillir des personnes de tout le quartier y compris du secteur Bon Pasteur est un élément représentatif des liens malgré tout existants, entre ces deux secteurs. Même s’ils ne font pas centralité dans le sens où ils ne brassent pas la majorité de la population du quartier, ils marquent un lien fort entre ces deux secteurs pourtant différents. Il est à noter que les conditions des locaux utilisés sont plutôt médiocres : un équipement plus grand et plus adapté pourrait permettre d’assurer la pérennité de ces initiatives qui viennent combler un manque d’actions ou de pouvoir d’actions des politiques sociales locales. Au-delà des caractéristiques différentes, voire contradictoires du quartier qui entérinent une scission entre les deux secteurs qui le composent, certaines problématiques peuvent se lire à l’échelle du quartier. Les dysfonctionnements et potentialités qui traversent le quartier peuvent également être appréhendés dans le cadre du projet d’Ecocité. 1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 49 2.3 DYSFONCTIONNEMENTS ET POTENTIALITÉS D’UN QUARTIER SCINDÉ Le lien entre ces deux espaces qui fonctionnent de manière sensiblement différente, n’est pas toujours évident. Le manque d’espaces publics et la difficile communication piétonne, accentués par des dynamiques métropolitaine juxtaposées, peuvent venir expliquer cette scission. 2.3.1 UN MANQUE D’ESPACES PUBLICS QUI VIDE LE QUARTIER DE DYNAMIQUES SOCIALES Que ce soit dans le secteur Bon Pasteur ou dans le secteur Joliette, l’aménagement d’espaces publics est le grand oublié des politiques publiques. Il n’existe pas un seul espace dans le quartier capable d’accueillir un évènement, une manifestation ou toute autre forme de rassemblement social d’envergure. En effet, les seuls espaces publics identifiés sont le parvis du collège Izzo, la place Gantes et l’espace public « Trame Mirès ». Le parvis du collège Izzo (figure 25) est un petit espace planté soumis aux nuisances de la circulation du boulevard de Dunkerque. L’importance de l’espace dédié à la voirie en fait davantage une zone de passage que de repos et de rencontre. La fréquentation de cet espace dépend d’ailleurs largement du rythme du collège (entrée/pause/sortie). La place Gantes, tout comme le parvis du collège Izzo, résulte de la jonction du tracé Mirès orthogonal et du boulevard de Dunkerque, transversal (figure 26, p.50). La lisibilité est renforcée par la façade de l’entreprise Richardson qui cadre le tout. Cela produit un rectangle ouvert sur l’une de ses longueurs. Malheureusement, cet espace public a été aménagé de manière extravertie, en direction du littoral (figure 27, p.50). La place tourne ainsi le dos à la trame Mirès. Par ailleurs, les nombreux camions de l’entreprise de plomberie et la circulation automobile du boulevard de Dunkerque provoquent nuisances sonores et olfactives qui n’incitent pas les usagers potentiels à rester. 50 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION a) Trame urbaine b) vue aérienne Figure 25 : le parvis du collège Izzo, un espace dédié au passage Source : GoogleEarth 2015 L’espace public de la trame Mirès est un espace linéaire complétant l’emprise du collège Izzo sur l’ilot (figure 28, p.51). Cet aménagement se compose d’une promenade et d’un parc pour enfants. Pourtant cet espace, qui permet d’habiller le dénivelé entre le collège Izzo et la rue Chevalier Paul, ne fonctionne pas. Au-delà des problèmes techniques qui le transforment en bassin de rétention d’eau, le manque d’arbres produit un espace ouvert, sans intimité et n’invitant pas les habitants à s’y retrouver (figure 29, p.51). Si le parc de jeux est, lui, plutôt utilisé, il est peu entretenu. Proche des équipements scolaires accueillant aussi les jeunes du secteur Joliette, cet espace pourrait pourtant se prêter à la réunion des habitants du quartier grâce à un aménagement adapté. 1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 51 a) Trame urbaine b) vue aérienne Figure 26 : la place Gantes, un espace dédié au passage Figure 27 : un aménagement extraverti Source : GoogleEarth 2015 Source : O. Michel., 2014 52 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION Figure 28 : l’espace public « Mirès », un espace peu adapté au public Source : GoogleEarth 2015 Source : O. Michel., 2014 Figure 29 : l’espace public « Mirès » inondé Ce défaut d’espaces publics représente un frein à la sociabilité et participe à l’absence de cohésion entre les habitants de chaque secteur et des deux secteurs. Au-delà, il amoindrit l’habitabilité globale du quartier car la création de rassemblements culturels ou associatifs n’est pas permise par l’aménagement du quartier. Au-delà, le manque d’espaces publics traduit la faible centralité du quartier. En effet, un espace bien identifié, situé au cœur du quartier, permettrait de créer une identité commune et un point de repère et de rencontre pour les habitants du quartier Joliette-Bon Pasteur. 1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 53 2.3.2 DES LIAISONS PIÉTONNES PEU ÉVIDENTES ENTRE LES DEUX ESPACES UNE QUALITÉ COMMUNE DES CHEMINEMENTS PIÉTONS AUX CARACTÉRISTIQUES POURTANT OPPOSÉES Les axes structurants du quartier que sont les boulevards de Paris, de Dunkerque et des Dames sont peu agréables pour la déambulation piétonne. En effet, malgré la présence de trottoirs relativement larges, l’expérience piétonne subit les nuisances caractéristiques des grands axes aux flux automobiles importants (figure 30a). Figure 30a : un trafic routier générateur de nuisances sur le Boulevard de Paris Source : O. Michel., 2014 Dans les rues intérieures du secteur Bon Pasteur, la configuration des cheminements piétons est totalement différente. Les trottoirs, lorsqu’ils existent, sont très étroits ou en mauvais état. Souvent, ils sont utilisés à d’autres fins comme le stationnement automobile, le stockage des poubelles (figure 30b), l’accueil des étals ou des terrasses des commerces et restaurants. Ces utilisations obligent le piéton à marcher sur la chaussée, ce qui peut entraîner des conflits d’usages et présente des risques. Cependant, le trafic automobile dans ces rues est tellement minime qu’il devient agréable de marcher au milieu de l’espace public sans se restreindre à un espace dédié (figure 30d, p.56). Cette quasi-piétonnisation 54 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION Figure 30b : un trottoir inutilisable par le piéton dans la rue Montolieu Source : O. Michel, 2014 de fait des rues du secteur Bon Pasteur donne une dimension humaine à l’ensemble. Elle montre aussi la liberté d’appropriation laissée à l’habitant et participe donc à l’habitabilité du quartier. Dans le secteur Joliette, toutes les rues possèdent des trottoirs larges et peu encombrés, sur lesquels au moins deux piétons peuvent se croiser sans aucune gêne (figure 30c). Le trafic automobile y est supérieur à celui des rues intérieures du secteur Bon Pasteur. Figure 30c : un trottoir large et confortable dans la rue Désirée Clary Source : O. Michel, 2014 1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 55 e ann u C 6e ed 1 gar 5e et 1 Une déambulation piétonne confortable à l’intérieur du quartier t Analyse sensible de la qualité des cheminements piétons en 2014 0 ès Mir Ru e 50m mauvais correct e M el ch i in bon ot Hiérarchie de la voirie en 2014 B o Ru Gu or u Transit l y fe Desserte a Ur r d e R u e R u ée ar v ’ e d nt ev ès r Po a i e Ru P d e e d d a n b r A l r e e r u l P i P a r i e a l e v C h D u n k e r q u e Liaisons interquartiers e Ru R ir és D ue Cl s e B o u l e v a r d Ru Réalisation : CELLE - MICHEL - OUADI, nov. 2014 d’ Ho zi er Ru Ru e G Rue our Vi nc Fo Rue rb F. M uc hi er av al M e lie Ru r Le Panie n d e s ta ue B o u l e v a r d ur iq s cre Fia es ed u R ette lle bl de l a Jo li Pe pu Rue lle lieu mi Ré nto Ca la Mo ue c de Rue Rue D uverg er ste on Pa Rue B an al e Fa en Ru bl e ’Evéch é abo ier lu m C. P e t L Ru Rue de l ass Av en Rue jon e in Ste Ju Les Terr asse du port s e Gar arles t-Ch n i Sa rt o x-P u Vie D a m e s Figure 30d : une déambulation piétonne confortable à l’intérieur du quartier Source : Observation de terrain, 2014 Cependant, la largeur des rues et l’éloignement entre la chaussée et le trottoir, permis par une rangée d’arbres ou un espace linéaire de stationnement, permettent de restreindre la perception des nuisances liées au trafic automobile. Même le boulevard de Dunkerque, qui est le support de deux voies de tramways et de trois voies de circulation automobile, est doté d’un bon niveau de confort des cheminements piétons. 56 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION DES COUPURES ENTRE LES DEUX ESPACES Les cheminements internes des deux espaces sont agréables mais ne communiquent pas. Un changement d’ambiance est saisissant à l’abord des rues Forbin et Malaval. Le bruit et l’étroitesse des trottoirs produisent un effet d’oppression contrastant de manière radicale avec le calme de la trame Mirès et la liberté ressentie dans le secteur Bon Pasteur. La rue Forbin qui relie le boulevard de Paris à la place de la Joliette est une double voie à sens unique où le trafic est constant et rapide (figure 30e). La rue Malaval sert, elle, de transit entre l’autoroute A7 et la rue de la République, ce qui génère un trafic inadapté aux proportions de la rue. En effet, la circulation est dense sur la rue Malaval, la présence de la Caisse d’Allocation Familiale (CAF) participe notamment à l’afflux de piétons qui se rendent dans ces locaux. Nous avons régulièrement constaté au cours de nos visites sur le terrain qu’une file d’attente se formait tant bien que mal sur le trottoir étroit qui y permet l’accès. Cette succession de frontières franches dans les cheminements piétons représente un frein à l’unité du quartier, à l’échange entre les habitants des secteurs Bon Pasteur et Joliette. Morphologiquement, le quartier Joliette - Bon Pasteur semble détaché de son environnement urbain par les grands axes routiers qui le ceinturent (Boulevards de Dunkerque, de Paris, des Dames). Ces limites rendent l’accès au quartier difficile pour les piétons. Cependant, elles permettent le développement d’une offre de transport en commun efficace et un accès au quartier depuis tout le périmètre métropolitain. Figure 30e : un trafic automobile constant dans la rue Désirée Clary Source : O. Michel, 2015 1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 57 2.3.3 UN QUARTIER QUI PRÉSENTE DES DYNAMIQUES MÉTROPOLITAINES À CONFORTER LE RÉSEAU DE TRANSPORT EN COMMUN, UN LIEN RAPIDE ET EFFICACE AVEC LE RESTE DE LA VILLE Le quartier est desservi par d’importantes infrastructures de transport (métro et tramway) qui permettent d’accéder de manière rapide et efficace à l’ensemble du réseau (figure 31). La partie sud du secteur est située à un arrêt de métro de la Gare SaintCharles qui constitue un pôle de transport multimodal d’envergure régionale, nationale voire internationale (train en direction de l’Italie, navette pour se rendre à l’aéroport de Marignane). Enfin, la ligne de tram 2 relie la gare de Marseille Blancarde et Euroméditerranée, en longeant le boulevard de Dunkerque. Des lignes de bus viennent compléter l’offre de transport notamment sur le boulevard de Paris et au niveau des rues Forbin et Pontevès. L’ensemble du quartier se trouve ainsi à moins de 150 mètres d’une station de transport en commun. UN QUARTIER CONNECTÉ AUX INFRASTRUCTURES ROUTIÈRES MÉTROPOLITAINES Joliette - Bon Pasteur se situe à proximité directe de deux axes autoroutiers (A55 et A7) qui le relient rapidement aux autres pôles régionaux tels que Toulon, Aix-en-Provence et Avignon (figure 32, p.60). 58 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION N 0 50 100m Un quartier connecté au reste de la ville grâce à de nombreuses lignes de transport collectif Le réseau de transport en commun RTM en 2014 Métro Tramway Source : RTM, Plan du réseau, nov. 2014 IGN, SCAN25, 2014 Réalisation : CELLE - MICHEL - OUADI, nov. 2014 Bus Périmètre d’étude Figure 31 : un quartier connecté au reste de la ville grâce à de nombreuses lignes de transport collectif L’accès au quartier depuis le réseau régional (et au-delà national) se fait au niveau de la place de la Joliette (depuis l’A55) et au niveau du carrefour de l’avenue Camille Pelletan (depuis l’A7). A ces accès d’envergure métropolitaine s’ajoutent des entrées à l’échelle locale au niveau de la Porte d’Aix, de la rue de la République (l’accès au Vieux-Port), de l’avenue Robert Schuman (lien au Fort Saint-Jean) et du boulevard de Paris. Ceinturé par le réseau routier, le quartier est ainsi très bien desservi. Il s’agit d’un atout majeur pour les échanges économiques et pour l’accessibilité des familles aux zones de consommation locales et régionales. 1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 59 Aix-en-Provence Marseille-nord Avignon Lyon Un accès au quartier facilité par la proximité aux axes autoroutiers Réseau routier en 2014 Voie rapide prioritaire Voie urbaine majeure Accès extra-communal Accès local N 100m A7 50 A55 0 Marseille-est La Corniche Aubagne Toulon Source : IGN, SCAN25, 2014 Réalisation : CELLE - MICHEL - OUADI, nov. 2014 Marseille-sud Figure 32 : un accès au quartier facilité par la proximité aux axes autoroutiers en 2014 60 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION ATTRACTIVITÉS ET INSUFFISANCES DU QUARTIER Les commerces du secteur Bon Pasteur et notamment le Marché du Soleil attirent de nombreux clients venant des autres quartiers de Marseille mais aussi d’autres communes de l’aire urbaine. En effet, il s’agit de commerces spécialisés dont les produits ne se trouvent pas dans les centres commerciaux (textile, restauration exotique, etc.) et dont les prix pratiqués, plutôt attractifs, semblent participer au succès commercial du quartier. Une autre caractéristique de l’économie projette le quartier cette fois-ci à l’échelle méditerranéenne : l’import-export automobile. En discutant avec un commerçant du quartier présent depuis plus d’une trentaine d’années, nous apprenons qu’au cours des années 1970, de nombreuses entreprises automobiles non franchisées étaient installées permettant des échanges avec le Maghreb. Il en a résulté une spécialisation de l’économie du quartier marqué par la présence de nombreuses entreprises liées à la mécanique, au stationnement automobile, etc. Ces activités perdurent encore aujourd’hui même si les échanges se sont ralentis depuis les décisions des Etats nord-africains de limiter les importations automobiles à la fin des années 1980. Si l’offre commerciale existe bien dans le quartier, elle n’apparait pas toujours adaptée à la population. La famille Kurde interrogée nous expliquait ainsi qu’elle était obligée de prendre la voiture pour se rendre au centre commercial. En effet le quartier ne dispose pas d’une offre commerciale de grande distribution discount, ce qui oblige les familles les moins aisées à en sortir. 1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 61 UNE HABITABILITÉ GLOBALE AUX CARACTÉRISTIQUES DIFFÉRENCIÉES Le quartier Joliette - Bon Pasteur est traversé par différentes réalités. En effet, il concentre à la fois des ménages en forte situation de précarité et des projets d’envergure métropolitaine. Le traitement différencié des politiques publiques dont il fait l’objet tend à renforcer ces disparités. Intégré à la Zone Urbaine Sensible (ZUS) Centre Nord et en partie à l’Opération d’Intérêt National Euroméditerranée, le quartier Joliette - Bon Pasteur est marqué par une forme de rupture entre deux espaces aux fonctionnements différents. Pour identifier les dysfonctionnements apparents, mais également révéler les potentialités dans la perspective d’une démarche d’écocité, nous avons appréhendé les différents éléments d’analyse (données historiques, morphologiques, statistiques et entretiens qualitatifs) au prisme de l’habitabilité. Nous nous sommes appuyés sur les travaux de la sociologue Nathalie Blanc définissant un lieu habitable comme un lieu qui « offre à ses habitants les capacités suffisantes d’adaptation et de création pour se l’approprier » (BLANC N., 2010). Ce concept nous a permis de nous interroger sur les capacités du quartier à supporter des opérations de renouvellement urbain. Au cours des évolutions du quartier, deux formes d’habitabilité se sont développées. En vue d’évaluer ces différences, nous avons déterminé trois critères de l’habitabilité globale du quartier : la qualité du logement, la qualité de l’espace public et l’intensité des interactions sociales (figure 33, p.63). Le secteur Joliette est ainsi caractérisé par une haute qualité du logement, une qualité modeste des espaces publics et une faible intensité des interactions sociales. A l’inverse, le secteur Bon Pasteur se caractérise par une dégradation avancée du logement, un manque d’espace public et une solidarité qui s’illustre par de nombreux échanges entre les habitants. Finalement, ces deux secteurs bénéficient d’un niveau d’habitabilité équivalent, témoignant de la complémentarité entre ces deux espaces. 62 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION Les caractéristiques de l’habitabilité Qualité du logement Qualité de l’espace public Intensité des interactions sociales JOLIETTE BON PASTEUR Réalisation : CELLE-MICHEL-OUADI Figure 33 : une habitabilité aux caractéristiques distinctes mais complémentaires REPENSER L’ÉCOCITÉ DANS UNE PERSPECTIVE DE PROJET DANS LE QUARTIER JOLIETTE - BON PASTEUR Le concept de l’habitabilité nous a permis de mieux saisir la richesse des interactions et des dynamiques du quartier Joliette – Bon Pasteur. De plus, il nous a permis de prendre du recul vis-à-vis du développement durable et de ses outils. En effet, le concept d’écocité qui ne permet pas d’appréhender la complexité du quartier et semble plus adapté à la mise en place de projets nécessite d’être enrichi. Constituant une entrée pour l’analyse du quartier, l’habitabilité rend également possible l’articulation entre écocité et quartier existant. En posant la question d’un quartier habitable, on pose non seulement la question d’un quartier durable, mais aussi et surtout celle d’un quartier vivable. Le concept d’habitabilité permet ainsi de considérer les problématiques du quartier Joliette - Bon Pasteur, telles que celles induites par le renouvellement urbain, amenées à toucher des personnes plus ou moins en capacité de répondre à ce changement. Afin d’amorcer une réflexion sur des 1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 63 projets globaux et générateurs de liens dans un quartier aussi singulier que Joliette - Bon Pasteur, il est nécessaire de se réapproprier le concept d’écocité. ADAPTER UN CONCEPT A UN TERRITOIRE SINGULIER La complexité de la commande réside dans l’adaptation du concept d’écocité à un lieu vécu et habité. Comment penser un modèle davantage conçu pour des espaces inhabités que pour un quartier existant ? L’usage du concept d’habitabilité permet véritablement de transformer cette contrainte en avantage. En effet, nous avons vu qu’au sein du quartier Joliette - Bon Pasteur, deux formes d’habitabilité se déclinent. Alors que l’habitabilité du secteur Joliette dépend quasi entièrement de la qualité des logements, celle du secteur Bon-Pasteur a pour principal facteur le niveau d’intensité des interactions sociales. Cette particularité du quartier est constitutive de son identité. La construction d’une identité locale, en partie fondée sur cette diversité, est nécessaire pour que les habitants s’approprient leur milieu de vie. De plus, la valorisation de l’existant, qu’il s’agisse des nouvelles entreprises tertiaires ou des commerçants maghrébins de la rue Bon Pasteur, peut également devenir vecteur du bon fonctionnement d’un quartier aux composantes diverses. S’inspirer des spécificités locales peut constituer un atout essentiel dans la mise en œuvre d’une écocité aux caractéristiques singulières. Le mélange des cultures (Française, Comorienne, Italienne, Algérienne, Marocaine, etc.) représente un atout singulier de la future métropole Aix-Marseille Provence. L’enjeu de l’écocité s’incarne alors dans sa capacité à faire fonctionner ensemble des acteurs aux histoires, vies et aspirations différentes. En marquant une attention particulière pour ces derniers, l’habitabilité permet de saisir toute la complexité de fonctionnement du territoire pour adapter la démarche d’écocité au quartier Joliette - Bon Pasteur. Cette appropriation de la démarche permet ainsi d’affirmer la vision territorialisée de l’écocité. 64 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION PRENDRE EN COMPTE LES ASPIRATIONS DES HABITANTS Le ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie définit l’écocité par un enjeu : « l’enjeu des écocités est de soutenir la croissance et l’attractivité des villes, de les rendre plus respectueuses de leur milieu, moins consommatrices d’énergie ou d’espace périurbain, tout en répondant aux attentes de leurs habitants actuels et futurs. Plus globalement, la démarche s’inscrit dans la lutte contre l’artificialisation des sols, la pollution de l’air et le réchauffement climatique. » Nous retenons de cette définition que l’écocité doit répondre aux attentes des habitants actuels et futurs. En ce sens, elle se doit d’être évolutive dans les domaines de la mobilité, le logement, les parcours résidentiels, les espaces publics, l’environnement, etc. Non dénuée d’une vision à long terme, elle laisse la place aux actions et réajustements à court terme. Elle se nourrit donc des transformations environnantes, qui se produisent à des échelles plus ou moins larges. Au-delà de répondre aux attentes des habitants, les projets doivent être innovants en plaçant les éco-citoyens au cœur des processus de projet. L’enjeu principal de l’écocité est donc d’intégrer les habitants de l’amont du projet, au sein de la phase de diagnostic, en passant par la réalisation, jusqu’aux dispositifs d’évaluation en aval. La démarche participative est un élément clef des projets proposés dans le cadre de l’écocité en tant que processus de co-création de la ville dans le quartier Joliette - Bon Pasteur. Définie comme un moyen de co-construire la ville et non comme une fin dont les objectifs seraient intangibles, l’écocité évolue selon le contexte où elle prend source. Ses enjeux, outils et projets sont donc en permanence ajustés aux aspirations et attentes des habitants qui la vivent. En ce sens, le premier pas vers l’écocité réside dans l’appropriation d’un territoire et de ses enjeux par les habitants. Selon Nathalie Blanc, l’appropriable constitue une dimension inextricable du développement durable (Blanc N., 2010). En effet, la considération d’un bien partagé, dont on est à la fois dépendant et responsable, est une nécessité pour la mise en œuvre de projets respectueux de l’environnement. 1 LA SCISSION D’UN QUARTIER | 2 DEUX FONCTIONNEMENTS MÉTROPOLITAINS > 65 CRÉER UNE MÉTHODOLOGIE DE DÉMARCHE PARTICIPATIVE POUR UN PROJET D’ÉCOCITÉ DANS UN QUARTIER EXISTANT Dans un quartier aux caractéristiques socio-économiques et aux fonctionnements aussi différents et complexes, il semble difficile d’imposer un projet urbain qui réponde vraiment à la diversité des besoins sans prendre en compte l’expertise des habitants et usagers du quartier. Cette expertise d’usage permet d’identifier les dysfonctionnements et potentialités de la vie locale qu’un diagnostic d’urbaniste ou de technicien ne peut révéler sans une immersion totale dans le terrain étudié. L’expertise d’usage peut être définie comme « une somme de compétences acquises et transmissibles, de savoir-être et savoir-faire dans l’utilisation au quotidien des espaces urbains, des espaces privatifs, des réseaux et des relations sociales de proximité. » (Bonnet, 2006). Elle permet de favoriser une coélaboration des projets répondant mieux aux besoins et d’assurer leur pérennité. L’ambition est de construire une méthodologie pour une démarche participative adaptée au contexte (social, urbain, économique) local. Le choix de s’inscrire dans un processus participatif pour la mise en place d’une écocité dans le quartier Joliette-Bon Pasteur étant fait, il s’agit désormais de mieux préciser le cadre de cette démarche et les modalités de sa mise en oeuvre. 66 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION PARTIE II : « ÇA PART DE LÀ », UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE 1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 67 Les tags, affiches et slogans engagés sur les murs du quartier Joliette - Bon Pasteur sont des éléments qui ont marqué nos visites de terrain. Ces moyens d’expression donnent lieu à des citations frappantes, à l’image de celle relevée à l’angle de la rue Bon Pasteur et de la rue Malaval : « L’urbanisme est une opération de police » (figure 34a). Si on ne peut qu’établir des suppositions à propos de son auteur et des raisons qui l’ont poussé à l’écrire, elle reflète cependant une réalité : les projets d’aménagement du quartier Joliette - Bon Pasteur sont vécus par certains comme un acte d’oppression, une forme de violence. Les expropriations engendrées par la requalification des ZAC de la Rue de la République et de Joliette, les restructurations du quartier liées au Projet de Rénovation Urbaine ou encore l’implantation d’un parking à la place de l’ancien marché aux puces, ont impacté habitats et habitants. Témoins du légitime intérêt que portent les usagers à leur cadre de vie et à son évolution, ces moyens d’expression ne sont pas toujours lus ou compris par les aménageurs. Régulièrement arrachés, repeints, volontairement ou non cachés, ces interpellations à même les murs ne permettent pas aux revendications et aspirations des habitants de s’incarner dans un projet. O. Michel, 2015 Figure 34a : une affiche de révolte à l’égard de « l’urbanisme » dans la rue Montolieu 68 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION Perçu par certains comme un pouvoir de contrôle, l’urbanisme offre cependant les possibilités d’associer durablement les habitants à la construction et à l’évolution de leur cadre de vie. Dans les années 1970, alors qu’émerge une prise de conscience mondiale sur les limites de la Terre, apparaît le concept du développement durable et avec lui la prise en compte au niveau national, européen et international d’un cadre législatif pour la participation citoyenne. La participation du citoyen revêt dans les faits plusieurs formes allant de l’information, qui consiste à communiquer à la population sur des projets à venir, jusqu’à la coélaboration qui consiste à créer un projet partenarial construit par les élus et les habitants. Ces réglementations ont permis de mettre en place des instances telles que les comités locaux d’information et de concertation, les conseils de développement ou plus récemment les conseils citoyens, prévus dans les nouveaux contrats de ville, pour intégrer les habitants dans les processus décisionnels. Cependant, la concertation est souvent perçue par les élus comme une contrainte. Qualifiée notamment de chronophage, elle se réduit souvent à de simples procédés d’information ou de consultation. Pourtant, construire et entretenir la cité dans la durée ne peut se faire qu’avec les citoyens. 1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 69 Face à la difficulté des habitants à concrétiser leurs souhaits et revendications et à leur faible prise en compte dans les projets d’aménagement, l’enjeu est double. D’une part, les élus doivent apprendre à partager leurs connaissances et surtout à donner la parole aux habitants. D’autre part, les habitants doivent partager leur connaissance de l’histoire, de la culture et des enjeux propres à leur quartier. La modification du cadre vie dans le sens d’une plus grande habitabilité constitue un moyen efficace de répondre aux enjeux propres au quartier et d’augmenter l’appropriation des lieux par les habitants. Une profusion de vocabulaire existe sur les types de démarches dans la sphère de la participation citoyenne. Ces différents termes (concertation, participation, partenariat, etc.) permettent de qualifier le degré d’inclusion des usagers à l’élaboration des projets territoriaux. En 1969, Sherry R. Arnstein a élaboré une « échelle de la participation » distinguant huit niveaux de participations des citoyens allant du niveau le plus bas, la « manipulation », au plus haut, celui du « contrôle citoyen » (figure 34b). S. R. Arnstein, 1969 Figure 34b : échelle de la participation élaborée par S.R. Arnstein 70 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION Sur cette échelle, l’auteure classe les différentes échelles sous trois catégories : la « non participation », la « coopération symbolique » et le « pouvoir effectif des citoyens ». La démarche participative que nous cherchons à mettre en place s’insère dans cette dernière catégorie. En effet, le concept d’habitabilité implique de donner la capacité aux usagers de voir, de modifier et de s’approprier un territoire. Dans un contexte de projet communautaire à l’échelle d’un quartier, le niveau de « contrôle citoyen » et de « délégation du pouvoir » pourrait être envisagé même dans une ville comme Marseille où la reconnaissance des citoyens dans la démarche de coélaboration n’est que peu valorisée. Dans le cadre de Joliette - Bon Pasteur où le public cible est extrêmement diversifié et dont les aspirations peuvent être différentes voire antagonistes, il est plus réaliste d’envisager une démarche de « partenariat » dans laquelle l’usager, le technicien et l’élu construisent ensemble une vision partagée du quartier. L’élu reste cependant le seul acteur décisionnel du projet. Le pouvoir de décision n’est pas délégué à l’usager. Ceci vaut pour les projets institutionnels (où la réalisation ne peut se faire que par l’action de la puissance publique) et ne s’applique pas aux projets citoyens qui pourraient émerger de la démarche participative. Le projet citoyen s’entend ici comme le projet (souvent micro-projet) où le citoyen est à la fois concepteur et réalisateur. Il peut donc se passer de l’institution pour concrétiser le projet dans le respect du cadre réglementaire. Beaucoup d’initiatives de ce genre peuvent émerger lors de cette démarche participative. Elles viendraient rééquilibrer une des éventuelles limites du projet qui serait le manque de portage politique et de moyens techniques et financiers accordés aux projets d’amélioration de la vie du quartier Joliette - Bon Pasteur. Ce risque est réel étant donné la proximité et même l’inclusion d’une partie du quartier dans le périmètre Euromed 1. En effet, des interventions coûteuses sur cette partie nouvellement aménagée semblent compromises. 1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 71 Dans ce projet d’étude, avant même de s’intéresser aux réalisations concrètes qui pourraient être envisagées dans le cadre d’une écocité dans un quartier existant, il nous a semblé essentiel de réfléchir à la manière dont pourraient être inclus les habitants au projet. C’est pour cela que nous proposons une méthodologie de démarche participative. Dans cette dernière nous distinguons trois phases. Le premier temps concerne la préparation, c’est à dire l’identification et la mobilisation des acteurs. La seconde phase s’intéresse à la mise en place d’un diagnostic participatif. Enfin la dernière étape consiste à aborder la coélaboration en pratique. Notre objectif étant de proposer une démarche participative, adaptable et pensée à la lumière des enjeux propres au quartier Joliette - Bon Pasteur, nous avons élaboré une méthodologie, mais également des documents opérationnels. En appui à la phase de diagnostic participatif, nous proposons des fiches d’aide au pilotage, conçues comme un outil de travail mobilisable au cours des réunions de participation. Un « catalogue des initiatives » servira d’appui au porteur de projet pour la phase de coélaboration. Prenant la forme d’un document de travail, ce catalogue contient différents projets susceptibles d’être réalisés sur le quartier Joliette – Bon Pasteur. Cette démarche a été nommée « ça part de là ». Son appellation résulte de notre vision personnelle de l’aménagement du territoire. En tant que futurs urbanistes, nous considérons que notre rôle est de favoriser le dialogue entre élus, techniciens et usagers et ainsi d’accompagner la mise en place de grands et petits projets se nourrissant directement des aspirations citoyennes. Il s’agit de donner à ces différents acteurs des possibilités pour lire des concepts, des relations et des territoires complexes ainsi que des moyens simples pour les écrire. 72 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION 1 PRÉPARER LE CADRE D’UN DÉMARCHE PARTICIPATIVE 1.1 IDENTIFICATION ET MOBILISATION DES ACTEURS La démarche participative se doit d’être encadrée par un acteur représentant l’intérêt de la communauté (par rapport aux intérêts individuels) telle qu’une personne publique, une association, un groupement d’habitants, etc. Le premier travail consiste donc à identifier le porteur de la démarche pour adapter la méthodologie à son statut, sa reconnaissance, sa légitimité et son pouvoir d’action. 1.1.1 LE GIP POLITIQUE DE LA VILLE, UN PORTEUR DE PROJET LÉGITIME Pour identifier ce porteur de projet, nous nous sommes intéressés à nos interlocuteurs dans le cadre du projet d’écocité dans un quartier existant. Au vu de ses compétences (développement économique, programmation des équipements et aménagement du territoire), l’intervention de la Région, commanditaire de l’étude, semble pertinente, en tant que porteur d’une vision transversale du territoire. De manière complémentaire, le Groupement d’Intérêt Public (GIP) Politique de la Ville, associé à cette étude sur une écocité appliquée au quartier Joliette - Bon Pasteur, apporte une vision plus fine du territoire. Pour des raisons liées au contexte du secteur étudié et à la nature même de notre projet, à savoir une démarche participative, le GIP Politique de la Ville constitue un porteur de projet pertinent, à condition de l’asseoir sur des partenariats institutionnels. 1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 73 1.1.2 LE GIP POLITIQUE DE LA VILLE, UNE STRUCTURE ANCRÉE DANS LE QUARTIER JOLIETTE-BON PASTEUR Le GIP Politique de la Ville, créé en 1998, représente la structure juridique et financière pour la gestion de la Politique de la Ville à Marseille (Contrats de Ville 2000-2006, CUCS 20062015 et nouvelle génération des Contrats de Ville en cours d’élaboration). Mise en place par les pouvoirs publics afin de revaloriser les zones urbaines en difficulté, elle agit sur plusieurs leviers : • Développement social et culturel • Revitalisation économique et emploi • Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie • Sécurité, citoyenneté et prévention de la délinquance • Santé Compte tenu de la transversalité de ses interventions, le GIP Politique de la ville s’associe à un grand nombre d’acteurs du territoire : le GIP Marseille Rénovation Urbaine (MRU), la région PACA, la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSE) et il compte parmi ses membres des conseillers municipaux représentant la ville de Marseille. Le quartier Joliette - Bon Pasteur constitue l’un des secteurs d’intervention du GIP Politique de la Ville. Les inégalités marquées au sein même du quartier justifient son intervention qui tend à favoriser l’égalité entre les territoires. Plus qu’une politique sectorielle et orientée uniquement sur le volet social, la Politique de la Ville se décline sur un champ d’intervention large et transversal. Elle traite aussi bien de l’économie que de la problématique de la délinquance en passant par la dynamisation du tissu associatif. La 74 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION diversité des enjeux révélés dans le diagnostic préalable requiert un acteur polyvalent qui possède la connaissance du terrain et les moyens d’intervenir de par son expérience et sa connaissance fine du territoire. La loi du 21 Février 2014 relative à la ville et la cohésion sociale a engendré une modification de la géographie prioritaire. Une partie du secteur Joliette, au nord, sort donc du zonage des nouveaux Contrats de Ville (figure 34c). Le portage du projet par le GIP Politique de la Ville permet alors de conserver et d’utiliser la connaissance longuement acquise sur le secteur Joliette malgré sa sortie du zonage prioritaire. Périmètre prioritaire avant 2015 0 Périmètre prioritaire à partir de 2015 0 50 100m 50 100m Joliette Joliette Bon Pasteur Bon Pasteur Source : GIP Politique de la Ville Source : GIP Politique de la Ville Figure 34c : le secteur Joliette sort de la géographie prioritaire des nouveaux Contrats de Ville (à droite) 1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 75 1.1.3 LA POLITIQUE DE LA VILLE, À PROXIMITÉ DES HABITANTS Le portage du projet par le GIP Politique de la Ville se justifie également par la nature même de la démarche participative par laquelle il s’agit de mobiliser les différents acteurs qui pratiquent dans le quartier au quotidien, autour d’un projet commun. Le GIP Politique de la Ville étant en charge de la gestion urbaine de proximité, son expérience dans la mise en œuvre de projets participatifs constitue une compétence essentielle pour la mise en place de cette démarche. En juin 2014, en partenariat avec la Compagnie des rêves urbains, les deux GIP Marseille Rénovation Urbaine (MRU) et Politique de la ville ont organisé un séminaire portant sur les actions participatives menées et pilotées par ces derniers dans le cadre de projets d’aménagement. A cette occasion une cartographie des actions a été réalisée (figure 35). 0 1 2km Source : GIP Politique de la Ville Figure 35 : actions participatives menées dans le cadre de projets d’aménagements urbain par le GIP Politique de la Ville et le GIP Marseille Rénovation Urbaine 76 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION Toutes ces opérations ont été le fruit d’un travail entre les citoyens, les techniciens des GIP et des associaions. Ces initiatives nous confortent dans l’idée que le GIP Politique de la Ville détient les compétences et l’expérience nécessaires au pilotage d’une démarche participative. 1.1.4 DES PARTENAIRES ESSENTIELS DU GIP POLITIQUE DE LA VILLE Pour s’assurer de la réalisation du projet, le GIP Politique de la Ville devra s’associer à d’autres institutions telles que la Région, la communauté urbaine Marseille Provence Métropole (MPM) et la Ville de Marseille. En effet, la démarche participative est amenée à mettre en débat des sujets variés entrant dans le champ de compétences d’autres instances que le GIP Politique de la Ville. Ce dernier est une entité dépendante de la Ville de Marseille. Sans le soutien de cette dernière, sa marge de manœuvre est faible puisque les interventions et même les modalités de son fonctionnement (notamment en termes d’effectif ) dépendent de la volonté politique de la municipalité. Il n’a ni la compétence ni les moyens d’agir ou d’imposer ses choix, ce qui rend l’association de la municipalité à la démarche participative indispensable. Par ailleurs, dans le cadre des nouveaux Contrats de Ville, les intercommunalités assurent le pilotage stratégique des dispositifs relatifs aux quartiers prioritaires. Politiquement plus influente que le GIP Politique de la ville et possédant une vision plus large du territoire, le partenariat avec la Communauté Urbaine MPM pour une démarche de diagnostic participatif dans un quartier prioritaire semble donc intéressante. 1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 77 Enfin, un partenariat avec la Région PACA, commanditaire de cette étude sur une écocité dans le quartier Joliette - Bon Pasteur, permettrait également d’enrichir la démarche d’une vision plus large du territoire. L’implantation d’une partie de ses locaux au sein même du secteur, comme ses compétences dans des domaines tels que l’environnement, la mobilité ou l’économie, en font une force d’initiatives dans le cadre d’un projet participatif. Elargir ainsi les partenariats et adopter une vision large et transversale du territoire permettrait de sortir de la logique de zonage prioritaire. En effet cette dernière tend à confiner la Politique de la Ville dans des territoires restreints dont les liens avec les autres quartiers de la ville sont déjà fragiles. De plus, elle tend à empêcher ou limiter l’intervention d’autres acteurs sous prétexte que la Politique de la Ville est déjà en charge de ces zones prioritaires. Ce manque de porosité de part et d’autre des limites du zonage prioritaire peut constituer un frein à l’élaboration de projets d’ensemble cohérents et peut participer à l’accroissement des inégalités par la différence de traitement des espaces qu’il entraîne. Le GIP Politique de la Ville semble donc détenir des atouts essentiels pour piloter la démarche participative. Toutefois, il s’agira pour cette structure de renforcer ses connaissances et son poids politique par la mise en place de partenariats. Cela permettra de crédibiliser politiquement le projet et d’engager les réflexions à une échelle plus large que celle du quartier. Pour enclencher la démarche participative, le porteur de projet devra identifier et mobiliser le public-cible. Pour aider le porteur dans cette démarche nous identifierons dans un premier temps les acteurs indispensables à la démarche et dans un second temps nous exposerons la stratégie à mettre en place pour favoriser leur mobilisation. 78 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION 1.2 UN LARGE ÉVENTAIL D’ACTEURS À MOBILISER L’identification du public-cible est une étape essentielle dans l’élaboration d’une méthodologie de démarche participative. Il est ici question de désigner, au regard des spécificités du territoire étudié, les acteurs à associer à la démarche. Ces derniers seront identifiés pour leur pouvoir décisionnel, leur expertise technique et leur expertise d’usage. Cette dernière constitue une connaissance du fonctionnement d’un territoire par l’implication physique dans cet espace, par son usage. Il ne s’agit pas d’une connaissance objective, basée sur des données statistiques ou des cartographies mais bien d’une expérience de proximité qui repose sur une pratique régulière des espaces. L’élu, seul acteur à détenir le pouvoir décisionnel, est garant de l’intérêt collectif et peut apporter une autre vision du quartier grâce à sa connaissance globale du territoire, des enjeux du quartier et des environs. Il s’agit donc bien de croiser ces différentes expertises pour une vision plus riche et transversale du quartier. 1.2.1 LE PUBLIC-CIBLE : TOUS LES USAGERS DU QUARTIER La diversité des interactions dans le quartier rend nécessaire une réflexion avancée sur l’éventail des acteurs à associer à la démarche participative. L’objectif de cette démarche est bien de mettre en lumière des fonctionnements et dysfonctionnements que le diagnostic préalable a révélé et de réfléchir collectivement aux projets ou initiatives qui permettraient de répondre aux enjeux du quartier en complétant les thèmes que le diagnostic préalable ne pouvait pas étudier. Du résident au simple usager en passant par le membre d’association, tous jouent un rôle dans le quartier. Ils se voient, se côtoient, parfois se parlent, se gênent, se réunissent, etc. La réalisation d’un diagnostic participatif est l’occasion de faire se rencontrer ces personnes pour échanger sur leurs besoins, leurs préoccupations, leurs difficultés et leurs envies pour faire émerger des points de convergence pouvant se transformer en pistes de projets collectifs. 1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 79 En ce sens, il nous semble particulièrement intéressant de cibler un public large sans pour autant prendre le risque de s’éloigner des préoccupations des acteurs locaux. En effet, même si le risque demeure faible, il convient de ne pas étendre la démarche à une échelle trop large pour ne pas noyer les enjeux internes au quartier dans des enjeux relevant d’autres échelles (arrondissement, commune, etc.). Le diagnostic préalable a montré que les ambitions métropolitaines des opérations d’aménagement ont déjà fortement modifié la forme et le fonctionnement du quartier, ce qui a mené à sa scission. C’est pourquoi le public-cible est constitué des différents usagers du quartier, c’est-à-dire toutes les personnes utilisant le quartier pour une ou plusieurs fonctions de la vie quotidienne : habiter, travailler, étudier, se promener, se déplacer, consommer, se divertir, etc. Cela renvoie donc à une diversité d’acteurs : • Les résidents • Les actifs travaillant dans le quartier (commerçants, salariés et autres professionnels) • Les membres d’associations • Les usagers des équipements publics • Les clients des commerces et services • Les écoliers et leurs parents • Les étudiants • Les passants Ce panel d’usagers permet de traiter d’une diversité d’enjeux en croisant des visions et des expertises d’usage différentes. Nous détaillons une liste non-exhaustive des apports de chaque type d’usager dans le but de montrer l’intérêt de sa mobilisation (figure 36) . 80 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION CELLE-MICHEL-OUADI, 2015 Figure 36 : les apports des usagers ciblés pour participer à la démarche participative 1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 81 Mettre en place une démarche participative ne remet pas en cause la place du technicien dans la conception du projet. Comme le précise Jean-Jacques Terrin, « il ne s’agit pas (pour les habitants) de concevoir à la place ou aux côtés de concepteurs dont c’est le métier, mais d’élaborer une sorte de « projet du projet », de représenter une vision de la conception à travers un processus de réflexion collective plutôt que sa conception architecturale ou urbaine. » (J.-J. Terrin, 2014). Le but n’est donc pas de déléguer la conception du projet final mais de créer avec les participants un cadre à la coélaboration. 1.2.2 DES ÉLUS ET DES EXPERTS POUR UNE VISION GLOBALE DU QUARTIER Pour aider l’expertise d’usage à se développer et à se matérialiser (en mots, croquis, plans, etc.) et pour l’enrichir d’une vision plus technique, des élus et des experts complètent la palette d’acteurs de la démarche participative. Nous identifions et détaillons le rôle de ces différents acteurs dans la seconde partie au regard de leur domaine de compétences et des thématiques traitées lors des ateliers de diagnostic participatif (voir II-2.« Le diagnostic en pratique »). A travers l’identification du public-cible nous avons pu affirmer la place centrale de l’expertise d’usage dans cette démarche. Ce parti pris requiert alors la mise en place d’une stratégie de mobilisation du public-cible pour inciter un maximum d’usagers à participer. 82 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION 1.3 MOBILISER LE PUBLIC-CIBLE DE MANIÈRE INNOVANTE Une fois le public-cible identifié, il faut l’informer de la démarche et l’amener à participer. Pour cela, distribuer des tracts ne suffit pas. D’autres actions, comme une manifestation marquante, des slogans accrocheurs, sont nécessaires pour intéresser la population, attiser sa curiosité et motiver sa participation. Nous détaillons ici une stratégie de mobilisation du public-cible pour le quartier Joliette - Bon Pasteur. 1.3.1 CAPTIVER LE PUBLIC ET DÉVELOPPER LA CURIOSITÉ DU PASSANT Dans nos sociétés occidentales contemporaines, l’affichage, la publicité et le marketing font partie intégrante du paysage urbain. Ce sont des éléments inévitables et captivants avec lesquels les initiatives locales peinent à rivaliser en termes de visibilité. La communication pour le lancement du diagnostic participatif doit donc être efficace pour se distinguer de la grande quantité d’information à laquelle le citoyen est confronté quotidiennement. Il ne s’agira pas pour le porteur de projet de rivaliser avec les campagnes de communication à visée notamment commerciale ou institutionnelle, il n’en a ni les moyens ni les compétences. Mais cela l’invite à utiliser des outils de communication efficaces et persuasifs. A cet effet, « l’écolo-tag ou « Clean Tag » semble être un moyen efficace et écologique pour attirer l’attention des usagers à moindre coût. Le Clean Tag est un marquage au sol pouvant être réalisé à travers un pochoir à la peinture à bombe biodégradable. C’est un dispositif de visibilité éphémère qui peut être présent pendant 1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 83 quelques heures ou quelques semaines en fonction du marqueur choisi. Ce procédé permet ainsi de diffuser un message, de montrer le chemin vers un évènement et dans certains cas de renvoyer vers un site web (Figure 37). Ces dispositifs sont aujourd’hui utilisés par un large panel d’acteurs. cleantag.fr O. Michel cleantag.fr Figure 37a : une diversité d’informations grâce au Clean Tag INNOVER POUR SE DIFFÉRENCIER DES CAMPAGNES D’INFORMATION Toute la difficulté d’une démarche de participation citoyenne est de faire comprendre à la population dans toute sa diversité qu’elle peut participer et que son expertise est attendue. Dans notre cas, il faut aussi faire comprendre qu’il ne s’agit pas d’une consultation ou d’une simple campagne d’information destinées à fabriquer du consensus et de l’acceptabilité sociale. Il faut donc utiliser un vocabulaire et des modes de communication différents de ceux mobilisés pour ces processus. La communication autour de la démarche de participation doit se différencier des modes de communication habituels (qui sont visuellement reconnaissables) pour attiser la curiosité des usagers. Sur nombre d’affiches invitant les citoyens, les habitants, les usagers à se rendre dans les instances de participation, l’organisation des éléments 84 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION visuels est identique et les mêmes mots sont fréquemment utilisés (Figure 38). Au centre de l’affiche, les mots-clés : « Participez », « Rejoignez », « Votre conseil » et les illustrations, photos ou dessins, sont censés représenter les usagers. Ces affiches et le texte affilié sont assez clairs pour nous permettre de comprendre que les lecteurs sont invités à participer aux assemblées de quartier. Toutefois l’utilisation d’un vocabulaire type largement partagé par les pouvoirs publics autour de la démarche de participation ne permet plus d’attiser la curiosité de l’usager. Mairie de Clichy Mairie de Paris Figure 37b : les visuels standards de la participation Mairie d’Auxerre 1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 85 Comme nous le disions précédemment une communication efficace repose sur l’utilisation d’éléments qui permettront à la démarche d’être reconnue par tous : • Un logo • Des mots-clés choisis pertinents • Des dates clés • Un lieu de rendez-vous UNE CAMPAGNE DE COMMUNICATION EN PLUSIEURS TEMPS Pour attiser la curiosité des usagers il s’agit de ne pas dévoiler tous ces éléments en une seule fois, la communication pourra ainsi être divisée en plusieurs cycles. Lors du premier cycle le porteur de projet ne dévoilera qu’un ou deux éléments de la démarche au public. Qu’il s’agisse de dévoiler le logo, des mots-clés ou des citations pertinentes en rapport avec l’esprit de la démarche, ce premier cycle devra durer assez longtemps (3 semaines environ), pour que les usagers puissent effectivement voir les éléments plusieurs fois. L’idée est ici d’offrir un minimum d’information pour que le peu d’éléments diffusés marquent les esprits (Quel est ce logo ? Que signifie-t-il ? Quel intérêt ? Qui en est l’auteur ?). Lors du second cycle de communication, toutes les informations seront dévoilées : logos, mots-clés, date (évènement, rencontre) et lieu de rencontre. Prenons l’exemple d’une campagne publicitaire innovante à Paris en 2013. Dans les stations de métro et dans les rues de la capitale, une affiche (Figure 39) présentant une photo en noir et blanc de cinq seniors a interrogé bon nombre de passants sur son origine, son motif et ses protagonistes. L’affiche était dénuée de tout texte ou logo, ce qui est peu commun pour une affiche publicitaire. Ce manque d’information a suscité l’intérêt du public. Quelques semaines plus tard, une seconde affiche la remplace reprenant les mêmes éléments que la première avec cette fois-ci, les membres d’un groupe de musique bien connu et les informations sur leur tournée (Figure 40). 86 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION dailyelle.fr Figure 39 : première affiche de la campagne à être diffusée dans les stations du métro parisien dailyelle.fr Figure 40 : deuxième affiche du groupe Indochine diffusée peu après, avec cette fois-ci, des informations sur leur tournée Dans notre société où les usagers sont constamment sollicités à travers les affiches et les images de marketing, la lecture des publicités est devenue un automatisme et doit, par voie de conséquence, reprendre certains codes pour être comprise. Face à une affiche, le lecteur à l’habitude de trouver une image, un texte en référence et un logo. Pourtant cette campagne publicitaire annonçant la tournée du groupe musical a marqué les esprits car elle a suscité la curiosité des passants en s’affranchissant des codes habituels. La communication de la démarche participative se doit d’être innovante. En diffusant les informations de façon progressive, elle attisera la curiosité du passant et marquera davantage son esprit. 1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 87 L’ART EN TANT QU’ACCROCHE DANS L’ESPACE PUBLIC L’Art est un formidable moyen d’attirer l’attention. Le quartier Joliette - Bon Pasteur a la chance d’accueillir des structures artistiques comme l’école d’art « Axe Sud », l’espace « Mode Méditerranée » ainsi que l’association d’accueil des enfants du quartier « Petit à Petit » pouvant participer à la mise en lumière de la démarche participative. Il faut proposer à ces structures de créer des éléments artistiques qui interpellent les usagers de l’espace public. Les étudiants de l’école d’art et de design « Axe Sud » pourront, par exemple, travailler sur les supports de communication à réaliser pour promouvoir la démarche participative (Figure 41). Ecole Axe Sud Figure 41 : des réalisations de l’école d’art « Axe Sud » située sur le quartier 88 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION 1.3.2 IDENTIFIER ET MOBILISER LES PERSONNES-RESSOURCES Au-delà des outils de communication visuelle évoqués précédemment, la dynamique d’identification et de mobilisation du public-cible doit être renforcée par l’intervention d’un ambassadeur de la démarche. Le vendredi 13 Février nous avons rencontré Sandra Ben Brahim, agent de développement du GIP Politique de la Ville et Emmanuel Viennot, chef de projet Grand Centre-Ville. Au cours de cet entretien ils ont évoqué le manque d’agents de terrain et la nécessité d’en faire intervenir davantage. En effet, une prise de contact avec les usagers, par un ambassadeur, est indispensable. Dans le cadre de la « Mission Tramway », une démarche participative menée dans la ville d’Aubagne, un poste d’ambassadrice a été créé. Cette dernière détenait un rôle clef dans le processus de concertation. Lors d’un entretien en 2012, elle déclare : « Je vais au devant des gens, qu’ils soient habitants, riverains ou professionnels installés le long du tracé (du tramway). Je les rencontre, les renseigne et si besoin, je fais le lien entre eux, les techniciens de la ville, de l’agglo et de la Mission Tramway. Il faut que les messages circulent dans les deux sens. ». Membre du GIP ou acteur extérieur recruté par le GIP spécialement pour cette mission, il sera mobilisé tout au long de la démarche participative et servira de relais entre le GIP et les usagers. L’ambassadeur devra dans un premier temps organiser un travail d’identification des personnes ou structures ressources du quartier et dans un second temps les sensibiliser au projet. C’est en montrant sa présence dans le quartier et en allant à la rencontre des usagers que l’ambassadeur pourra identifier les personnes ressources, les réseaux (collectif d’habitants, réseaux informels) et les structures actives du quartier (écoles, centre social, 1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 89 associations). L’ambassadeur mènera un travail de rencontre des acteurs. De façon proactive, il sera chargé d’aller à la rencontre des usagers, via le porte à porte, en se rendant dans les marchés et dans les commerces. Parallèlement, il se rendra disponible pour que les usagers viennent à sa rencontre. Par le biais de permanences assurées dans un local appelé « La Maison de la Participation » (le lieu et les horaires restant à définir), le porteur de projet via l’ambassadeur assurera ainsi la visibilité du projet et engagera les premiers échanges avec les usagers. Après avoir identifié les personnes-ressources du quartier, l’ambassadeur sera chargé de les sensibiliser à la démarche et de s’appuyer sur leur connaissance du quartier et des réseaux d’acteurs pour faciliter le rayonnement de son action. Les personnes et structures ressources sont en effet des relais de l’information (Figure 42b) et il est essentiel de les convaincre du bien-fondé de la démarche. L’ambassadeur devra ainsi leur présenter le projet, leur en expliquer l’intérêt collectif ainsi que leur intérêt propre. Enfin, l’ambassadeur, avec l’appui du porteur de projet, devra les doter du matériel nécessaire à la promotion de la démarche : tracts, affiches, etc. Figure 42a : les personnes-ressources comme relais de la mobilisation 90 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION 1.3.3 ORGANISER UN ÉVÈNEMENT POPULAIRE ACCESSIBLE ET APPROPRIABLE PAR TOUS La démarche doit bénéficier d’un tremplin qui favorisera son rayonnement sans quoi le nombre de participants serait trop faible pour mener à bien un diagnostic de qualité. Cet évènement public devra être capable d’intéresser une grande partie de la population et devra être divertissant. Il s’agit, dès cet évènement, de rassembler un maximum de personnes du quartier pour les amener à échanger, à interagir. Pendant cet évènement, la démarche participative sera annoncée et le calendrier des réunions distribué. Les acteurs artistiques seront sollicités pour exposer quelques éléments du diagnostic préalable et ainsi attirer le regard et susciter la réflexion. Une exposition de photos montrant les espaces à enjeux peut représenter un premier échange sur les visions du quartier. La mobilisation du public-cible doit permettre à un large public de se sentir concerné par la démarche proposée. Au vu des spécificités du quartier Joliette – Bon Pasteur, il s’agira de s’appuyer sur des outils visuels, des évènements organisés avec les structures et acteurs ressources du quartier pour promouvoir la démarche. Dans le cadre de la révision de son Plan Local d’Urbanisme (PLU) la commune de Sauzès Vaussais dans le Poitou-Charentes a fait appel au Conseil d’Architecture d’Urbanisme et de l’Environnement (CAUE) des Deux-Sèvres pour sensibiliser la population aux questions d’aménagement. Pour ce faire, le CAUE, en collaboration avec le collectif Pixel 13, a réalisé un évènement populaire à l’échelle de la commune, intégrant une démarche plus large d’Accompagnement Artistique d’un Projet d’Urbanisme (AAPU). Dans ce cadre, la circulation de la rue principale de la commune a été interrompue pour permettre aux habitants de se retrouver, de se détendre en profitant du mobilier mis à disposition et de discuter autour de panneaux d’expositions réalisés pour l’occasion (figure 42b). Dans le cadre d’une démarche participative sur le quartier Joliette – Bon Pasteur un tel évènement pourrait être l’occasion d’interroger les habitants sur leurs préoccupations. 1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 91 Figure 42b : fermeture d’une rue à Sauzès-Vaussais pour le lancement d’une démarche participative Pixel 13 Le cadre de la démarche repose ainsi sur trois fondamentaux : • Le GIP Politique de la Ville, identifié comme porteur du projet, est l’acteur le plus à même d’animer une démarche participative dans le quartier Joliette – Bon Pasteur. L’intervention de proximité de cet acteur s’appuiera sur des partenariats pour enrichir la démarche et lui donner un poids politique important. 92 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION • Les usagers sont le public-cible de cette démarche participative pour leur expertise d’usage, si essentielle dans l’identification des enjeux d’un quartier existant. Elle complète l’expertise technique et la connaissance de l’élu. • La diversité des profils socioéconomiques du quartier Joliette - Bon Pasteur oblige le porteur du projet à mettre en place une stratégie de mobilisation innovante. Cette phase de préparation précède le début de la démarche participative en tant que telle. Il s’agit de la première étape d’un processus s’étalant sur un an avant le début de réalisation des projets (figure 43). Réalisation : CELLE-MICHEL-OUADI, 2015 Figure 43 : le planning prévisionnel de la démarche participative Si ce cadre temporel n’est pas fixé il permet de clarifier la demarche. La préparation de la démarche et le lancement de l’évènement réalisés, il convient désormais de s’intéresser à la phase de diagnostic participatif. 1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 93 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF EN PRATIQUE La démarche participative doit permettre la réalisation de projets correspondant aux aspirations citoyennes ainsi qu’aux spécificités du quartier. C’est dans cet esprit qu’il s’agit d’organiser la première étape du projet : le diagnostic participatif. Si ce dernier s’appuie nécessairement sur le diagnostic préalable, l’idée est de l’enrichir en croisant regards, sensibilités et souhaits des différents usagers. Il ne s’agit pas seulement d’établir un recensement des usages et pratiques en consultant les citoyens, mais d’inciter ces derniers à s’approprier les enjeux et à construire une vision globale et partagée du quartier. C’est en vue d’accompagner le GIP Politique de la Ville dans la mise en place du processus participatif que nous lui fournissons des outils spécifiques à chaque étape de la démarche. Cette partie vise à détailler la phase de diagnostic participatif et à présenter les fiches d’aide au pilotage, outils de supports aux réunions participatives. Il est ainsi nécessaire dans un premier temps de clarifier le rôle de chacun des acteurs qui seront présents dans cette étape. Puis, nous poserons le cadre dans lequel se dérouleront les différents ateliers. Enfin, nous détaillerons les attendus des différentes réunions. 94 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION 2.1 CLARIFIER LE RÔLE DES DIFFÉRENTS ACTEURS Dans son rapport « Demain la ville », remis en 1998 au Ministère de l’emploi et de la solidarité, Jean Pierre Sueur dénonce la complexité des circuits et la lourdeur des procédures de la Politique de la Ville. Cette réflexion est toujours d’actualité comme en témoignent les modifications prévues dans la nouvelle génération des Contrats de Ville. Ces derniers qui allègent les dispositifs de mise en œuvre des projets prévoient également la mise en place de conseils citoyens et confèrent davantage de place à la participation citoyenne. Parallèlement d’autres acteurs (élus, techniciens, habitants et association, etc.) de cultures professionnelles très variées affirment de plus en plus leur souhait d’intégrer les processus de concertation. Si la multiplicité des acteurs favorise le décloisonnement de l’action publique et les interactions, elle peut également engourdir la mise en œuvre des projets. C’est pour faire de la diversité des acteurs un véritable atout, que le rôle de chacun a été clarifié. Nous avons ainsi établi cinq catégories d’acteurs : l’ambassadeur, les élus, les techniciens du GIP de la Politique de la Ville, les usagers, et les intervenants extérieurs. 2.1.1 L’AMBASSADEUR : CLEF DE VOUTE DE LA DÉMARCHE PARTICIPATIVE Cette personne peut être détachée parmi les membres du GIP Politique de la ville ou recrutée dans une structure spécialiste de la participation. Intervenant dès la sensibilisation du public-cible, l’ambassadeur détient un rôle clef tout au long du processus de participation. Dans la phase de diagnostic participatif il prépare les réunions, les anime puis effectue les comptes rendus. 1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 95 PRÉPARER LES RÉUNIONS EN AMONT L’ambassadeur est chargé d’organiser les réunions et de coordonner les équipes mobilisées pour l’atelier (usagers, élus, membres du GIP, techniciens). Présent sur le terrain, allant à la rencontre des habitants, il a connaissance des dynamiques existantes. Il permet de récolter suffisamment de matière pour enrichir l’analyse et préparer en amont les réunions participatives. Sa connaissance du terrain lui permet d’orienter les réunions vers des lieux signifiants et des créneaux horaires adaptés. L’ambassadeur va également à la rencontre du public qui ne participe pas aux ateliers. Sa présence sur le terrain est donc indispensable pour intégrer au diagnostic participatif les perceptions et envies d’un panel représentatif de la population. Il pourra, à ce titre, être chargé de réaliser des enquêtes qualitatives, voire quantitatives auprès des usagers du quartier. ANIMER LES RÉUNIONS En tant qu’animateur des réunions, l’ambassadeur veille au bon déroulement de cellesci. Accueillant le public, présentant et remerciant les différents intervenants, il annonce également l’ordre du jour et décrit les modalités de l’atelier. Ce rôle est donc très important puisqu’il permet de définir clairement les objectifs et sous-objectifs des séances. Il est également chargé de régler les conflits, ainsi que les imprévus pouvant avoir lieu au cours de la réunion. Il détient un rôle fondamental puisqu’il est amené à adapter les exercices au contexte. Il peut par exemple redéfinir des sous-objectifs, au cours même d’une séance si le contexte ne lui parait pas propice et adapté. Participant au bon déroulement des ateliers, il veille à ce que l’expertise d’usage soit placée au coeur des réfléxions. Il doit équilibrer le temps de parole entre les participants, en veillant à ce que le discours politique ne prenne pas le pas sur les temps de débat entre les autres participants. Enfin il est chargé de clôturer la réunion dans les délais fixés. A cette occasion, il doit présenter le programme des séances suivantes. 96 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION EFFECTUER LES COMPTES RENDUS DE RÉUNIONS L’ambassadeur désigne également, en début de chaque séance, un rapporteur. La personne peut être choisie parmi les usagers du quartier Joliette - Bon Pasteur ou au sein de l’équipe du GIP Politique de la Ville. Elle rédige des notes qui constituent un support essentiel à la rédaction des comptes rendus dans lesquels doivent figurer les objectifs réalisés et les objectifs prévisionnels. Par exemple l’ensemble des thèmes et sous-thèmes ont-ils bien été abordés ? Quels sujets ont émergé ? En conclusion, l’ambassadeur établit le lien entre les élus, les usagers et les intervenants en instaurant un climat propice au dialogue. Favorisant l’échange et les interactions entre ces différents acteurs, il permet de pérenniser la dynamique participative dans la durée. Il veille à établir des relations complémentaires entre les acteurs en opposition à des relations construites sur des rapports de force. Présent tout au long du processus participatif, il assure la continuité entre les phases de sensibilisation, de diagnostic, de coélaboration puis d’évaluation. Sa vision globale le place en clef de voute dans l’élaboration du diagnostic participatif et plus généralement de l’ensemble du processus. Établir une complémentarité entre les acteurs Dans les nouveaux principes de la démocratie locale, tout le monde peut être expert (M. Nonjon, 2006). Alors que les relations du triptyque « élus-techniciens-citoyens » ont longtemps été conflictuelles, elles sont de plus en plus perçues comme complémentaires. C’est la diversité du savoir-faire et du savoir-être de chacun qui constitue la richesse d’un diagnostic participatif. Afin de cerner les contributions des différents acteurs, nous avons repris le trio élus-techniciens-citoyens auquel nous avons ajouté une catégorie : l’intervenant extérieur. 1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 97 2.1.2 L’ELU : LEGITIMATEUR DE LA DEMARCHE Lors des ateliers, il n’y a pas d’enjeux de pouvoir, pas d’arbitrage ou de décisions à prendre. Le rôle de l’élu est d’écouter les débats, d’y participer pour les alimenter de sa vision du territoire et de ses enjeux. Sa présence sert également à crédibiliser la démarche participative. L’absence d’élus priverait non seulement la démarche d’une vision complémentaire riche mais laisserait également les usagers penser que la démarche n’aura pas d’incidence sur la réalisation de projets. 2.1.3 L’USAGER : UN EXPERT L’expertise d’usage s’appuie sur les savoirs concrets dont dispose une diversité d’acteurs. Elle permet d’appréhender le territoire de manière sensible. Cette expertise se développe grâce à l’expérience de proximité, inhérente à l’utilisation au quotidien des espaces urbains, des relations sociales et des espaces privatifs. L’impératif participatif nécessaire à ce diagnostic doit permettre la reconnaissance et la valorisation de l’expertise d’usage et l’utiliser comme base de travail. Ce point de vue est d’autant plus intéressant qu’il est nécessaire pour évaluer l’habitabilité du quartier (N. Blanc, 2010). L’évaluation de l’habitabilité nous interroge sur la capacité des habitants, et plus largement des usagers, à se saisir des ressources du territoire pour mieux se les approprier. 98 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION 2.1.4 LE TECHNICIEN : UN REGARD COMPLEMENTAIRE A l’inverse, le technicien apporte un regard davantage « technique » telle une traduction du regard « sensible » des participants en qualifiant leurs ressentis grâce aux formes urbaines, au mobilier urbain, etc. Son rôle est donc d’analyser l’approche sensible des usagers pour la traduire en termes d’éléments urbains. Cela concerne notamment l’atelier sur les espaces publics. Certains usagers ne seront pas en mesure d’expliquer immédiatement les raisons de leur utilisation ou de leur non-utilisation. Le technicien pourra alors les guider, les questionner et ainsi les pousser à s’interroger sur les critères d’appréciation de ces espaces. 2.1.5 LES INTERVENANTS EXTERIEURS Les intervenants extérieurs enrichissent le débat lors des réunions. Dans le cadre de cette démarche participative, il s’agit de mobiliser des structures ou des personnes qui apportent leurs connaissances sur un sujet précis. Ainsi les intervenants ont été spécificiquement choisis pour chacune des réunions d’atelier (voir 2.3 « Les fiches d’aide au pilotage »). 1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 99 2.2 UN CADRE D’ATELIER SOUPLE ET ORIGINAL Le quartier Joliette - Bon Pasteur présente une réalité complexe, marquée à la fois par de fortes interactions sociales au sud et un amoindrissement des pratiques des espaces publics au nord. Un modèle préconçu de participation ne peut lui convenir. Dès la phase de sensibilisation, les méthodes employées doivent être adaptées et donc innovantes et percutantes. Au même titre, les ateliers ne devront pas être organisés de manière scolaire ou trop normative, à savoir, un intervenant face à un parterre d’auditeurs. Ainsi pour chacun d’entre eux on retrouvera des buffets ou des expositions photos qui permettent d’instaurer un climat convivial. 2.2.1 DES BUFFETS FAVORISANT LES DISCUSSIONS Afin d’attirer les personnes, leur permettre de faire connaissance, d’échanger de manière informelle, les réunions seront organisées autour d’évènements conviviaux tels que des apéritifs ou des buffets (figure 44). Nous proposons notamment de faire participer le collectif Disco Soupe. C’est lors de la manifestation « Faire la ville autrement », organisée par Robin des Villes en février 2015 que nous avons découvert l’association Disco Soupe. Ses membres récupèrent les aliments invendus des supermarchés, afin d’éviter le gaspillage. Organisant régulièrement des ateliers visant à cuisiner les aliments et à les mettre en conserves, ils couvrent également de nombreux évènements en organisant des buffets avec la nourriture récupérée. S’ins crivant clairement dans une pratique de développement durable puisqu’elle évite le gaspillage alimentaire, l’association permet de générer du lien autour de son activité. Lors d’un entretien, une habitante du quartier Bon Pasteur nous a confié qu’elle allait régulièrement avec ses colocataires, du côté Joliette, afin de récupérer dans les poubelles les aliments consommables et de les redistribuer auprès de certains voisins. Ces pratiques informelles témoignent des liens de solidarité existants dans le quartier. Cependant, cette même habitante s’est également montrée réticente à la mise en place d’un cadre associatif pour pérenniser cette pratique. L’implication des habitants dans la mise en œuvre des buffets ou autres manifestations visant à mobiliser le public autour 100 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION du diagnostic participatif peut amorcer le dialogue sur la formalisation des pratiques de solidarité existantes. En se dotant d’un statut associatif, ces habitants du quartier pourraient en effet récolter davantage d’aliments auprès des commerces et ne plus les récupérer directement dans les poubelles. Disco Soupe Figure 44 : préparation d’un buffet avec l’aide des participants lors d’un évènement culturel 1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 101 2.2.2 UN ESPACE CHALEUREUX L’idée d’une maison de la participation permet d’instaurer un cadre convivial et familial. Ce dernier est essentiel pour établir un climat propice au dialogue. L’agencement de l’espace et la décoration de ce lieu sont alors des éléments très importants (E. Hauptmann, 2010). Les tables ne doivent pas être alignées mais organisées sous forme de tables rondes pour favoriser le dialogue entre les acteurs. Leur disposition peut également s’adapter aux exercices en petits groupes qui sont proposés dans les fiches d’aide au pilotage. Enfin les différents acteurs doivent pouvoir s’approprier ce lieu. Pour cela des tableaux, affiches, cadres photos sont mis à disposition des participants. Ces derniers peuvent y placer tracts, photos, dessins, poèmes, écrits et diverses créations qui participent à la convivialité du lieu et au débat entre les participants. Nous pouvons imaginer l’affichage d’une carte, sur lesquels les participants indiqueraient les initiatives citoyennes ayant déjà eu lieu dans le quartier, en s’inspirant de la carte de Robin des Villes lors des Rencontres du Cadre de Ville (figure 45). Figure 45 : carte participative de recensement des initiatives citoyennes à Marseille Robin des Villes 102 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION 2.3 LES FICHES D’AIDE AU PILOTAGE Sur la base des enjeux du diagnostic préalable, cinq thèmes ont été choisis pour leur capacité à intéresser les usagers, à couvrir certaines des problématiques du quartier, à produire du débat et à enrichir le diagnostic préalable d’éléments peu analysés tels que l’état du logement ou les interactions sociales dans les espaces intermédiaires. Il s’agit de la vie de quartier, des espaces publics, des commerces et services de proximité, des déplacements et enfin du logement et des relations de voisinage. Les thèmes n’ont volontairement pas été problématisés, afin de laisser une importante marge de manœuvre aux usagers et de ne pas trop orienter leurs regards et ainsi leurs envies en ce qui concerne les projets. Les fiches d’aide au pilotage conservent la même structure afin d’en assurer la lisibilité. On retrouve pour chacune d’entre elles le thème abordé, un nuage de mots comportant les thèmes clefs, puis les exercices proposés selon les objectifs définis. Cette partie ne vise pas à détailler l’ensemble des ateliers thématiques que nous proposons durant le processus participatif, mais elle expose les réflexions qui ont mené à la réalisation des fiches d’aide au pilotage. Elle précise les thèmes abordés, démontre leur intérêt au regard des critères de l’habitabilité, présente les acteurs qui seront sollicités dans les ateliers. Enfin, elle livre des scénarios d’ateliers avec les enjeux potentiels qui peuvent en découler. En ce qui concerne les acteurs mobilisés durant les différents ateliers de diagnostic participatif, on distingue ceux qui interviennent de manière systématique de ceux qui interviennent ponctuellement. Alors que l’ambassadeur et les techniciens du GIP de la Politique de la Ville seront présents pour toutes les séances, les élus et intervenants extérieurs varient selon les thématiques d’atelier abordées. Afin d’éviter les répétitions, nous avons seulement justifié le choix de ces deux dernières catégories d’acteurs. 1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 103 Enfin, les scénarios sont des récits fictifs du déroulement des ateliers. Ils permettent d’imaginer certains des enjeux qui seront soulevés et la manière dont ils se révèlent à travers le discours des participants. Nous avons construits ces scénarios en s’appuyant sur le diagnostic préalable. Néanmoins, nous ne pouvons savoir à ce stade si ces enjeux seront effectivement soulevés par les participants. Ces scénarios apparaîtront sous formes d’encadrés. 2.3.1 ATELIER 1 : VIE DE QUARTIER Thème large et ludique, il constitue une entrée en matière pour le diagnostic participatif. La vie de quartier correspond à tous les évènements ou manifestations et plus généralement aux liens quotidiens de solidarités existants qui contribuent à rendre le quartier vivant. On peut également dresser cette analyse en creux, en identifiant les éléments manquant à l’animation d’un quartier. Au regard de la notion d’habitabilité, l’évocation de la vie de quartier présente un intérêt puisqu’elle fait écho aux capacités de création des habitants. La création renvoie à la fois aux aspects physiques et artistiques, mais également aux liens qui peuvent découler de ces initiatives. Les différents exercices des ateliers du diagnostic participatif visent à soulever plusieurs interrogations. Quels sont la fréquence et le type des évènements ayant lieu dans le quartier ? Quels sont les lieux qui existent pour les accueillir ? L’offre culturelle est-elle en adéquation avec les habitants du quartier ? Existe-il des conflits faisant obstacle à la vie de quartier ? Visant à apporter des réponses à ces questions et, au-delà, à en poser de nouvelles, les exercices de cet atelier participatif nécessitent de mobiliser plusieurs acteurs. En reprenant les différentes catégories d’acteurs que nous avons identifiées, nous précisons ici lesquels peuvent intervenir dans l’atelier « vie de quartier ». 104 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION L’ÉLU MOBILISÉ Nous pensons faire intervenir l’adjointe au Maire chargée de la Jeunesse, de l’animation dans les quartiers et du droit des femmes. Sandra Ben Brahim, agent de développement au GIP Politique de la Ville, avait souligné l’importance de prendre en considération les enfants et les jeunes dans le quartier. C’est en partie pour cela qu’il est intéressant de mobiliser cette élue. LES INTERVENANTS EXTÉRIEURS Ayant assisté aux rencontres « Faire la ville autrement » organisées par Robin des villes, il nous semble intéressant de faire intervenir cette association. Son expertise dans le domaine de la concertation constitue une réelle plus-value dans le cadre de cet atelier. Il semble également important de faire intervenir le personnel des écoles et des lycées, qui peut apporter ses connaissances et son savoir faire en ce qui concerne la jeunesse et l’éducation. D’autres acteurs ayant en charge les loisirs de la jeunesse, comme l’association Petit à Petit peuvent être conviés. Le scénario Au cours des exercices, différents éléments ressortent du discours des habitants • Il existe peu d’évènements sur le quartier : • Les structures culturelles ne sont pas toujours en adéquation avec la population. Une habitante a déclaré ne pas se rendre volontairement au FRAC car cette structure ne correspondait pas à ses attentes. • On constate un manque d’espaces de liberté et de locaux disponibles pour favoriser les initiatives. • D’autres habitants ont également montré leur volonté d’investir le quartier à travers des projets d’agriculture urbaine. 1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 105 2.3.2 ATELIER 2 : ESPACES PUBLICS Définis comme les espaces librement accessibles à tous, les espaces publics sont très divers dans le quartier Joliette - Bon Pasteur. Alors qu’on retrouve des places et jardins dans le secteur Joliette, dans le secteur Bon Pasteur, c’est davantage la rue qui est pratiquée. C’est pour mieux analyser les différentes pratiques de ces espaces qu’il nous a semblé important de réaliser un atelier sur ce sujet. Par ailleurs, l’appropriation des espaces publics est essentielle à l’appropriation d’un quartier et à l’impulsion de dynamiques créatives. Ainsi, ils contribuent à développer l’habitabilité globale du quartier. L’atelier sur les espaces publics sera le seul à se dérouler sur deux jours. En effet, en vue de réaliser un diagnostic en marchant, il est nécessaire de dissocier la séance de préparation de la séance d’observation de terrain. Pour cet atelier, nous avons pensé à faire intervenir différents acteurs. LES ÉLUS MOBILISÉS Pour les raisons précitées, nous pensons que l’adjoint chargé de la jeunesse, de l’animation dans les quartiers et du droit des femmes doit également être présent sur la question des espaces publics. Il serait intéressant qu’il soit accompagné de l’adjoint en charge des espaces naturels parcs et jardins qui, au vue de son domaine de compétence, pourra enrichir les débats. En effet, le peu de végétalisation des espaces publics du quartier nous laisse penser que cette question devrait être abordée au cours de cet atelier. 106 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION LES INTERVENANTS EXTÉRIEURS Le CAUE 13 a réalisé, dans la commune d’Aureille, un projet participatif. Comprenant une phase de diagnostic, cette expérimentation a poussé notamment les habitants à s’interroger sur les espaces qu’ils pratiquaient et à poser des questions sur les projets en cours. De par sa connaissance du département, des problématiques concernant les espaces publics, et de par son approche ludique du territoire, il représente un intervenant extérieur approprié. Il est également nécessaire de faire intervenir une personne compétente d’Euroméditerranée. En effet, l’aménagement de certains espaces, comme l’espace Trame Mirès, a été conduit par Euroméditerranée. A ce regard de technicien, il faudrait également ajouter celui d’autres acteurs chargés de la gestion de ces espaces et conscients des réalités du terrain. Les agents municipaux en charge de la voirie ou de la propreté doivent également être conviés à ce titre. Scénario Plusieurs éléments sont ressortis de cet atelier : • Il existe peu d’espaces publics • Les rares espaces publics existants dans le secteur Joliette sont peu pratiqués • La rue est appropriée dans le secteur Bon Pasteur • Des conflits existent autour de l’appropriation des espaces publics. Lors de l’atelier un membre de l’association « Petit à Petit » nous a rapporté l’existence de conflits autour de l’appropriation d’un trottoir. Un habitant avait, en effet, souhaité porter plainte suite à la pose de pots de fleurs dans la rue. 1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 107 2.3.3 ATELIER 3 : COMMERCES ET SERVICES DE PROXIMITE Dans un quartier ou les difficultés économiques sont nombreuses, il est essentiel d’aborder le thème des commerces et services de proximité. De plus le diagnostic préalable a révélé de nombreuses inégalités entre le secteur Joliette et le secteur Bon Pasteur. L’enjeu de cet atelier est d’analyser les manques du quartier et de révéler les potentialités économiques au regard des principes de l’économie sociale et solidaire. En effet cette dernière étant génératrice de liens, elle favorise les interactions et ainsi l’habitabilité globale du quartier. L’ÉLU MOBILISÉ C’est l’adjoint en charge du commerce, de l’artisanat, des professions libérales et du Grand Centre-Ville qui est mobilisé pour cet atelier. Sa connaissance des enjeux économiques à l’échelle du quartier comme de la ville permettra d’enrichir les débats d’une vision globale. Ces enjeux sont particulièrement intéressants en raison du déclin économique qu’a connu le centre-ville de Marseille y compris le quartier Joliette - Bon Pasteur. LES INTERVENANTS EXTÉRIEURS Afin de sensibiliser à l’économie sociale et solidaire, l’intervention d’un acteur extérieur, ayant une vision large de cette dernière, est importante. La Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire, qui comporte notamment un pôle « développement et territoires », constitue un intervenant idéal. De par sa connaissance notamment de milieux associatifs et coopératifs, ses représentants sont expérimentés en matière d’ateliers participatifs. De plus,les valeurs que porte l’économie sociale et solidaire, à savoir replacer l’être humain au cœur de l’économie, sont en accord avec la démarche participative. 108 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION Nos différents entretiens avec les représentants de la Politique de la Ville ont dévoilé l’attention qu’ils portaient au commerce de proximité, mais aussi à la valorisation du Marché du Soleil qui y est implanté. Il est essentiel de veiller à ce que des commerçants du quartier ainsi que des représentants du Marché du soleil soient présents afin de favoriser le dialogue entre ces différents acteurs. Scénario Au cours de l’atelier plusieurs éléments ont émergé : • La nécessité d’implanter davantage de commerces de proximité en adéquation avec la demande des usagers (des prix pratiqués plus bas). • La volonté de certains habitants de créer leurs propres emplois à partir de leurs savoir-faire. Les habitantes particulièrement impliquées dans la démarche participative ont ainsi fait part de leur volonté d’utiliser leurs savoir-faire dans les domaines de la cuisine, de la couture ou du jardinage. Elles souhaitent ainsi créer des petits commerces ou des associations. • La volonté de valoriser le Marché du soleil et de véhiculer une image singulière (une identité) à l’ensemble du quartier. 1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 109 2.3.4 ATELIER 4 : DÉPLACEMENTS Qu’il s’agisse de la mobilité à l’intérieur du quartier, ou à l’extérieur, il est nécessaire d’approfondir le sujet en laissant les différents acteurs s’exprimer. Dans le quartier Joliette Bon Basteur, on constate que se côtoient des formes de déplacements doux (marche à pied, trottinettes, bicyclettes, etc.) et un usage intense de l’automobile qui vient parfois perturber ces premiers. L’appropriation et l’adaptation d’un quartier par ses usagers dépendant fortement de leurs capacités à se déplacer, à cheminer, les questionner sur leurs ressentis et leur mode de déplacement contribue à enrichir le diagnostic participatif. Cet atelier vise alors à repérer les itinéraires fréquemment employés et, a contrario, ceux peu pratiqués. Il est destiné à repérer les obstacles existants qui empêchent certains cheminements. L’atelier sur les espaces publics, précédemment présenté, est composé d’une séance en salle et d’une deuxième séance dédiée au « diagnostic en marchant ». Débuter par la séance en salle est possible car les usagers connaissent ces espaces publics, ils peuvent les localiser et sont capables de les qualifier. Dans l’atelier « déplacements », le « diagnostic en marchant » est nécessaire pour évaluer le confort piéton car les usagers auraient des difficultés à localiser les rues et à se rappeler leur état. Le « diagnostic en marchant » suffit à évaluer le confort de ces rues et repérer les obstacles, c’est pourquoi il n’est pas précédé d’une séance en salle. 110 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION LES ÉLUS MOBILISÉS La participation de l’élu en charge de l’emploi, des déplacements et des transports urbains ainsi que l’adjoint en charge de l’environnement, du développement durable, du plan climat, du cadre de Vie et de la qualité de ville serait enrichissante. Ces deux derniers thèmes semblent particulièrement propices au dialogue dans le cadre d’un atelier qui aborde la qualité des cheminements piétons. LES INTERVENANTS EXTÉRIEURS Dans le cadre de l’atelier sur les déplacements, nous porposons l’intervention de la Compagnie des Rêves Urbains qui organise de nombreuses ballades urbaines en sensibilisant le public à l’analyse du cadre de vie. Scénario Plusieurs enjeux ont été soulevés lors de l’atelier sur les déplacements : • La nécessité d’accorder plus de place aux déplacements piétons. • La volonté de réduire la circulation automobile. • Lors du diagnostic en marchant de nombreux habitants se sont ainsi plaints de ne pas pouvoir circuler aisément à pied dans l’ensemble du quartier. Ils ont relevé la présence de nombreuses grilles empêchant l’accès à l’intérieur de certains îlots alors qu’ils pourraient être traversés. 1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 111 2.3.5 ATELIER 5 : LOGEMENTS ET RELATIONS DE VOISINAGE Au cœur de l’habitat, le logement est un enjeu primordial du quartier Joliette Bon Pasteur. La difficulté d’accès aux informations, ainsi que l’impossibilité de visiter des logements du quartier, font de cet atelier un module essentiel du diagnostic participatif. Faire venir les usagers à la rencontre du porteur de projet est donc fondamental pour préciser les enjeux liés au logement et aux relations dans les espaces privés collectifs. L’objectif de cet atelier est de repérer les formes de mal-logement, qu’elles soient liées à l’insalubrité, au surpeuplement, à la précarité énergétique ou à une combinaison de ces facteurs. Il s’agit également de repérer d’autres formes d’insatisfactions et les aspirations des habitants en ce qui concerne leur logement ou leurs relations de voisinage. L’ÉLU MOBILISÉ L’adjoint au maire en charge de la Politique de la Ville et de la rénovation urbaine est invité à cet atelier. Ce choix permet d’élargir la problématique du logement à celle de l’habitat et du cadre de vie en général, tout en accordant une place importante aux problèmes de mal-logement. LES INTERVENANTS EXTÉRIEURS Pour cet atelier, nous avons pensé à faire intervenir le GIP Marseille Rénovation Urbaine qui pourra apporter son expertise sur la rénovation urbaine dans le quartier Joliette - Bon Pasteur. Une intervention du PACT 13, spécialisé dans les questions du mal-logement et habitué aux rencontres avec le public pourra également enrichir les différents exercices. 112 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION Scénario Plusieurs enjeux ont été révélés lors de cet atelier : • La nécessité de résorber le mal-logement. • La nécessité de favoriser la construction de logement social. • Cette réunion a été particulièrement animée car de nombreux habitants ont montré une réelle inquiétude face aux travaux de rénovation urbaine menés par Euroméditerranée. En effet, dans le secteur Joliette ces travaux avaient engendré de nombreuses expulsions. 1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 113 2.4 LE RAPPORT DE DIAGNOSTIC Le rapport de diagnostic est établi grâce aux comptes rendus des réunions qui mettent à jour les enjeux ressortant des différents ateliers. Cependant, si les ateliers sont classés par thèmes, il ne s’agit pas de réaliser un rapport de diagnostic thématique. En effet, l’ambassadeur, chargé de sa rédaction, doit retranscrire les interactions entre les acteurs, les enjeux évoqués, etc. Il est chargé d’identifier les complémentarités entre les différentes expertises (usages, techniques, etc.), tout en apportant la sienne. Dans ce rapport paraissent ainsi les différents dysfonctionnements et potentialités du territoire. Il constitue donc un support essentiel pour la mise en place de la phase de coélaboration. C’est la nécessité d’intégrer les usagers en amont des projets, croisée au manque de littérature sur la méthodologie de diagnostic participatif qui nous ont poussés à créer notre propre méthode. Cette dernière reste expérimentale et comporte des limites. On ne peut qu’établir des suppositions quant au bon déroulement des ateliers et à la nature des enjeux qui en ressortent. Les scénarios présentés découlent ainsi uniquement de nos perceptions et analyses du quartier. Cependant, ils nous ont permis de réfléchir à la nature des projets qui pourraient être mis en place sur le quartier Joliette - Bon Pasteur et sur le déroulement de la phase de coélaboration. 114 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION 3 COÉLABORATION DU PROJET Si la littérature sur la méthodologie de diagnostic participatif souffre d’un réel manque, à l’inverse, la littérature sur la méthodologie de la coélaboration est abondante. C’est pourquoi nous l’avons moins développée. De plus, ne pouvant pas asseoir notre méthodologie sur les enjeux qui pourront ressortir des ateliers, nous ne pouvons proposer une méthode aboutie et des projets prédéfinis. En effet, pour rester fidèles à notre démarche, c’est aux citoyens d’affirmer ce qu’ils souhaitent pour améliorer leur cadre de vie. C’est pour cela que l’outil opérationnel qui est proposé ne prédéfinit pas de thèmes et exercices, à l’inverse des fiches d’aide au pilotage. Il s’agit d’évoquer les grands principes des réunions de coélaboration et de présenter l’outil opérationnel qui les accompagne : le catalogue des initiatives. 3.1 COMMENT ÉLABORER UNE DÉMARCHE DE PARTICIPATION PARTENARIALE ? Un des premiers critères d’évaluation des démarches est l’ordre dans lequel interviennent les différents acteurs dans l’élaboration du projet. Plus l’implication des usagers arrive tard dans le processus d’élaboration du projet, moins la démarche peut être qualifiée de partenariale. Impliquer l’usager en aval n’est pas gage d’une prise en compte de son expertise ni de son avis. L’ensemble de la démarche repose ainsi sur l’implication précoce et pérenne des citoyens dans la démarche. 1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 115 3.1.1 PARTIR DES ENJEUX DU DIAGNOSTIC PARTICIPATIF Le point de départ de la réflexion est le rapport du diagnostic participatif qui retrace les différents enjeux soulevés au cours des réunions du diagnostic participatif. Un premier travail en atelier permettra d’amorcer une réflexion sur la transversalité et la complémentarité de ces enjeux qui ont été énoncés par thématique. De cette séance doivent résulter les premières pistes d’intervention qui seront discutées dans les ateliers à venir. 3.1.2 ORGANISER DES RÉUNIONS DE TRAVAIL RÉGULIÈRES Le programme des ateliers sera constitué en partenariat avec les usagers pour que la durée, la fréquence, le(s) lieu(x) correspondent aux disponibilités des participants. La séance doit durer suffisamment longtemps pour que le débat soit constructif et la fréquence entre chaque séance doit permettre un temps de réflexion personnel. Le but de ces ateliers est de trouver des solutions aux enjeux révélés dans le diagnostic participatif. Pour aider les participants à trouver des solutions innovantes et surtout adaptées au contexte, ils auront accès à un « catalogue des initiatives ». Ce document de travail regroupe différentes initiatives réalisées en France ou ailleurs. Il a pour but d’alimenter les débats, de montrer le champ des possibles et de stimuler la créativité. Il est construit sur le principe de fiches d’information sur lesquelles apparaissent le principe du projet, ses conditions de réussite, une carte indiquant les lieux de développement potentiels dans le quartier ainsi que des liens vers des sites internet pour en savoir plus. Il s’agit d’une liste non exhaustive car il existe de très nombreuses initiatives en France et dans le monde. Dans ce catalogue, ne figurent pas de projets nécessitant l’intervention institutionnelle comme maitre d’ouvrage car la volonté politique de réalisation de projets sur le quartier Joliette - 116 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION Bon Pasteur reste une variable inconnue. Dans ces conditions, nous ne pouvons prendre le risque de proposer des projets sans la garantie d’une intervention institutionnelle. Nous sommes convaincus que ces grands projets émaneront naturellement de la démarche participative. 3.1.3 PROPOSER DES OUTILS D’EXPRESSION VARIÉS Des idées d’intervention peuvent venir du public ne participant pas aux réunions de travail. Il convient donc d’offrir une diversité de moyens d’expression accessible à tous. On peut penser à la mise à disposition de tableaux d’expression libre dans le quartier sur lequel les usagers pourraient coller ou agrafer leurs idées. On peut mobiliser l’outil internet par lequel une autre partie de la population (notamment les jeunes) pourrait s’exprimer. Mais le meilleur outil de récolte des idées reste l’immersion de l’ambassadeur sur le terrain. Ce dernier irait à la rencontre des habitants pour les interroger sur leurs envies et leurs idées d’action. 3.1.4 ORGANISER DES RESTITUTIONS INTERMÉDIAIRES EN PUBLIC Au fur et à mesure de l’avancée des réunions, il est indispensable d’en restituer le compte rendu pour qu’il puisse être critiqué par les personnes extérieures aux ateliers. Loin de remettre en question ce qui se fait en réunion, ces critiques permettront d’enrichir la réflexion de visions nouvelles et alternatives. Les évènement auront vraisemblablement lieu le samedi dans les espaces publics du quartier. Les participants pourraient utiliser les locaux de « la Maison de la participation » pour relayer les débats des ateliers auprès des autres usagers en s’appuyant sur les schémas, les plans ou toute autre production réalisée au cours des séances. 1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 117 A Aubagne, en 2013, l’Atelier Tramway, un forum participatif municipal, avait pour mission de réfléchir à la requalification du Cours Foch, l’espace public central de la ville qui allait être profondément modifié par le passage des lignes du tramway. Les ateliers étaient ponctués de restitutions sur l’espace public durant lesquelles les usagers pouvaient s’informer des réflexions tenues au sein du groupe de travail et critiquer (positivement ou négativement) les résultats. Bien que ces échanges n’aient pas toujours été constructifs, les avis ont permis d’enrichir les propositions. Ainsi, la demande d’une végétalisation importante du cours qualifiée de nécessaire par le groupe de travail a été revue à la baisse en raison des avis plutôt défavorables de la plupart des usagers rencontrés. 3.1.5 ORGANISER UN ÉVÈNEMENT POPULAIRE POUR LA PRÉSENTATION DU CAHIER DES CHARGES FINAL ET LE LANCEMENT DES PROJETS La restitution finale a pour but de présenter à l’ensemble des usagers les stratégies d’action coélaborées lors des ateliers. C’est une vue d’ensemble du ou des projets. Dans le cas de propositions de projets citoyens, cet évènement est l’occasion de constituer des groupes pour initier ou réaliser une partie de ces projets. Cela peut concerner des micro-projets tels que la végétalisation des rues (dont un guide et une charte sont en cours d’élaboration au sein des services de la Ville de Marseille), la mise en place d’ateliers de cuisine ou de jardinage, etc. Cette restitution est aussi l’occasion de révéler certaines oppositions et donc d’anticiper les potentiels blocages. Un travail d’écoute du public est primordial pour anticiper les conflits d’usages qui pourraient résulter des stratégies retenues. 118 < INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION Un scénario possible de projet Au cours de la première réunion de travail, les participants ont révélé l’existence de conflits entre les élus et les usagers, mais aussi entre usagers. Le conflit d’usage autour de l’installation de pots de fleurs (voir le scénario de l’atelier « Vie de quartier ») est révélateur. En effet, un homme âgé vivant dans la maison de retraite située rue Vincent Leblanc n’était pas d’accord avec un usager qui souhaitait égayer la rue en la fleurissant. L’ambassadeur dont le rôle est également de désamorcer les conflits, a donc souhaité en approfondir les causes. Il est ressorti du débat que les pots de fleurs rendaient le cheminement difficile pour les personnes âgées ou à mobilité réduite. En consultant le catalogue des initiatives, une alternative a été trouvée. La création de fresques urbaines pourrait alors constituer un moyen de rendre la rue plus vivante, sans empêcher le cheminement. Bien que les participants se soient tous mis d’accord sur l’intérêt et l’originalité de ce projet, ce dernier ne comble pas l’envie de jardiner et de fleurir le quartier. Il a donc été convenu de réaliser des jardins partagés sur l’espace Trame Mirès, durant le diagnostic en marchant de l’atelier « espaces publiques », qui s’est révélé être un lien potentiel entre le secteur Joliette et le secteur Bon Pasteur. 1 LA PRÉPARATION DE LA DÉMARCHE | 2 LE DIAGNOSTIC PARTICIPATIF | 3 LA COÉLABORATION DES PROJETS > 119 CONCLUSION L’écocité est amenée à devenir un modèle d’intervention prédominant dans le domaine de l’aménagement urbain. Davantage affilié à une démarche de projet sur des quartiers peu habités, le concept d’écocité semble inadapté pour une intervention dans un quartier existant. Or, la densité nécessite le renouvellement urbain, la construction de « la ville sur la ville » (A. Grumbach, 1998) et ainsi l’adaptation du concept d’écocité aux caractéristiques d’un quartier. L’analyse du quartier Joliette - Bon Pasteur, au prisme du concept de l’habitabilité (N. Blanc, 2010), montre que le quartier est composé de secteurs complémentaires. Dans le secteur Joliette, l’habitabilité est marquée par une qualité élevée des logements, un manque d’espaces publics qualitatifs et une faible intensité des interactions sociales. A l’inverse, dans le secteur Bon Pasteur, l’habitabilité se compose d’une dégradation avancée des logements, un manque en espaces publics et un niveau élevé d’interactions sociales. Cette complémentarité est une force car elle offre à chacun la possibilité de s’approprier au moins une partie du quartier. Cette diversité dans les caractéristiques du quartier rend difficile si ce n’est illégitime une intervention publique unilatéralement élaborée. C’est d’autant plus vrai, que le quartier a déjà été fortement marqué par des opérations de renouvellement urbain telles que celles initiées par Euroméditerranée. La réalisation d’un diagnostic du quartier et l’élaboration de projets avec les usagers du quartier sont donc inévitables pour construire des projets adaptés et durables. C’est pourquoi nous avons donné naissance à la démarche « ça part de là » qui traduit la nécessaire participation des usagers. Leur expertise d’usage pour analyser le quartier et proposer des projets adaptés est une ressource que cette méthodologie place au centre de la démarche. Ainsi, le public-cible appelé à participer ne se limite pas 120 > INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION au résident mais s’élargit à l’échelle de l’usager du quartier, c’est-à-dire, celui qui utilise au moins une ressource du quartier : résident, écolier, passant, etc. Les débats n’en seront que plus riches et transversaux. Toute une phase de préparation précède les séances de travail participatives. Cette première étape permet de déterminer le cadre de la démarche. L’identification du porteur de projet en constitue la base. Dans le quartier Joliette - Bon Pasteur, le GIP Politique de la Ville, de par sa connaissance pointue du quartier, sa proximité avec les habitants et son expérience en matière de participation citoyenne, est le porteur de projet le plus légitime. Il missionnera un « ambassadeur » de la démarche qui aura pour mission de mobiliser le public-cible, animer les réunions et en faire le compte-rendu, accueillir les usagers à la « maison de la participation » pour recueillir les connaissances des usagers et diffuser les résultats des réunions. Une stratégie de mobilisation a été élaborée pour aider le porteur de projet dans cette tâche. Elle préconise l’utilisation d’outils de communications innovants, l’appui sur les personnes-ressource (commerces, associations, etc.) pour élargir le public atteint et l’organisation d’un évènement public et populaire de lancement de la démarche. La phase de diagnostic participatif prend la forme de 5 réunions thématiques pendant lesquelles usager, élu, technicien, intervenant extérieur débattent sous l’animation de l’ambassadeur. Les cinq thématiques ont été choisies pour couvrir un large champ de la vie (espaces publics, déplacements, vie de quartier, commerces et services de proximité et logements et relations de voisinage). Cette phase constitue le cœur de la démarche. Des fiches d’aide au pilotage ont donc été élaborées. Elles ont pour but d’aider le porteur de projet à fertiliser les débats des ateliers. Elles sont composées de plusieurs exercices à faire en petit groupe et avec l’ensemble des participants. Cette phase se conclut par un évènement public durant lequel un rapport de diagnostic est diffusé. > 121 La coélaboration des projets prend également la forme de réunions mais leur contenu et modalités de fonctionnement seront établis par les participants. Néanmoins, dans le but de fertiliser les débats et d’aider les participants, nous avons élaboré un « catalogue des initiatives » recensant différents projets dont la plupart peuvent être réalisés sans l’intervention de la collectivité. Ce catalogue est mis à disposition des participants dans la phase de coélaboration. Il a donc pour but d’illustrer le champ des possibles et de favoriser la participation, l’échange et le dialogue entre les usagers du quartier dans la vie, au-delà de la démarche « ça part de là ». Cette dernière débouchera certainement sur la réalisation de projets citoyens à court terme pour compenser la faible intervention publique. Par ces créations, l’appropriation du quartier augmentera et par la même occasion son habitabilité. La démarche « ça part de là » ne doit cependant pas légitimer le retrait de la puissance publique sur des territoires dont les besoins sont nombreux. En effet, elle est conçue davantage comme une action transitoire précedant des investissements publics conséquents. Elle permet de mobiliser les citoyens, de les amener à échanger sur leurs besoins et leurs aspirations sur la vie du quartier et de se forger une lecture singulière de la ville. Les projets citoyens, qui ne réponderont pas à l’intégralité des besoins, donneront de la visibilité à la communauté qui sera alors apte à analyser, critiquer, améliorer voire proposer des projets à la collectivité. Forte de son expertise d’usage et de son expérience dans la conduite de projet, la communauté sera en capacité, dans le cadre de la participation citoyenne, de donner un avis éclairé sur des projets déclinés à différentes échelles (du trottoir à la métropole). 122 > INTRODUCTION | I. DIAGNOSTIC PRÉALABLE | II. CA PART DE LÀ, UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE | CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE OUVRAGES Bertoncello, Brigitte. Girard, Nicole. Les politiques de centre-ville à Naples et à Marseille : quel renouvellement urbain ?. Méditerranée, Tome 96, 1-2-2001. Politique urbaines à Naples et à Marseille : regards croisés. pp. 61-70. Grumbach, Antoine. La ville sur la ville. Projet urbain, Direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction, 1998. Hauptmann, Eléonore. Concertation citoyenne en urbanisme. Broché, 2010. Nonjon, Magali. « Quand la démocratie se professionnalise... » : enquête sur les experts de la participation. 2006. Roncayolo, Marcel. Marseille, les territoires du temps. Editions locales de France, 1996. Roncayolo, Marcel. Les grammaires d’une ville. Editions EHESS, 1996. Soulier, Nicolas. Reconquérir les rues. Broché, 2012. Terrin, Jean-Jacques. Le projet du projet. Broché, 2014. ARTICLES Blanc, Nathalie. L’habitabilité urbaine in Ecologies urbaines dirigé par Olivier Coutard, Paris : Economica, 2010. p.169-178. Bonnet, Marc. 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(film) RESSOURCES EN LIGNE www.insee.com - www.euromediterranée.com - sig.ville.gouv.fr - www.agam.org.fr > 123 TABLE DES ILLUSTRATIONS Figure 1 : les périmètres du projet d’Euroméditerranée 5 Figure 2a : Une ZUS au coeur d’Euroméditerranée 9 Figure 2b : la dualité des ambiances ressenties en octobre 2014 13 Figure 3 : des tissus urbains différenciés sur les secteurs Bon Pasteur et Joliette en 2014 15 Figure 4 : les extensions réalisées à Marseille sous Louis XIV 16 Figure 5 : l’urbanisation autour de la porte d’Aix dans la première moitié du XIXe siècle 17 Figure 6 : le plan de construction du nouveau port de la Joliette en 1853 18 Figure 7 : le plan d’extension du port et le plan de lotissement de Mirès 1872 19 Figure 8 : une décroissance démographique à Marseille et davantage dans le 2e arrondissement entre 1975 et 1990 23 Figure 9 : Bon Pasteur, un secteur oublié des périmètres d’intervention 26 Figure 10 : une intervention ciblée sur le logement dans le secteur Bon Pasteur 27 Figure 11 : les 35 pôles d’intervention 2011-2021 de l’opération Grand Centre Ville 28 Figure 12 : les IRIS étudiés pour l’analyse statistique 31 Figure 13 : les étals qui animent la rue Bon Pasteur 32 Figure 14a : les revenus fiscaux par unité de consommation en 2011: des disparités allant du simple au quadruple 33 Figure 14b : tag sur le mur des anciens bureaux de Pôle Emploi 34 Figure 15 : une proportion plus importante des logements de petite taille dans le secteur sud en 2011 35 Figure 16 : des façades dégradées dans le secteur Bon Pasteur 36 Figure 17 : les façades dans la rue Pierre Albrand, secteur Joliette 38 Figure 18 : la place de la Joliette en 2012 40 Figure 19 : les actifss occupants des emplois qualifiés sont majoritairement représentés dans le secteur nord du quartier en 2011 41 Figure 20 : une juxtaposition de logements neufs et anciens 43 Figure 21 : une part importante de logements ont été construits par Euroméditerranée à l’Evêché- 124 > les-Docks 44 Figure 22 : les barrières d’interdiction d’accès au centre de l’îlot M5 45 Figure 23 : une offre commerciale diversifiée en 2014 46 Figure 24 : les espaces ouverts en coeur d’îlots appropriés au détriment de la rue 47 Figure 25 : le parvis du collège Izzo, un espace dédié au passage 51 a) Trame urbaine 51 b) vue aérienne 51 Figure 26 : la place Gantes, un espace dédié au passage 52 a) Trame urbaine 52 b) vue aérienne 52 Figure 27 : un aménagement extraverti 52 Figure 28 : l’espace public « Mirès », un espace peu adapté au public 53 Figure 29 : l’espace public « Mirès » inondé 53 Figure 30a : un trafic routier générateur de nuisances sur le Boulevard de Paris 54 Figure 30b : un trottoir inutilisable par le piéton dans la rue Montolieu 55 Figure 30c : un trottoir large et confortable dans la rue Désirée Clary 55 Figure 30d : une déambulation piétonne confortable à l’intérieur du quartier 56 Figure 30e : un trafic automobile constant dans la rue Désirée Clary 57 Figure 31 : un quartier connecté au reste de la ville grâce à de nombreuses lignes de transport collectif 59 Figure 32 : un accès au quartier facilité par la proximité aux axes autoroutiers en 2014 60 Figure 33 : une habitabilité aux caractéristiques distinctes mais complémentaires 63 Figure 34a : une affiche de révolte à l’égard de « l’urbanisme » dans la rue Montolieu 68 Figure 34b : échelle de la participation élaborée par S.R. Arnstein 70 Figure 34c : le secteur Joliette sort de la géographie prioritaire des nouveaux Contrats de Ville (à droite) 75 Figure 35 : actions participatives menées dans le cadre de projets d’aménagements urbain par le GIP Politique de la Ville et le GIP Marseille Rénovation Urbaine 76 Figure 36 : les apports des usagers ciblés pour participer à la démarche participative 81 Figure 37a : une diversité d’informations grâce au Clean Tag 84 Figure 37b : les visuels standards de la participation 85 Figure 39 : première affiche de la campagne à être diffusée dans les stations du métro parisien 87 Figure 40 : deuxième affiche du groupe Indochine diffusée peu après, avec cette fois-ci, des informations sur leur tournée 87 Figure 41 : des réalisations de l’école d’art « Axe Sud » située sur le quartier 88 Figure 42a : les personnes-ressources comme relais de la mobilisation 90 Figure 42b : fermeture d’une rue à Sauzès-Vaussais pour le lancement d’une démarche participative 92 Figure 43 : le planning prévisionnel de la démarche participative 93 Figure 44 : préparation d’un buffet avec l’aide des participants lors d’un évènement culturel 101 Figure 45 : carte participative de recensement des initiatives citoyennes à Marseille 102 > 125 TABLE DES MATIÈRES Introduction 4 PARTIE I : UN DIAGNOSTIC PRÉALABLE POUR REDÉFINIR L’ÉCOCITÉ 7 L’entrée par l’analyse sensible 11 1 Constitution, évolution et scission d’un quartier 14 1.1 Les grandes étapes de la constitution du quartier : 1666-1970 15 1.1.1. Du faubourg agricole au faubourg industriel (1666-1853) 16 1.1.2 La trame Mirès, reflet d’une ambition nationale : Marseille capitale de la Méditerranée (18541891) 18 1.1.3 L’appropriation du quartier par des classes populaires (1892-1970) 21 1.2 Un espace traité de manière différenciée par les politiques d’aménagement : 1970-2014 23 1.2.1 Le quartier Joliette-Bon Pasteur, un espace oublié des politiques urbaines ? 1970-1990 23 1.2.2. Un espace dévalorisé 24 1.2.3. De la capitale de la Méditerranée à la capitale Euroméditerranéenne ? 24 2 Un quartier, deux formes de dynamiques métropolitaines 29 2.1 Le secteur Bon Pasteur, entre fragilités et ressources 32 2.1.1 Une population précaire 33 2.1.2 Le logement, catalyseur des difficultés socio-économiques 35 2.1.3 Une sociabilité développée grâce à une appropriation de la rue 38 2.2 Joliette, un espace neuf et attractif pour de jeunes actifs 40 2.2.1 Une population en pleine mutation 41 2.2.2 Des nouveaux logements adaptés à la population active ciblée mais un environnement peu apprécié par celle-ci 43 2.2.3 Un usage de l’espace public du quartier très limité 47 2.3 Dysfonctionnements et potentialités d’un quartier scindé 50 2.3.1 Un manque d’espaces publics qui vide le quartier de dynamiques sociales 50 2.3.2 Des liaisons piétonnes peu évidentes entre les deux espaces 54 2.3.3 Un quartier qui présente des dynamiques métropolitaines à conforter 58 Une habitabilité globale aux caractéristiques différenciées 62 Repenser l’écocité dans une perspective de projet dans le quartier Joliette - Bon pasteur 63 Adapter un concept a un territoire singulier 126 > 64 Prendre en compte les aspirations des habitants 65 Créer une méthodologie de démarche participative pour un projet d’écocité dans un quartier existant 65 PARTIE II : « ÇA PART DE LÀ », UNE DÉMARCHE PARTICIPATIVE 67 1 Préparer le cadre d’un démarche participative 73 1.1 Identification et mobilisation des acteurs 73 1.1.1 Le GIP Politique de la Ville, un porteur de projet légitime 73 1.1.2 Le GIP Politique de la Ville, une structure ancrée dans le quartier Joliette-Bon Pasteur 74 1.1.3 La Politique de la Ville, à proximité des habitants 76 1.1.4 Des partenaires essentiels du GIP Politique de la Ville 77 1.2 Un large éventail d’acteurs à mobiliser 79 1.2.1 Le public-cible : tous les usagers du quartier 79 1.2.2 des élus et des experts pour une vision globale du quartier 82 1.3 Mobiliser le public-cible de manière innovante 83 1.3.1 Captiver le public et développer la curiosité du passant 83 1.3.2 Identifier et mobiliser les personnes-ressources 89 1.3.3 Organiser un évènement populaire accessible et appropriable par tous 91 2 Le diagnostic participatif en pratique 94 2.1 Clarifier le rôle des différents acteurs 95 2.1.1 L’ambassadeur : clef de voute de la démarche participative 95 2.1.2 L’elu : legitimateur de la demarche 98 2.1.3 L’usager : un expert 98 2.1.4 Le technicien : un regard complementaire 99 2.1.5 Les intervenants exterieurs 99 2.2 Un cadre d’atelier souple et original 100 2.2.1 Des buffets favorisant les discussions 100 2.2.2 Un espace chaleureux 102 2.3 Les fiches d’aide au pilotage 103 2.3.1 Atelier 1 : vie de quartier 104 2.3.2 Atelier 2 : espaces publics 106 2.3.3 Atelier 3 : commerces et services de proximite 108 2.3.4 Atelier 4 : déplacements 110 2.3.5 Atelier 5 : logements et relations de voisinage 112 2.4 Le rapport de diagnostic 114 > 127 3 Coélaboration du projet 115 3.1 Comment élaborer une démarche de participation partenariale ? 115 3.1.1 Partir des enjeux du diagnostic participatif 116 3.1.2 Organiser des réunions de travail régulières 116 3.1.3 Proposer des outils d’expression variés 117 3.1.4 Organiser des restitutions intermédiaires en public 117 3.1.5 Organiser un évènement populaire pour la présentation du cahier des charges final et le lancement des projets 118 Conclusion 128 > 120 > 129