SOCIETE ODONTOLOGIQUE DE PARIS REVUE D

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SOCIETE ODONTOLOGIQUE DE PARIS REVUE D
SOCIETE ODONTOLOGIQUE DE PARIS
REVUE D'ODONTOSTOMATOLOGIE - n° 4-2000
DENTISTERIE RESTAURATRICE
L'ADHESION AUX TISSUS DENTAIRES.
Auteurs :
Catherine BESNAULT
Assistant Hospitalo-Universitaire - UFR d’Odontologie - Université PARIS 7 - Denis DIDEROT
Pierre COLON
Maître de Conférences des Universités – Praticien Hospitalier - UFR d’Odontologie - Université PARIS 7 –Denis DIDEROT
Résumé :
L'évolution permanente des systèmes adhésifs a de quoi dérouter le praticien. Il importe d'aborder
aujourd'hui la classification des systèmes adhésifs plus en terme de protocole de mise en œuvre que de
génération. La compréhension des phénomènes aux interfaces permet de dégager six conseils cliniques
applicables dans la pratique journalière. L'approche biologique des phénomènes aux interfaces est à
l'origine des dernières évolutions. C'est encore ce domaine qui va provoquer les prochains bouleversements
avec l'apparition des systèmes adhésifs bioactifs.
Mots-clés :
Dentine - Email - Système adhésif - Couche hybride - Boue dentinaire - Percolation.
DENTAL TISSUE ADHESION
Abstract :
The continuous evolution of adhesive systems is enough to confuse any practitioner. Adhesive system
classification should now be approached more in terms of implementation protocols than in terras of
generation. This article offers six clinical tips resulting from a better understanding of interface phenomena
and applicable in daily practice. This biological approach of interface phenomena is at the origin of the latest
developments and will bring about more major changes with the appearance of bioactive adhesion systems.
Keywords :
Dentin - Enamel - Adhesive system - Hybrid layer - Smear layer - Leakage.
INTRODUCTION
Au cours des années quatre-vingt-dix, la dentisterie a connu de très nombreux bouleversements, qu'il
s'agisse du développement d'une dentisterie préventive non-invasive basée sur le diagnostic précoce et des
techniques de réversion des lésions initiales, de l'évolution des concepts de mise en forme des cavités (non
plus basés sur des concepts mécanistes mais au contraire biologiques) ou de l'explosion des techniques
adhésives et ce, dans des domaines très variés (odontologie restauratrice, prothèse, parodontologie,
orthodontie...).
L'adhésion aux tissus dentaires n'est pourtant pas une technique récente puisque les premiers jalons ont
été posés par Buonocore en 1955. Ce qui a changé, c'est la recherche et l'obtention simultanée de
l'herméticité et de l'adhérence des restaurations grâce aux systèmes dits « de quatrième génération » basés
sur les concepts modernes de l'adhésion.
La fiabilité de ces systèmes adhésifs a permis le développement, aujourd'hui considérable, des techniques
adhésives, qu'il s'agisse des techniques directes ou indirectes. Les évolutions les plus récentes des
systèmes adhésifs se sont orientées vers une simplification des protocoles de mise en œuvre : on a cherché
à réduire le nombre d'étapes cliniques, à faciliter la manipulation tout en conservant les qualités et
performances des systèmes de quatrième génération. C'est ainsi qu'on a vu apparaître sur le marché, des
systèmes « monoflacons », des systèmes automordançants ou, pour les plus récents, des systèmes « touten-un ».
Notre propos ne réside pas dans l'établissement d'un catalogue exhaustif des dernières innovations
techniques mais a pour objectif d'aider le clinicien à faire le point sur les derniers systèmes adhésifs
commercialisés et d'évaluer leurs indications respectives en fonction des différentes situations.
CONCEPTS MODERNES DE L'ADHESION AUX TISSUS DENTAIRES CALCIFIES
Depuis 1955 et les travaux de Buonocore (4), les principes de l'adhésion à l'émail sont parfaitement codifiés.
Il s'agit de créer une surface, qui après traitement à l'acide phosphorique, va présenter des
microanfractuosités dans lesquelles va venir s'ancrer la résine adhésive (5, 16).
Si l'adhésion à l'émail est apparue relativement facile à obtenir, il n'en est pas de même pour la dentine,
notamment du fait des différences entre les deux substrats. Autant l'émail est un tissu essentiellement
minéral et acellulaire, autant la dentine se caractérise par la présence de phases organique et aqueuse
importantes. C'est un substrat hétérogène tant au niveau chimique que structural (Tableau 1).
Tableau 1 :Composition émail/dentine (pourcentages pondéraux et volumiques) (15)
Phase minérale
Phase organique
Eau
% pondéraux
70 %
18 - 22 %
7 - 12 %
% volumiques
48 %
29 %
23 %
De plus, la dentine est un tissu perméable parcouru par un réseau complexe de canalicules largement
anastomosés qui contiennent les prolongements des cellules odontoblastiques. Ces prolongements
odontoblastiques sont baignés par un liquide extracellulaire, le fluide dentinaire, qui est soumis à une
pression hydrostatique positive sous l'effet de la microcirculation pulpaire. Une fois l'émail éliminé, la
circulation du fluide dentinaire va induire la présence d'humidité en surface de la dentine.
C'est d'une part cette phase organique importante et d'autre part la présence d'une humidité intrinsèque qui
rendent plus difficile l'adhésion à la dentine. De plus, le substrat dentinaire présente une variabilité
importante en fonction de l'épaisseur de dentine résiduelle (Tableau 2) (14, 29), de l'âge (7, 11, 30, 33) et
des pathologies (13, 34).
Tableau 2 : Variations structurales de la dentine de la jonction amélo-dentinaire à la pulpe (30, 33).
Distance par
rapport à la pulpe
Proximité pulpaire
0,1 - 0,5
0,6 - 1,0
1,1 - 1,5
1,6 - 2,0
2,1 - 2,5
2,6 - 3,0
3,1 - 3,5
Diamètre des
tubuli (um) Pail et
Schärer (1993
20,5
1,9
1,6
1,2
1,1
0,9
0,8
0,8
Nbre de tubuli X
106 cm-2
S2 DPT
S2 DIT
4,5
4,3
3,8
3,5
3,0
2,3
2,0
1,92,86
66,25
36,58
22,92
11,89
8,55
4,39
3,01
96,18
11,6
51,23
69,44
84,15
88,6
95,15
95,98
S2 DPT : surface de dentine péritubulaire
S2 DIT : surface de dentine inter tubulaire
Une autre caractéristique de la dentine est la présence à sa surface d'un enduit créé lors de la mise en
forme de la cavité : il s'agit de la boue dentinaire constituée de débris organiques, minéraux et de bactéries.
La boue dentinaire, qui a été longtemps considérée comme une barrière naturelle à la pénétration des
irritants en direction pulpaire, est également un obstacle pour l'adhésion à la dentine. En effet, elle est
suffisamment adhérente pour ne pas être éliminée par un simple rinçage mais elle ne présente aucune
propriété adhésive à la dentine saine sous-jacente. Sa conservation a permis notamment d'expliquer l'échec
des premiers systèmes adhésifs commercialisés. Différents concepts de traitement de la boue dentinaire se
sont alors succédés (préservation, imprégnation, modification) au cours de l'évolution des systèmes
adhésifs sans réellement permettre une adhésion fiable à la dentine.
C'est l'apparition du concept du « mordançage total » (12) qui a signé le début de l'ère de la dentisterie
adhésive moderne. Ce traitement de surface consiste à appliquer un gel d'acide phosphorique à 30-40 % à
la fois sur l'émail et sur la dentine.
CONSEIL CLINIQUE 1
L'application se fera d'abord sur la périphérie amélaire puis sur la dentine sans jamais dépasser quinze
secondes sur ce substrat.
Sur l'émail, il va créer des microreliefs pour l'ancrage de la résine et sur la dentine, il va éliminer la boue et
les bouchons dentinaires et déminéraliser superficiellement la dentine sous-jacente afin de permettre,
comme sur l'émail, un ancrage micromécanique. Le principe théorique de l'adhésion est donc le même pour
l'émail et la dentine alors que ces substrats sont très différents l'un de l'autre.
Au niveau dentinaire, après rinçage de l'agent de mordançage, on obtient une couche composée
essentiellement de collagène et d'eau. A ce stade, il est important de conserver un degré d'humidité
suffisant au réseau de collagène sous peine d'induire son collapsus (23, 31).
Lorsque la surface dentinaire est séchée, le réseau de collagène va se collapser, c'est-à-dire que les
espaces situés entre les fibres vont se fermer et celles-ci vont venir en contact les unes avec les autres
Collagène collapsé et non-collapsé (d'après 32)
Or la préservation de ces espaces interfibrillaires est essentielle pour l'infiltration de la résine adhésive et la
création d'une structure caractéristique des adhésifs modernes, la couche hybride (25), dont le rôle dans
l'étanchéité interfaciale et l'adhérence a été démontré par de nombreuses études (19).
Interface dentine-adhésif en microscopie électronique à balayage (grandissement x 3 700).
L'hydratation du réseau de collagène doit donc être suffisante pour éviter le collapsus sans être trop
importante sous peine de nuire aux mécanismes interfaciaux (dilution de la résine adhésive, inhibition de la
polymérisation...) (22, 35). Cliniquement, cette étape de « séchage » qui suit le rinçage de l'agent de
mordançage représente une des difficultés majeures de l'utilisation clinique des systèmes actuels.
CONSEIL CLINIQUE 2
Comment évaluer un « séchage correct » ? Un séchage correct maintient une surface de dentine brillante
sans gouttelettes d'eau, notamment à la jonction entre les différentes parois. Attention à la zone de la
marche cervicale d'une cavité proximale pour laquelle il n'existe pas de voie d'échappement pour l'eau en
excès et pour laquelle le contrôle visuel est parfois difficile.
EVOLUTION DES SYSTEMES ADHESIFS MODERNES
Les systèmes adhésifs dits de « quatrième génération » sont caractérisés par un protocole clinique en trois
temps distincts :
1/ Un mordançage acide à la fois de l'émail et de la dentine par un gel d'acide phosphorique de 30 à 40 %
suivi d'un rinçage soigneux.
2/ L'application d'un promoteur (monomères en solution dans un solvant aqueux ou organique - acétone ou
éthanol pour les plus courants) qui a pour but de remplacer l'eau du réseau de collagène afin de le
transformer en un réseau hydrophobe...
3/... avant l'application de la résine adhésive.
Ces systèmes permettent d'obtenir des valeurs d'adhérence supérieure à 20 MPa sur l'émail, de 15 à 20
MPa sur la dentine et de garantir une étanchéité interfaciale satisfaisante. Ils sont devenus suffisamment
performants pour permettre des évolutions destinées à simplifier leur protocole clinique. On a ainsi cherché
à développer des systèmes plus simples à manipuler, avec moins d'étapes ou moins de flacons, si possible
moins sensibles à l'opérateur afin d'obtenir des résultats reproductibles (reproductibilité d'un patient à l'autre
pour un même praticien mais aussi d'un praticien à l'autre).
Ces stratégies récentes ont été schématisées par Van Meerbeek, en 1999 (43), qui a proposé une
classification non plus historique des systèmes adhésifs (classification par générations) mais basée sur les
principes de traitement de la boue dentinaire. Il permet ainsi de distinguer les adhésifs qui éliminent
totalement cette boue dentinaire et ceux qui la dissolvent partiellement.
Classification des systèmes adhésifs [d'après (43)].
Adhésifs qui éliminent totalement la boue dentinaire
Dans cette catégorie, on retrouve donc les adhésifs de quatrième génération et l'évolution la plus directe de
ces systèmes que sont les adhésifs « monoflacons » ou « monocomposants ».
De même que leurs aînés, les adhésifs « one-bottle » présentent une étape de mordançage acide de l'émail
et de la dentine, suivie par un rinçage et un séchage doux. Du fait de la présence de cette étape de rinçage
de l'agent de mordançage, la difficulté clinique de maintenir un degré d'hydratation correct au réseau de
collagène.
L'évolution concerne le promoteur et la résine qui sont alors combinés dans un même flacon.
De même que pour les systèmes de quatrième génération, différents solvants peuvent être utilisés. Il s'agit
pour la plupart d'acétone ou d'éthanol. A noter que dans le cas d'un solvant acétone, celui-ci étant plus
volatil que l'éthanol, on aura des modifications de la composition chimique du produit au fur et à mesure de
son utilisation, c'est-à-dire en fonction du nombre d'ouvertures du flacon et du temps d'exposition à l'air. Les
adhésifs à solvant acétone présentent également une sensibilité importante au degré d'humidité de la
surface dentinaire (10, 40, 41), alors que les solvants éthanol semblent plus tolérants (44).
CONSEIL CLINIQUE 3
Pour les adhésifs à solvant éthanol, il faudra évaporer le solvant après application du primaire d'adhésion
qui pourra être brossé sur la surface dentinaire afin d'améliorer sa pénétration. Par contre, pour les
systèmes à solvant acétone, le brossage de la surface dentinaire induit une évaporation prématurée du
solvant qui nuit alors à la pénétration du primaire d'adhésion (augmentation de sa viscosité).
CONSEIL CLINIQUE 4
Autant il faut préserver l'humidité dentinaire avant mise en place du promoteur d'adhésion, autant il faut
éliminer le solvant par évaporation avant la mise en place de l'adhésif.
CONSEIL CLINIQUE 5
Attention, lors de l'utilisation de la seringue à air lors de l'évaporation du solvant : éviter les contacts cutanés
allergisants (projections).
Même si du point de vue de la manipulation, ces adhésifs monocomposants sont plus simples et plus
rapides, des études in vitro ont montré que ces systèmes présentaient des performances légèrement
inférieures à celles des adhésifs « trois temps » de quatrième génération (6).
Adhésifs qui dissolvent partiellement la boue dentinaire
C'est l'alternative la plus courante aux adhésifs monoflacons : il s'agit des systèmes automordançants (selfetchings), pour lesquels la stratégie vis-à-vis de la boue dentinaire consiste, non plus à l'éliminer totalement,
mais à la dissoudre partiellement et à incorporer les débris résiduels dans la formation de la couche hybride.
Ces adhésifs sont basés sur l'utilisation de monomères d'acides faibles dont le pH est le plus souvent
inférieur à 2. En plus de ces acides faibles, les adhésifs automordançants présentent deux caractéristiques :
- la déminéralisation superficielle et la pénétration de la résine adhésive se font simultanément,
- ils ne présentent pas d'étape de rinçage de l'agent acide.
Cliniquement, cette seconde caractéristique permet de s'affranchir de la difficulté du maintien d'un taux
d'hydratation correcte du réseau de collagène. Par contre, ils ne permettent pas d'objectiver l'efficacité du
mordançage de l'émail par l'obtention d'un aspect blanc crayeux caractéristique de l'action de l'acide
phosphorique.
CONSEIL CLINIQUE 6
Pour ces systèmes, on préconise de brosser la surface lors de l'application du primaire automordançant afin
de renouveler les ions H + responsables de l'attaque acide. En effet, ces ions sont rapidement neutralisés
par le pouvoir tampon de la boue dentinaire et de la dentine sous-jacente.
Le pouvoir de déminéralisation de ces monomères d'acides faibles (phényl-P, MDP...) au niveau de l'émail
reste un sujet de controverse Pour certains auteurs, on aurait une diminution des valeurs d'adhérence (37,
39, 42), alors que pour d'autres, aucune différence significative n'a pu être notée (17, 18, 20).
En terme d'étanchéité amélaire, il semblerait que les résultats obtenus soient moins bons qu'avec un
mordançage à l'acide phosphorique à 37 % (9, 28). Certains auteurs préconisent donc, lors de leur
utilisation clinique, de doubler le temps d'application du promoteur acide sur l'émail (9) ou d'appliquer un gel
d'acide phosphorique à 35 % au niveau amélaire.
Pour les évolutions les plus récentes, on a assisté au cours de l'année écoulée à l'arrivée sur le marché de
systèmes simplifiés à un degré encore plus important que les adhésifs automordançants que nous venons
de voir. Il s'agit de systèmes commercialisés initialement pour le collage des compomères, proposés
aujourd'hui pour le collage des composites. Il s'agit des adhésifs dits " tout-en-un " qui groupent les trois
étapes décrites pour les adhésifs de quatrième génération en une seule et même étape. L'exemple est le
Prompt-L-Pop® (ESPE) ou l'Etch & Prime® (Degussa). Les premiers résultats in vitro sont controversés (26,
38) sans pour cela permettre de prédire ce que seront les résultats cliniques. (Tableau IV).
QUATRIEME GENERATION
SYSTEMES MONO-FLACONS
Elimnation Solvant acétone : All Bond 2® (Bisico)
Solvant acétone : One Step® (Bisico)
de la boue Solvant éthanol : Prime & Bond® (Dentsply)
Solvant éthanol : ScotchBond® (3M)
dentinaire Solvant aqueux : ScotchBond® Multipurpose
Solvant aqueux : Syntac® Sprint (Vivadent)
(3M)
Systèmes auto-mordançants :
Clearfil® Liner Bond 2V
Dissolution
Clearfil® SE Bond (Kuraray)
de la boue
AQ Bond® (Sun Medical)
dentinaire
Systèmes tout en un :
Etch et Prime® (Degussa)
Prompt L Pop® (Espe)
Escite (Vivadent)
Optibond Solo® Plus (Kerr)
Tableau IV : Exemples de systèmes adhésifs modernes.
PERSPECTIVES ET VOIES DE RECHERCHE
Sur le plan de la manipulation clinique, il faut noter les évolutions récentes du conditionnement de certains
systèmes sous forme de doses à usage unique [Optibond Solo®, Optibond Solo Plus® (Kerr), Prompt L
Pop® (ESPE), Excite® (Vivadent), Prime & Bond NT® (Denstply)].
Plusieurs systèmes adhésifs sont proposés en uni-dose ce qui contribue à une meilleure constance des
résultats.
Outre une manipulation plus facile du fait de l'absence d'étapes d'ouverture/fermeture du flacon, ce
conditionnement présente l'avantage de limiter les risques de contamination du produit mais permet surtout
de garantir une composition chimique extrêmement fiable et constante puisque dans ce cas l'évaporation du
solvant est limitée à la quantité disponible dans la dose individuelle.
- On connaît depuis longtemps les conséquences inhérentes à la réaction de polymérisation de tous les
matériaux, notamment les contraintes qui s'exercent au cours du retrait qui accompagne inévitablement
cette réaction. Outre les composites, la résine de tout système adhésif subit également ce retrait volumique
qui se traduit par des contraintes exercées au niveau des interfaces avec les tissus dentaires. Il peut alors
se produire des décohésions le plus souvent localisées, induisant des défauts d'étanchéité. L'incorporation
de charges minérales de petite taille au sein des systèmes adhésifs permet de limiter le retrait de la résine
adhésive mais donne également à la couche d'adhésif des propriétés mécaniques lui permettant de dissiper
au mieux les contraintes exercées lors du retrait de polymérisation du composite de restauration : il s'agit de
« l'effet liner ». Les systèmes adhésifs chargés sont déjà présents depuis quelque temps sur le marché : on
trouve par exemple la déclinaison des systèmes automordançants issus du Clearfil Liner Bond® (Kuraray)
(Clearfil Liner Bond 2®, Clearfil Liner Bond 2V®, Clearfil SE Bond®) ou encore de la famille de l'Optibond®
(Kerr) (Optibond FL®, Optibond Solo®, Optibond Solo Plus®) ou plus récemment le Prime & Bond NT®
(Dentsply).
Microleakage
Le microleakage correspond à une perte d'étanchéité marginale qui permet la pénétration des bactéries et
de leurs toxines en direction pulpaire. Les conséquences sont le développement de caries récurrentes, ainsi
que la possibilité de pathologies pulpaires. La réfection des bords, à condition qu'il n'existe pas de carie
récurrente sous l'obturation, permettra de pallier à cette perte d'étanchéité.
Nanoleakage
Le nanoleakage correspond à un défaut de remplissage du réseau de collagène par la résine adhésive à la
jonction avec la dentine sous-jacente. Ce phénomène se traduit cliniquement par des sensibilités
immédiates en postopératoire. Un mordançage des bords de l'obturation, suivi de l'application et de la
photopolymérisation d'une résine fluide (exemple : Optiguard® (Kerr) ou Fortify ® (Bisico) ou toute résine
adhésive) permettra l'arrêt de ces sensibilités.
- L'incorporation d'agents bioactifs tels que le fluor au sein des systèmes adhésifs apparaît comme une voie
de recherche importante aujourd'hui. Ces recherches s'appuient sur l'exemple de la technologie des ciments
verres ionomères pour lesquels une reminéralisation peut être obtenue. Les résultats des tests in vitro (8)
montrent une diffusion de fluor sous forme d'un gradient de concentration au sein de la couche hybride et de
la dentine sous-jacente mais uniquement lorsque l'étanchéité est dégradée (cette étude montre que
lorsqu'une perte d'étanchéité se produit au niveau d'une restauration adhésive, du fluor peut diffuser en
quantité faible mais mesurable à partir de la couche d'adhésif vers la couche hybride et la dentine sousjacente). Cliniquement, l'effet bénéfique de ce relargage limité de fluor n'est pas encore connu. On ignore en
particulier si les taux de relargage sont suffisants pour induire une protection contre la déminéralisation et
les caries récurrentes.
- De même que l'on souhaite un relargage de fluor à partir de la couche d'adhésif, les fabricants s'orientent
également aujourd'hui vers le développement de systèmes adhésifs qui présentent des propriétés
antibactériennes marquées. Ces recherches reposent sur la mise en évidence de la persistance in vivo de
bactéries au niveau des parois cavitaires, au sein de la boue dentinaire ou au niveau de la jonction
amélodentinaire (1, 2, 36). Cette persistance bactérienne pourrait induire des sensibilités postopératoires,
des inflammations pulpaires ou des caries récurrentes (3, 24). Ce problème se pose en particulier pour les
systèmes automordançants qui dissolvent la boue dentinaire sans totalement l'éliminer. Les premiers
résultats montrent un effet antibactérien des systèmes automordançants liés à leur pH bas (21, 27). Mais il
reste difficile d'établir des corrélations cliniques, en particulier en ce qui concerne l'efficacité réelle de cet
effet antibactérien.
CONCLUSION
Même si les systèmes dits de « quatrième génération » ont permis d'obtenir d'excellentes performances en
terme d'adhésion, une amélioration de leur fiabilité et un certain recul clinique, la dentisterie adhésive
connaît cependant des évolutions constantes. La simplification des protocoles de mise en œuvre des
nouveaux systèmes adhésifs représente la principale de ces évolutions, avec l'apparition de deux grandes
familles : les adhésifs monocomposants et les systèmes automordançants, qui groupent chacun deux des
trois étapes caractérisant les adhésifs de quatrième génération.
Il faut noter que ces systèmes adhésifs simplifiés restent sensibles à la manipulation, notamment les
adhésifs à solvant acétone pour lequel le degré d'hydratation de la surface dentinaire doit être parfaitement
contrôlé. En ce qui concerne les systèmes automordançants, l'étanchéité amélaire reste un sujet de
préoccupation quant à la pérennité des restaurations.
A la différence des systèmes de quatrième génération, le recul clinique est encore limité pour les évolutions
récentes. Qu'en est-il de leur comportement in vivo et de leur vieillissement ?
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