Lucrèce Borgia - Atelier Théâtre Jean Vilar

Transcription

Lucrèce Borgia - Atelier Théâtre Jean Vilar
DOSSIER PEDAGOGIQUE
Lucrèce Borgia
Victor Hugo
Distribution
Mise en scène : Frédéric Dussenne
Avec
Valérie Bauchau
Rachid Benbouchta
Alan Bourgeois
François Delcambre
Simon Gautiez
Pierre Haezaert
Philippe Jeusette
Juan Martinez
Pierre Verplancken
Scénographie : Vincent Bresmal
Costumes : Lionel Lesire
Lumière : Guy Simard
Musique : Nicolas Achten
Assistants à la mise en scène : Peggy Thomas et Quentin Simon
Une coproduction de L!acteur et l!écrit, du manège.mons/Centre Dramatique de l!Atelier
Théâtre Jean Vilar, du Festival de Théâtre de Spa. Avec la participation du Centre des Arts
Scéniques, du Centre Dramatique d!Arlon et de l!Ecole de la Comédie Saint-Etienne
Dates : du 27 janvier au 1er février 2009
Lieu : Théâtre Jean Vilar
Durée du spectacle : 1h40 Sans entracte
Réservations : 0800/25.325
Contact écoles : Adrienne Gérard - 010/47.07.11 - [email protected]
Sources bibliographiques du dossier :
Dossier pédagogique du manège.mons/Centre Dramatique, 2008.
Préface de Lucrèce Borgia, Victor Hugo, Garnier-Flammarion, Paris, 1979.
Jean Gaudon, Victor Hugo et le théâtre. Stratégie et dramaturgie, Editions Suger, 1985.
www.encarta.fr - www.a-e.be- www.wikipedia.fr
Dictionnaire du Théâtre, Encyclopédie Universalis, Albin Michel, Paris, 2000.
Le Théâtre en France, Encyclopédie d!aujourd!hui, La Pochothèque, Armand Colin Editeur, Paris, 1992.
I.
Victor Hugo (1802 – 1885)
Le XIXème, contexte
A la suite de la Révolution française, le pouvoir est remis en question par les
intellectuels. Durant près d'un siècle, la France essaie de trouver un régime politique stable
sans y arriver. La Monarchie et la République s!entremêlent. Faute de mieux, le pays adopte
enfin et définitivement la République modérée, mais au prix de quelques révolutions et de
beaucoup de divisions.
Le XIXème siècle est aussi une époque où l!économie et l!industrie sont en pleine
expansion. Le commerce se développe, l!agriculture se modernise, la notion du libre
échange voit le jour et le capitalisme moderne fait son apparition ; et ce, pas toujours au
profit des plus pauvres… La notion sociale est mise de côté. Un écrivain tel Zola rappellera
ainsi dans ses romans la spéculation effrénée et la corruption nées de la flambée boursière,
le choc que l'irruption des grands magasins a représenté pour le petit commerce et la dureté
des luttes sociales.
Napoléon III est le principal acteur de ce siècle. Le régime qu!il met en place est
cependant longtemps discrédité, à cause notamment de son caractère autoritaire et
répressif. La constitution de 1852 lui laisse un pouvoir personnel absolu, la presse est
soumise à une censure rigoureuse, la justice est rendue en son nom. Il est également le
dernier chef d'État français à s'arroger le droit de déclarer la guerre seul, ou de conclure les
traités de paix ou de commerce. Plusieurs dizaines de députés sont proscrits après le coup
d'État de 1851, parmi lesquels Victor Hugo, qui compose alors en exil les Châtiments et
Napoléon-le-Petit pour stigmatiser Napoléon III. Des milliers d'opposants sont déportés en
Algérie ou en Guyane.
La fin de son règne est marquée par la désastreuse guerre franco-prussienne,
immédiatement suivie par la guerre civile lors de la Commune de Paris.
Ainsi, le mouvement romantique dans lequel s!inscrit Victor Hugo ne peut être
analysé indépendamment des bouleversements qui secouent la France et l!Europe depuis
30 ans : tout le monde a vécu et subi la révolution et les guerres de l!Empire ; et aussi
l!amertume de la défaite… Chaque couche de la population y a participé et il est dès lors
impossible de l!en exclure des représentations artistiques.
Victor Hugo
« La République est une idée, la République est un principe, la
République est un droit. La République est l!incarnation même du progrès ».
Victor Hugo
Poète, romancier et dramaturge, Victor Hugo est sans conteste un auteur d!une
stature incomparable et inégalée.
Il naît le 26 février 1802 à Besançon en France. Son père, Léopold Hugo, appartient à
une famille d!artisans de Nancy, tandis que sa mère, Sophie Trébuchet, est issue de la
bonne bourgeoisie nantaise.
Travailleur acharné, l!auteur des Misérables a allié ambition, longévité et génie, ce qui
ne pouvait que concourir à ce mélange de fascination et d!irritation qu!il suscite encore
aujourd!hui.
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Entre l!écriture de la célèbre préface de son drame Cromwell en 1827 et le triomphe
teinté de scandale d!Hernani sur la scène de la Comédie-Française le 25 février 1830, Victor
Hugo s!impose sans appel comme le chef du romantisme.
De 1830 à 1840, il publie un grand roman historique, Notre-Dame de Paris (1831) ;
des drames, Marion de Lorme (1831), Le Roi s!amuse (1832), Marie Tudor (1833), Lucrèce
Borgia (1833), Ruy Blas (1838) ; et surtout quatre recueils de poésies, où il se montre maître
dans l!expression lyrique des idées et des sentiments.
Il a cinquante ans lorsqu!il prononce le 17 juillet 1851 un réquisitoire qui lui vaut d!être
condamné à l!exil. Il a alors le courage d!abandonner sans hésiter une existence confortable
au nom de la résistance à la dictature de Napoléon III.
Victor Hugo meurt à Paris le 23 mai 1885 à 83 ans. Lorsque le catafalque du poète qui a voulu reposer dans le cercueil des pauvres - est exposé pour une nuit de veillée
funèbre sous l!Arc de Triomphe de Paris, plus de deux millions de Parisiens viennent se
recueillir et rendre hommage à celui qu!ils jugent être la conscience de leur temps.
« Son théâtre relève une certaine forme de tragique dépendant des
rapports nouveaux entre l!individu et l!histoire ; il met l!accent sur le concret,
il rend au spectacle sa violence tragique et met en question l!ensemble de la
scène bourgeoise du XIXème siècle. Il traduit l!impuissance de l!individu à
trouver son être propre, à agir sur l!histoire, à dépasser les conflits des
générations en rachetant la malédiction du passé. Ce qui paraît capital à
Hugo, c!est la justification de l!être maudit, du monstre humain ou social, de
l!individu marginal, révolté ou exilé de l!ordre social. »
Anne Ubersfeld, Encyclopédie Universalis
« Peut-on vraiment discuter l!importance de Victor Hugo, non
seulement dans la littérature française, mais aussi dans l!Histoire de la
pensée occidentale ? C!est le témoin privilégié d!un temps où on pensait
que l!art pouvait exercer une action réelle sur le monde ; où on croyait à un
avenir possible de l!Humanité, à une résorption progressive des injustices, à
un progrès positif des connaissances… Toute son œuvre est irriguée par
une énergie proprement révolutionnaire. Elle témoigne d!une foi inébranlable
dans la possibilité du changement. »
Frédéric Dussenne
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II.
Lucrèce Borgia
L!auteur de ce drame sait combien c!est une grande et sérieuse chose que le
théâtre. Il sait que le drame, sans sortir des limites impartiales de l!art, a une
mission nationale, une mission sociale, une mission humaine. Quand il voit
chaque soir ce peuple si intelligent et si avancé qui a fait de Paris la cité centrale
du progrès s!entasser en foule devant un rideau que sa pensée, à lui chétif poète,
va soulever le moment d!après, il sent combien il est peu de chose, lui, devant
tant d!attente et de curiosité ; il sent que si son talent n!est rien, il faut que sa
probité soit tout ; il s!interroge avec sévérité et recueillement sur la portée
philosophique de son œuvre ; car il se sait responsable, et il ne veut pas que
cette foule puisse lui demander compte un jour de ce qu!il aura enseigné.
(dans la Préface de Lucrèce Borgia, Victor Hugo, Garnier-Flammarion, Paris, 1979)
Qui est Lucrèce Borgia ? le personnage historique
Prenez la difformité morale la plus hideuse, la plus repoussante, la plus
complète ; placez-la là où elle ressort le mieux, dans le cœur d!une femme, avec
toutes les conditions de beauté physique et de grandeur royale, qui donne de la
saillie au crime ; et maintenant mêlez à toute cette difformité morale un sentiment
pur, le plus pur que la femme puisse éprouver, le sentiment maternel ; dans votre
monstre, mettez une mère ; et le monstre intéressera, et le monstre fera pleurer,
et cette créature qui faisait peur fera pitié, et cette âme difforme deviendra
presque belle à vos yeux.
(dans la Préface de Lucrèce Borgia, Victor Hugo, Garnier-Flammarion, Paris, 1979)
La famille Borgia est originaire de Valence en Espagne. A cette époque, le monde est
en pleine effervescence avec notamment la découverte de l!Amérique.
Lucrèce Borgia naît à Rome en avril 1480. Elle est la fille naturelle du Pape Alexandre
VI et la sœur de César Borgia.
La famille Borgia a été mystifiée au point de devenir le symbole de la dépravation, de
l!immoralité et de la débauche. Outre les crimes politiques, on accuse les membres de la
famille Borgia de s!être livrés à l!inceste, aux meurtres fratricides et à une lutte sanguinaire
pour le pouvoir.
D!une grande beauté, Lucrèce Borgia est très tôt utilisée par son père et son frère à
des fins politiques. Ses multiples mariages et les destinées tragiques de ses époux
successifs contribueront à forger son mythe. L!imaginaire collectif la décrit volontiers comme
une créature dévergondée et corrompue, impliquée dans d!obscures et sanglantes luttes de
pouvoir. Qu!en est-il véritablement ?
Elle se marie à 13 ans avec Giovanni Sforza. Le mariage est annulé en 1497 par son
père le Pape, pour des raisons diplomatiques, même si officiellement, l!annulation est due à
la non-consommation de l!union. Sforza, vexé, est le premier à faire courir le bruit de rapports
incestueux entre Lucrèce Borgia, son père et son frère.
Cinq ans plus tard, elle se marie une seconde fois, avec Alphonse d!Aragon,
assassiné en 1500 par son beau-frère César Borgia puisque, le couple ayant un enfant,
l!annulation pour non-consommation n!était plus possible.
En 1501, troisième mariage, avec Alphonse 1er d!Este, futur Duc de Ferrare. Elle y
devient protectrice des arts et mène une vie pieuse et exemplaire, en opposition totale avec
son existence précédente à Rome. Elle meurt à 39 ans d!une septicémie lors d!une énième
grossesse.
L!ambiguïté du personnage de Lucrèce Borgia est le reflet de l!époque toute aussi
ambiguë, complexe et paradoxale de la Renaissance. De par son nom et de par son rang,
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Lucrèce s!inscrit dans une société où le raffinement n!exclut pas la cruauté, où vie privée et
vie publique ne font qu!une, où les domaines du politique et de l!affectif ne cessent de se
confondre…
Elle appartient à l!une des plus puissantes familles d!Italie. Très vite, d!ailleurs, elle
devient l!instrument politique d!un père avide de pouvoir et en perpétuelle rivalité avec les
autres dynasties puissantes qui essaiment alors dans la péninsule. La qualifier de criminelle
s!avère dès lors hasardeux, pour preuve, son mariage avec l!héritier du Duché d!Este et son
installation à la cour de Ferrare marquent le commencement d!une nouvelle vie, loin de la
manipulation paternelle et des complots de la cité romaine.
Certains biographes actuels la présentent comme la victime d!une époque cruelle
pour les femmes. La réputation de Lucrèce Borgia a souffert des agissements de ses
proches, mais les historiens s!accordent aujourd!hui à la considérer comme innocente des
multiples crimes et méfaits qui lui ont été imputés.
L!œuvre
Lucrèce Borgia est un drame en trois actes et en prose, représenté pour la première
fois en 1833. Le drame fut présenté au Théâtre de la Porte-Saint-Martin le 2 février 1833. (…)
L!accueil fut triomphal. Dès le lever du rideau la vue de Venise provoqua des
applaudissements. La pièce fut écoutée « dans un silence religieux, interrompu seulement
par des tonnerres de bravos frénétiques, sans sifflets, sans huées, sans éclats de rires
moqueurs, sans injures (…) » (Le Courrier français, 4 février 1833).
(Raymond Pouilliart, Introduction à Lucrèce Borgia, Garnier-Flammarion, Paris, 1979)
Victor Hugo a trente ans lorsqu!il écrit Lucrèce Borgia. Quelques années auparavant,
il avait jeté les bases d!un genre nouveau, le drame romantique, dans la célèbre préface de
Cromwell. Il remet en cause les règles bien établies du théâtre classique, et introduit les
thèmes romantiques sur la scène : multiplication des personnages, des lieux, mélange des
registres - le vulgaire et le recherché, le sublime et le grotesque. Revers de la médaille :
Cromwell, pièce aux 6 000 vers et aux innombrables personnages sera réputée injouable…
Lucrèce Borgia est écrite pendant cette première période romantique de Victor Hugo :
on y retrouve cette diversité des lieux, de l!espace-temps et des actions, le grotesque et le
cynisme dynamisent la pièce. Lucrèce Borgia est représentée 63 fois. Le succès embarrasse
une presse hostile à Victor Hugo : il est difficile d!en attaquer sa forme tant la langue est
irréprochable. Les critiques portent donc sur son contenu moral.
En consultant la liste des personnages, on voit que la distribution ne compte qu!un
seul rôle de femme conséquent. On ne peut être plus clair. Lucrèce est une femme seule ;
elle est fille, elle est sœur, elle est femme et, surtout, elle est mère. En tant que fille et en tant
que soeur, elle est poursuivie par un passé qui la condamne impitoyablement. En tant que
femme, elle est soumise à l!ordre masculin et patriarcal. En tant que mère, elle est
condamnée au secret. L!enfant pour lequel elle donnerait sa vie et qu!elle cherche à protéger
est le fruit de l!inceste. Révéler son identité équivaudrait à une condamnation à mort. Il y a
plus. Le masque qu!elle est contrainte de porter va entraîner de cruels quiproquos. Son mari
va la croire infidèle. Et son fils, au premier regard, tombera éperdument amoureux d!elle.
Que dire de son trouble à elle ?
C!est parce qu!elle a un fils qu!elle ne peut se satisfaire d!une vision cynique et
désabusée du monde. C!est parce qu!elle est une mère qu!elle a besoin de sens, de justice.
Comme tous les parents, elle souhaite pour ses enfants une vie meilleure que la sienne.
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Même si Victor Hugo diabolise le personnage de Lucrèce Borgia et lui attribue tous
les vices, la présentant comme un être sans peur et sans aucune pitié en chasse de pouvoir,
la féminité émanant de son personnage reste touchante. La maternité lui donne des
circonstances atténuantes… Pour Victor Hugo, l!amour parental peut tenir de valeur de
rachat des monstruosités passées.
Les personnages
Doña Lucrezia Borgia : Lucrèce Borgia, femme de Don Alphonse d!Este, est une femme
connue dans toute l!Italie pour sa cruauté. Autour d!elle règne un vent de panique.
Elle a commis les crimes les plus horribles : adultère, inceste, meurtres… Un seul homme la
fait trembler, Gennaro, son fils, qu!elle a eu avec son frère Jean Borgia, et qu!elle veut à tout
prix protéger.
Don Alphonse d!Este : Mari de Lucrèce Borgia, Il est éperdument amoureux de sa femme
mais aussi terriblement jaloux ; notamment de la relation qu!elle entretient avec ce
mystérieux Gennaro. Il va tout faire pour que cet homme disparaisse. Rusé, Don Alphonse
d!Este a énormément de pouvoir dans la ville où il règne.
Gubetta : Mentor de Lucrèce Borgia qui travaille pour elle depuis 15 ans. Il tente de s!intégrer
à la bande d!amis de Gennaro pour connaître tous leurs secrets.
Gennaro : Gennaro est soldat. Orphelin, il ne connaît rien de son passé ni de ses racines.
Les seules traces qu!il a de sa mère sont ces lettres qu!elle lui fait parvenir régulièrement.
Il tombe amoureux de Lucrèce Borgia, sans savoir qu!il s!agit de sa mère.
Maffio Orsini, Jeppo Liveretto, Don Apostolo Gazella, Ascanio Petrucci, Oloferno Vitellozzo :
Amis de Gennaro travaillant comme soldats pour Venise, ils sont envoyés au duc de Ferrare
en ambassade. Chacun d!eux connaît au moins une personne de sa famille qui a cruellement
été tuée par Lucrèce Borgia.
Rustighello : Messager de Don Alphonse d!Este.
Astolfo : Messager de Lucrèce Borgia.
La Princesse Negroni : Princesse chez qui a lieu le repas où les amis de Gennaro se rendent
le soir de leur arrivée à Ferrare.
Un huissier, des moines, Seigneurs, pages, gardes
Résumé
Italie, XVIème siècle. Lucrèce Borgia, épouse du Duc d!Este, a sur la conscience de
nombreux crimes. Mais ce n!est pas cela qui la torture… Elle doit en effet protéger son fils
illégitime Gennaro, né d!une relation incestueuse avec son frère Jean Borgia.
Lucrèce Borgia et Gennaro se rencontrent au carnaval de Venise. Elle exerce le
pouvoir, il vit dans la rue. Elle est sa mère, il ne le sait pas. Pourtant une sorte de passion
naît dans le cœur du jeune homme.
Un jour, épris de rage, Gennaro arrache le B de Borgia au fronton du palais ducal de
Ferrare. Ne connaissant pas l!identité du coupable, Lucrèce fait promettre à son mari qu!il ne
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laissera pas la vie sauve au responsable de cet outrage. Elle ne sait pas qu!elle signe là
l!arrêt de mort de son propre fils… Par une subtile ruse, le Duc d!Este, jaloux de Gennaro
qu!il pense être l!amant de Lucrèce, lui fait promettre de ne donner aucune grâce à cet
usurpateur qui a sali son nom. Elle parvient pourtant à le sauver.
Croyant Gennaro parti loin de la ville, elle se venge auprès de ses amis en les
conviant à un repas au cours duquel elle les empoisonne. Mais Gennaro est là et il veut se
venger. Il tue Lucrèce avant de lui-même succomber au poison.
ACTE 1 - AFFRONT SUR AFFRONT
Première partie :
Venise. Carnaval. Gennaro et ses amis racontent de nombreuses histoires sur la
famille Borgia.
Lucrèce rejoint Gubetta, son fidèle qui est parvenu à infiltrer le groupe. Elle veut se
retrouver seule avec Gennaro. Don Alphonse, qui l!a suivie, pense qu!il s!agit de son amant.
Pendant que Lucrèce et Gennaro discutent, les amis reviennent et dévoilent l!identité
de cette femme mystérieusement belle…
Deuxième partie :
Lucrèce, outragée par cet affront, prévoit avec Gubetta de se venger des amis de
Gennaro au cours d!un repas où ils sont conviés, excepté Gennaro.
Ce dernier, en colère contre cette femme dont il est tombé amoureux, arrache le B de
Borgia sur le mur du Palais. Il est repéré par Don Alphonse et est emmené au palais.
ACTE 2 - LE COUPLE
Première partie :
Don Alphonse prépare sa ruse : il détient Gennaro. Lucrèce lui fait part de sa rage
contre l!usurpateur qui a sali son nom et lui fait promettre qu!il le tuera.
Lorsqu!elle s!aperçoit qu!il s!agit de Gennaro, elle tente de convaincre Don Alphonse
de ne pas le tuer, sans succès. Ce dernier l!empoisonne. Mais Lucrèce parvient à lui faire
boire un contre-poison et le contraint à quitter la ville au plus vite.
Deuxième partie :
Don Alphonse apprend que Lucrèce a sauvé Gennaro. Il veut le tuer jusqu!à ce qu!il
se rende compte que ce dernier accompagne finalement ses amis au repas où il est prévu
qu!ils soient empoisonnés…
ACTE 3 - IVRES MORTS
Tous festoient chez la princesse Negroni. Des voix inquiétantes leur parviennent,
leurs armes ont disparu et ils sont enfermés : Lucrèce apparaît et leur annonce qu!ils ont été
empoisonnés.
Mais elle aperçoit Gennaro… Restée seule avec lui, ce dernier la tue par vengeance ;
apprenant dans un dernier souffle qu!elle est sa mère.
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III.
Le metteur en scène : Frédéric Dussenne
Frédéric Dussenne est acteur, metteur en scène et pédagogue. Il a fondé sa propre
compagnie, L!Acteur et L!Ecrit en 1996, après dix ans d!expériences théâtrales au sein du
collectif des Ateliers de l!Echange. Cette expérience construit son esthétique sur la
confrontation de différentes disciplines artistiques (écriture, peinture, musique, sculpture, jeu,
mise en scène…).
Il est depuis dix ans professeur au Conservatoire de Mons où il a développé une
pédagogie qui tente de se démarquer de la construction psychologique du personnage, au
sens stanislavskien du terme, s!appuyant sur les notions de partition, de rôle et de récit.
Son travail de metteur en scène alterne le répertoire et la création. Il est
particulièrement attentif à l!écriture contemporaine théâtrale ou non.
Il a notamment réalisé Oedipe sur la route de Henry Bauchau et Michèle Fabien au
Théâtre de Namur (prix de la presse francophone du meilleur metteur en scène en 2000),
Combat de nègre et de chiens de Bernard-Marie Koltès à l!Atelier Théâtre Jean Vilar (prix de
la presse francophone du meilleur metteur en scène en 2003), Un Pays noyé d!après l!œuvre
de Paul Willems, Une Saison en enfer d!Arthur Rimbaud, Le Roi lune et Le Livropathe de
Thierry Debroux, Sokott d!Eric Durnez, Elseneur de Clément Laloy...
Son travail théâtral intègre régulièrement la musique. Il réalise ainsi les mises en
scène de Athalie de Jean Racine/Servaas De Konink à l!Abbaye de Villers-la-Ville, Les
Amours de Ragonde de Jean-Joseph Mouret au Printemps Baroque du Sablon, L!Uomo dal
Fiore in bocca/Monsieur Choufleuri restera chez lui le... de Luc Brewaeys/Jacques Offenbach
à La Monnaie, Un Fil à la Patte de Georges Feydeau/Jacques Offenbach au Rideau de
Bruxelles. Sa mise en scène des Géants de la Montagne de Luidgi Pirandello, créée à
Mons, représentée à Bruxelles, en Wallonie, en France et à la Settimana Pirandello à
Agrigente (Sicile), intégrait un petit opéra a capella de Christine Leboutte sur La Favola del
Figlio Gambiatto.
Il s!intéresse aussi au nouveau cirque et met en scène le solo de Emmanuel Gaillard,
Fond de Tiroir, créé au Théâtre de la Place en novembre 2006. Il a joué de nombreux rôles
comme acteur, notamment Le Voyage à La Haye de Jean-Luc Lagarce créé au Théâtre de
Namur en automne 2006 dans le cadre de l!année Lagarce, repris en tournées et au Festival
de Théâtre de Spa.
Il est artiste associé au Rideau de Bruxelles.
En ce début de saison 2008-2009, vous avez pu voir deux de ses mises en scène :
Nuit avec ombres en couleurs au Théâtre de l!Ancre repris début 2009 au Rideau de
Bruxelles et, toujours au Rideau, Hamlet(s) à partir d!une nouvelle traduction du grand poète
belge William Cliff, un projet auquel Frédéric Dussenne tenait depuis longtemps.
Note d!intention
L!œuvre entière de Hugo est traversée par l!énergie révolutionnaire. Elle
témoigne d!un temps où on pensait que l!art pouvait changer la vie et la société.
C!est pour cela qu!il faut la faire entendre à l!heure où les dirigeants politiques,
économiques et médiatiques de la planète s!efforcent par tous les moyens de
réduire l!humanité à l!impuissance, à la passivité et au cynisme fataliste du
constat.
Lucrèce Borgia n!est pas une pièce historique. C!est un théorème, au sens
pasolinien. Hugo y expose l!impasse de l!immobilisme politique et social et de la
soumission du faible au fort. Lucrèce et Gennaro ne sont pas du même monde :
elle exerce le pouvoir, il aspire à la révolution. Elle est fille, elle est sœur, elle est
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mère. Elle est femme, confrontée à une meute d!hommes. Il est un enfant du
drapeau qui ne connaît pas sa famille. Un déraciné en quête d!identité. Un enfant
qui veut un avenir. La raison devrait les réunir, la tragédie va les déchirer.
Quand l!acteur s!avance au proscénium, il faut qu!il nous parle
frontalement. Que les mots anciens qu!il prononce résonnent au cœur de nos
préoccupations contemporaines.
La domination des nantis s!étale aujourd!hui avec une arrogance qui n!a
rien à envier à celle des Borgia ou de Charles X.
Cette bande de jeunes gens révoltés qui arrachent le « B » de Borgia au
fronton du palais ducal de Ferrare ne ressemblent pas seulement aux ouvriers
typographes insurgés qui, en 1830, défilaient dans les rues de Paris au cri de « Vive
la république ! » en réclamant la liberté de la presse. Elle nous renvoie aussi à
l!image de ces enfants humiliés qui incendient des voitures dans les banlieues
abandonnées des cités européennes.
Que dire, enfin, de cette femme muselée par le secret ; écrasée sous le
joug séculaire du pouvoir patriarcal ?
Le temps passe, l!oppression demeure.
Le vingtième siècle a célébré la fin de la tragédie. Il l!a enterrée avec
pertes et profits au nom de la « mort de dieu ». Le théâtre s!en trouve souvent
réduit à un journalisme de constat ou à une ironie de petit malin. Mais l!enjeu
tragique, ce n!est pas Dieu, c!est le sacré. C!est-à-dire les valeurs par lesquelles
l!humanité réinvente elle-même son projet à chaque moment de son histoire.
Frédéric Dussenne
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