L`analyse vibratoire surveille les roulements des
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L`analyse vibratoire surveille les roulements des
083_085_SOL 13/09/05 16:25 Page 83 Solutions MAINTENANCE PRÉVENTIVE Reportage Vu aux Papeteries Etienne L’analyse vibratoire surveille les roulements des machines à papier ▼ Depuis quelques années, les Papeteries Etienne à Arles utilisent l’analyse vibratoire pour surveiller les roulements des machines à papier. Ils s’appuient pour cela sur Dynae, un spécialiste de la maintenance préventive par analyse vibratoire. Cette collaboration permet à la papeterie de détecter les défauts à un stade précoce, d’optimiser les interventions de maintenance, et surtout d’assurer une disponibilité maximale de ses machines. La réussite de l’application repose sur des principes de bon sens : savoir tirer une leçon des échecs du passé, s’entourer de spécialistes, favoriser l’implication de tous les acteurs, et construire un projet dans la mesure de ses moyens... «J’ étais sûr qu’à terme,cela finirait par payer ». Lorsqu’il parle de la démarche que son équipe a suivie pour mettre en œuvre une politique de maintenance préventive, Marc Mariani, responsable Maintenance des Papeteries Etienne à Arles, ne cache pas sa satisfaction… « Si l’on compte les arrêts de production imprévus causés par des défaillances de roulements, nous sommes passés de vingt-cinq heures d’arrêt machine en 1999 à zéro heure l’année dernière! ». Entre ces deux dates, c’est toute la maintenance des machines à papier qui a été repensée. « Nous avons commencé par un projet très modeste,et nous l’avons peaufiné petit à petit,en fonction des moyens dont nous disposions », indique M. Mariani. Pour comprendre l’origine de la démarche, il faut revenir quelques années en arrière… L’histoire commence à Arles en 1912, lorsqu’un certain M. Etienne crée une papeterie à laquelle il donne son nom. Initialement destinée à alimenter les imprimeries de la région en papier journal, la papeterie se tourne peu à peu vers le papier pour emballage. En 1981, elle connaît quelques difficultés financières qui la conduisent à se séparer d’une machine à papier (sur les trois qu’elle comptait), et à se spécialiser exclusivement dans le recyclage. Depuis cette date, la papeterie produit près de 450 tonnes par jour de papier recyclé destiné à l’emballage (cartons de rangement, plateaux de fruits cartonnés, etc.). La production s’effectue sur deux machines à papier, des “monstres” de plusieurs dizaines de mètres de long composés de rouleaux entraînant le papier à près de 800 mètres par minute. Sur chaque machine à papier, le procédé est identique. Une pâte liquide, provenant de papiers recyclés, circule sur une toile.Au fur et à mesure de son avancée dans la machine à papier, l’eau qu’elle contient est aspirée à travers la toile, et la pâte séchée est pressée jusqu’à l’obtention de bobines de papier… Mais si le procédé est classique, sa mise en œuvre présente de nombreuses particularités. « En papeterie,tout est “unique”.Chaque papetier a sa façon de travailler et chaque machine à papier a sa spécificité », souligne M. Mariani. Et tout ce qui est unique est forcément coûteux… « La toile,par exemple, coûte près de 30 000 euros », précise M. Mariani. Dans ces conditions, la défaillan- MESURES 777 - SEPTEMBRE 2005 - www.mesures.com ce d’un simple roulement peut avoir de lourdes conséquences. Outre le risque d’endommager l’un des organes de la machine, il faut compter le coût de la pièce à remplacer, celui de la réparation, mais aussi le coût induit par la perte de production durant l’arrêt de la machine. « Le délai d’attente de la pièce à remplacer peut à lui seul immobiliser une L’essentiel machine durant deux ou trois jours,et il est d’autant plus long Les Papeteries Etienne à Arles (13) utilisent l’analyse que la pièce n’est pas standard, vibratoire pour surveiller indique M. Mariani. Or les roulements des une heure d’arrêt nous coûte, machines à papier. suivant la machine,de 1000 à Ils collaborent pour cela 3000 euros! ». avec la société Dynae, spécialisée dans la surveillance Certaines pannes, enfin, des équipements induspeuvent nuire à la qualitriels. té du produit final. « Le mauvais fonctionnement d’une La méthode, initiée en 1996, a largement fait ses pompe,par exemple,peut entapreuves. Elle permet à la cher la qualité finale du papier, papeterie d’améliorer la précise M. Mariani. S’il ne disponibilité de ses machines, de réduire la se chiffre pas en termes d’arrêts durée et le coût des interde production (puisque la répaventions, et d’optimiser ses ration de la pompe peut se faire achats. en temps masqué, lors d’arrêts 83 083_085_SOL 13/09/05 Reportage Vu aux Papeteries Etienne 16:25 Page 84 Solutions programmés),il nuit indirectement à l’usine en entraînant des retours clients ». De l’aléatoire au préventif En papeterie malheureusement, les risques de défaillance ne sont pas négligeables. Hormis l’environnement humide, qui favorise l’apparition et le développement de la corrosion, les machines sont constituées d’organes fragiles soumis à rude épreuve. C’est le cas en particulier des roulements. Face à l’ampleur des risques, le service maintenance des Papeteries Etienne a toujours su qu’il valait mieux prévenir que guérir...Aussi, « dès que nous avons su que l’on pouvait surveiller les roulements des machines à l’aide d’un contrôle vibratoire,nous avons fait appel à une société qui proposait ce service », indique M. Mariani. A l’époque, la méthode en est encore à ses débuts et les Papeteries Etienne essuient les plâtres. La société consultée (qui est spécialisée dans la réparation de moteurs) est néophyte en matière de contrôle vibratoire. Conséquence, « les tournées de surveillance étaient quasiment aléatoires, se souvient M. Mariani. Il n’y avait pas d’historique des interventions, et aucun moyen d’affiner les diagnostics ». En 1996, le service maintenance décide de mieux tirer parti du contrôle vibratoire. « Nous avons cherché une société spécialisée dans ce métier, puis nous avons signé un contrat avec deux prestataires, pour plus de sécurité », précise M. Mariani. C’est ainsi qu’a été retenue la société Dynae, spécialisée dans la surveillance d’équipements indus- Les Papeteries Etienne à Arles (13) produisent près de 450 tonnes par jour de papier destiné aux emballages.Dans l'environnement difficile de la production,le risque de défaillance des équipements n'est pas négligeable.Pour surveiller les organes les plus sensibles,le service maintenance de la papeterie a donc mis en œuvre une politique de maintenance préventive. triels, et notamment dans la maintenance des machines tournantes par analyse vibratoire. Le premier contrat qu’elle signe avec les Papeteries Etienne est relativement modeste (près de 7000 euros par an), et il définit un nombre de points de mesure sensiblement identique à celui qu’utilisait déjà la papeterie. « L’essentiel était en effet de limiter les risques, quitte à rajouter ensuite des points de mesure pour affiner la surveillance », indique M. Mariani. Une démarche prudente qui finit par porter ses fruits... « Il a fallu se montrer patients,mais nous savions de toute façon que nous n’aurions pas de résultats probants avant quatre ou cinq ans ». Comme prévu, le suivi vibratoire mis en pla- De multiples outils de surveillance Il existe de multiples facteurs de dégradation d’un roulement : son usure normale, une surcharge (ou une sous-charge), une mauvaise lubrification, un problème de montage, etc. Suivant l’ampleur de la dégradation, les surfaces en contact présentent un écaillage plus ou moins important. On distingue suivant les cas la dégradation localisée, la dégradation généralisée, et la phase finale. La dégradation localisée d’un roulement se manifeste par un choc dur, périodique, apparaissant à la fréquence du contact situé au niveau de la détérioration. Cette fréquence caractéristique permet de localiser le défaut (sur la bague externe, la bague interne, l’élément roulant ou la cage). La dégradation généralisée se manifeste par l’apparition de chocs aléatoires durs d’énergie 84 supérieure aux chocs précédents. Quant à la phase finale, elle se caractérise par des chocs aux fréquences cinématiques des roulements en basse fréquence (c’est le signe d’un écaillage important), ou par l’apparition d’un choc à la fréquence de rotation en détection d’enveloppe (c’est le signe d’un jeu de roulement). Le premier indicateur de surveillance d’un roulement est le niveau global en accélération (de 0 à 20 000 Hz). S’il ne suffit pas, on utilise d’autres indicateurs plus spécifiques (tels que le facteur défaut ou le kurtosis) ou des méthodes plus sophistiquées (telles que la détection d’enveloppe, le cepstre, ou l’analyse temporelle). Pour en savoir plus : voir dans notre numéro 754 d’avril 2003 ou sur www.mesures.com rubrique Archives l’article “Les roulements, des composants à surveiller de près” ce par Dynae commence à faire ses preuves en 2001, et la réduction du nombre d’incidents encourage le service maintenance à optimiser la démarche. « A chaque fois que nous avons observé une amélioration,nous avons approfondi la méthode, poursuit M. Mariani. Par rapport au contrat initial, nous avons ainsi multiplié par dix le nombre de points de mesures ». C’est ainsi que « nous sommes passés de la gestion de l’urgence à une maintenance réellement préventive ». Désormais, les Papeteries Etienne dépensent (tout prestataire confondu) près de 53000 € par an pour le suivi vibratoire de ses machines.Tous les deux mois, une équipe de Dynae se rend sur place et effectue les mesures prévues. « Suivant la criticité et la fiabilité des équipements,les contrôles sont réalisées avec une périodicité allant de deux à six mois », indique Jean-Luc Vasselin, responsable de l’agence de Marseille de Dynae. Les mesures concernent les 90 paliers de part et d’autre du “sécheur” des machines (autrement dit de l’endroit où le papier est séché). «Tous les six mois,nous prenons deux points de mesure (axial et radial) par palier,afin d’effectuer un diagnostic avant chaque arrêt programmé », souligne M.Vasselin. Les mesures sont réalisées grâce à des accéléromètres placés au plus près des zones de charge (et qui sont aimantés ou vissés sur les points de mesure). L’acquisition et le traitement des résultats sont assurés par le logiciel DynamX, développé par Dynae, et l’analyseur OR25 d’Oros. « Grâce à ces outils,nous pouvons tout de suite connaître l’état du roulement et le situer sur une échelle de trois niveaux :“bon”,s’il ne présente aucune anomalie,“alarme”,s’il faut le surveiller,et “danger”s’il doit être immédiatement remplacé, précise M.Vasselin. Lors du dépouillement des résultats,nous pouvons ensuite approfondir le diagnostic et ajouter les causes de la défaillance (un écaillage de bague interne, par exemple), son évolution dans le temps, ou un conseil sur l’action à mener ». MESURES 777 - SEPTEMBRE 2005 - www.mesures.com 083_085_SOL 13/09/05 16:25 Page 85 Solutions Le suivi vibratoire des roulements des machines à papier est assuré par Dynae.Tous les deux mois,une équipe se rend sur place pour effectuer les contrôles nécessaires.Grâce au logiciel DynamX de Dynae et à l'analyseur OR25 d'Oros,elle détecte les défauts des roulements et réalise un diagnostic. Reste à faire au mieux pour que les interventions nécessaires empiètent le moins possible sur les temps de production. Pour cela, « les réparations qui ne sont pas urgentes sont effectuées “en temps masqué”,durant les périodes d’arrêt des machines », indique M. Mariani. Le service maintenance profite alors des plus gros arrêts de production (qui ont lieu tous les six mois), des arrêts mensuels de 12 heures, ou de l’arrêt hebdomadaire destiné au nettoyage des machines… Kurtosis, cepstre… et tutti quanti Sous l’apparente simplicité de la démarche se cachent en réalité des analyses d’une grande complexité. « Dans une papeterie, les vitesses de rotation des machines sont relativement basses, explique M.Vasselin. Du coup, les niveaux vibratoires, induits par d’éventuels défauts de roulements,sont faibles ». Pour les mettre en évidence, un simple relevé du niveau global ne suffit donc pas. « Les indicateurs énergétiques “classiques”,qui caractérisent l’amplitude du signal,sont inefficaces.Ce sont des critères liés à la forme du signal qui nous permettent de détecter la présence de chocs, de savoir s’ils sont périodiques ou pas, et d’en connaître les causes », indique M. Vasselin. Pour chaque point de mesure, l’équipe de Dynae réalise alors une analyse cepstrale, une analyse d’enveloppe, et un enregistrement temporel du signal (pour le retravailler a posteriori si besoin). Cela lui permet notamment de déterminer différents indicateurs scalaires (tels que le kurtosis) révélateurs de la présence du défaut et de sa nature. La méthode, au final, s’apparente à une véritable enquête. « Nous suivons un fil conducteur qui nous permet d’aller de déductions en déductions, et de remonter au diagnostic », indique M.Vasselin. Les premiers signes d’usure des roulements se manifestent généralement par des chocs visibles à haute fréquence sur l’analyse d’enveloppe et mis en évidence par le kurtosis. Lorsque les défauts s’accentuent, les chocs sont ressentis à plus basse fréquence. Ils sont alors visibles sur les cepstres (où l’on repère les composantes périodiques des spectres). Ensuite, chaque défaut a sa signature. Un balourd, par exemple, se manifeste par un pic à la fréquence de rotation sur le spectre basse fréquence… Reste enfin à évaluer la sévérité du défaut. A priori, il s’agit là aussi d’une question de logique. Un défaut sur un élément roulant, par exemple, est plus grave qu’un défaut situé sur la bague extérieure du roulement. De même, une fissure peut entraîner la rupture brutale d’un roulement, alors qu’un écaillage évolue plus lentement… Mais prédire le moment où se produira la défaillance est autrement plus complexe. Car même si l’on peut toujours s’aider des historiques et comparer des spectres relevés à plusieurs mois d’intervalle, « il est très difficile de prédire la courbe d’évolution de l’usure », souligne M.Vasselin. Une limite que M. Mariani juge naturelle. « Nous ne faisons pas appel à des devins! L’essentiel,c’est de connaître au moins la limite à ne pas dépasser. De savoir,par exemple,que tel roulement doit être remplacé avant le mois prochain,et que tel autre peut attendre six mois ». En comparant ensuite le roulement usé au diagnostic établi par Dynae, le service maintenance et le prestataire peuvent chacun progresser dans la connaissance de leur métier. MESURES 777 - SEPTEMBRE 2005 - www.mesures.com Reportage Vu aux Papeteries Etienne « Nous profitons des retours d’expérience pour affiner encore nos diagnostics et nos méthodes de travail », indique M.Vasselin. « En privilégiant le partage de connaissances,chaque technicien du service maintenance comprend désormais l’intérêt de la démarche et l’enjeu que cela représente », ajoute M. Mariani. Le suivi vibratoire des roulements permet aussi au service maintenance d’optimiser les achats des pièces de rechange et la gestion des stocks. « Nous pouvons désormais détecter une consommation anormale de roulements, et contacter le fournisseur pour comprendre d’où vient le problème, indique M. Mariani. Par le passé, un tel incident pouvait passer inaperçu ». La mise en place du suivi vibratoire a également encouragé le service maintenance à se doter d’autres méthodes de surveillance et à mieux planifier ses interventions. « En complément de l’analyse des vibrations,nous effectuons tous les deux mois une analyse d’huiles », indique M. Mariani. Autre méthode, la thermographie infrarouge, qui permet au service maintenance de réaliser une surveillance électrique de ses équipements, et de détecter tout échauffement anormal. Dans les deux cas, les Papeteries Etienne font toujours appel à un spécialiste du métier (Total pour l’analyse d’huiles et l’Apave pour la thermographie infrarouge). « Nous n’avons jamais songé à effectuer ces Les Papeteries contrôles en interne, confirme M. Mariani. En faisant Etienne, en bref appel à des spécialistes, nous bénéficions de leur matériel et de Société du groupe International Paper basée leur expérience en la matière ». à Arles (13) En fonction des résultats 115 personnes dont 22 au obtenus, le service mainservice maintenance tenance se fixe chaque Activité : production de année de nouveaux bobines de papier recyclé objectifs. « En regardant l’his- Production : 450 tonnes torique des incidents,nous avons par jour par exemple constaté l’année dernière que 4 % des arrêts mécaniques étaient causés par les roulements d’un moteur que nous ne surveillions pas,et que 15 % des incidents étaient liés à des problèmes de transmission.Grâce à ces données, nous savons exactement les plans d’action que nous avons à mener ». En matière de maintenance préventive, « il n’y a donc rien de figé, estime M. Mariani. Nous utilisons des méthodes évolutives que l’on construit au fur et à mesure,et qui se peaufinent dans le temps.Cette année encore, nous avons rajouté certains points de mesure, et nous en avons enlevé d’autres.Nous allons aussi développer un logiciel pour suivre l’historique des pannes et les découper par origine et par gravité ». Finalement, le seul élément à ne pas changer en matière de maintenance, c’est peut-être « la nécessité,chaque matin en arrivant,de tout remettre en question ». Marie-Line Zani 85