L`analyse vibratoire surveille les roulements des

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L`analyse vibratoire surveille les roulements des
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Solutions
MAINTENANCE PRÉVENTIVE
Reportage
Vu aux
Papeteries
Etienne
L’analyse vibratoire
surveille les
roulements
des machines à papier
▼
Depuis quelques années, les Papeteries Etienne à Arles utilisent l’analyse vibratoire pour surveiller les roulements des
machines à papier. Ils s’appuient pour cela sur Dynae, un spécialiste de la maintenance préventive par analyse vibratoire.
Cette collaboration permet à la papeterie de détecter les défauts à un stade précoce, d’optimiser les interventions de
maintenance, et surtout d’assurer une disponibilité maximale de ses machines. La réussite de l’application repose sur des
principes de bon sens : savoir tirer une leçon des échecs du passé, s’entourer de spécialistes, favoriser l’implication de tous
les acteurs, et construire un projet dans la mesure de ses moyens...
«J’
étais sûr qu’à terme,cela finirait par payer ». Lorsqu’il
parle de la démarche
que son équipe a suivie
pour mettre en œuvre
une politique de maintenance préventive,
Marc Mariani, responsable Maintenance des
Papeteries Etienne à Arles, ne cache pas sa satisfaction… « Si l’on compte les arrêts de production
imprévus causés par des défaillances de roulements, nous
sommes passés de vingt-cinq heures d’arrêt machine en
1999 à zéro heure l’année dernière! ». Entre ces deux
dates, c’est toute la maintenance des
machines à papier qui a été repensée. « Nous
avons commencé par un projet très modeste,et nous l’avons
peaufiné petit à petit,en fonction des moyens dont nous disposions », indique M. Mariani.
Pour comprendre l’origine de la démarche,
il faut revenir quelques années en arrière…
L’histoire commence à Arles en 1912, lorsqu’un certain M. Etienne crée une papeterie à laquelle il donne son nom. Initialement destinée à alimenter les imprimeries
de la région en papier journal, la papeterie
se tourne peu à peu vers le papier pour
emballage. En 1981, elle connaît quelques
difficultés financières qui la conduisent à
se séparer d’une machine à papier (sur les
trois qu’elle comptait), et à se spécialiser
exclusivement dans le recyclage. Depuis cette date, la papeterie produit près de
450 tonnes par jour de papier recyclé destiné à l’emballage (cartons de rangement,
plateaux de fruits cartonnés, etc.). La production s’effectue sur deux machines à
papier, des “monstres” de plusieurs dizaines
de mètres de long composés de rouleaux
entraînant le papier à près de 800 mètres
par minute. Sur chaque machine à papier, le
procédé est identique. Une pâte liquide,
provenant de papiers recyclés, circule sur
une toile.Au fur et à mesure de son avancée
dans la machine à papier, l’eau qu’elle
contient est aspirée à travers la toile, et la
pâte séchée est pressée jusqu’à l’obtention
de bobines de papier…
Mais si le procédé est classique, sa mise en
œuvre présente de nombreuses particularités. « En papeterie,tout est “unique”.Chaque papetier a
sa façon de travailler et chaque machine à papier a sa spécificité », souligne M. Mariani. Et tout ce qui est
unique est forcément coûteux… « La toile,par
exemple, coûte près de 30 000 euros », précise
M. Mariani. Dans ces conditions, la défaillan-
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ce d’un simple roulement peut avoir de
lourdes conséquences. Outre le risque d’endommager l’un des organes de la machine, il faut compter le coût de la pièce à remplacer, celui de la réparation, mais aussi le
coût induit par la perte de production
durant l’arrêt de la machine. « Le délai d’attente de la pièce à remplacer
peut à lui seul immobiliser une
L’essentiel
machine durant deux ou trois
jours,et il est d’autant plus long Les Papeteries Etienne à
Arles (13) utilisent l’analyse
que la pièce n’est pas standard,
vibratoire pour surveiller
indique M. Mariani. Or
les roulements des
une heure d’arrêt nous coûte,
machines à papier.
suivant la machine,de 1000 à Ils collaborent pour cela
3000 euros! ».
avec la société Dynae, spécialisée dans la surveillance
Certaines pannes, enfin,
des équipements induspeuvent nuire à la qualitriels.
té du produit final. « Le
mauvais fonctionnement d’une La méthode, initiée en
1996, a largement fait ses
pompe,par exemple,peut entapreuves. Elle permet à la
cher la qualité finale du papier,
papeterie d’améliorer la
précise M. Mariani. S’il ne
disponibilité de ses
machines, de réduire la
se chiffre pas en termes d’arrêts
durée et le coût des interde production (puisque la répaventions, et d’optimiser ses
ration de la pompe peut se faire
achats.
en temps masqué, lors d’arrêts
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programmés),il nuit indirectement à l’usine en entraînant
des retours clients ».
De l’aléatoire au préventif
En papeterie malheureusement, les risques
de défaillance ne sont pas négligeables. Hormis l’environnement humide, qui favorise
l’apparition et le développement de la corrosion, les machines sont constituées d’organes fragiles soumis à rude épreuve. C’est le
cas en particulier des roulements.
Face à l’ampleur des risques, le service maintenance des Papeteries Etienne a toujours su qu’il
valait mieux prévenir que guérir...Aussi, « dès
que nous avons su que l’on pouvait surveiller les roulements des machines à l’aide d’un contrôle vibratoire,nous
avons fait appel à une société qui proposait ce service »,
indique M. Mariani.
A l’époque, la méthode en est encore à ses
débuts et les Papeteries Etienne essuient les plâtres.
La société consultée (qui est spécialisée dans
la réparation de moteurs) est néophyte en
matière de contrôle vibratoire. Conséquence,
« les tournées de surveillance étaient quasiment aléatoires,
se souvient M. Mariani. Il n’y avait pas d’historique
des interventions, et aucun moyen d’affiner les diagnostics ».
En 1996, le service maintenance décide de
mieux tirer parti du contrôle vibratoire. « Nous
avons cherché une société spécialisée dans ce métier, puis
nous avons signé un contrat avec deux prestataires, pour
plus de sécurité », précise M. Mariani. C’est ainsi qu’a été retenue la société Dynae, spécialisée dans la surveillance d’équipements indus-
Les Papeteries
Etienne à Arles
(13) produisent
près de 450 tonnes
par jour de papier
destiné aux emballages.Dans l'environnement difficile
de la production,le
risque de défaillance
des équipements
n'est pas négligeable.Pour surveiller les organes
les plus sensibles,le
service maintenance
de la papeterie a
donc mis en œuvre
une politique de
maintenance préventive.
triels, et notamment dans la maintenance des
machines tournantes par analyse vibratoire.
Le premier contrat qu’elle signe avec les Papeteries Etienne est relativement modeste (près de
7000 euros par an), et il définit un nombre
de points de mesure sensiblement identique
à celui qu’utilisait déjà la papeterie. « L’essentiel était en effet de limiter les risques, quitte à rajouter
ensuite des points de mesure pour affiner la surveillance », indique M. Mariani. Une démarche prudente qui finit par porter ses fruits... « Il a fallu se montrer patients,mais nous savions de toute façon que
nous n’aurions pas de résultats probants avant quatre ou
cinq ans ».
Comme prévu, le suivi vibratoire mis en pla-
De multiples outils de surveillance
Il existe de multiples facteurs de dégradation d’un roulement : son usure normale,
une surcharge (ou une sous-charge), une
mauvaise lubrification, un problème de
montage, etc. Suivant l’ampleur de la dégradation, les surfaces en contact présentent un écaillage plus ou moins important.
On distingue suivant les cas la dégradation
localisée, la dégradation généralisée, et la
phase finale.
La dégradation localisée d’un roulement se
manifeste par un choc dur, périodique, apparaissant à la fréquence du contact situé
au niveau de la détérioration. Cette fréquence caractéristique permet de localiser
le défaut (sur la bague externe, la bague interne, l’élément roulant ou la cage). La dégradation généralisée se manifeste par l’apparition de chocs aléatoires durs d’énergie
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supérieure aux chocs précédents. Quant à la
phase finale, elle se caractérise par des
chocs aux fréquences cinématiques des
roulements en basse fréquence (c’est le
signe d’un écaillage important), ou par l’apparition d’un choc à la fréquence de rotation en détection d’enveloppe (c’est le
signe d’un jeu de roulement).
Le premier indicateur de surveillance d’un
roulement est le niveau global en accélération (de 0 à 20 000 Hz). S’il ne suffit pas, on
utilise d’autres indicateurs plus spécifiques
(tels que le facteur défaut ou le kurtosis) ou
des méthodes plus sophistiquées (telles que
la détection d’enveloppe, le cepstre, ou
l’analyse temporelle).
Pour en savoir plus : voir dans notre numéro 754
d’avril 2003 ou sur www.mesures.com rubrique Archives
l’article “Les roulements, des composants à surveiller de près”
ce par Dynae commence à faire ses preuves
en 2001, et la réduction du nombre d’incidents encourage le service maintenance à
optimiser la démarche. « A chaque fois que nous
avons observé une amélioration,nous avons approfondi la
méthode, poursuit M. Mariani. Par rapport au contrat
initial, nous avons ainsi multiplié par dix le nombre de
points de mesures ». C’est ainsi que « nous sommes
passés de la gestion de l’urgence à une maintenance réellement préventive ».
Désormais, les Papeteries Etienne dépensent (tout
prestataire confondu) près de 53000 € par an
pour le suivi vibratoire de ses machines.Tous
les deux mois, une équipe de Dynae se rend sur
place et effectue les mesures prévues. « Suivant
la criticité et la fiabilité des équipements,les contrôles sont
réalisées avec une périodicité allant de deux à six mois »,
indique Jean-Luc Vasselin, responsable de
l’agence de Marseille de Dynae. Les mesures
concernent les 90 paliers de part et d’autre
du “sécheur” des machines (autrement dit
de l’endroit où le papier est séché). «Tous les six
mois,nous prenons deux points de mesure (axial et radial)
par palier,afin d’effectuer un diagnostic avant chaque arrêt
programmé », souligne M.Vasselin.
Les mesures sont réalisées grâce à des accéléromètres placés au plus près des zones de
charge (et qui sont aimantés ou vissés sur
les points de mesure). L’acquisition et le traitement des résultats sont assurés par le logiciel DynamX, développé par Dynae, et l’analyseur OR25 d’Oros. « Grâce à ces outils,nous pouvons
tout de suite connaître l’état du roulement et le situer sur
une échelle de trois niveaux :“bon”,s’il ne présente aucune anomalie,“alarme”,s’il faut le surveiller,et “danger”s’il
doit être immédiatement remplacé, précise M.Vasselin. Lors du dépouillement des résultats,nous pouvons
ensuite approfondir le diagnostic et ajouter les causes de la
défaillance (un écaillage de bague interne, par exemple),
son évolution dans le temps, ou un conseil sur l’action à
mener ».
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Le suivi vibratoire des roulements des machines à papier est assuré par Dynae.Tous les deux mois,une équipe se rend sur place pour effectuer les contrôles nécessaires.Grâce au logiciel DynamX de Dynae et à l'analyseur OR25 d'Oros,elle détecte les défauts des roulements et
réalise un diagnostic.
Reste à faire au mieux pour que les interventions nécessaires empiètent le moins possible sur les temps de production. Pour cela,
« les réparations qui ne sont pas urgentes sont effectuées “en
temps masqué”,durant les périodes d’arrêt des machines »,
indique M. Mariani. Le service maintenance profite alors des plus gros arrêts de production (qui ont lieu tous les six mois), des
arrêts mensuels de 12 heures, ou de l’arrêt
hebdomadaire destiné au nettoyage des
machines…
Kurtosis, cepstre… et tutti quanti
Sous l’apparente simplicité de la démarche
se cachent en réalité des analyses d’une grande complexité. « Dans une papeterie, les vitesses de
rotation des machines sont relativement basses, explique
M.Vasselin. Du coup, les niveaux vibratoires, induits
par d’éventuels défauts de roulements,sont faibles ». Pour
les mettre en évidence, un simple relevé du
niveau global ne suffit donc pas. « Les indicateurs énergétiques “classiques”,qui caractérisent l’amplitude du signal,sont inefficaces.Ce sont des critères liés à
la forme du signal qui nous permettent de détecter la présence de chocs, de savoir s’ils sont périodiques ou pas, et
d’en connaître les causes », indique M. Vasselin.
Pour chaque point de mesure, l’équipe de
Dynae réalise alors une analyse cepstrale, une
analyse d’enveloppe, et un enregistrement
temporel du signal (pour le retravailler a posteriori si besoin). Cela lui permet notamment
de déterminer différents indicateurs scalaires
(tels que le kurtosis) révélateurs de la présence du défaut et de sa nature.
La méthode, au final, s’apparente à une véritable enquête. « Nous suivons un fil conducteur qui
nous permet d’aller de déductions en déductions, et de
remonter au diagnostic », indique M.Vasselin. Les
premiers signes d’usure des roulements se
manifestent généralement par des chocs
visibles à haute fréquence sur l’analyse d’enveloppe et mis en évidence par le kurtosis.
Lorsque les défauts s’accentuent, les chocs
sont ressentis à plus basse fréquence. Ils sont
alors visibles sur les cepstres (où l’on repère
les composantes périodiques des spectres).
Ensuite, chaque défaut a sa signature. Un
balourd, par exemple, se manifeste par un
pic à la fréquence de rotation sur le spectre
basse fréquence…
Reste enfin à évaluer la sévérité du défaut. A
priori, il s’agit là aussi d’une question de
logique. Un défaut sur un élément roulant,
par exemple, est plus grave qu’un défaut
situé sur la bague extérieure du roulement.
De même, une fissure peut entraîner la rupture brutale d’un roulement, alors qu’un
écaillage évolue plus lentement… Mais prédire le moment où se produira la défaillance est autrement plus complexe. Car même
si l’on peut toujours s’aider des historiques
et comparer des spectres relevés à plusieurs
mois d’intervalle, « il est très difficile de prédire la
courbe d’évolution de l’usure », souligne M.Vasselin. Une limite que M. Mariani juge naturelle. « Nous ne faisons pas appel à des devins! L’essentiel,c’est de connaître au moins la limite à ne pas dépasser.
De savoir,par exemple,que tel roulement doit être remplacé avant le mois prochain,et que tel autre peut attendre
six mois ».
En comparant ensuite le roulement usé au
diagnostic établi par Dynae, le service maintenance et le prestataire peuvent chacun progresser dans la connaissance de leur métier.
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Reportage
Vu aux
Papeteries
Etienne
« Nous profitons des retours d’expérience pour affiner
encore nos diagnostics et nos méthodes de travail »,
indique M.Vasselin. « En privilégiant le partage de
connaissances,chaque technicien du service maintenance
comprend désormais l’intérêt de la démarche et l’enjeu
que cela représente », ajoute M. Mariani.
Le suivi vibratoire des roulements permet
aussi au service maintenance d’optimiser les
achats des pièces de rechange et la gestion
des stocks. « Nous pouvons désormais détecter une
consommation anormale de roulements, et contacter le
fournisseur pour comprendre d’où vient le problème,
indique M. Mariani. Par le passé, un tel incident
pouvait passer inaperçu ».
La mise en place du suivi vibratoire a également encouragé le service maintenance à se
doter d’autres méthodes de surveillance et à
mieux planifier ses interventions. « En complément de l’analyse des vibrations,nous effectuons tous les
deux mois une analyse d’huiles », indique M. Mariani. Autre méthode, la thermographie infrarouge, qui permet au service maintenance
de réaliser une surveillance électrique de ses
équipements, et de détecter tout échauffement anormal.
Dans les deux cas, les Papeteries Etienne font
toujours appel à un spécialiste du métier
(Total pour l’analyse d’huiles et l’Apave pour
la thermographie infrarouge). « Nous n’avons
jamais songé à effectuer ces
Les Papeteries
contrôles en interne, confirme M. Mariani. En faisant
Etienne, en bref
appel à des spécialistes, nous
bénéficions de leur matériel et de Société du groupe
International Paper basée
leur expérience en la matière ».
à Arles (13)
En fonction des résultats
115 personnes dont 22 au
obtenus, le service mainservice maintenance
tenance se fixe chaque Activité : production de
année de nouveaux
bobines de papier recyclé
objectifs. « En regardant l’his- Production : 450 tonnes
torique des incidents,nous avons
par jour
par exemple constaté l’année dernière que 4 % des arrêts mécaniques étaient causés par les roulements d’un moteur que
nous ne surveillions pas,et que 15 % des incidents étaient
liés à des problèmes de transmission.Grâce à ces données,
nous savons exactement les plans d’action que nous avons
à mener ».
En matière de maintenance préventive, « il
n’y a donc rien de figé, estime M. Mariani. Nous
utilisons des méthodes évolutives que l’on construit au fur
et à mesure,et qui se peaufinent dans le temps.Cette année
encore, nous avons rajouté certains points de mesure, et
nous en avons enlevé d’autres.Nous allons aussi développer un logiciel pour suivre l’historique des pannes et les
découper par origine et par gravité ». Finalement, le
seul élément à ne pas changer en matière de
maintenance, c’est peut-être « la nécessité,chaque
matin en arrivant,de tout remettre en question ».
Marie-Line Zani
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