la chronique de fabienne pascaud
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la chronique de fabienne pascaud
02/08 NOV 13 Hebdomadaire OJD : 613234 Surface approx. (cm²) : 257 N° de page : 67 Page 1/1 LA CHRONIQUE DE FABIENNE PASCAUD Q André Engel aime le dramaturge autriLa Double Mort chien Odon von Horvâth (1901-1938). de l'horloger Dans de spectaculaires dispositifs, il en Drame populaire a déjà monté Légendes de laforêt vienOdôn von noise et Le Jugement dernier. Il s'attelle Horvâth aujourd'hui à deux œuvres plus anec| Mise en scene dotiques, qu'il met en scène l'une Andre Engel 12h après l'autre, en miroir : Meurtre dans IJ u s q u a u la rue des Maures (1923), L'Inconnue de 9 novembre, la Seine (1933). Rassemblées sous le Theâtre national de titre La Double Mort de l'horloger - éviChaillot, Parisis 6 demmentjuif dans l'interprétation de I Tél 0153 65 30 00 Yann Collette, pour mieux signifier ce que Horvâth pressent du nazisme en EU marche -, interprétées par une troupe Orlando aux talents singuliers, pourquoi les Monologue pièces déçoivent-elles ? Les complices Virginia Woolf d'André Engel, 67 ans, restent au ren| Mise en scene dez-vous. Le scénographe Nicky Rieti GuyCassiers|ih45 a ainsi conçu deux espaces urbains I du 5 au 10 novembre, aux allures inquiétantes, qui mystéTheâtredela rieusement se répondent sous les Bastille, Paris 11e éclairages mélancoliques d'André I Tel 0143 57 4214. Diot. A la dramaturgie, le camarade Dominique Muller. Parce qu'il y a toujours chez André Engel «dramaturgie», soit études du texte et du contexte, selon le bon vieux modèle allemand de Brecht à Ostermeier... Mais les vieilles recettes restent impuissantes à faire art d'œuvrettes. Même si l'on a compris que, de 1923 à 1933, de Meurtre dans la rue des Maures à L'Inconnue de la Seine, la société se détraque et - climat de crise sociopolitique oblige - perd peu à peu la foi dans la famille, le couple, l'amitié. Si l'action s'y déroule, bizarrement, à Paris, c'est évidemment l'Allemagne qui est visée dans ces tragi-comédies chorales, inspirées de ces faits divers ordinaires qui fascinent tant l'auteur (Horvâth mourra lui-même le crâne fracassé par une branche d'arbre, un jour de tempête sur les Champs-Elysées), et où règne une drôle d'ambiance fantastique Les morts ne côtoient-ils pas ici constamment les vivants, et le suicide ne devient il pas délivrance ? Quèlques saisissants moments ne suffisent pas à convaincre. Horvâth rêvait de faire œuvre populaire, et de dépeindre les humbles et les obscurs de son temps, les petits-bourgeois aussi, les misérables trafics et les grandes débandades sociales. Mais il esquisse ici trop superficiellement ces descriptions de familles décomposées par le chômage, ces drames amoureux, BASTILLE2 4828008300504/XMB/OTO/2 conjugaux, à l'image (appuyée) des errances politiques de l'époque. De quoi expliquer qu'André Engel navigue lui-même entre farce (l'image finale, ricanante, où toutes les femmes sont enceintes et poussent des landaus) et tragédie (le long moment terrible du fils pendu que nul ne songe à décrocher). Il laisse le public plus médusé que conquis par l'énorme distribution déployée (quinze comédiens !), l'énergie de l'ensemble - maîs un peu sage, tellement moins stupéfiante que dans ses précédents opus qui ont forgé notre mémoire théâtrale... A la mi-temps de la décennie 19231933 de Horvâth, Orlando, de Virginia Woolf, compose en 1928. Quelle merveille que l'histoire de ce jeune lord anglais doté d'éternité, qu'on suit du XVI e siècle à l'Angleterre victorienne, de Constantinople à Londres, où il s'est métamorphosé en écnvaine. Bob Wilson avait déjà fait traverser siècles et sexes à Isabelle Huppert dans un spectacle électrique où il stylisait Orlando à coups d'éclairages, de néons, de lumières extrêmes (1993). Le Flamand Guy Cassiers et son interprète (et adaptatrice) Katelijne Damen choisissent de nous faire explorer le destin d'Orlando grâce à des images vidéo préexistantes ou filmées en direct à même le plateau. Vêtue très simplement de blanc, sa voix calme et douce juste amplifiée par un micro, la comédienne, comme revenue de tous les drames, de tous les âges, nous entraîne dans le temps tels les acteurs du film Gravity, aujourd'hui, dans l'espace. Un merveilleux qui tient paradoxalement de la proximité familière qu'elle instaure avec son insensé personnage et de la sophistication du dispositif, qui nous promène comme dans un livre. Et nous voilà au-delà des genres, des ans, des sociétés et pourtant magistralement dedans. Au cœur des métamorphoses et des secrets du théâtre • Eléments de recherche : THEATRE DE LA BASTILLE : à Paris 11ème, toutes citations