1 Sandrine Bailly Biathlon Entretien : Fontainebleau, Juin 2009 2

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1 Sandrine Bailly Biathlon Entretien : Fontainebleau, Juin 2009 2
Sandrine Bailly
Biathlon
Entretien : Fontainebleau, Juin 2009
2 – Le biathlon (partie 1)
Par quel sport as-tu commencé ?
J’ai commencé par le ski de fond. Puis, j’ai débuté le biathlon en sport études. J’ai
combiné les deux pendant un an, à quinze ans, et je me suis dirigée vers le biathlon,
parce que j’étais prise en équipe de France et que cela me plaisait plus.
Quand tu as choisi de te diriger vers le biathlon, étais-tu meilleure en biathlon ou
en ski de fond
J’avais déjà de bons résultats en ski de fond. J’étais dans les meilleures Françaises,
mais j’étais très jeune. Cela se résumait à des courses nationales et un championnat
d’Europe. En biathlon, je n’ai pas fait d’excellents résultats au début, mais cela me
plaisait. Comme j’allais vite en ski, je réussissais à faire de bonnes performances avec
le ski seul, au début. C’était encourageant, parce que j’avais encore le tir à améliorer.
À quel âge as-tu commencé le ski de fond ?
Toute petite. Dans mon village, tout le monde fait du ski de fond.
Dans le Jura, c’est cela ?
Non, dans l’Ain. Attention, il ne faut pas se tromper (Rires). C’est à côté du Jura. J’ai
dû commencer vers quatre ans, dès que j’ai pu chausser les skis. J’ai commencé les
compétitions poussines. J’ai aussi pratiqué d’autres sports, lorsque j’étais petite, mais
j’étais plus douée pour le ski de fond.
Quels autres sports as-tu pratiqué en compétition ?
Du tennis, quelques tournois à un bas niveau. J’ai fait de la natation, mais sans
compétition.
Et, dans ta famille ?
Mon père faisait partie de l’équipe de France de ski de fond. Puis il a choisi de
travailler à la ferme, et il n’a pas pu continuer. Il nous a vite aiguillés vers le ski.
Tu avais des frères et des sœurs ?
Je suis l’aînée, et j’ai un frère et une sœur. Nous avons tous fait du ski : ma sœur a
suivi le même parcours que moi, mais elle a arrêté, puisqu’elle est partie aux EtatsUnis. Elle a continué le ski de fond pour l’Université des Etats-Unis. Elle a quitté le
haut niveau en biathlon. Mon frère vient d’arrêter le biathlon, pour privilégier ses
études.
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As-tu été tentée par d’autres sports ? D’autres sports d’endurance par exemple ?
Non. J’étais douée en ski de fond. J’ai vu que je pouvais gagner, être la meilleure.
Dans les autres sports, j’étais moins douée.
Tu t’es déjà testée sur la course par exemple ?
Pas trop. Je fais parfois des duathlon, mais jamais à un haut niveau.
Tu parlais de l’entraînement tout à l’heure. L’hiver, je me doute un peu de la
composition de l’entraînement, mais l’été, tu t’entraînes comment ?
L’été, c’est assez varié, c’est la plus grosse période d’entraînement, contrairement à
ce que l’on pourrait croire. Nous attaquons mi-mai, jusque fin novembre : beaucoup
de ski à roulettes, où le geste ressemble au ski de fond. Nous ne sommes pas obligés
d’aller skier sur glacier, comme les alpins. Nous pratiquons aussi la course à pied, le
vélo, la musculation. Ce qui est bien dans notre sport, c’est que nous pouvons nous
entraîner de plusieurs façons, ce n’est pas comme la natation. Au mois de novembre,
je recommence à skier, sur glacier ou en Scandinavie. Puis, la saison commence, et
elle est tellement chargée que nous ne pouvons pas faire beaucoup d’entraînements
entre les courses. Entre les compétitions, le but est plutôt de récupérer que de
s’entraîner.
Pour les compétitions, vous avez les championnats du monde et la Coupe du
monde…
La Coupe de monde, c’est plusieurs étapes : trois par mois environ, dans des pays
différents, avec trois courses par semaine, sur trois semaines. Au final, cela donne des
points, qui rentrent dans un classement. Aux championnats du monde, c’est la course
d’un jour. Nous avons cinq compétitions et donc cinq titres, un par course.
Quelles sont les trois épreuves en Coupe du monde ?
Cela varie, en relais ou en individuel.
Si tu vises la Coupe du monde, tu dois participer à toutes ces épreuves ?
C’est la difficulté. En France, un titre de champion du monde est plus valorisé, alors
que gagner la Coupe du monde est plus difficile : il faut de la régularité. Au final,
c’est plus dur à gagner qu’une course d’un jour.
Tu as gagné la Coupe du monde en 2005 ?
Oui. Je l’ai jouée en 2007, mais j’ai fini deuxième. Nous avons aussi des petits globes
par discipline : sprint, poursuite, relais ou individuel. Il est possible de gagner le petit
globe de la discipline. Les relais sont à part, ce sont des courses collectives, mais il y
a aussi un globe des relais.
Cela ne rentre pas en ligne de compte pour l’individuel ?
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Non, cela ne compte pas.
Peux-tu détailler les différentes compétitions ?
C’est compliqué. Pour les filles, cela va de 7.5 à 15 kilomètres. Il y a cinq épreuves.
Le relais est composé de quatre filles, avec six kilomètres par fille et deux tirs, avec
balles de pioche.
C'est-à-dire ?
Nous avons des balles en réserve, pour les cibles ratées. Ensuite, le sprint est composé
de trois tours de 2.5 kilomètres et deux tirs, couchée et debout, avec un tour de
pénalité si nous ratons la cible. La poursuite, c’est cinq fois 2 kilomètres, avec quatre
tirs : couchée, couchée, debout, debout, et des tours de pénalité si nous ratons. C’est
facile à suivre, parce que la première est celle qui franchit la ligne en premier. En
individuel, c’est cinq fois 3 kilomètres avec quatre tirs : couchée, debout, couchée,
debout. Il y a une minute de pénalité par cible manquée : c’est une épreuve qui
favorise les tireuses. Une minute de pénalité, c’est énorme.
Dans la poursuite, quand tu rates ta cible…
Je fais un tour de pénalité de 250 mètres : vingt-cinq secondes environ. Puis la massstart : les trente meilleures au classement général partent sur trois lignes de dix,
ensemble : cinq tours de 2.5 kilomètres, avec quatre tirs : couchée, couchée, debout,
debout, et tours de pénalités. C’est également facile à suivre parce que la première est
celle qui franchit la ligne en premier. Puis le relais mixte est en train de se mettre en
place.
En termes de temps, cela représente quoi ?
Les six kilomètres, c’est dix-huit minutes environ, et la plus longue, quinze
kilomètres, c’est quarante-cinq minutes.
C’est assimilable à du demi-fond en termes d’effort ?
Oui.
Pour le tir, quelles sont les distances ?
Cinquante mètres.
Couché ou debout ?
Oui, c’est la même distance. C’est le diamètre de la cible qui change : quatre
centimètres et demi couché, et onze centimètres debout. Le visuel est le même, mais il
faut être plus précis lorsque nous sommes couchées.
Par rapport à tes concurrentes majeures…
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Il faut être bonne partout. Maintenant, la vitesse de tir rentre aussi en compte. Les
meilleures tirent vite, bien et vont vite à skis.
Tu te places où par rapport aux autres concurrentes ?
Je ne sais pas… Ma valeur sûre reste le ski, où je suis dans les cinq meilleures en
temps normal. Je ne suis pas réputée pour être une grande tireuse. Quand je gagne une
course, c’est que j’ai fait un bon tir. Je ne tire pas non plus hyper rapidement, parce
que je ne peux pas. Certaines arrivent à tirer vite et bien ; moi, j’ai besoin d’un peu
plus de temps.
Quand tu arrives sur le pas de tir, tu as une idée de ton rythme cardiaque ?
185 environ. Couchée, je baisse de 20 pulsations, et je suis donc à 160. Debout, je
baisse un peu moins. Nous ne restons que trente secondes au maximum sur le pas de
tir. À deux cents mètres, nous ralentissons ; nous n’arrivons pas à bloc comme à
l’arrivée.
Quelle est ta fréquence cardiaque maximale ?
200, à l’arrivée. Pendant ma course, je suis à 185 / 190.
C’est élevé pour un effort de 45 minutes.
En compétition, je suis au-dessus de 185 les trois quarts du temps. Mais les pistes sont
vallonnées : en descente, nous récupérons un peu. Les pistes les plus dures sont celles
où nous partons d’en bas : nous montons pendant longtemps et la descente se déroule
d’un seul coup. Il faut tenir l’effort longtemps…
Sur une Coupe du monde, les surprises sont sans doute moins fréquentes qu’en
Championnat. Combien de concurrentes peuvent prétendre au globe ?
Les Allemandes : elles sont huit. Les Russes… En tout, une quinzaine, peut-être.
C’est beaucoup, comparé à d’autres sports.
En biathlon, nous avons des grosses nations. Les Russes n’ont pas encore gagné le
globe, mais elles ont les capacités. Les Allemandes l’ont toutes gagné. La Suédoise
l’a gagné l’année dernière ; une autre Suédoise a failli le gagner il y a deux ans. Moi
également. La Norvégienne peut gagner aussi… En même temps, je dis cela, mais ce
sont toujours les mêmes dans le top cinq.
Dont toi ?
Oui. Enfin, l’année dernière, j’étais vingt-deuxième : c’était une saison un peu à part.
En 2008 ?
2008 – 2009.
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Toutes les nations que tu as citées sont européennes…
Il y en a d’autres. Les Chinoises sont fortes. Les Américaines et les Canadiennes, pas
trop… Les concurrentes viennent de partout. Ils ont quand même essayé de limiter,
parce que certaines étaient en dessous du niveau, et les courses ne ressemblaient plus
à rien. Ce n’est pas méchant, mais quand le téléspectateur voit une fille qui n’avance
pas…
Combien y a t il de concurrentes lors d’une épreuve ?
Une centaine. Cent quinze en début de saison. En fin de saison, il y a moins d’argent,
et donc moins de monde. Les nations n’envoient plus que les meilleures. Nous
pouvons n’être de soixante-dix.
As-tu pratiqué l’alpin ?
Non, pas du tout. En loisirs seulement… Ensuite ; quand j’ai attaqué les saisons de
ski, je ne pouvais plus me permettre de faire de l’alpin. L’hiver, je n’y vais jamais ;
j’ai trop peur de me blesser. Je n’ai pas le temps non plus. J’y vais en fin de saison :
au mois d’avril…
La saison dure…
De décembre à fin mars.
Donc quatre mois, c'est-à-dire douze sites sur lesquels vous avez des épreuves.
En fait : neuf épreuves de Coupe du monde, plus les Championnats du monde, dix
épreuves au total.
Autant en Europe que…
Oui, oui. Les Championnats du monde se sont déroulés en Corée, parce que… La
Corée voulait les Jeux, ils avaient un stade… Ils nous ont payé le voyage. Nous
sommes allés à Vancouver. Nous avons fait le tour du Globe. Corée, Europe,
Vancouver, Norvège, Russie, en un mois. Nous avons subi le décalage horaire dans
tous les sens. Nous avons beaucoup de voyages, surtout cette année.
Les voyages vous fatiguent, et augmentent les risques de blessure…
C’est sûr. En fin de saison, sur les lignes de départ, plus personne ne s’échauffait.
Cela encourage aussi le dopage… Avec des rythmes surhumains, certaines vont en
avoir marre et se charger. S’ils veulent lutter contre le dopage, il faut être logique
avec les calendriers.
Vous n’avez pas d’épreuves dans l’hémisphère sud ?
Non.
Il ne faut peut-être pas leur suggérer…
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Pour l’instant, non…
Prochaine lettre :
Sandrine Bailly
3 – Le biathlon (partie 2).
© Loïc Henry / 2009 – 2010.
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