Femmes et Psychanalyse - Louise Grenier – psychologue et

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Femmes et Psychanalyse - Louise Grenier – psychologue et
Femmes, psychanalyse et discours du féminin en psychanalyse t Psychanalyse II :
Penser le féminin
« Impossible, je ne pouvais pas être mère !», s’écrie Helga avant d’éclater en sanglots.
Elle veut expliquer pourquoi elle s’est fait avorter 15 ans plus tôt. Impensable d’avoir un
enfant, ajoute-t-elle.
Impossible d’être mère, lui dis-je.
C’est un rejet viscéral de la
maternité, une révolte de tout son être, un refus qu’elle justifiera ensuite en arguant qu’elle
aurait été une mauvaise mère comme sa mère, qu’elle aurait rendu ses enfants
malheureux et que de toute façon son mari d’alors n’en voulait pas. Pourtant, elle avait
rêvé de cet enfant et avait imaginé sa présence en elle. Voilà que son arrivée inopinée la
heurte de plein fouet, lui faisant mesurer l’ampleur du vide maternel. Pas de place pour la
mère, mais la femme où est-elle ? Elle la cherche sous les atours d’une féminité de «
mascarade », y celant cette part d’inconnu qui pourrait être le féminin auquel elle n’a pas
davantage accès qu’au maternel.
Féminin et maternel, deux inaccessibles, deux
impossibles. Comme si l’un n’allait pas sans l’autre ?
Cette question est omniprésente dans les textes psychanalytiques. Je m’intéresserai ici,
dans la suite de mon séminaire du 27 janvier 2001, à ce que les femmes psychanalystes
ont pu en dire, en penser, en théoriser.. La question du féminin dans ses rapports avec le
maternel sera donc mon fil d’Ariane, l’angle sous laquelle j’examinerai la spécificité de
leurs conceptions, critiques et théories du féminin/maternel. Je limiterai mon propos aux
auteures qui ont selon moi représentent une percée majeure en psychanalyse et qui ont
rejoint mes propres questionnements et incertitudes. Qu’est qu’une femme analyste peut
dire des femmes ? De leurs fantasmes, de leur désir, de leur jouissance ? Est-ce que son
discours se distingue de celui des hommes analystes ? Une journée, c’est bien peu étant
donné le vaste champ clinique et théorique que nous avons à parcourir. Aussi, vais-je
borner mon intervention à au moins quatre auteures qui chacune représente un courant de
la pensée (au) du féminin en psychanalyse.
Ce sont Monique Schneider pour son
interrogation qui lie l’origine de la psychanalyse au refoulement du féminin maternel chez
Freud et chez Lacan ; Jacqueline Schaeffer qui associe l’avènement de la jouissance
féminine au consentement masochiste de la femme à sa chute et à l’effraction masculine ;
Luce Irigaray qui dissocie le féminin du maternel et qui effectue une retraversée critique
des discours psychanalytiques sur la sexualité féminine pour démonter la machinerie
discursive, imaginaire qui l’aliène au miroir masculin et à ses paramètres ; trois noms,
comme les pointes d’un triangle entre les quelles, il sera question de Françoise Dolto et
d’écrivaines qui ont su traduire l’expérience féminine dans certains de ses paradoxes et
paroxysmes,
telles, Marguerite Duras, Marcelle Marini et Nelly Arcan.
Elles ont en
commun de s’interroger sur les rapports entre l’originaire, l’inconscient et le féminin
Ce séminaire peut vous paraître théorique, sans incidence clinique. Ce serait une erreur
de le croire. Monique Schneider et Luce Irigaray en particulier nous éclairent sur nos a
priori, nos déterminations théoriques. La psychanalyse est elle-même ancrée dans une
histoire, une culture, une mythologie du féminin et par-là, peut reconduire une
représentation de la femme qui, sans être fausse, correspond au désir masculin et à son
imaginaire. Toute théorie du féminin est elle-même paradoxale car elle entre dans un
champ discursif qui peut prescrire nos définitions et conceptions du féminin, et donc
affecter et influencer notre écoute.
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1. Penser le féminin avec Monique Schneider
Dans De l’exorcisme à la psychanalyse Le féminin expurgé (Retz, Paris, 1979),
Monique Schneider tente une prospective des origines souterraines de la psychanalyse.
Elle met l’accent sur une double conception de la femme chez Freud, en particulier une
conception cachée d’une femme-mère 1originaire redoutable suscitant la terreur (tête de
Méduse théorique) qu’il oppose à une autre femme forme, objet maîtrisable, objet de désir
de l’homme, plus rassurante. À travers l’étude du destin des sorcières et possédées
jusqu’aux hystériques de Freud, Monique Schneider, contrairement aux féministes qui ont
cherché à découper une image du féminin à préciser une territoire du féminin, pense que
le féminin constitue un autre régime, un régime visant à déjouer les oppositions, les
coupures et les phénomènes des frontières. Le fameux balai des sorcières n’est pas
qu’un symbole phallique, c’est un instrument qui efface les pistes, les traces, les clivages,
dit-elle. Chaque fois, ajoute-t-elle qu’en parlant du féminin, on met l’accent , par exemple
sur la coupure entre le féminin et le maternel, entre le féminin et le masculin, on travaille
dans un sens antiféminin. Les figures féminines sont multiples comme la Sphinx, comme
l’Hydre à mille têtes.
Dans les mythes primitifs toutes, les figures «princeps » sont
bisexuées ou multisexuées. Plus on va vers l’origine du psychisme, pus on va vers cette
espèce d’ambiguïté qui fait peur.
À ce titre, le masculin et le féminin, pris dans ce
mouvement culturel se définit à partir de certaines mutilations, donc perdent un élément «
ombilical » typique d’un mouvement féminin.
Dès qu’il y a jugement, il y a décision,
séparation, scission ( Granoff (La pensée et le féminin) et donc défense contre le féminin.
Aussi, parler du féminin est-il très difficile car le mouvement même de théoriser dans un
style de théorisation classique est antiféminin. Œdipe théorisant, c’est aussi Œdipe
matricide qui élève un monument funéraire sur le féminin de la mère, pôle d’effroi et
d’ensorcellement comme le fut la Sphinx à l’entrée de Thèbes, à l’entrée de la terre natale
où Œdipe retourne pour réaliser son destin.
Freud, la femme, la sorcière et l’hystérique
1
Schneider ne dissocie pas les deux contrairement à Luce Irigaray ; vous comprendrez pourquoi plus loin.
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Dans les premiers temps de sa découverte, au temps des lettres à Fliess et des
«Études sur l’hystérie », Freud entrevoit un féminin sauvage, redoutable, vertigineux,
fascinant et enveloppant, une sorte de Tête de Méduse à laquelle on ne peut échapper. Il
écrit à Fliess (lettre 56 ), note Schneider : « Tu te souviens de m’avoir entendu dire que la
théorie médiévale de la possession soutenue par les tribunaux ecclésiastiques était
identique à notre théorie du corps étranger et de la dissociation du conscient. Pourquoi
les aveux extorqués par la torture ont-ils tant de ressemblance avec les récits de mes
patients au cours du traitement psychanalytique ? » Il ajoute qu’il est tenté de croire qu’il
faudrait considérer les perversions dont le négatif est l’hystérie comme les traces d’un
culte sexuel primitif qui fut peut-être même, dans l’Orient sémitique, une religion (…)
Freud semble lui-même établir une filiation entre la technique analytique et cette vieille
pratique exorcisante et purgative qui vise à expulser, en même temps que les sorcières,
les forces démoniaques dont elles se sont faites les complices. Or, ce qui est expulsé, ce
n’est pas seulement ce qui est pathologique, mais ce qui a partie lié avec le pathologique,
à savoir tout ce qui à l’intérieur de soi est cause d’excitation, de dissolution, comme le
plaisir qui lui-même est lié à la séduction et à la puissance du féminin. Le féminin, c’est à
la fois la séduction même, le charme excitant, l’excès dissolvant ou le gouffre mortifère,
dans le quel le plaisir risque constamment de nous engloutir à nouveau.
D’où la
construction d'un système de défense conceptuel qui aura pour fonction de recouvrir et de
dénier le gouffre entrevu; . Freud construit son modèle de la vie psychique sur celui de
l’arc réflexe, excitation-tension visant la décharge où on y retrouve la même opération
d’expulsion, de décharge de l’excitation que symbolise la figure de la sorcière, celle-ci
étant considérée comme le Mal en soi. Dans une opération de renversement, Freud
définit le plaisir comme une baisse de tension. Pourquoi l’excitation ne serait-elle pas ellemême cause de plaisir, demande Schneider ? C’est le féminin comme foyer d’altérité qu’i
faut recouvrir, le féminin en tant que foyer d’excitation libidinale à maîtriser, à expulser, à
domestiquer. Freud tentera, dit-elle, de libérer la femme de ce féminin qui l’habite et
s’affirme en elle comme une puissance de transgression et de dislocation, afin de sauver
l’homme de ce qui l’angoisse, l’horrifie et risque de l’engloutir à jamais. Le féminin est dès
lorsmis du côté du trauma, de ce cri impossible que l’homme a perdu en lui.
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Le délestage d’une puissance éprouvé comme féminine s’enracine selon Monique
Schneider à un tournant culturel antérieurement accompli : le passage de la figure de la
sorcière à celle de la possédée. Autant la première est chargée d’incarner la puissance, la
force, la responsabilité, le diabolique, la complicité avec le Démon, la maîtrise des forces
obscures, la connaissance des secrets et des énigmes, un pouvoir occulte à la fois désiré
et craint, autant la seconde est vidée de substance, simple réceptacle en proie aux visions
et aux emprises du Démon, victime irresponsable du sort qu’a jeté sur elle un homme, un
sorcier lui-même habité par le Démon.
La première est coupable et brûlée, elle est
toujours noire comme le Démon, la seconde est irresponsable, exorcisée et blanchie. Un
progrès certes au niveau humain, mais un recul pour la puissance attribuée au féminin
quoi sera dès lors mis au compte d’un homme, au sorcier envoûteur sur qui la femme a
projeté ses désirs érotiques interdits. 2
C’est cette représentation purgée qui servira de matrice aussi bien à une définition de
l’essence supposée féminine qu’à la définition d’un « patient » s’offrant à une
thérapeutique qui l’invite à abandonner ses « résistances ». Pourquoi ? Ce délestage ne
porte pas seulement sur une puissance éprouvée comme féminine mais est indissociable
de ce qui dans le psychisme est considéré comme fonctionnant sur le modèle du féminin
( l’imaginaire, l’émotion, le plaisir…).
Peut-être est-ce pareil à l’intérieur du champ
psychanalytique quand Freud répète le geste d’Œdipe contraignant la Sphinx à se
précipiter du haut de son rocher et Jocaste à se pendre en obligeant la femme à nommer
le mal (désir, secret sexuel ) qui l’habite, la possède. Par ailleurs, l’accent mis par Freud
et Lacan sur le meurtre du père occulte la visée matricide d’Œdipe, le fait qu’une
puissance féminine soit acculée à l’autodestruction. Il s’agit d’éclairer, de se servir des
mots et de la puissance de la raison comme d’une arme pour venir à bout des forces
obscures du féminin associé au chaos et à une gorge béante. (voir le rêve de l’injection
faite à Irma).
Transfert du féminin
Le sorcier est une figure née du dédoublement de la sorcière en possédée où dans le
cas de cette dernière le mal est attribué à un personnage masculin, personnage cause
2
La psossessionde Loudun par M.de Certain et A. Huxley à vérifier.
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d’un ensorcellement comme le sera plus tard le psychanalyste ( cause du désir ). C’est lui
le tentateur dont la possédée sera délivrée par l’exorciste. Le psychanalyste est aussi une
personnage double, `a la fois sorcier imbu de tous les pouvoirs et interprète du mal dont il
est la cause. Il s’agit aussi d,une représentation ambiguë du père qui occupe désormais
la place du coupable à la place de femme mère originaire, cette sorcière primitive. Il y a eu
transfert de pouvoir de la mère au père comme il y en a eu de la sorcière au sorcier en
passant par la possédée. Voilà qui rappelle un thème essentiel de Freud qu’il inscrit dans
son livre testament Moïse et le monothéisme (Gallimard, 1967, p. 153)
Nous estimons que la « toute-puissance de la pensée » exprimait le prix que l’Homme attachait
au développement du langage qui amena si extraordinaires progrès des activités intellectuelles.
C’est alors que s’établit le règne nouveau de la spiritualité à partir duquel les concepts, les
souvenirs, les déductions, prirent une importance décisive au contraire des activités psychiques
inférieures relatives aux perceptions sensorielles immédiates.
Ce virement de la puissance de l’imaginaire au compte de la raison, Freud en voit la
correspondance dans le passage du matriarcat au patriarcat. Selon lui, ce passage de la
mère au père marque une victoire de la spiritualité sur la sensualité et par là un progrès
de la civilisation. « En effet, la maternité est révélée par les sens, tandis que la paternité
est une conjecture basée sur des déductions et des hypothèses. » (ib. P. 153). Freud met
lui aussi en place un réseau théorique, déductif solidaire de ce « passage de la mère au
père » et le présente comme une évidence. L’exorciste comme le psychanalyse exerce
une fonction ordonnatrice, une fonction paternelle en arrachant la possédée ou
l’hystérique à l’emprise enveloppante du démon, du désir, comme on arrache l’enfant à la
nuit de la matrice.
C’est un accoucheur, d’où explique Schneider l’importance
extraordinaire donnée à la séparation de la mère dans la théorie psychanalytique : il s’agit
d’arracher le sujet à l’emprise de la nuit maternelle. Ce passage de la m`re au père est
également parallèle du parcours œdipien dessiné par Freud comme transfert de la
puissance maternelle féminine au pouvoir masculin paternel. Le sorcier en est la figure
culturelle de relais car il condense les deux sexes en une figure bisexuée : le Diable qui
possède une longue queue et des mamelles, représentaiton qui jouxte celle de la mère
archaïque. Selon Schneider, la peur et la fascination du Diable sont liées à la peur et la
fascination de la nuit, vue comme répétition du séjour originaire d’avant la naissance et
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comme lieu favorisant les rêves, l’abandon de la conscience vigile et la violence des
désirs, ce qui conduit « au sommeil de la raison » (Goya).
Le clivage du maternel et ses diverses lectures
Les figures de l’archaïque seraient nécessairement indéterminées : l’enfant n’accède
pas d’emblée à la différence des sexes, puis advient un dédoublement entre l’adoration et
le rejet, entre la mère parfaite et la mère exécrable.
La différence des sexes entre
hommes et femmes recueilleraient ce premier clivage, cette dichotomie archaïque. La
différence entre hommes et femmes hérite donc de la fissuration de la figure maternelle
primitive. L’homme est investi des pouvoirs auparavant dévolus à la femme mère. On le
voit, Schneider met l’accent sur la puissance du féminin dans sa figure maternelle,
puissance désormais transférée au masculin. À la femme reste un autre clivage, celui
entre la figure de la putain vouée au sexe et celle de la femme chaste vouée à la
maternité.
Ce que Freud rattache pour sa part au caractère bi-phasique de
l’apprentissage amoureux : abandon de la mère, demande d’enfant au père.
Lacan renforce la position freudienne quand il insiste sur la solidarité entre la parole
paternelle et la référence à la Loi, il attribue d’emblée à cette parole une fonction
séparatrice et normative : c’est par son emprise que s’accomplit le passage de l’ordre de
la nature à celui de la culture, le découpage symbolique ayant moins pour fonction de
désigner une réalité existant au-dehors que d’instaurer cette réalité dans a dimension
ordonnée. Il s’agit de faire respecter l’interdit de l’inceste, c’est-à-dire du retour à la mère
pour l’enfant, et de la reprise de l’enfant par la mère, interdit de jouissance fusionnelle.
La conception freudienne de la guérison repose sur cette conception complice du
fantasme, note Schneider. C’est une libération nécessairement considérée comme une
réactualisation de la séparation d’avec la mère : l’être serait donc d,Une certaine manière
malade du féminin et guérie par l’intervention du principe masculin. Il s’agit bien de barrer
le chemin du retour vers la mère, vers l’origine nocturne.
Freud et l’Hystérique
Freud se place du côté des exorcistes. Il croit comme eux en une causalité psychique,
un « corps étranger » qu’il nomme pulsion et non démon. Il fait le don de son écoute et
c’est au père qu’est attribué le rôle du sorcier, du séducteur avant qu’il ne renonce à sa
neurotica. » C’est par ce qui, en lui, représente la part du féminin – définie comme
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vulnérabilité, fragilité à l’Égard des sollicitations extérieures, passivité et irresponsabilité –
que le psychisme se trouve soumis à la maladie névrotique. » (Le féminin expurgé, p. 71).
Freud innocente le père. Il délivre le sujet de ses excitations par le pouvoir du mot, de la
dénomination. C’est ce que signifie le rêve de « l’injection faite à Irma »selon l’analyse de
Lacan, « triméthylamine » est une formule conjuratoire contre le gouffre que représente
l’organe féminin, contre la bouche dévoreuse, contre l’image de la mort finalement. Bien
des termes psychanalytiques, remarque Schneider, ont cette fonction de clé universelle,
ils permettent de colmater ce qu’il y a d’insaisissable dans le Mot, de l’oublier pour le gage
d’une maîtrise radicale sur tout ce qui se présente comme gouffre.
Dans les textes
officiels, le féminin est ce qui manque(voir Irigaray), et sur le plan inconscient, on voit
apparaître une figure du féminin océanique, submergeante, puissante, un flot qui dévaste
tout (voir Duras). Le masculin y apparaît comme un anti-pouvoir. (voir Irigaray)
La parole et l’inceste
M.S. étudie l’impact du modèle linguistique sur les champs de la sociologie, de la
génétique et de la psychanalyse. Elle y poursuit sa réflexion sur la mise en cause de
l’actuel primat de la différence, de la séparation.
Le monstre primitif est d’essence
maternelle chtonienne et Freud est le héros qui en triomphe en se mettant du côté de la
lumière contre la nuit, des mots qui substituent le nom-du-père au désir de la mère. De la
métaphore à la place de l’inceste, du logos qui élève la chose ( le lieu perdu de la
jouissance ) dans le concept. Le thème du passage de la mère au père rend possible la
représentation d’une mère lointaine, éthérée, mais gardée intacte dans son éloignement.
L’essence du langage, serait dans sa version lacanienne, de purger la parole de
l’ombre chantée, de l’incantation, de sa tendresse, de sa sensualité. De la désincarner
pour en extraire la seule charge signifiante, son message. Comme si la célébration des
pouvoirs du logos s’appuyait sur la destitution préalable d’une figure féminine et nocturne,
s’exprimant dans l’enveloppement ensorceleur de la plainte amoureuse. M.S.questionne
le primat du Signifiant qui en voulant faire la lumière et mettre fin à l’inceste, effectue le
matricide. Le but de la psychanalyse pour Lacan est le savoir qui exclut la jouissance.
Dans ce passage de la mère au père, il y a perte irrémédiable, ce qui st enjambé,
dépassé n’est pas repris dans la pensée.
Pour M.S., il ne s’agit pas vraiment d’un
progrès car dans ce passage du cri viscéral de Jocaste au règne du logos, on sacralise la
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puissance terrassée pour mieux l’enterrer. Pour nier toute célébration possible du féminin
maternel, à la place on célèbrera le langage, on aura confiance dans le signifiant et une
puissance qui participe du mythe d’une matrice paternelle plaçant l’enfant ainsi enveloppé
à l’abri de la séductrice perverse. Pour Lacan, le travail de l’ordre symbolique s’identifie à
celui de la pulsion de mort : le mot comme meurtre de la chose.
En somme, pour
Monique Schneider, l’imagerie qui sous-tend cette passion du vrai, la passion freudienne
(et lacanienne) de la mise en lumière est animée par un désir matricide.
La part de l’Ombre, Aubier 1992
Thème : l’excès.
Comme Marie Delcourt,
3
Monique Schneider pense que le rapport au matriciel n’st
possible qu’à la condition que soit acceptée une complicité avec l’ombre ou avec ce qui
dans la parole agit comme matrice continuée (chant, intonation, etc).
Alors que la
demande d’analyse porte souvent sur une incapacité à supporter l’excès : excès de
passion amoureuse, de douleurs, d’excitation, d’imagination, d’angoisse, d’émotions, etc.,
elle suggère de donner une place à cet excès qui affecte en premier la représentation du
lien à la mère, line posé comme incassable.
La part de l’ombre est un récit de cure en même temps qu’une analyse de ce rapport
traumatique à l’excès. M.S. part d’un récit de rêve par Freud où il attribue un désir
infanticide à la rêveuse, rêveuse qui se défend contre le risque d,Une maternité. Ce qui
est intéressant ici, c’est que cette représentation théorique contredit celle de la femme
supposée comblée par l’arrivée de l’enfant-pénis, sauveur de son narcissisme.
L’élaboration post-psychanalytique va s’engouffrer dans cette voie ouverte par Freud, en
attribuant à la mère un trop-plein de désir, un excès dont il faut délivrer le sujet. Comme
s,il fallait imposer à la mère une séparation qu’au fond d’elle-même elle ne pourrait que
refuser. Là où un vide est menaçant, il faut construit la représentaion d’un excès, écritelle (p. 9).
Remarquons ici, que Monique Schneider dévoile le travail du désir pour soutenir toute
représentation, qu’elle s’insère dans le tissu associatif ou dans le tissu théorique. Elle
propose une autre dimension au travail analytique en même temps que celle de
l’injonction séparatrice, soit de réactualiser la dimension matricielle de la parole.
3
Auteure de Œdipe ou la légende du conquérant , Paris, Les Belles Lettres, 1981.
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Ce
champ recueillerait tout ce qui a été déposé concernant la préhistoire infantile, que les
éléments de cette histoire relèvent du symbolique, du gestuel ou de l’affect.
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2. Penser le féminin avec Jacqueline Schaeffer
Jacqueline Schaeffer énonce de nouvelles propositions sur le féminin. Elle n’est pas
une véritable critique du discours psychanalytique sur la sexualité féminine et en quelques
endroits comme sur le masochisme, elle se montrer assez fidèle à ses maîtres.
Cependant, j’ai choisi de vous en parler dans la mesure où certains aspects de sa
théorisation rejoignent les critiques de Schneider et ouvrent des pistes pour la clinique.
Elle se centre sur le féminin sexuel, non sur le féminin maternel ou sur les relations
amoureuses, distinguant également un orgasme phallique de la jouissance de type extase
(démesure).
C’est dans cette reconnaissance de l’excès qu’elle rejoint Monique
Schneider, cependant elle fait dépendre la jouissance de la femme du rapport à l’autre
masculin ; c’est dans la mesure où la femme consent à se soumettre, à accepter d’être
vaincue qu’elle jouit au-delà du plaisir phallique. Ce passage par la défaite masochiste
conditionnerait pour la femme l’accès à la jouissance. Mais peut-être aussi pour l’homme,
dans la mesure où il s’abandonne à la pulsion sexuelle. Elle pense que le plus refoulé,
c’est cette relation sexuelle de jouissance qui constitue le féminin érotique, lieu de la
fusion amoureuse et de la différence des sexes reconnue.
Son hypothèse principale est que plus le moi admet de pulsions sexuelles en son
sein, plus il a accès à la jouissance sexuelle, et plus il est riche, plus il aime. Il s’agit pour
la femme, mais aussi pour l’homme, de surmonter le refus du féminin ( résistance à la
pénétration par le Moi )lequel s’oppose à l’ouverture de la pulsion et permet au moi de
lutter contre sa dépendance libidinale. Selon elle, le féminin le plus accompli suppose
l’accès à la jouissance sexuelle, et celle-ci est créée par l’amant. Celui-ci doit avoir déjà
introjecter en son moi la poussée constante de la pulsion sexuelle pour pouvoir la porter
dans le corps de la femme : ouvrir, créer son « féminin » en le lui arrachant.
Pouvons-nous être d’accord avec ces affirmations de Schaeffer ?
Son sexe veut la chute, la défaite, l’abus de pouvoir, le «masculin » del,homme, c’est-à-dire
l’antagoniste du phallique, théorie sexuelle infantile qui n’existe que de fuir la différence des
sexes, et donc son féminin. Mais son moi hait la défaite. Son sexes crie : « Abuse de moi !»
Tandis que son moi dit : « Tu ne m’arracheras rien !» (p. 79)
Et elle ajoute que tout ce qui est insupportable pour le moi est précisément ce qui
contribue à la jouissance sexuelle : l’effraction, l’abus de pouvoir, la perte de contrôle,
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l’effacement des limites, la possession, la soumission bref, la défaite. Le masochisme
féminin consisterait à désirer la défaite (de son narcissisme phallique et anal )et l’abandon
à la poussée constante et à l’objet effracteur et nourricier. « Plus la femme est soumise,
plus elle est puissante, ajoute-t-elle.
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