Quand le fado sort de son vase clos

Transcription

Quand le fado sort de son vase clos
Des livres plein les oreilles !
Yvon Chateigner chante Luigi Tenco
Keane en 3D
Audiolib a été lancée depuis un an pour développer le marché
du livre audio en France et propose déjà plus de 60 titres
d’éditeurs de tous horizons, se présentant comme “une
nouvelle façon de lire” aux nombreux avantages : mobilité, de
nouveaux moments pour lire, lecture possible dans tous les
transports, plaisir de l'écoute. Parmi les titres : L’écume des
jours de Boris Vian, lu par Arthur H (le 8 avril), Saules
aveugles, femme endormie, de Haruki Murakami, lu par
Sylvain Machac. En vente dans les points de vente livres
habituels et les librairies en ligne. Rens : www.audiolib.fr
Belle idée que celle d’Yvon Chateigner, que de consacrer un
spectacle au poète italien tourmenté qu’était Luigi Tenco, qui
s’est suicidé avant d’avoir trente ans pendant sa participation
au festival de la chanson italienne à Sanremo. C’est en 1967
qu’il se présente à ce Festival avec la chanson Ciao amore ciao
(interprétée par la suite de manière poignante par Dalida), se
classant à la douzième place. Enfermé dans sa chambre de
l’hôtel Savoy, il est par la suite trouvé mort, une balle dans la
tête, par Dalida elle-même. Yvon Chateigner reprendra les titres,
pas toujours les plus connus, du poète le 16 mai au Trianon.
Le 2 avril, Keane entrera dans l’histoire en offrant
à ses fans la diffusion, pour la première fois sur
Internet, d’images live en 3D depuis les prestigieux
studios d’Abbey Road à Londres. Keane sera donc
en direct des mythiques studios, là même où les
Beatles ont organisé la toute première diffusion
par satellite, pour une session live.
Des lunettes 3D seront disponibles sur
keanemusic.com et les images seront visibles
sur www.absoluteradio.co.uk
MUSIQUE DU MONDE
Par Dominique Parravano
MON COUP DE CŒUR
Quand le fado sort de son vase clos
T’es qui Mocky ?
Ce mois-ci sortent deux albums de deux personnalités référentes et majuscules du fado :
la lisboète Misia, l’une des fadistes les plus
créatives et charismatiques, et la plus jeune
chanteuse de Fado, Cristiana Blanco sans
oublier Maria Teresa.
Avec, une même démarche : arracher le fado
à ses figures immuables tout en le réinscrivant dans un univers contemporain.
Un nouveau fado, enraciné mais résolument
neuf. Elles sont toutes en concert à Paris.
Il n’est pas de plus belle performance pour un cinéaste que de
durer dans ce monde impitoyable. Pour cela, il faut réunir plusieurs qualités essentielles : inspiration, chance, forte personnalité
et combativité. Et encore, je n’évoque pas les effrontés qui cherchent ouvertement les emmerdes en traitant de sujets dits “sensibles”... Vous aviez compris que je parle Mocky, non ?
© PHOTO CREDIT: PEDRO CLAUDIO/UNIVERSAL
© PHOTO CREDIT: YOUSSEF NABIL/UNIVERSAL AZ
Conjuguer la nostalgie d’un chant qui a bercé
leur enfance tout en le dépoussiérant avec des
textes de poètes contemporains sans se soucier
de la statue du commandeur, telle est la
démarche des deux représentantes du fado
actuel : Misia, la doyenne, et Cristina Blanco,
plus jeune et qui a découvert le fado grâce à son
grand-père qui lui offrit, pour ses dix-huit ans,
un disque d’Amália Rodrigues.
Mísia, tout d’abord : femme d’esthétique, elle a
modernisé le fado en redessinant les attributs
fadistes, tout en respectant les fondamentaux :
textes classiques empreints de fatum (le destin),
yeux fermés et mains fiévreuses. Il faut dire que
le fado était instrumentalisé par le pouvoir, en
étant un outil de propagande et de répression.
Mis à part quelques grands poèmes, les chansons véhiculaient l’esthétique d’un Portugal petit
et pauvre, sans ambition, mais heureux.
Aussi, en esprit libre, Misia se lança dans un
inventaire du genre, ouvrant de nouvelles voies,
prenant contact avec des poètes auxquels elle
commande des textes nouveaux, littéraires, ou
invitant le violon, l’accordéon et le piano. Ruas,
son nouvel album qui se présente sous forme
de diptyque en deux CD, participe toujours de
cette même démarche artistique. Dans Lisboarium, le premier CD, Mísia rêve Lisbonne de
loin, car cela fait maintenant trois ans que l’artiste vit à Paris. Un inventaire poétique et subjectif de la ville à travers un choix de musiques
et de poèmes qui la mettent en scène, la racontent ou l’intimisent. Une dominante de fados,
avec cependant des regards vers d’autres
musiques qui font partie des sonorités de la
ville : les Marchas de Lisboa, ces parades des
quartiers qui ont lieu, ou bien en interprétant
une mélopée capverdienne du Portugais Vitorino
Salome si proche du fado par le thème de ses
chants. Tourists, le second disque, est celui des
voyages qui, ont construit la sensibilité musicale
de Mísia : des artistes écorchés vifs, des blessés
de l’existence, avec lequels elle partage la même
relation tragique avec la vie et la musique.
Par Vincent Perrot
Mísia sera en concert au Casino de Paris
le 8 avril à 20h30. Rés :08 926 98 926.
Qu’il s’agisse de Nine Inch Nails (Hurt), de Joy
Division (Love will tear us apart), du flamenco
de Camaron de la Isla (Como el agua), de Barbara (Attendez que ma joie revienne) ou de
Dalida (Pour ne pas vivre seul), d’Avion Travel
qui intervient le temps d’une chanson napolitaine, qu’ils soient présents lors de duos (Agnès
Jaoui, le joueur de ney Kudsi Erguner, l’accordéoniste Daniel Mille), Mísia, en investissant des
territoires où existent les mêmes sentiments que
dans le fado, gravit une marche supplémentaire
sur le chemin qu’elle s’est tracée.
Même chose chez Cristina Branco qui, après
deux albums consacrés à ses maîtres Amalia
Rodrigues et José “Zeca” Afonso, reprend pied
ET AUSSI...
Maria Teresa,
Era uma vez um jardim
Nouvel abum chez Le chant du monde (sortie le
26 mars) de celle qui chante la tradition
populaire de son pays d’origine et celle du
Brésil à la lumière de sa double identité. Son
timbre suave fait vibrer de nouveau le cœur
d’un fado qu’elle a appris auprès de sa mère
avec cet album très poétique, joliment baptisé
Il y avait un jardin...
Maria Teresa sera le 20 mai au théâtre de
l’Opprimé 78 rue du charolais Paris 12e.
Cristina Branco sera le 26/03 à Paris à
La Cigale (avec Amancio Prada en guest).
avec Kronos dans un univers contemporain. Elle
a demandé textes et musiques à des auteurs et
compositeurs d’aujourd’hui, qui mêlent héritages et innovations, mélodies populaires et
subtilité de la poésie d’auteur. Et de s’en prendre
même à un attribut majeur du fado : le châle.
“Le fado a changé/Il a ôté son châle, il s’est mis
à danser/Ah, mon fado est fou”, chante Cristina
sur un poème de Miguel Farias et une mélodie
fantasque de Carlos Bica. Les gardiens du temple sont avertis qu’ils pourront glapir autant
qu’ils veulent devant l’hétérodoxie de Cristina.
Elle annonce que tout sera fado, même quand ce
n’est pas du fado…
! Dominique PARRAVANO
En 40 ans de carrière, Jean-Pierre Mocky a alterné lauriers et
gadins retentissants, sans jamais renoncer à ses obsessions,
basées sur la dénonciation caustique. Ce mec-là, il aime quand ça
frotte, quand ça grince des dents, quand ça caresse à rebrousse
poil ! Personnage aussi attachant qu’imprévisible, entre colères
dantesques et insatiable boulimie de cinoche, Mocky est capable
de hurler “Action !” avant même que la caméra soit sur le plateau
mais ses films délirants et ravageurs sont un contre-pouvoir
indispensable face à la consensualité rampante. Mocky a accouché de 50 galopins !
Fiers de tous ses
enfants, des plus
accomplis comme des
plus fragiles, il s’est
consacré à récupérer
ses négatifs, d’où la
formidable “Collection
Mocky” qui réunit la
quasi intégralité de ses
enfants terribles. Si
certains ont connu le
tableau
d’honneur,
d’autres ont vécu une
croissance plus difficile
et ces “vilains petits
canards” ne sont pas
les moins intéressants. Au
contraire ! Grâce à cette collection, tous ses rejetons sont
enfin placés sur un pied d’égalité : Un drôle de paroissien et
13 French Street, Les Saisons
du plaisir et L’Ibis rouge, Le
Miraculé et Divine enfant…
L’univers déjanté de Mocky génère des castings surréalistes, les
acteurs savent qu’ils y seront esquintés, déformés, décoiffés,
balafrés mais ils aiment ça et en redemandent ! Son plus fidèle
complice Michel Serrault avait tout résumé, Si Mocky n’existait
pas, le cinéma français serait d’un terne ! Ah, c’est pas le confort
4 étoiles, c’est plutôt gitan. Vous demandez, “Où est ma loge ?”,
on vous réplique, “C’est là, derrière les chiottes !”.
Trois films viennent compléter les 42 galettes déjà disponibles.
C’est une occasion unique de se replonger chronologiquement
dans l’œuvre de ce fou furieux, un électron libre qui ne peut pas
s’empêcher de mettre le doigt là où ça fait mal… Oui Mocky,
encore, c’est bon !

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