La prévention de la douleur induite par la réfection des

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La prévention de la douleur induite par la réfection des
La prévention de la douleur induite par la réfection des pansements :
rôle propre de l’infirmière
Anne LIRON, infirmière conseil en pansements
Groupe Hospitalier Paris - Saint-Joseph
La réfection des pansements est un moment souvent associé à la douleur et même redouté par certains patients.
Il est donc particulièrement important de savoir évaluer cette douleur, la traiter et plus encore la prévenir[1]
Aucours de la réalisation des pansements, la prévention de la douleur n’est pas simplement médicamenteuse ;
l’infirmier (IDE), intervient pour beaucoup dans la survenue ou non de la douleur.
En effet, l’attitude, la précision des gestes, l’utilisation correcte d’un matériel adéquat, dans un environnement
adapté, mais surtout l’éviction de tous les actes inutiles et douloureux, font partie du rôle propre de l’infirmier
et ne nécessitent aucune prescription médicale. Ils représentent un savoir-faire précieux. que j’essaie en tant
qu’infirmière conseil en pansement de transmettre à mes collègues du Groupe Hospitalier Paris-Saint-Joseph
Infirmière conseil en pansement [1]
Le but recherché dans ce poste est d’améliorer la qualité des soins des plaies grâce à une formation continue de
l’ensemble du personnel concerné. Ainsi le temps de cicatrisation doit être abrégé et la qualité de vie du patient
s’en trouver meilleure.
Cette formation se fait sous forme d’accompagnement individuel du personnel au lit des patients, mais aussi
sous forme de cours (ex : les dispositifs médicaux), d’ateliers collectifs (pose de bandes de compression
veineuse…). Je me déplace dans tous les services du groupe hospitalier, à la demande des médecins, cadres ou
personnels infirmiers pour évaluer une plaie, apporter un avis d’experte sur les soins à réaliser, expliquer
comment déterger une plaie, guider les gestes infirmiers, conseiller tel ou tel type de pansement en fonction de
l’état de la plaie.
Cela permet à la fois un enseignement théorique et pratique qui rassure les infirmiers et met en confiance les
patients. En effet, ceux-ci estiment que l’on prend à cœur LEUR problème et la suite des soins s’en trouve
facilitée, car mieux comprise et acceptée par le patient
A chaque étape du soin, grâce à des conseils adaptés le soignant améliore ses gestes techniques et adopte un
comportement professionnel qui agissent de façon directe sur la douleur et la qualité du soin.
Mon rôle consiste aussi en la rédaction de protocoles de soins, la réalisation d’outils (fiche de suivi de
pansements), la rédaction et publication interne de documents (tableau sur les dispositifs médicaux présents sur
le marché et ceux disponibles sur le Groupe hospitalier, lexique des termes en rapport avec les plaies) ; la
participation à des groupes de travail, notamment sur la prévention et le traitement des escarres ; cours en IFSI
sur les ulcères, les plaies rencontrées en chirurgie vasculaire…
La multiplicité des tâches, demande une disponibilité et une volonté d’adaptation aux situations. C’est un
élément indispensable à la réussite de cette mission
L’approche relationnelle commence par la mise en confiance du patient :
Afin de favoriser la mise en confiance du patient, le soignant doit faire preuve d’un comportement calme et
serein. Il est également indispensable qu’il ait connaissance de la plaie qui va être traitée. Ceci lui permettra de
faire preuve de savoir faire et évitera les hésitations qui ne feraient qu’aggraver l’angoisse du patient.
Être professionnel, c’est allier un travail technique tout en parlant avec la personne soignée afin de la détendre :
des explications claires données avant et pendant le soin (ce que l’on fait et pourquoi), ainsi que les conseils
adaptés, sont autant de clés qui sortiront le patient anxieux du carcan dans lequel il s’enferme.
L’installation du patient…et du soignant :
Elle doit être la plus confortable possible pour le patient. Cela est important pour que le patient soit plus à l’aise
pendant le soin et qu’il ne soit pas dérangé par une position inconfortable, voire douloureuse…
L’installation du soignant doit être ergonomique pour des raisons évidentes de santé (les problèmes de dos sont
suffisamment nombreux..) mais aussi pour éviter de bâcler le soin en raison d’une fatigue due à une mauvaise
position.[10]
Il faut réduire les manipulations au strict minimum et éviter tout contact inutile avec les zones douloureuses.
Le retrait du pansement :
C’est un moment très important car potentiellement douloureux.[2]
Les bandages sont découpés plutôt que débobinés pour éviter les manipulations inutiles.
Le pansement primaire (en contact avec la plaie) sera retiré délicatement et non arraché ; pour cela, s’il adhère,
on peut s’aider de sérum physiologique ou d’eau stérile. Dans ce cas, il sera peut-être nécessaire de revoir le
choix du pansement au cours de sa réfection.(pansement n’adhérant pas à la plaie)
Lorsque l’on découvre la plaie, il faut éviter les réactions de stupeur, d’écœurement, les gestes déplacés
montrant l’incommodation causée par l’odeur ou l’importance de la plaie… Cela n’aide pas le patient à
accorder sa confiance au soignant ; c’est aussi et surtout une question de respect de la personne soignée. Là
encore, le choix du pansement peut être modifié.(ex : un pansement au charbon absorbe les odeurs)[5]
Le dépistage des facteurs locaux pouvant aggraver la douleur :[3]
Un pansement mal toléré peut être source de douleurs extrêmes. L’IDE doit donc être capable de réagir devant
chaque signe d’alerte.
Elle portera attention à la peau péri-lésionnelle, en vérifiant qu’il n’y ait pas de signes de mauvaise tolérance à
un topique, de macération, d’eczéma…[4]
Elle surveillera les signes :
- d’infection, source de douleur mais aussi d’aggravation rapide de la plaie.
- d’ischémie, également source de douleur mais qui peut aussi mettre en cause le pronostic de conservation
d’un membre…
- d’œdème non résorbé (absence de compression veineuse, ou insuffisante ou mal mise ou non adaptée…)
source de douleurs importantes et d’échec du traitement, en particulier chez le patient insuffisant veineux.[8]
La « prévention locale » de la douleur :[7]
La prévention locale de la douleur s’inscrit évidemment dans le cadre d’une prise en charge globale de la
douleur notamment le traitement sur 24h. L’analgésie locale (réalisée sur prescription médicale) est un point
très fréquent de controverses.
On a malheureusement entendu trop souvent qu’il ne fallait pas d’analgésie locale sous peine de retarder la
cicatrisation. Aucune étude ne le démontre.
Par contre, lorsque la douleur n’est pas soulagée, certaines plaies ne sont pas correctement détergées, parce que
trop douloureuses ; il en résulte une accumulation de fibrine, engendrant un risque accru d’infection, de
dégradation de la plaie et de douleurs supplémentaires.
Il ne faut donc pas hésiter à réaliser une analgésie locale de la plaie.
Il existe sur le marché un seul produit ayant l’AMM pour l’analgésie des plaies, c’est la crème Emla® ; mais
son délai d’action est de 30 minutes. Le manque de temps des infirmiers (tant en milieu hospitalier qu’en
libéral) limite son utilisation. Et la plupart du temps la xylocaïne® est utilisée sur prescription hors AMM pour
l’analgésie locale en raison de délai d’action plus court (xylocaïne5%: 5 à 10 mn ; gel à 2%: 10 à 20 mn)
Le délai d’attente pour que le produit soit efficace sera mis à profit pour nettoyer le membre du patient autour
de la plaie. Cette action nécessaire et faisant partie intégrante du soin est hélas trop souvent négligée.
L’évaluation de la douleur :
Elle doit être à la fois qualitative et quantitative et ne pas se limiter à un chiffre dans le dossier du patient ;
pendant le soin, l’infirmier doit adapter ses gestes aux réactions du patient, car la sensation douloureuse peut
varier d’un extrême à l’autre en quelques secondes, selon que l’on touche un endroit plus ou moins sensible.
Lorsque la douleur augmente, il est nécessaire que le soignant ajuste ses actions à l’intensité de douleur
ressentie par le patient, mette en œuvre des actions adaptées. Si le soin s’avère trop douloureux, un
réajustement du traitement journalier ou la réfection du pansement sous MEOPA(mélange équimolaire
d’oxygène et protoxyde d’azote) doivent être discutés avec les médecins,[9]
Le temps du soin :
Idéalement, l’IDE doit pouvoir se consacrer uniquement à la réfection du pansement sans être dérangé. Ceci
permet d‘éviter l’exposition prolongée et inutile de la plaie.
Pendant tout le temps du soin, l’infirmier évite de réveiller la douleur par la multiplication du passage de
compresses sur la plaie.
Le temps doit être réduit au minimum, grâce à des gestes précis. Des gestes approximatifs sont peu efficaces
voire dangereux.
Tout au long du soin, le soignant explique chacune de ses actions. S’il est obligé d’attendre le passage du
médecin, l’infirmier dépose une compresse imbibée de sérum physiologique sur la plaie pour éviter de la laisser
sécher à l’air libre, car cela peut être douloureux.
L’utilisation d’un matériel approprié :[7]
L’utilisation d’un matériel adapté est importante et contribue à éviter des gestes douloureux.
La compresse seule ne peut être considérée comme un outil suffisant pour le retrait de la fibrine ; elle est à la
fois inefficace et douloureuse sur une fibrine adhérente.
Une pince sans griffe, une curette ou une lame de bistouri n°15 sont nécessaires :
La pince sans griffe peut parfois suffire, si la fibrine n’est pas adhérente.
La curette et la lame de bistouri seront plus efficaces en cas de fibrine très adhérente.
La curette est plus douloureuse que la lame de bistouri n°15 ; en effet la précision est nettement
meilleure avec la lame 15 ; celle-ci permet de retirer la fibrine à la limite des tissus vivants sans endommager
les bourgeons, alors que la curette est plus agressive pour les tissus sains.
La lame 11 est à proscrire dans les ulcères et les « pieds diabétiques » car trop pointue et donc dangereuse.
Les lames 10, 23, 26 sont plus larges et nettement moins précises que la 15, avec un risque accru de couper ce
qui ne doit pas l’être.
La détersion :[7]
Une plaie bien détergée évolue favorablement et devient rapidement moins douloureuse
Une plaie mal détergée se couvre de fibrine et risque de s’infecter ; ce qui est source de douleur
La détersion doit donc être efficace et commencer par les zones les plus propres pour se terminer par les zones
les plus sales, en évitant la répétition des gestes qui sont des stimuli inutiles de la douleur : frottements avec les
compresses, passages de curette, du bistouri. ; un geste efficace unique est moins douloureux que 10 gestes
inefficaces et successifs. Lorsqu’un endroit provoque une douleur plus forte, il faut savoir faire une pose,
renouveler l’anesthésie locale , attendre le délai d’efficacité, nettoyer les zones moins douloureuses pour y
revenir ensuite.
L’utilisation d’antiseptique :
Les antiseptiques n’ont pas fait la preuve de leur utilité dans le traitement des plaies chroniques et ne sont pas
recommandés par les experts.
Le sérum physiologique ou l’eau stérile suffisent pour le nettoyage des plaies chroniques que sont les ulcères,
les escarres, les maux perforants plantaires…
Le choix du pansement primaire (en contact avec la plaie) :[5, 6]
Il se fait en accord avec le médecin et en fonction de l’évolution de la plaie.
Les pansements contenant des antibiotiques ne sont pas indiqués pour les plaies chroniques telles que ulcères,
escarres, plaies du pied diabétique ; ils doivent être réservés aux brûlures.
Le pansement doit être confortable, le plus neutre possible pour éviter les risques d’intolérance.
Il doit répondre aux conditions de cicatrisation en milieu humide recommandées tout en évitant la macération ;
il doit donc absorber suffisamment les exsudats mais sans sécher au contact de la plaie, ce qui rend son retrait
douloureux.
Le pansement secondaire (couvre et maintient en place le pansement primaire) :[5, 6]
Il est important qu’il ne soit pas source de douleurs, voire de nouvelles plaies (eh oui, cela se voit plus souvent
qu’on ne le croit !) :
- Les compresses doivent être correctement disposées afin qu’elles ne fassent pas de plis qui rentrent
dans la peau.
- Il faut éviter de poser un tas épais de compresses :la différence de volume entre les compresses et la
peau, sous le bandage qui va les recouvrir, provoque un pincement de la peau au pourtour du tas de compresses,
cause de douleurs et parfois à l’origine d’une phlyctène qui se transformera en une nouvelle plaie.
- Il ne faut jamais appliquer d’adhésif sur la peau de la jambe et du pied d’un patient artéritique ou
insuffisant veineux, sous peine d’arracher la peau en décollant l’adhésif. Le maintien du pansement par
bandage est systématique pour les ulcères de jambes quelle que soit leur origine.
Mais un bandage mal posé et trop serré est source de douleur. Il ne doit pas faire garrot ; pour cela il
doit être étalé au dessus et au dessous de la plaie sans être serré. Une bande trop étirée a tendance à plisser et
rentrer dans la peau créant un risque d’érosion et/ou un œdème sur le membre autour du bandage.
Il faut savoir que 10 tours de bande superposés font garrot, alors que, s’ils sont étalés sur le membre, la pression
réalisée sera nettement moins importante.
En cas d’ulcère veineux :[8]
La mise en place correcte d’une compression veineuse adaptée est indispensable.
Si la mise en place n’est pas correcte, la compression sera mal supportée car douloureuse ; de plus elle sera
inefficace, voire dangereuse et donc source d’échec du traitement.
En cas d’ulcère artériel :
Il est encore plus important de ne pas serrer le bandage de maintien du pansement car cela peut entraîner une
aggravation de la douleur mais aussi une aggravation de l’ischémie et mettre en jeu la survie du membre.
En conclusion :
Le respect de chacun de ces gestes peut rendre un pansement potentiellement douloureux beaucoup plus
« supportable », alors que leur non respect peut induire ou majorer des douleurs jusqu’à les rendre
insoutenables.
Ce ne sont pas des détails, car ils contribuent de façon essentielle à une prise en charge globale de la douleur.
Si, malgré ce savoir faire, la réfection du pansement reste trop douloureuse, il est nécessaire de revoir le
traitement antalgique local et/ou d’utiliser le MEOPA ou des antalgiques par voie générale, voire envisager la
réfection du pansement sous anesthésie générale au bloc opératoire
L’infirmière conseil en pansement, de par son expertise, permet de faciliter les échanges entre les différents
acteurs de soins, propose des changements de protocoles, suggère la nécessité d’avis médical spécialisé,
contribue à la continuité des soins aux plaies lors du transfert d’un patient d’un service à l’autre…Par ces
différentes actions, elle intervient dans la prévention et des douleurs de fond et des douleurs liées à la réfection
des pansements.
Bibliographie :
1 : A.LIRON » conseils pratiques d’une infirmière en pansements » Revue de l’infirmière mai 2007 n°130
2 :S.MEAUME, O.GUIBON « la douleur au quotiduien chez les patients souffrant de plaies chroniques »
Journal des Plaies et Cicatrisations décembre2006, n°56 tome XI
3 : L.THEOT, S.MEAUME « les signes cliniques d’infection locale de la plaie » Journal des Plaies et
Cicatrisations juin 2005, n°49, tomeX
4 :C.LE COZ « accidents allergiques chez les porteurs d’ulcères de jambe » Journal des Plaies et Cicatrisations
décembre 1998 n°15
5 : « Guide des soins des stomies et des plaies » Journal des Plaies et Cicatrisations, septembre 2005 n°50, tome
X
6 : I.FROMANTIN : « plaies cancéreuses, prise en charge infirmière » Journal des Plaies et Cicatrisations,
décembre 2000, n°25
7 : I.FROMANTIN, H. CHARITANSKY « la détersion en pratique » SOINSmars 2007, n°713
8 : C.DEBURE « la compression des membres inférieurs dans l’insuffisance veineuse : des erreurs à éviter »
Journal des Plaies et Cicatrisations, décembre 2005, n°51, tome X
[9] E.GUILLEMIN « réfection des pansements vasculaires et gestion de la douleur » Revue de l’infirmière mai
2007 n°130
[10] A.PIAT « soins aux patients et prévention du mal de dos » revue de l’infirmière août-septembre 2006
n°123