Nelson Mandela - Pères Blancs, White Fathers Missionnaires d

Transcription

Nelson Mandela - Pères Blancs, White Fathers Missionnaires d
Sean O’Leary M. Afr
Nelson Mandela
L’homme derrière la légende
“Le ressentiment, c’est comme boire un poison et espérer que cela tuera vos ennemis.
Quand je suis sorti de prison, après 27 ans, et que je me suis dirigé vers la porte qui conduisait
à ma liberté, je savais que si je ne laissais pas mon amertume et ma haine derrière moi, je serais
toujours en prison.” N. M.
La nation savait ses jours comptés. Il avait été plusieurs fois à l’hôpital pendant les deux dernières
années. Pourtant, l’annonce soudaine de sa mort a choqué le pays. Elle a déclenché dix jours de deuil,
tels que jamais vus auparavant en Afrique du Sud. Une lumière brillante, dans un pays relativement
nouveau (20 ans), s’était éteinte ! Présidents, Rois et Reines sont venus de partout afin d’honorer ce
grand homme. Tous parlèrent de l’homme remarquable qui a laissé une marque indélébile, faite
d’unité, de pardon et de réconciliation, sur sa génération. Mais qu’est-ce qui l’a motivé, quelle fut la
force motrice de cette personnalité hors du commun qui a provoqué un tel impact sur la scène
mondiale ?
J’ai posé cette question au cardinal Wilfred Napier. Sans l’ombre d’un seul mouvement de paupières,
il affirma que c’était son éducation chrétienne ! Il y en a certainement des preuves. Mandela a étudié
dans une école de la mission de Wesley. Ce fut son premier contact avec des Européens qui
l’appelèrent Nelson. Madiba, selon le nom par lequel il est affectueusement connu, a fait partie d’une
organisation d’étudiants chrétiens à l’Université de Fort Hare et il a enseigné la Bible le dimanche.
Méthodiste, il était à l’aise en toute Église ou assemblée interreligieuse auxquelles il prenait part
régulièrement, après sa libération. Dans les cercles d’Église, il aimait souvent répéter deux choses.
D’abord, il rendait hommage aux missionnaires qui ont éduqué la communauté défavorisée de son
pays. Il rappelait ensuite sa participation aux services religieux des aumôniers catholiques ou anglicans
lors de leurs visites en prison. Selon ses paroles, “c’était toujours rafraîchissant d’entendre une voix de
l’extérieur”. Ce qui est sûr, c’est qu’il a mis en pratique deux paroles de Jésus, l’une d’elles prononcée
sur la croix : “Père, pardonne-leur ; ils ne savent pas ce qu’ils font”, et l’autre, quand nous prions :
“Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés”. Pardon et
réconciliation sont devenus la pierre d’angle de sa vie après sa libération de prison en février 1990.
Le Président Thabo Mbeki déclara, au sujet de l’héritage de Mandela et de sa stature emblématique,
que celui-ci était “malheureux à l’idée qu’on le présente comme une sorte d’être humain supérieur” ! Il
écrivit en effet un article dans lequel il déclara que c’était une erreur de prétendre le présenter comme
une sorte de saint ! Maintes fois, Mandela déclara : “Je ne suis pas un saint” ; il continuait en affirmant
: “Un saint est un pécheur qui n’arrête pas d’essayer de se renouveler”. Il est intéressant de noter que,
depuis son décès, le peuple lui a conféré l’accolade de saint ; un combattant de la liberté qui a apporté
paix, justice, harmonie et réconciliation dans une nation profondément divisée et blessée. Un ami de
toujours – l’avocat qui a défendu Mandela lors de son jugement pour trahison en 1963 – a écrit : “Un
héritage de Mandela serait sa capacité à se réconcilier avec ceux qui l’ont persécuté et à unifier des
peuples de différentes idéologies politiques.”
Sans être ouvertement religieux, mais à l’aise en toute assemblée ecclésiale, Mandela s’est inspiré de
deux principes, issus autant du christianisme que de l’enseignement social catholique. Le premier était
“l’égalité”. Faisant face à la possibilité d’une condamnation à mort lors de son jugement pour trahison,
il termina sa défense avec l’affirmation aujourd’hui célèbre : “J’ai combattu contre la domination
blanche et j’ai combattu contre la domination noire. J’ai chéri l’idéal d’une société démocratique et
libre dans laquelle tous vivront ensemble en harmonie et avec une égalité de chances. C’est un idéal
pour lequel j’espère vivre, et le voir réalisé. Mais, si nécessaire, c’est un idéal pour lequel je suis prêt à
mourir.” Mandela a toujours défini l’ennemi comme un système de domination et non pas comme un
peuple ou une race. Il rejeta péremptoirement le concept de faire aux autres ce qu’ils lui avaient fait.
L’égalité pour laquelle il combattait valait pour chacun.
Son second principe fut la “dignité”. Peut-il y avoir quelque chose de plus important pour la vie que la
dignité, demanda-t-il immédiatement après sa libération ? Sans elle, affirme-t-il, “nous sommes amers,
opprimés, réduits au silence, humiliés, confus et désemparés. Avec elle, nous sommes pacifiques,
collégiaux, aimables, compatissants et unis.” Quand il parcourut le pays après sa libération, la situation
critique de la majorité des Africains du Sud le toucha profondément. Pour lui, la liberté politique sans
l’affranchissement de la pauvreté n’était pas une vraie liberté. Ses cinq années de présidence (de 1994
à 1999) furent une audacieuse tentative de réduire les disparités économiques que connaissait – et que
connaît encore – l’Afrique du Sud.
Mandela a vu le combat contre l’extrême pauvreté comme une expression du combat pour l’égalité.
“Des millions de personnes sont enfermées dans la prison de la pauvreté. Il est temps de les libérer”,
dit-il en 2005. “Comme l’esclavage et l’apartheid, la pauvreté n’est pas naturelle. Elle est artificielle et
elle peut être vaincue. Parfois, il revient à des générations d’êtres grandes. Vous pouvez être cette
grande génération”. Il revint certainement à Mandela d’être grand. Sa participation au mouvement
contre la pauvreté fut décisive. Il travailla sans relâche pour une plus complète annulation de la dette,
pour une assistance internationale intensifiée en Afrique sub-saharienne, pour le commerce et des
investissements privés ainsi que pour la transparence en vue de combattre la corruption. Sans le
leadership de Mandela, le monde aurait-il augmenté son aide jusqu’à procurer les médicaments à 9,7
millions de personnes atteintes du sida ? Aurait-il travaillé à baisser le nombre de décès d’enfants de
2,7 millions lors de la dernière décade ? Sans Mandela, l’Afrique aurait-elle réalisé sa meilleure
décade de croissance et de réduction de la pauvreté ? Son rôle essentiel dans la lutte pour un monde
meilleur ne pourra jamais être prouvé mais sa contribution ne saurait être ignorée.
Mandela a incarné un leadership responsable, une réalité qui malheureusement fait défaut sur le
continent africain. Alors qu’il était encore Président, il soutenait que “le temps était venu d’un
leadership responsable, qui favorise la relation avec les gens. De même, était venu le temps d’un
leadership efficace qui tienne compte de l’environnement et maintienne l’intégrité.”
Beaucoup voient en Mandela un humaniste exceptionnel. Mais il ne fait aucun doute que son
éducation chrétienne initiale le marqua profondément : aussi bien dans l’action qu’en prison ou en tant
qu’homme libre, il a vécu son christianisme avec intégrité. Nous ne connaissons pas le nombre de
saints, ceux qui ne seront jamais canonisés et qui resteront inconnus de notre histoire. Mais nous
savons que la vie de Nelson Mandela montre ce que peut réaliser une force motrice inspirée par le
souci des autres et de leurs conditions de vie. Alors que la nation continue de regretter son départ, tous
réalisent combien ils ont été bénis d’avoir vécu à son époque.
Seán O’Leary M.Afr.