CP L`arbore di Diana

Transcription

CP L`arbore di Diana
L’Arbore di Diana
Vicente Martin y Soler
Dramma giocoso en deux actes
Livret de Lorenzo Da Ponte
Créé à Vienne le 1er octobre 1787
Vendredi 25 novembre 20h00
Dimanche 27 novembre 15h00
Mardi 29 novembre 20h00
Opéra Berlioz / Le Corum
Durée : 2h45
Cahier pédagogique
Saison 2011-2012
Service Jeune Public et Actions Culturelles
Contact : 04 67 600 281
www.opera-orchestre-montpellier.fr
L’Arbore di Diana
Vicente Martin y Soler
Dramma giocoso en deux actes
Livret de Lorenzo Da Ponte
Créé à Vienne le 1er octobre 1787
Fabio Biondi direction musicale
Francisco Negrin mise en scène
Ariane Isabel Unfried, Rifail Ajdarpasic décors
Louis Désiré costumes
Bruno Poet lumières
Thomas McManus chorégraphie
Ekaterina Lekhina Diana
Michael Maniaci Amore
Maria Hinojosa Britomarte, 1ère nymphe, 1er génie
Marisa Martins Clizia, 2ème nymphe, 2ème génie
Gemma Coma-Alabert Cloe, 3ème nymphe, 3èmegénie
Charles Workman Silvio
Steve Davislim Endimione
Giorgio Caoduro Doristo
Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon
Coproduction Gran Teatre del Liceu de Barcelone / Teatro Real de Madrid
L’Arbore di Diana vu par …
« C'est ainsi qu'entre le vin de Tokay, le tabac de Séville, la sonnette sur ma table et la belle Allemande
semblable à la plus jeune des muses, j'écrivis la première nuit pour Mozart les deux premières scènes de Don
Juan, deux actes de L'Arbre de Diane, et plus de la moitié du premier acte de Tarar, titre que je changeai en
celui d'Assur. Dans la matinée, je portai ce travail à mes trois compositeurs, qui n'en pouvaient croire leurs
yeux. En soixante-trois jours, Don Juan et L'Arbre de Diane étaient terminés, et j'avais composé plus des deux
tiers de l'opéra d'Assur. L'Arbre de Diane fut représenté le premier : il reçut un accueil égal à celui de La Cosa
rara. »
Mémoires de Lorenzo Da Ponte, librettiste de Mozart – Le Temps retrouvé – Mercure de France
« Créé quelques jours seulement avant le Don Giovanni de Mozart, avec lequel il partage le même génial
librettiste (Lorenzo da Ponte), L’Arbore di Diana est un véritable bijou de subversion, appel allégorique à la
liberté des mœurs et à l’exaltation des sens. L’histoire ne cache pas ses desseins :
Diane possède un arbre enchanté dont les fruits s’illuminent et font entendre une agréable musique quand les
nymphes qui passent à proximité sont chastes, mais noircissent et tombent dans le cas contraire. Cupidon va
tenter de faire tomber une à une les nymphes – ainsi que la chaste Diane elle-même, dont le cœur ne tarde pas à
vaciller...
Pour
éviter
tout
risque,
elle
ordonne
alors
de
couper
l’arbre.
Il n’en aura pas fallu davantage pour que le jardin de Diane devienne le palais de l’Amour. Les censeurs ne
purent rien y faire : L’Arbore di Diana connut un succès populaire immédiat. Une redécouverte majeure. »
Livret de l’Opéra Orchestre national Montpellier Languedoc Roussillon. 2011- 2012
Tous droits réservés, diffusion gratuite à l’usage pédagogique
Argument
« Diane, déesse de la chasteté, a dans son jardin un arbre qui porte des pommes d’une merveilleuse beauté :
lorsqu’une nymphe passe sous les branches, si elle est chaste, ces pommes deviennent transparentes et de chaque
rameau de l’arbre s’échappe une mélodie céleste ; si au contraire, elle a, même en pensée, transgressé la loi de
pureté, le fruit perd sa transparence, devient noir, se carbonise et tombe sur la tête de la coupable, lui défigurant
le visage, meurtrissant ses membres en proportion de l’importance du délit.
L’Amour courroucé contre Diane, à qui il reprochait d’insulter son culte, s’introduit dans le jardin sous un
costume féminin, il enflamme le cœur du jardinier et lui enseigne l’art de se faire aimer de toutes les nymphes ;
non content de ce triomphe, il ouvre ses portes au bel Endymion, dont la déesse elle-même devient éperdument
éprise. Le grand prêtre de Diane, au milieu d’un sacrifice, découvre le sacrilège, et, fort de l’autorité suprême
dont il est revêtu, ordonne que toutes les nymphes et la déesse elle-même soient soumises à l’épreuve ; pour
échapper à cet arrêt, Diane fait couper l’arbre, et l’Amour, apparaissant dans un nuage lumineux, transforme le
jardin en un palais splendide, désormais consacré à l’amour. »
Lorenzo Da Ponte, Mémoires, Paris, Mercure de France, 2000, p.156-157, trad. M. C. D. de la Chavanne
L’Arbore di Diana est un Drama giocoso en deux actes et une ouverture.
Acte 1
Le rideau se lève sur le jardin de Diane. On y trouve un arbre dont les fruits changent de couleur lorsque
s’en approche une de ses nymphes ayant péché, aussitôt punie.
Mais l’Amour s’en offusque et décide, grâce aux personnages de Silvio, Endymione et Doristo de mettre à
l’épreuve Diane, ses nymphes et cet arbre de la chasteté.
Acte 2
Dans le deuxième acte, Diane et ses nymphes tombent dans le piège tendu par Cupidon. Diane demande
alors à une de ses nymphes de la venger de Cupidon mais c’est finalement l’Amour qui au terme de
nombreuses péripéties et scènes burlesques, va triompher.
Dans le final de l’opéra, c’est après une impressionnante scène de tempête que Diane admet sa défaite,
dans les bras du beau Endimione. Le jardin devient un temple de l’Amour dont Doristo est désormais le
gardien.
« Je viens, déjà vaincue, dieu puissant, à toi la palme, à ton service chaque âme et chaque cœur seront soumis. »
Les personnages
DIANA
SOPRANO
Déesse de la chasteté
L’AMOUR
HAUTE CONTRE
Cupidon
ENDIMIONE
TENOR
Amant de Diane
SYLVIO
BARYTON
Le grand prêtre
DORISTO
BASSE
Le jardinier
BRITOMARTE
SOPRANO
Nymphe
CLOE
CONTRALTO
Nymphe
CLIZIA
MEZZO-SOPRANO
Nymphe
Un compositeur espagnol à l’époque de Mozart
Madrid
Vincente Martin y Soler, ou Martini comme l’appelaient certains, possède une biographie parsemée de
passages incertains. Né en 1754 à Valence, on pense qu’il fit ses débuts comme compositeur d’opéra à
Madrid en 1776 après des études de musique avec le compositeur Giovanni Battista Martini. Il est
également probable qu’il fit des études avec le padre Martini à Bologne. Son premier opéra, Il tutore
burlato est créé en 1775. C’est une adaptation du dramma giocoso de Giovanni Paisiello (1740-1816)
intitulé la Frascatana. Le livret est par la suite traduit en espagnol et adapté sous forme d'une zarzuela1
intitulée La Madrileña o El tutor burlado, créée à Madrid en 1778.
Naples
De 1779 à 1785, il se rend en Italie et notamment à Naples où il compose de nombreuses pièces pour
différents théâtres italiens et notamment des ballets (collaboration avec le chorégraphe Charles le Picq) : La
Griselda (1779, d'après Apostolo Zeno), Il ratto delle Sabine (1780), La Belle Arsène (1781), et Tamas
Kouli-Kan (1781, d'après Vittorio Amedeo Cigna-Santi). Il compose aussi deux ballets : La sposa persiana
(1778) et Il barbiere di Siviglia (1781, d'après la pièce de Beaumarchais) et des opere serie, notamment avec
le librettiste de la cour de Naples Luigi Serio : Ifigenia (1779) et Ipermestra (1780).
Vienne
En 1785, soit 6 ans avant le décès de Mozart, il s’installe à Vienne où il obtient la faveur de l’empereur
Joseph II. Il collabore alors avec Da Ponte, avec lequel il compose trois dramma giocoso : Il burbero di buon
cuore (1786, d'après la pièce de Carlo Goldoni), Una cosa rara 1786, d'après la pièce La Luna de la sierra
de Luis Vélez de Guevara et l’Arbore di Diana (1787). Ces trois œuvres obtinrent un énorme succès auprès
du public et de l’aristocratie viennoise, dont souffrirent les opéras bouffes de Mozart de la même période à
l’image des Noces de Figaro. Mozart cite d’ailleurs un thème de Una cosa rara dans le second finale de Don
Giovanni.
SaintSaint -Pétersbourg
De 1788 à 1794, Martin y Soler travaille au service de Catherine II à Saint-Pétersbourg où il compose
notamment Gore bogatyr Kosometovitch ("Le pauvre héros Kosometovitch ») dont le livret est de
l’impératrice elle-même.
1
La zarzuela est un spectacle dramatique espagnol alternant le chant, la danse et des passages de dialogues parlés dont les livrets sont souvent
inspirés par la mythologie.
En 1794, il retrouve Da Ponte à Londres avec lequel il collabore à nouveau en 1795 pour La Scuola dei
maritati et L’Isola del piacere. On retrouve dans les carnets de Haydn des éléments sur ces représentations,
et le compositeur autrichien décrit comment on y trouve « un tas de vieilles choses de Cosa rara ». En
outre, l’ouverture de L’Isola del piacere est celle de L’Arbore di Diana.
En 1796, Soler retourne à Saint-Pétersbourg et y est nommé conseiller d’état puis inspecteur du théâtre
Italien en 1800.
Il meurt le 30 janvier 1806 à Saint-Pétersbourg.
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Autre éclairage sur la naissance de l’œuvre
Lorenzo Da Ponte est un poète et librettiste italien contemporain de Martin y Soler qui termina sa carrière
à New-York. Il écrit alors ses Memorie di Lorenzo Da Ponte di Ceneda scritte da esso qui apportent, entre
autre, un éclairage sur la naissance, sous sa plume, de l’Arbore Di Diana :
« Je pensai qu'il fallait réveiller ma muse endormie, que ces deux récents échecs avaient paralysée. Les trois
maestri Martini, Mozart et Salieri m'en fournirent l'occasion en venant simultanément me demander un
libretto. Je les aimais et les appréciais également tous trois. J'espérais, avec leur aide, me relever de mes dernières
chutes. Je n'entrevoyais d'autre moyen de les contenter en même temps que de composer trois drames à la fois.
Salieri ne me demandait pas une pièce originale. Il avait écrit à Paris la musique de l'opéra de Tarar ; il désirait
adapter cette musique à des paroles italiennes. Ce n'était donc qu'une traduction libre qu'il lui fallait. Quant à
Mozart et Martini, ils s'en remettaient à moi pour le choix du sujet. Je destinai Don Juan au premier ; qui en
fut ravi, et L'Arbre de Diane à Martini, comme sujet mythologique en harmonie avec son talent, si plein de
cette douce mélodie dont plus d'un compositeur a le sentiment inné, mais que de rares exceptions seules savent
traduire.
Mes trois sujets arrêtés, je me présentai à l'Empereur et lui exprimai mon intention de les faire marcher de front.
Il se récria: Vous échouerez, me dit-il.
- Peut-être ! Mais j'essayerai. J'écrirai pour Mozart la nuit en lisant quelques pages de L'Enfer de Dante ; le
matin pour Martini en lisant Pétrarque, et le soir pour Salieri avec l'aide du Tasse.» J'étais content de ma
comparaison et, à peine rentré chez moi, je me mis à l'œuvre.
Je m'asseyais devant ma table de travail vers l'heure de minuit : une bouteille d'excellent vin de Tokay était à
ma droite, mon écritoire devant moi, une tabatière pleine de tabac de Séville à ma gauche.
En ce temps-là, une jeune et belle personne de seize ans, que je n'aurais voulu aimer que comme un père,
habitait avec sa mère dans ma maison ; elle entrait dans ma chambre pour les petits services de l'intérieur,
chaque fois que je sonnais pour demander quelque chose ; j'abusais un peu de la sonnette, surtout quand je
sentais ma verve tarir ou se refroidir.
Cette charmante personne m'apportait alors, tantôt un biscuit, tantôt une tasse de café, tantôt seulement son
beau visage toujours gai, toujours souriant, fait exprès pour rasséréner l'esprit fatigué et pour ranimer
l'inspiration poétique. Je m'assujettis ainsi à travailler douze heures de suite, à peine interrompues par quelques
courtes distractions, pendant deux grands mois. Pendant tout ce temps, ma belle jeune fille restait avec sa mère
dans la chambre voisine, occupée, soit à la lecture, soit à la broderie, soit au travail de l'aiguille, afin d'être
toujours prête à venir au premier coup de sonnette. Craignant de me déranger de mon travail, elle s'asseyait
quelquefois immobile, sans ouvrir la bouche, sans cligner les paupières, me regardant fixement écrire, respirant
doucement, souriant gracieusement et quelquefois paraissant prête à fondre en larmes; en somme cette jeune fille
fut ma Calliope pour les trois opéras, et même à la suite pour tous les vers que j'écrivis durant six ans.
Je finis par sonner moins souvent et par me passer de ses services pour ne pas me distraire, et ne pas perdre mon
temps à la contempler. C'est ainsi qu'entre le vin de Tokay, le tabac de Séville, la sonnette sur ma table et la
belle Allemande semblable à la plus jeune des muses, j'écrivis la première nuit pour Mozart les deux premières
scènes de Don Juan, deux actes de L'Arbre de Diane, et plus de la moitié du premier acte de Tarar, titre que je
changeai en celui d'Assur. Dans la matinée, je portai ce travail à mes trois compositeurs, qui n'en pouvaient
croire leurs yeux. En soixante-trois jours, Don Juan et L'Arbre de Diane étaient terminés, et j'avais composé
plus des deux tiers de l'opéra d'Assur. L'Arbre de Diane fut représenté le premier : il reçut un accueil égal à celui
de La Cosa rara. »
Les œuvres lyriques
lyriques de
de Vicent
Vicente
cent e Martin y Soler
•
La Madrileña, o Tutor burlado (1776, Madrid)
•
Ifigenia in Aulide (12.1.1779, Naples)
•
Ipermestra (12.1.1780, Naples)
•
Andromaca (26.12.1780, Turin)
•
Astartea (1781, Lucques)
•
Partenope (1782 Napoli: Acad.)
•
L'amor geloso (1782 , Naples)
•
In amor ci vuol destrezza (.1782, Venise)
•
Vologeso (1783, Turin)
•
Le burle per amore (1784, Venise)
•
La vedova spiritosa (1785, Parme)
•
La capricciosa corretta (1785, Vienne)
•
Il burbero di buon cuore (4.1.1786, Vienne)
•
Una cosa rara, o sia Bellezza ed onestà (17.11.1786, Vienne)
•
L'arbore di Diana (1.10.1787, Vienne)
•
Gore bogatyr Kosometovich (9.2.1789, St Peterburg)
•
Pesnolyubie (18.1.1790, St Peterburg)
•
Il castello d'Atlante (1791, Desenzano)
•
La scuola dei maritati (27.1.1795 London,)
•
L'isola del piacere (26.5.1795, London)
•
Le nozze de' contadini spagnuoli (28.5.1795, London )
•
La festa del villagio (26/30.1.1798, St Peterburg)
Une déesse aux multiples visages…
Monique Morestin
La déesse Diane appartient au Panthéon romain. Mais, comme les romains ont très largement puisé dans
la civilisation grecque, nombre de leurs divinités sont inspirées de divinités helléniques et en ont les
attributions.
Diane est en fait très proche de la déesse grecque Artémis. Les Grecs ont d’ailleurs, eux-mêmes confondu
sous ce nom diverses divinités orientales, ce qui peut expliquer les multiples, et parfois contradictoires,
fonctions et traits de caractères qu’on lui attribue. Un de ses principaux lieux de culte se trouve d’ailleurs
en Asie Mineure (actuelle Turquie) à Ephèse.
La mythologie en fait la fille de Zeus et de Létô (appelée Latone à Rome) et la sœur jumelle d’Apollon. Les
deux apparaissent comme deux figures complémentaires et opposées (masculin / féminin, esprit/nature,
lumière du jour : soleil/ éclat de la nuit : lune).
Elle vit à l’écart du monde, dans les bois, munie d’un arc avec lequel elle chasse les animaux sauvages. On
la représente parfois accompagnée d’un ours, d’un lion ou d’un cerf.
Elle vit entourée de ses compagnes, les Nymphes, divinités qui personnifient les forces vives de la nature :
sources, montagnes, arbres.
Artémis –Diane est représentée comme une vierge farouche, éternellement jeune et belle qui punit
cruellement ceux qui s’approchent de son domaine. Une légende raconte la mésaventure d’Actéon, vaillant
chasseur, qui aurait surpris la déesse prenant son bain. Celle-ci, folle de colère, l’aurait transformé en cerf.
Et Actéon serait mort déchiqueté par ses propres chiens.
Une autre légende rapporte qu’Actéon se serait vanté d’être meilleur chasseur que Diane, et qu’elle se
serait vengée pour cette raison.
L’illustration de cette grande cruauté apparaît dans certains écrits de l’Antiquité où la déesse exige des
sacrifices humains. Pour empêcher le roi Agamemnon, habile chasseur qui l’a offensé d’embarquer pour
faire la guerre aux Troyens, elle bloque sa flotte à quai (pas de vent) et exige un sacrifice humain pour
débloquer la situation : c’est la fille du roi, Iphigénie, qui doit être mise à mort (cf. la tragédie d’Euripide :
Iphigénie en Aulide). Mais prise de pitié pour cette jeune fille, une légende raconte que la déesse aurait
subtilisé une biche à la jeune fille et en aurait fait une prêtresse (Euripide : Iphigénie en Tauride). Le
compositeur Gluck s’inspirera de ces légendes dans deux opéras.
La déesse veille aussi sur ses Nymphes : malheur à qui les approche. Elle est donc très hostile à la déesse
Aphrodite (Vénus chez les Romains), déesse de l’amour dont le fils Cupidon sème le trouble dans les
cœurs. La mythologie raconte la malheureuse histoire de la nymphe Callisto. Jupiter a été charmé par sa
grande beauté. On sait que le chef des dieux de l’Olympe revêt souvent des apparences diverses pour
assouvir ses désirs amoureux. Se faisant passer pour Diane, il peut approcher Callisto, puis l’a séduire.
Diane découvre la grossesse de Callisto. Elle chasse la nymphe de son entourage et lui réserve un triste sort
puisqu’elle la transformé en ourse. Un jour où Diane chasse elle tue cet animal. Jupiter, ému par cette
tragique destinée décide de faire briller Callisto au firmament : elle devient la constellation de Grande
Ourse, et le fruit de leurs amours, la Petite Ourse.
L’opéra « l’Arbore di Diana » centre son intrigue sur ce thème de la méfiance de Diane pour l’amour.
Dans une mythologie qui emprunte des caractéristiques à plusieurs divinités anciennes, Diane apparaît
également comme protectrice des jeunes filles, du mariage et de l’accouchement.
Une autre particularité que l’on attribue à Diane, c’est la représentation de la lumière. Mais, alors que son
frère Apollon conduit le char du Soleil et personnifie la lumière diurne, Diane est souvent identifiée à la
lune, qui éclaire la nuit.
La déesse, qu’on l’appelle Artémis ou Diane, a depuis l’Antiquité inspiré les artistes.
Etant donné les multiples légendes qui l’entourent, sa représentation revêt des aspects très divers. Par
exemple, à Ephèse, le principal lieu où un culte lui est rendu elle illustre la fertilité (référence à sa
protection des femmes). Elle peut nourrir l'humanité entière grâce à ses seins nombreux, remplis du lait
divin.
Plusieurs sculptures la représentent habillée d’une tunique courte,
portant arc et carquois. Du IVe siècle avant JC jusqu’à la fin de la
période antique, elle marche, chaussée de sandales, les cheveux
tenus par un bandeau, souvent accompagnée d’une biche ou d’un
chien.
Tous droits réservés, diffusion gratuite à l’usage pédagogique
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Cette statue, dite « Diane de Versailles » est en fait une sculpture grecque de la fin du IVe siècle avant JC.
Les artistes la représentent parfois au repos, jouant avec son chien, ou agrafant sa chlamyde (tunique
courte) après son bain.
De nombreux artistes des temps modernes reprendront ces thèmes comme Jean Goujon, en France, au
XVIe siècle.
Diane Chasseresse, Jean GOUJON de 1550 à 1554, Musée du Louvre, Paris
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C’est au XVIe siècle que le thème de Diane connaît son apogée. De
nombreux peintres s'inspirent de sa légende : Titien a illustré les
légendes de cette déesse à plusieurs reprises.
Diane et Actéon, Louvre, Paris
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Dans cette œuvre, Actéon, le chasseur fait irruption brutalement dans
l’univers de Diane et de ses Nymphes. Le peintre veut exprimer, à travers cette légende l’opposition entre
la nature sauvage du désir (Actéon) et l’amour maîtrisé. Le voyeurisme dresse une barrière entre le désir de
l’homme et la Dame.
L’influence du concile de Trente se fait sentir (retour à une morale plus rigoureuse) : l’arrivée du mâle dans
l’univers des nymphes signifie la perte de la chasteté.
On retrouve cette idée dans un autre tableau du Titien.
Diane et Callisto, Titien, 1559, National Gallery of Scotland, Edinburgh
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Titien illustre le moment où Callisto ne peut plus cacher le fruit de ses amours avec Jupiter. On reconnaît
la déesse coiffée de son diadème en forme de lune. C’est le retour de la chasse (chiens, carquois et flèches
dans l’herbe). Diane pointe un doigt menaçant vers la coupable que ses compagnes déshabillent contre sa
volonté ; elle semble se débattre et paraît désespérée.
Cette représentation de Diane, déesse toute-puissante correspond à l’arrivée au pouvoir de femmes à partir
de la fin du XVe siècle. Plusieurs rois de la Renaissance, en conflit avec la grande noblesse, prennent
conseil des femmes de leur entourage. Celles-ci s’appuient sur des exemples confortant leur autorité. La
Renaissance remettant à l’honneur l’Antiquité, Diane apparaît comme une figure à laquelle on peut
s’assimiler.
Diane de Poitiers, maîtresse d’Henri II bénéficie du même prénom que la déesse et va jouer de cette
similitude. Elle se fait représenter à plusieurs reprises sous ses traits. Gabrielle d’Estrées (maîtresse d’Henri
IV), Marie de Médicis (épouse d’Henri IV) se serviront également de ce modèle.
Mais, à partir du XVIIe siècle, la représentation de Diane évolue. Sa beauté est mise en valeur. On évoque
parfois ses amours. Peu à peu Diane inspire aux peintres des œuvres plus gracieuses qui évacuent toute
référence à sa farouche pudeur et à sa cruauté. Cette évolution est très nette au XVIIIe siècle.
Ce charmant tableau, dans un décor champêtre paisible n’évoque plus la déesse terrible : les personnages
sont peints dans des attitudes gracieuses qui ne rappellent en rien le
caractère impitoyable de Diane.
Diane désarmant Amour, Pompeo BATONI , 1761, Metropolitan Museum New York
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Repos après le bain,
François BOUCHER, 1742, Musée du Louvres, Paris
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La grâce du personnage est également présente dans le célèbre tableau de François Boucher :
Les attributs de Diane sont évoqués (diadème en forme de lune, chiens et gibier posé à côté d’elle). C’est
une scène galante dévoilant la grâce de jeunes femmes, sous une douce lumière qui met en valeur leur chair
nacrée. Ce type d’illustrations est très apprécié à l’époque. Seuls les chiens, à gauche, flairent l’approche
d’un intrus (Actéon). Mais on est loin d’une atmosphère de drame.
Terminons par ce tableau peint par le montpelliérain, Jean Raoux. Cette
scène empreinte de douceur de vivre et d’insouciance, mâtinée d’érotisme,
est une des illustrations de Diane au bain. Quelques accessoires laissent
deviner qu’il s’agit bien de la déesse : lance, carquois et flèches posés à
côté d’elle ; de même, la présence d’une statue de Pan (divinité de la
chasse, plus avide d’ailleurs de poursuivre les nymphes que le gibier) fait
référence à la mythologie.
Mais ce tableau présente une scène intimiste, dans un paysage paisible.
Les deux jeunes femmes sont mises en valeur par la douceur de la lumière.
Leurs attitudes sont naturelles, l’une se tient au rocher de peur de glisser
dans l’eau, l’autre remet ses sandales après s’être séchée avec un linge au
beau coloris doré.
La représentation de la déesse farouche et puissante est bien loin. L’époque préfère la frivolité, la joie de
vivre d’où cette façon naturelle de présenter deux charmantes nudités où la mythologie n’est plus qu’un
prétexte à charmer les regards des gens aisés.
Le XVIIIe siècle retient des légendes de l’Antiquité ce qui a trait à la jeunesse, la beauté et l’amour. L’opéra
L’Arbore di Diana s’inscrit aussi dans cette perspective.
Diane au bain, Jean RAOUX, 1721, Musée Fabre de Montpellier Agglomération
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Chronologie de l’œuvre et son époque
2 mai 1754 : naissance de Vicente Martin y Soler à Valence.
1774 : montée de Louis XVI et de Marie-Antoinette sur le trône de France et de Navarre.
1776-1779 : Fragonard peint Le Verrou.
1780 : mort de l’impératrice Marie-Thérèse de Habsbourg, du Saint-Empire romain germanique et de
l’Autriche. Son fils Joseph II, empereur réformiste et monarque éclairé monte sur le trône.
1781-1785 : les réformes de l’empereur sur le clergé inspirées par l’Aufklärung (l’esprit des lumières),
visant à soumettre l’église à l’Etat, suscitent l’ire des milieux conservateurs.
12 novembre 1781 : Edit de tolérance pour toutes les religions.
1er novembre 1781 : abolition du servage en Bohème.
15 janvier 1782 : abolition du servage en Autriche.
1782 : commande par l’empereur Joseph II à Wolfgang Amadeus Mozart d’un opéra en langue allemande,
L’Enlèvement au Sérail.
12 avril 1782 : mort du librettiste Pietro Metastase.
1784-1785 : David peint Le Serment des Horaces.
1786 : création à Vienne d’Una Cosa rara de Martin Y Soler sur un livre de Lorenzo Da Ponte
1er mai 1786 : création des Noces de Figaro de Mozart au Burgtheather de Vienne.
1787 : citation par Mozart d’Una Cosa rara, de Vicente Martin Y Soler dans la scène finale de son Don
Giovanni.
1er octobre 1787 : création de l’Arbore di Diana de Vicente Martin y Soler au Burgtheater de Vienne.
1788 : guerre austro-russe contre l’empire turc.
20 février 1790 : mort de Joseph II.
6 septembre 1791 : L’impératrice Marie-Louise qualifie La Clémence de Titus de Mozart de « porcheria
tedesca », « porcherie allemande ».
Le Dramma Giocoso, décryptage d’un genre
Cette appellation de « Drame joyeux » est une forme de comédie en usage dans la deuxième partie du
XVIIIe siècle, au moment où l’Intermezzo (de facture plus modeste) tombe en désuétude.
Il s’agit en fait d’une forme de comédie à mi-chemin entre le genre sérieux et le burlesque puisque
comportant des personnages dit semiserio ou à demi-caractère.
L’Arbore di Diana comporte ainsi des éléments issus de l’opera seria et également issus du genre bouffe. Le
personnage de Diana éminemment dramatique, la source du livret qui puise dans l’univers de la
mythologie avec ses déesses, nymphes, le personnage de l’Amour, un prêtre et le gardien d’un temple sont
autant de marqueurs directement puisé dans le genre de l’opera séria. A cette typologie viennent s’opposer
des traits humoristiques issus de l’opera buffa : le traitement psychologiques des nymphes, le caractère
grivois de certains passages ou allusions du livret(largement mis en avant dans la mise en scène de
Francisco Negrin) et surtout le personnage de Doristo, caractéristique du Basso buffo dont l’écriture de
Martin y Soler donne toute sa dimension dans la scène 3 du premier acte « Da parte gli scherzi... ».
Au XVIIIe siècle, de nombreuses pièces relèvent de ce genre, souvent joué en deux actes, parfois trois.
Parmi les plus connus, on retiendra Don Giovanni (1787) de Mozart et La Cenerentola de Rossini (1817)
au début du XIXe qui montre que le Dramma Giocoso trouve un prolongement au-delà des Lumières.
D’un point de vue plus analytique, le Dramma Giocoso de Martin y Soler se déroule en deux actes avec une
ouverture instrumentale qui se joue à rideau fermé. Il s’agit en réalité d’une pièce de type sinfonia en trois
parties alternées aux caractères opposés : vif –lent –vif. La troisième partie étant en fait une reprise variée
de la première. L’opéra se joue en scènes et ne systématise pas la mise en valeur d’un ou de deux héros
comme c’est le cas dans le séria. On n’y rencontre pas non plus de chœur, les ensembles vocaux sont par
contre mis en valeur avec souvent un traitement mélodique et contrapuntique soigné voire complexe. Les
finales des actes sont souvent caractéristiques de ce type.
Héritage de l’opéra du XVIIe siècle, on y retrouve la succession traditionnelle récitatif-air. Les différents
airs mettent avant tout en valeur une expression psychologique au service du drame et non de la virtuosité
ou de la technique vocale d’un chanteur. Ainsi, Diane, l’héroïne se voit confiée trois grands airs dans
l’œuvre : un air de présentation à la scène 3 et un air de bravoure à la scène 8 de l’acte I. Dans l’acte II,
scène 14, elle chante un aria di speranza qui est le point culminant de la trame psychologique de l’œuvre.
Enfin les récitatifs ne sont pas secco, c’est à dire accompagnés du continuo. Une partie d’entre eux évoluent
sous la forme accompagnato, laissant une place plus expressive à l’orchestre et à l’écriture de Soler. Les
personnages dialoguent ainsi plus librement pendant la pièce, au profit du dénouement psychologique et
dramatique de l’œuvre, rappelons à ce titre que la version en allemand de cet opéra, se fait avec des
dialogues parlés comme dans le singspiel ou encore l’opéra comique.
L’Arbore di Diana et Die Zauberflöte
A ce stade de l’analyse, il est intéressant de relever qu’il existe un certains nombres de traits communs entre
L’Arbore di Diana de Da Ponte et Martin y Soler et la Flûte enchantée, fruit de la collaboration en 1791
entre Schikaneder et Mozart. Etant donné la grande popularité de L'Arbore di Diana à Vienne vers la fin
des années 1780, il est tout à fait logique de supposer qu'elle a été très présente dans l'esprit de Mozart et
son librettiste quand ils se mirent à écrire leur chef-d'œuvre. En fait, nous savons que Die Zauberflöte tire
son inspiration de toute une série de productions antérieures, parmi lesquelles on peut citer Giesecke et
Wranitzky de Oberon (1789) et Der Stein der Weisen sur un livret de Schikaneder et la musique par divers
compositeurs, dont Mozart (1790). On remarque également que le librettiste de Mozart, da Ponte avait
déjà eu recours à des œuvres de Martin y Soler comme sources.
Bien que les genres diffèrent, Martin y Soler dans l’opéra bouffe et Mozart dans le Singspiel, et que cette
seule barrière semble éloigner les deux œuvres, il faut se rappeler qu’à l’époque l’Arbore di Diana connût
un immense succès surtout dans sa version allemande avec dialogues parlés qui devient très populaire à
Vienne. Ces deux pièces lyriques constituent donc deux modèles du genre dans la tradition de l’opéra
viennois et par le thème de la magie qui y est omniprésent.
Pour aller plus loin dans l’analyse, on peut comparer les rapports des personnages, et donc de Diane et ses
trois nymphes et d’autre part de la Reine de la Nuit et de ses trois dames. Dans les deux opéras respectifs,
ce sont ces trios qui interviennent au lever de rideau, non sans partager des traits psychologiques
communs. Elles tombent en amour avec des inconnus et ont toutes une inclinaison à défier leurs
souverains respectifs. Chez Mozart, comme chez Martin y Soler, leurs auteurs les traitent dans une veine
plutôt humoristique, Mozart dans un traitement contrapuntique et plus complexe tandis que Soler utilise
des traits mélodieux plus simples.
On observe également un parallèle fort entre la Reine de la Nuit et Diana. Toutes deux sont des
personnages controversés ou « anti-héroïnes » chantant des airs de colère ou de fureur qui atteignent toute
leurs dimensions dans le dénouement de l’œuvre (2e acte). Néanmoins, Diana est plus douce, plus
humaine que la Reine de la Nuit qui s’exalte dans des vocalises extrêmes. Elle tombe sous le charme de
Endimione, ce qui la rend vulnérable à son tour par des sentiments humains et dans ce cas l’héroïne de da
Ponte parait plus « crédible ».
Enfin, dans les points de rapprochement des deux livrets, il faut remarquer l’idée sous-jacente des deux
opéras qui est celui de l'«assaut sur la forteresse" plutôt rare chez les opéras-comiques de l'époque.
L’Amour et ses alliés, Silvio, Doristo et Endimione s’emparent du jardin de Diane et dans leur triomphent
le transforme en temple de l’Amour. Dans Die Zauberflöte, la Reine de la nuit et ses conspirateurs, dont
Tamino fait parti au départ, essayent de prendre possession du temple de Sarastro.