politique de communication interne pour les multinationales pluri

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politique de communication interne pour les multinationales pluri
QUELLE POLITIQUE DE COMMUNICATION INTERNE
POUR LES MULTINATIONALES PLURI-ACTIVITES ?
Michel VILLETTE
Août 1990
Au cours des années 80, des politiques de communication interne audacieuses,
centralisées, monolithiques ont été initiées par de grands groupes internationaux dont les
activités disparates étaient en réalités gérées de façon hétéroclite et décentralisé. Ces
politiques visaient à créer l'illusion de l'unité et de l'homogénéité. Cet investissement en
"corporate image" fut maximum pour les groupes traversant des périodes de crises
particulièrement graves. Plus le groupe était menacé d'éclatement ou de disparition, plus
les tentatives pour garder le contrôle interne de sa gestion se révélaient délicates et plus les
directions dépensaient en communication pour entretenir une façade et sauver la face.
Le public des salariés, spectateur souvent amusé des faits et gestes des dirigeants n'a pas
été sans remarquer la discordance entre les paroles et les actes, l'écart entre les intentions
affichées et les possibilités réelles d'action: l'écran de fumé, utile un bref moment est vite
devenu contre productif. Que faire dans ce cas?
Cet article tente de formuler des objectifs, une stratégie et des moyens de communication
interne qui offre une alternative crédible et réaliste au "Show Management" conçu comme
un écran de fumé.
Prenant acte du caractère décentralisé de la gestion, on considérera le groupe non pas
comme UNE ENTREPRISE mais comme une CONFEDERATION D'ENTREPRISES. On se
demandera alors:
- Comment concilier la tendance à la dispersion des actions de communication et les
impératifs de notoriété et prestige liés à la taille?
-Comment prendre en compte à la fois le désir des salariés d'avoir une information
"ouverte" et la tendance des patrons de centres de profits à ne communiquer que sur ce
qu'ils contrôlent?
-Enfin, comment contenir les dépenses de communication interne à un niveau acceptable
alors que la multiplication des supports, adressés à des publics trop petits coûte cher?
Pour traiter ces trois difficultés, on proposera un unique principe de communication
interne: LE PRINCIPE DE SEPARATION DES SUPPORTS ET DES CAMPAGNES.
Trois outils permettent de mettre en oeuvre ce principe : des COMITES DE REDACTION
assurent l'autonomie relative de chaque support de communication ; une AGENCE
CENTRALE DE PRESSE favorise la circulation des informations entre les supports ; les
CAMPAGNES D'INFORMATION des dirigeants (ou d'autres composantes de l'entreprise)
assurent la promotion de leurs idées à travers les supports.
Cette forme ouverte de communication en réseau pourrait, sous certaines conditions,
aboutir à une polyphonie, alternative heureuse à l'actuelle cacophonie doublée de langue
de bois.(1)
1Je
remercie tout particulièrement les directeurs et responsables de communication interne qui ont inspiré cette étude par leurs
témoignages, les expériences heureuses ou malheureuses auxquelles ils ont bien voulu faire participer l'auteur, leurs
suggestions et leurs critiques : Marie-Christine Malingre, Aussedat Rey; Louis-Dominique Tinchant, Bull SA ; Blandine
Erreur ! Argument de commutateur inconnu.
LES SPECIALISTES DE LA COMMUNICATION INTERNE GERENT
DES ETATS TRANSITOIRES
Les dépenses de communication interne sont discrétionnaires et variables d'une entreprise
à l'autre, d'un secteur de l'entreprise à l'autre, d'un moment à l'autre. L'existence de poste
de travail dédié est facultative. Le poste peut être situé dans une direction de
communication, une direction des ressources humaines ou rattaché directement à la
personne du dirigeant. Il peut être situé dans la structure de tête ou localisé à n'importe
quel étage d'une vaste hiérarchie.
Les savoirs et savoir-faire des occupants des postes sont très diversifiés. Les uns viennent
de la publicité, d'autres du journalisme, d'autres de la gestion de personnel, sans parler
des anciens militaires formés aux "liaisons" ou aux "renseignements" : ces différentes
sortes de spécialistes poursuivent des buts divers au moyen de techniques qu'on aurait
tort de confondre.
Certains spécialistes de la communication interne sont "parachutés" dans une entreprise
dont ils ne savent rien. Ils ne disposent alors que de la virtuosité technique pour
s'imposer. D'autres connaissent chacun par son prénom et peuvent travailler avec un
carnet d'adresses et une connaissance détaillée des activités et des techniques de
l'entreprise.
La position est instable : changements de dirigeant, de politique, d'organisation, de
configuration juridique de l'entreprise sont autant d'occasion de changer de
"communicateur".
Les salariés de nombreuses entreprises ont pu s'amuser d'une succession de plans à long
terme visant à la refonte complète de l'image de l'entreprise et de la mentalité des hommes
au travail, tous interrompus au bout de six mois.
En pratique, on crée un poste et on développe un budget dans quelques circonstances
types:
-la prise de fonction d'un nouveau dirigeant ;
-la concurrence entre grandes directions rivales engagées dans une lutte pour
Dupuis, Compagnie de Saint-Gobain ; Jean-Pierre Baux, M. Bertrand, Dominique Quintin et Gilbert Delahaye, Kodak Pathé
; Andréa Miremont et Bruno Giron, Groupe Lafarge Coppée ; François Méheut, Matra S.A. ; Jacques Jordan, Groupe Rhône
Poulenc ; Guy Chiaramella, Direction du Matériel de la SNCF ; Jacques Langlois, Total C.F.P.. Les propositions formulées ici
n'engagent que l'auteur, et ne sont pas nécessairement en accord avec la politique de communication interne adoptée par
l'une ou l'autre des entreprises sus-nommées.
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l'influence et le prestige ;
-une crise grave qu'il faut masquer en parlant haut et fort ;
-un projet nouveau ou un changement d'orientation difficile qu'il faut expliquer.
Ainsi, le plus souvent, les opérations de communication interne ne servent pas à traiter les
problèmes de fond d'une entreprise mais à gérer des états transitoires. Dès que la
transition délicate est passée, on oublie, on néglige, on critique ou l'on défait ce qui avait
été développé dans l'urgence.
Dans ces conditions, on peut s'étonner de voir les professionnels de la communication
afficher des buts extrémements ambitieux: "mobiliser les hommes de l'entreprise",
"changer la culture d'entreprise", "intégrer", "faire adhérer", autant de programmes
d'envahissement des consciences individuels éthiquement contestables, agressifs dans
leurs intentions et souvent irréalisables.(2)
La conduite d'une politique de communication interne "COHERENTE" et
"INTEGRATRICE" supposerait que deux conditions minimum soient remplies :
1.L'ensemble des personnes s'occupant de communication interne dans l'entreprise (quels
que soient leur lieu d'affectation et leur rattachement hiérarchique direct) devraient
travailler en équipes solidaires, sur le même programme.
2.Il existerait une instance centrale d'arbitrage et de programmation qui jouirait d'une
capacité réelle d'influence sur le montant et l'affectation de tous les budgets
consacrés à la communication interne de l'entreprise.
Je ne connais AUCUNE entreprise française de quelque importance où ces deux
conditions soient effectivement remplies.En dépit dés nombreuses campagnes
d'information qui célèbre l'unité et la coordination, il faut donc prendre acte du fait que les
actions de communication interne dans une grande entreprise NE SONT PAS
COORDONNEES , et N'EXPRIMENT PAS UNE LIGNE POLITIQUE UNIQUE . A bien y
réfléchir, il n'est pas sûr que cela soit une mauvaise chose.
LES BESOINS DU SALARIE EN MATIERE DE COMMUNICATION
INTERNE
Un salarié peut être las des sollicitations de ceux qui voudraient l'informer, le motiver,
l'éduquer, l'intégrer et le faire adhérer à leur cause.
2Pour
une discussion des buts de la Communication Interne, voir Michel Villette "La Communication Interne Stratégie Amicale et Inamicale" Revue Française du Marketing n°120, 1988 - 5.
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Un salarié peut avoir envie parfois d'être renseigné sur les faits et gestes de ses partenaires
professionnels : collègues, subalternes, supérieurs, clients, fournisseurs, concurrents et
lointains dirigeants supposés détenir l'avenir en leurs mains.
Le renseignement le plus sûr est acquis par expérience directe : est vrai ce à quoi on s'est
heurté et qui résiste.
Les renseignements acquis par ouï-dire méritent un degré de confiance variable et
constamment révisable. Souvent, les bons copains et les sources extérieures sont mieux
cotés que les organes officiels de diffusion de l'information managériale. Pourtant, le
salarié d'un grand groupe français des années 90 reçoit gratuitement et sans l'avoir
demandé une multitude de supports de communication interne concurrents, incohérents
et redondants.
Une analyse des attentes des salariés met presque toujours en évidence trois besoins
complémentaires et simples :
1.Un support d'informations rapides pour être au courant des événements qui
touchent l'entreprise ;
2.Un support plus développé, plus beau, à parution beaucoup plus espacée, pour
se documenter, approfondir, se montrer ou montrer aux autres une
représentation de l'entreprise à laquelle on participe ;
3.Des lieux de rencontres, d'expression et de débats "vivants" : réunions,
séminaires, congrès ...
Lorsque ces trois fonctions élémentaires sont remplies, c'est assez. Lorsqu'on est saturé de
multiples supports concurrents pour remplir l'une ou l'autre de ces trois fonctions
élémentaires, on s'en moque ou l'on s'en plaint.
LE COUT DE LA COMMUNICATION INTERNE POUR LE SALARIE ET
SES EFFETS SUR LA CREDIBILITE DES PROPOS
Il n'échappe à aucun salarié que de nombreuses dépenses de communication interne sont
des dépenses somptuaires. Lorsque la seule utilité d'un journal, d'un congrès ou d'un
journal vidéo est de manifester le pouvoir et l'importance d'un grand chef, cela peut
indisposer les spectateurs obligés.
Rien n'est plus coûteux que l'entretien d'un grand nombre de média, rivalisant de luxe et
adressés à peu de destinataires. C'est pourquoi on évite généralement dans les entreprises
françaises d'isoler la ligne budgétaire "communication interne" et surtout de consolider les
dépenses de communication interne au niveau groupe !
Qui voudrait faire oeuvre salutaire de bonne gestion devrait rapporter l'ensemble des
dépenses de communication interne à un coût par tête de salarié. Selon l'enquête "budget
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des familles" réalisée par l'INSEE en 1985, une famille dépense en moyenne 3,4 % de ses
revenus pour la culture. Ce pourcentage représenterait en 1990, pour le salarié médian, un
budget annuel de l'ordre de 3.000 francs par an (ce poste inclut les dépenses relatives à
l'écrit, à l'image, aux pratiques amateurs, aux sorties et au son). Lorsqu'on sait que
certaines entreprises dépensent jusqu'à 1.500 francs par tête et par an pour leur
communication interne, on peut éprouver quelqu'embarras.
UN PRINCIPE DE GESTION DE LA COMMUNICATION :
LA SEPARATION DES CAMPAGNES ET DES SUPPORTS
Ce principe s'énonce en deux règles complémentaires :
1.Chaque centre de décision, quel que soit son niveau dans la hiérarchie
organisationnel, peut faire en son nom et sous sa responsabilité des
CAMPAGNES D'INFORMATION pour promouvoir ses idées auprès des
salariés placés sous sa responsabilité de gestion.
2.Aucun centre de décision ne peut avoir le monopole de l'expression dans un
SUPPORT D'INFORMATION diffusé au nom du groupe à des salariés
d'une entreprise du groupe.
Le respect de ces deux règles simples présente un grand nombre d'avantages cumulés et
quelques menus inconvénients pour certains.
Inconvénient : Aucun dirigeant ne peut s'assurer un monopole de l'information des
salariés placés sous son autorité. Son discours, même s'il est particulièrement bien mis en
valeur, devra "cohabiter" avec les propos d'autres instances (supérieurs, subalternes ou colatérales).
Avantages :
1.Il est inutile d'adresser à un même lectorat une multiplicité de supports
concurrents émanant des différents étages de la hiérarchie.
2.Il est possible de "calibrer" les supports en fonction des besoins de groupes de
salariés homogènes et suffisamment nombreux, sans s'adapter en
permanence aux aléas de la répartition des pouvoirs entre les différentes
instances de l'organisation : les hommes passent, le support d'expression
demeure.
3.Les destinataires d'un support d'informations peuvent constater que plusieurs
"voix" s'y expriment qui ne sont pas toujours parfaitement convergentes : il
s'en suit un effet de pluralisme (ou plus exactement de polyphonie) qui
atténue l'effet de "langue de bois". Le support n'est plus "l'organe officiel"
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d'un dirigeant, mais le lieu où les différents centres de pouvoir font valoir
leur point de vue et informent des décisions qui relèvent de leur
compétence.
4.Les supports étant ouverts, il devient intéressant pour beaucoup d'y apparaître,
soit par simple coquetterie narcissique, soit pour y défendre une idée :
l'information afflue vers les gestionnaires de l'information.
5.Les supports étant centrés sur un public de destinataires (et non pas sur un
émetteur de "messages"), chaque support est organisé autour de son public
et contemple le monde "depuis sa fenêtre". Les lecteurs ont la parole, ils
sont interpellés, interrogés, consultés. On parle plus de ce dont ils sont
proches que de ce dont ils sont éloignés, on commente les événements de
leur point de vue, on s'adapte à leur niveau de lecture et à leurs goûts.
TROIS OUTILS D'APPLICATION DE CE PRINCIPE :
LES COMITES DE REDACTION ; L'AGENCE CENTRALE DE PRESSE;
LES PLANS DE CAMPAGNE DES DIRIGEANTS
L'application pratique du principe de séparation des campagnes et des supports passe par
la mise en place de trois outils :
-les comités de rédaction assure l'autonomie relative de chaque support de
communication,
-l'agence centrale de presse assure la circulation des informations entre les
supports,
-les plans de campagne d'information des dirigeants assure la promotion de leurs
politiques à travers les supports.
DES COMITES DE REDACTION POUR GERER DES SUPPORTS RELATIVEMENT
AUTONOMES :
On a longtemps affirmé que la presse d'entreprise était sous influence trop directe des
dirigeants pour être comparée à la grande presse. Dans les années récentes, ce n'est pas la
condition de la presse d'entreprise qui a changé, mais l'idée que nous nous faisons de la
grande presse.
Le public s'est habitué aux débats sur la politique des média. Il sait que ce sont les
influences des financiers, des publicitaires et des hommes politiques sur la presse et la
télévision. Il sait que "l'autonomie relative" de la rédaction d'un journal est fragile, se
mérite chaque jour et ne saurait être confondue avec de l'indépendance.
En lisant les meilleurs journaux d'entreprises actuels (à comparer avec un journal régional
sous influence); en visionnant les meilleures cassettes vidéo (à comparer avec un reportage
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politique sur la 2); en participant aux meilleurs congrès de cadres (à comparer avec le
congrès d'un parti politique), on peut prendre acte du fait que ce qui se passe à l'intérieur
n'est pas si différent de ce qui se passe à l'extérieur.
Dans ces conditions, pourquoi ne pas confier la gestion de chaque support d'information
interne à des "COMITES DE REDACTION" composés de représentants des publics
destinataires et de professionnels de la communication et jouissant contractuellement
d'une "AUTONOMIE RELATIVE" par rapport au bailleur de fond, représenté par un
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION ?
Le Comité de Rédaction conçoit et gère le support dans l'intérêt du public des
destinataires. Il "donne la parole", équilibre les tours de parole, ordonne l'information en
définissant une ligne éditoriale et un rubriquage, encourage les auteurs à s'exprimer, ne
confond pas censure et auto-censure.
Les membres du Comité de Rédaction sont des salariés de l'entreprise cooptés par le
Comité de Rédaction (qui se renouvelle par cinquième chaque année). Ce sont des
"journalistes amateurs" détenteurs d'une lettre de mission et bénéficiant d'un crédit
d'heures de travail mensuel pour cette tâche (un jour par mois).
Le support est géré par un Secrétaire de Rédaction et un Rédacteur en Chef dont c'est le
métier et qui assurent la réalisation matériel avec un budget et l'aide de prestataires
extérieurs.
Le Directeur de la Publication ne participe pas aux travaux du Comité de Rédaction. Il
représente la direction, veille à ce qu'un espace rédactionnel suffisant soit consacré aux
campagnes d'information des dirigeants et assure le contrôle de l'ensemble du contenu
rédactionnel dont il a la responsabilité juridique. Un charte définie avec précision sa
relation avec le Comité de Rédaction et les modalités du contrôle qu'il exerce.
L'AGENCE CENTRALE DE PRESSE
INFORMATIONS ENTRE LES SUPPORTS
ASSURE
LA
CIRCULATION
DES
Traditionnellement, le Directeur Central de la Communication d'un grand groupe mène
les campagnes d'information en faveur du Président Directeur Général, gère quelques
supports centraux venant redoubler les supports émis par les directions décentralisées et
tente, sans grands résultats, de "coordonner" les actions des nombreux responsables de
communication attachés à la personne des dirigeants de branches, filiales, sociétés et
établissements...
Sans abandonner les deux premières fonctions, il convient d'insister sur la troisième et de
la rendre praticable.
Dans un grand groupe diversifié et décentralisé, tout se passe aujourd'hui comme si
chaque source d'information interne ignorait les autres. Les lecteurs finaux font le tri.
Pour remédier à cette situation, il ne servirait à rien de recourir à des méthodes
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d'administration centralisées en contradiction avec le fonctionnement réel. Il convient
plutôt d'organiser LE MARCHE INTERNE DE L'INFORMATION.
L'agence de presse permet de faire circuler des messages émanant de sources très diverses
vers des supports multiples. Elle offre des services à trois types de partenaires :
-ceux qui contrôle des supports (et donc un public) ouvrent leurs colonnes aux
messages en provenance d'autres centres de décision : on pourrait dire
qu'ils VENDENT DE L'ESPACE REDACTIONNEL.
-ceux qui veulent faire passer des messages utilisent les supports pour assurer la
diffusion auprès des publics : on pourrait dire qu'ils ACHETENT DE
L'ESPACE REDACTIONNEL.
-ceux qui ont besoin d'informations pour renseigner leurs lecteurs sur ce qui se
passe hors de chez eux récoltent de l'information auprès de l'agence de
presse: on pourrait dire qu'ils ACHETENT DE L'INFORMATION.
Chacune des parties étant tantôt client tantôt fournisseur, il est possible d'établir des
échanges sur la base de la réciprocité, une forme de "facturation" interne n'étant pas à
exclure dans certains cas.
On veillera à ce que l'Agence Centrale de Presse ne soit pas seulement un lieu impersonnel
par où transitent des dépêches mais aussi le lieu de rencontre de tous les spécialistes de la
communication du groupe. Une rencontre annuelle paraît minimum.
LES PLANS DE CAMPAGNE D'INFORMATION DES DIRIGEANTS
Dans une grande entreprise décentralisée, il est tout à fait légitime qu'un grand nombre de
responsables, de rang hiérarchique variable éprouvent le besoin de diffuser des
représentations de leur politique. Ils peuvent pour cela disposer d'un attaché de presse,
définir un budget, recourir à des prestataires extérieurs et, bien entendu, conquérir d'une
façon ou d'une autre un "espace rédactionnel" dans les supports de communication
interne adressés au public des salariés qu'ils visent.
On peut reconnaître, accepter et même encourager ces actions de "lobbying interne" qui
font partie intégrante de l'exercice de la domination : rien ne serait plus inacceptable aux
français qu'un pouvoir totalement silencieux.
Les campagnes d'information des dirigeants peuvent être centrées sur leur personne, sur
la défense et l'illustration de l'institution qu'ils représentent, sur la mise en valeur de la
communauté humaine dont ils ont la charge, sur la promotion d'un projet ou d'un grand
dessein ou, plus modestement, sur un thème d'importance stratégique: qualité, fiabilité,
sécurité, service au client, réduction des coûts, protection de l'environnement...
Ces campagnes se gèrent à peu près comme des campagnes électorales. Cependant, on
doit garder à l'esprit un certain nombre de contraintes et de spécificités propres à la
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communication interne.
Voici une liste non exhaustive des périls à éviter :
1.Le public est captif, il convient donc d'en user avec modération sous peine d'abus
de pouvoir. Le contrat de travail n'est pas l'adhésion à une secte religieuse.
2.Le public est très au fait des sujets dont on lui parle. Les grands écarts prolongés
entre l'expérience quotidienne et les vélléités passent mal.
3.Le public est très sensible à la correspondance entre les paroles et les actes et
n'accorde crédit aux paroles de dirigeants que dans la mesure où il peut
vérifier sur pièce dans des délais assez brefs.
4.Le public, souvent assez stable, a de la mémoire. Les promesses non tenues, les
projets grandioses non réalisés, les visions de l'avenir démenties constituent
autant de cadavres dans le placard de la communication interne: plus ils
sont nombreux plus les campagnes doivent être modestes pour être
crédibles.
5.Lorsqu'un dirigeant ou une équipe dirigeante s'est fortement engagé dans la
promotion d'un système managérial (par exemple, "la qualité totale", "le
Kanban", "l'individualisation des salaires"...) et que ce système se révèle
décevant sur le terrain , la communication interne tend par souci de
cohérence, à maintenir le dogme en dépit de l'évidence. Si l'effort pour
"sauver les apparences" perdure, une sission s'opère tout au long de la ligne
hiérarchique entre les "vrais croyants" participants au culte officiel de
l'entreprise et les "redresseurs de tort" désireux de revenir à un minimum
de réalisme.
De telles situations sont fréquentes. Les dépenses de communication interne "sous
contrôle officiel" deviennent alors contre productives : elles divisent au lieu
de réunir, elles créent de la confusion mentale au lieu de contribuer à une
claire compréhension de la situation de travail. Elles diminuent la capacité
de vigilance et d'adaptation de la ligne hiérarchique.
L'existence de supports de communication ouverts et pluralistes, l'existence d'un marché
relativement ouvert de l'information interne peut contribuer à réduire les effets de mode et
l'amplification délirante d'utopies managériales d'autant plus "obligatoires" qu'elles sont
inapplicables.
INTEGRATION DES OPERATIONS DE COMMUNICATION INTERNE
DANS LA PROCEDURE BUDGETAIRE
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Même la communication interne ne peut échapper indéfiniment aux usages et coutumes
d'entreprise. Il faut bien un jour se mettre à rédiger des plans, négocier des budgets,
rendre des comptes. Comment accomplir ces exercices en restant dans l'esprit de tout ce
que nous avons proposé jusqu'ici ?
Reconnaissons d'abord la pluralité et la géométrie variable des budgets de communication
interne en distinguant budget de communication central et budgets des unités
décentralisées, budget de gestion des SUPPORTS et budget de gestion des CAMPAGNES.
1 -budgets des supports d'information :
Chaque budget est confié à un "Rédacteur en Chef", à un "Producteur de Journal Vidéo", à
un "Organisateur d'événements" ou encore à un "Animateur de réseau télématique", une
même personne pouvant évidemment cumuler plusieurs de ces casquettes.
On veillera à ce que chaque budget permette d'accomplir un travail de qualité.
Réciproquement, on fera la chasse aux petits budgets parasites, redondants ou
intermittents dont chacun semble bon marché mais dont la somme peut aboutir à des
dépenses aberrantes.
2 -budgets des campagnes d'informations des directions
Ces budgets seront confiés à l'attaché de communication d'un dirigeant ou d'un Comité de
Direction opérationnel. Ils pourront aussi être affectés au responsable d'un projet
important ou à un service fonctionnel en charge d'un thème transversal (qualité, sécurité,
gestion de personnel...) s'il advient que le thème dont il a la charge est considéré comme
prioritaire.
A la limite, chaque opération de quelque envergure inclut aussi un effort d'information et
de consultation de nombreux interlocuteurs internes. Dès lors que des supports de
communication ouverts et de bonne qualité sont disponibles, ces petites campagnes n'ont
pas besoin de budgets propres très développés. Il suffit donc d'inscrire une ligne
"dépenses de communication interne" à l'intérieur de leur propre enveloppe budgétaire, à
titre temporaire.
QUELQUES ELEMENTS POUR EVALUER LES RESULTATS
D'UNE TELLE POLITIQUE
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Pour évaluer les supports on peut suivre sur un graphique le nombre de personnes (de
diverses catégories) ayant fait au moins une apparition sur ce support. On peut aussi
établir des ratio: articles sollicités/ articles proposés; articles proposés/articles acceptés.
On peut évaluer l'autonomie relative du support en comptant le nombre d'articles ayant
posé un problème de censure (et le nombre d'articles ayant survécu à l'épreuve de la
censure en dépit de leur audace).
En téléphonant à un petit échantillon de salariés choisi au hasard, on peut mesurer
l'impact du support sur les destinataires.
La seule méthode d'évaluation totalement sans valeur est aussi la plus couramment
pratiquée. Elle consiste à insérer dans un journal un questionnaire auquel ne
répondent que les lecteurs les plus assidus.
Pour évaluer la réussite d'une agence centrale de presse, il suffit de suivre sur des
graphiques le nombre d'articles en provenance de la direction centrale relayés dans les
supports décentralisés et le nombre d'articles en provenance des unités décentralisées
relayés par les supports centralisés ou par d'autres supports du groupe: la forme des
courbes au fil du temps exprime directement les mouvements de repliement sur elles
mêmes des filiales ou au contraire, d'intensification des échanges d'information à
l'intérieur du groupe.
Quant à l'évaluation des campagnes d'information des dirigeants, elle présente peu
d'intérêt à posteriori. Par contre, il importe au dirigeant de pouvoir identifier à chaque
étape de la mise en oeuvre d'une politique les "alliés", les "indifférents" et les
"adversaires" afin de conforter les premiers, de convaincre les seconds et si nécessaire,
de combattre les troisièmes.
Une information descendante unilatérale, surtout si elle passe par la mise en oeuvre de
moyens médiatiques lourds est dangereuse, car elle ne permet pas le contrôle régulier
de l'état des forces en présence, ni l'ajustement mutuel.
Ainsi, une opération "coup de poing", un "show" sont à peu près impossible à évaluer
et l'éventuelle évaluation viendra toujours trop tard, après le désastre. Par contre, une
communication ouverte permettant à chacun d'exprimer assez tôt ses positions et
offrant de nombreuses possibilités de négociation intermédiaire s'évaluera d'ellemême. A chaque étape, on pourra répondre aux questions essentielles: "Chacun fait-il
ce qu'on espérait qu'il fasse? Si oui, à quelles conditions continuera-t-il à coopérer? Si
non, que faut-il faire pour le rallier?
CONCLUSION: FAUT-IL CRIER SANS CESSE "AUX LOUPS" ?
Les arguments en faveur d'une gestion centralisée et autoritaire de la communication
interne d'entreprise sont bien connus : -la concurrence nous assaille ; - nous entrons dans
une phase décisive pour notre suivi ; - l'ennemi rôde et nous écoute; - il n'est plus temps
de se concerter, il faut agir...
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Tout ces arguments portent et sont parfaitement légitimes s'ils sont énoncés RAREMENT
et sur la toile de fond d'une communication interne saine, riche, chaleureuse et pluraliste.
Lorsqu'ils deviennent permanents et omniprésents, personne n'y prête plus attention,
même s'ils sont vrais. On soupçonne aussi qu'ils servent de paravent à l'autoritarisme le
plus ordinaire, à la désorganisation et à l'imprévision : tout ce que la langue de bois a
dispensé de corriger à temps.
Même en temps de crise, il faut faire fonctionner des circuits d'information réguliers,
courtois, élégants, sereins : plus l'incertitude extérieure est grande plus la qualité des
circuits de communication interne prime. Lorsque plus personne n'est sûr de ce qu'il
convient de faire, il est vital de pouvoir en parler.