du 7 au 14 septembre
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du 7 au 14 septembre
1 les carnets de la MC93 une publication ? La représentation est le moment certes central mais pas unique de la relation que l’on entretient avec le théâtre. Elle est aussi précédée d’une attente, d’une préparation que chacun vit à sa façon. Il y a ceux qui veulent lire la pièce avant de l’entendre, ceux qui connaissent l’auteur ou le metteur en scène, ceux qui sont attentifs aux interprètes et ceux qui sont concernés par le sujet. Il y a ceux qui savent choisir le spectacle, et ceux qui préfèrent attendre d’en avoir des échos ; il y a ceux qui y iront seuls ou qui y entraîneront des amis… Ensuite, la représentation est le déclencheur de désirs multiples : celui de lire, de découvrir, de se lancer dans des associations d’idées inédites, celui de penser. Parfois, il est possible de converser, même de manière très contradictoire, dès la sortie de la salle. D’autres fois, on a envie de silence, presque de recueillement, et à l’intérieur de nous, les mots, les images et des émotions entament ce chemin mystérieux qui fait que nous serions très différents si nous n’étions pas habités, plus ou moins régulièrement, chacun à son rythme, par les spectacles. Cette publication semestrielle vous accompagne donc avant et après les spectacles. Elle se situe entre le programme de saison et le programme de salle qui vous est remis à chaque représentation. À l'instar de carnets de bord, de carnets de route ou de voyage, elle est constituée de textes variés et d'images. Sa construction est chronologique, mois par mois : — elle reprend la présentation des spectacles du programme de saison en donnant des informations complémentaires sur les spectacles et en précisant ce que nous organisons en écho, — elle enrichit la saison par nos propositions le plus souvent gratuites de lectures, de rencontres et de participation à des ateliers, — elle témoigne à travers des grands angles de projets de la Fabrique d’expériences* ou de résidences d’artistes menés par la MC93, — elle trace des fils rouges entre les spectacles et les différentes propositions, propose des pistes de réflexion, incite à la découverte. Son objectif est de vous associer à la vie de la Maison, de vous rendre compte de nos actions et de vous donner envie de les partager. Bonne lecture et bons spectacles Hortense Archambault, directrice Bobigny, août 2016 * La Fabrique d’expériences part du constat que le théâtre public doit se penser non plus uniquement comme un lieu de programmation de spectacles mais aussi comme un lieu qui contribue à faire ensemble société, un espace de mixité sociale et de métissage culturel. Elle s’intéresse plus particulièrement aux questions d’accès à la culture avec une priorité donnée à la jeunesse et s’inscrit sur notre territoire, la Seine-Saint-Denis, au nord-est du Grand Paris. Véritable laboratoire, la Fabrique explore, pour ce faire, plusieurs modalités : ateliers de pratiques théâtrales, participation à des projets spécifiques, rencontres régulières avec les artistes en résidence. Elle propose également aux spectateurs d’être les compagnons, les ambassadeurs, en un mot, les acteurs des activités de la MC93. C’est un espace de liberté où chacun est tour à tour participant et chercheur, où les projets émanent de tous, artistes, enseignants, de groupes de spectateurs ou de personnes du champ social. Un espace qui est à la fois un lieu de création et d’émancipation. Elle s’articule autour de trois axes : la jeunesse, le territoire de Bobigny et de la Seine-Saint-Denis et l’hospitalité d’une institution publique. 2 3 calendrier SEPTEMBRE p. mer7 17 h 30 Les Frères Karamazov Frank Castorf Friche industrielle Babcock La Courneuve Spectacle 6 jeu8 17 h 30 Les Frères Karamazov Frank Castorf Friche industrielle Babcock La Courneuve Spectacle 6 sam10 15 h 00 Les Frères Karamazov Frank Castorf Friche industrielle Babcock La Courneuve Spectacle 6 dim11 15 h 00 Les Frères Karamazov Frank Castorf Friche industrielle Babcock La Courneuve Spectacle 6 mar13 17 h 30 Les Frères Karamazov Frank Castorf Friche industrielle Babcock La Courneuve Spectacle 6 mer14 17 h 30 Les Frères Karamazov Frank Castorf Friche industrielle Babcock La Courneuve Spectacle 6 Primo Levi et Ferdinando Camon, Conversations ou le voyage d’Ulyssse Dominique Lurcel * Ancienne Gare de déportation Bobigny Spectacle 7 Chantier de cirque * Friche industrielle Babcock La Courneuve Spectacles 8 Friche industrielle Babcock La Courneuve Exposition 8 ven9 lun12 jeu15 ven16 sam17 dim18 16 h 30 lun 19 mar20 mer21 jeu22 ven23 sam24 14 h 00 14 h 00 > 18 h00 Les architextures * 15 h 00 Early Works Ouverture Portrait Lucinda Childs * Centre national de la danse Pantin Spectacle 7 18 h 00 Early Works Ouverture Portrait Lucinda Childs * Centre national de la danse Pantin Spectacle 7 20 h 30 Secret (temps 2) Johann Le Guillerm Friche industrielle Babcock La Courneuve Spectacle 8 dim25 12 h 30 Hortense Archambault et Wajdi Mouawad * Culture au quai Paris Rencontre 11 h 00 > 16 h 00 Les architextures * Friche industrielle Babcock La Courneuve Exposition 15 h 00 Early Works Ouverture Portrait Lucinda Childs * Centre national de la danse Pantin Spectacle 7 17 h 00 Secret (temps 2) Johann Le Guillerm Friche industrielle Babcock La Courneuve Spectacle 8 18 h 00 Early Works Ouverture Portrait Lucinda Childs * Centre national de la danse Pantin Spectacle 7 7 8 lun26 mar27 19 h 00 Early Works Programme A Portrait Lucinda Childs Centre national de la danse Pantin Spectacle 20 h 30 Early Works Programme B Portrait Lucinda Childs La Commune Aubervilliers Spectacle 7 20 h 30 Secret (temps 2) Johann Le Guillerm Friche industrielle Babcock La Courneuve Spectacle 8 mer28 19 h 00 Early Works Programme A Portrait Lucinda Childs Centre national de la danse Pantin Spectacle 7 20 h 30 Early Works Programme B Portrait Lucinda Childs La Commune Aubervilliers Spectacle 7 20 h 30 Secret (temps 2) Johann Le Guillerm Friche industrielle Babcock La Courneuve Spectacle 8 jeu 29 19 h 00 Early Works Programme A Portrait Lucinda Childs Centre national de la danse Pantin Spectacle 7 20 h 30 Early Works Programme B Portrait Lucinda Childs La Commune Aubervilliers Spectacle 7 21 h 00 Early Works Programme A Portrait Lucinda Childs Centre national de la danse Pantin Spectacle 7 ven 30 19 h 00 Early Works Programme A Portrait Lucinda Childs Centre national de la danse Pantin Spectacle 7 20 h 30 Secret (temps 2) Johann Le Guillerm Friche industrielle Babcock La Courneuve Spectacle 8 20 h 30 Early Works Programme B Portrait Lucinda Childs La Commune Aubervilliers Spectacle 7 20 h 30Amphitryon Sébastien Derrey La Commune Aubervilliers Spectacle 9 21 h 00 Centre national de la danse Pantin Spectacle 7 Early Works Programme A Portrait Lucinda Childs * gratuit sur réservation 5 Frank Castorf Fédor Dostoïevski LA FRICHE INDUSTRIELLE BABCOCK Pour sa saison 2016-2017, la MC93, actuellement en travaux, déploie sa programmation en Seine-Saint-Denis et investit la Friche industrielle Babcock avec le soutien de La Courneuve et Plaine Commune. Le site Babcock et Wilcox s’est développé à partir de la fin du xixe siècle. Sur cet immense site de près de 18 ha, l’entreprise produisait d’imposantes chaudières puis des installations électriques, et comptait plus de 2 000 salariés. L’entreprise a également été le berceau de fortes luttes sociales. Cette programmation est une préfiguration de la rénovation de la partie Sud du site de Babcock. Ces halles monumentales, fleuron de l’architecture industrielle nationale, seront reconverties pour devenir un quartier mixte, ouvert à tous et organisé autour du patrimoine, de la culture et de la création. La partie Nord du terrain accueillera quant à elle le centre fiduciaire francilien de la Banque de France. Une exposition retraçant l’histoire de l’usine Babcock organisée par La Courneuve et Plaine Commune ainsi qu’un fascicule édité par les Archives départementales de Seine-Saint-Denis sont proposés au public pour découvrir la richesse patrimoniale du bâtiment. le 18 septembre « Cela me paraissait superflu, négatif même, nocif peut-être, de faire de la rhétorique. Il n’y avait pas besoin de souligner l’horreur. L’horreur était. Il valait mieux laisser les choses se raconter d’elles-mêmes. » Ferdinando Camon s’entretient pour la première fois avec Primo Levi en 1982. Leurs conversations vont s’échelonner régulièrement, jusqu’en 1986. Ainsi, deux hommes se parlent. Deux écrivains, deux « arpenteurs de mémoire » : l’un est de culture chrétienne, l’autre a vécu comme juif, quarante ans plus tôt, l’expérience d’Auschwitz. Quel que soit le sujet abordé (Auschwitz, évidemment, et l’Allemagne - celle de Hitler et celle d’aujourd’hui - mais aussi le goulag de Soljenitsyne, l’acte d’écrire, le métier de chimiste...) la tension de la pensée naît entre les interlocuteurs du sentiment d’urgence qu’ils partagent l’un et l’autre. Jamais complaisante, ni écrasante, la parole de Primo Levi est une arme, tonique, pour appréhender le présent et prévenir des dangers à venir… D’après Ferdinando Camon, Conversations avec Primo Levi (Éditions Gallimard, 1991) Adaptation Éric Cénat, Gérard Cherqui et Dominique Lurcel Mise en scène Dominique Lurcel Interprétation Éric Cénat et Gérard Cherqui Lumières Philippe Lacombe Costumes Élisabeth de Sauverzac ou le Voyage d’Ulysse Thomas Aurin Babcock pratique La Friche industrielle Babcock est située à 5 minutes à pied de la station La Courneuve-Aubervilliers du RER B et à 8 minutes à pied de la station Hôtel-de-ville du tramway T1. Ensuite, il vous suffit de suivre les totems graphiques réalisés par Malte Martin ou le marquage au sol « MC93-Babcock ». Un parking est mis à disposition du public. Une navette gratuite retour vers Paris est proposée les soirs de semaine. Un service de restauration street food est proposé à l’intérieur et à l’extérieur de la halle, avant et après les représentations. Spectacle subventionné pour sa reprise par l’ONAC du Loiret, la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, les régions Centre – Val de Loire et Île-de-France, le conseil général du Loiret et la Ville d’Orléans. Avec le soutien du Cercil – Musée Mémorial des enfants du Vel d’Hiv, du Musée d’art et d’histoire du Judaïsme (MahJ), du Centre culturel Italien de Paris et de la Ligue des droits de l’homme (LdH). À 16 h 30 Ancienne Gare de déportation, Bobigny Gratuit sur réservation Et aussi... Des visites guidées de l’Ancienne Gare de déportation sont proposées dans le cadre des 33e journées européennes du patrimoine Samedi 17 septembre — à 10 h et 14 h 30 Dimanche 18 septembre — à 11 h et 14 h 30 Visites gratuites, inscription auprès du comité départemental du tourisme : tourisme93.com Primo Levi e arly works du 24 au 30 septembre Lucinda Childs LUCINDA CHILDS NOTHING PERSONAL 1963—1989 Lucinda Childs, Nothing Personal est le titre de l’exposition présentant pour la première fois les archives de la chorégraphe américaine. À l’occasion de la donation d’un fonds exceptionnel, le CND s’associe à la Galerie Thaddaeus Ropac à Pantin pour présenter cette exposition monographique de l’artiste, qui réunit le travail graphique de Lucinda Childs (partitions chorégraphiques, dessins, schémas), ainsi que des documents inédits réalisés par les artistes avec lesquels elle a collaboré, notamment Sol LeWitt, Babette Mangolte, Robert Mapplethorpe et Robert Wilson. L’ensemble des éléments exposés tente de faire découvrir l’invention formelle d’une danse qui, selon la chorégraphe, « n’a rien de personnel ». Exposition Commissariat Lou Forster Scénographie David Dubois Création sonore Sébastien Roux Production et réalisation CND Centre national de la danse, Galerie Thaddaeus Ropac, Le O. Avec le Festival d’Automne à Paris. En partenariat avec France Inter. CND Centre national de la danse — Pantin Du 24 septembre au samedi 17 décembre (sauf du 10 au 17 octobre) Galerie Thaddaeus Ropac — Pantin Du 24 septembre au 7 janvier Du mardi au samedi de 10 h à 19 h Entrée libre Nathaniel Tileston f du 7 au 14 septembre rères Karamazov Primo Levi et Ferdinando Camon, Conversations Benoît Fougeirol L e s Spectacle 6 7 s ecret (temps 2) a du 24 au 30 septembre Johann Le Guillerm Sébastien Derrey Heinrich von Kleist JAt Paris Thomas Mann à propos de L'Amphitryon de Kleist* LES ARCHITEXTURES DE JOHANN LE GUILLERM En écho au spectacle, trois Architextures L’Amu, L’Indrique et Le Crisalide, sculptures monumentales, s’élèvent dans la halle. Architectures par leur forme, textures par leur maillage, les Architextures infiltrent les paysages de leurs structures de bois, autoportantes, sans clou, ni vis, ni colle. Formes naturelles, autosuffisantes, sans affectation, ces Architextures migrantes, dissidentes sont une utopie de construction. Elles s’exposent aux éléments, à l’érosion, à la mémoire et au passé des sites qu’elles investissent, modifient le paysage autant qu’elles en sont transformées par lui. Ce dialogue invite à l’expérience du monde réel, mais en trouant l’espace, les Architextures en perturbent la perception, ouvrent le champ à d’autres possibles. CHANTIER DE CIRQUE Houdremont lance la saison culturelle de La Courneuve et propose une programmation gratuite de spectacles de cirque(s) in situ le samedi 24 septembre. du 30 septembre au 13 octobre mphitryon « (...) C’est la pièce la plus ingénieuse et la plus gracieuse, la plus spirituelle, la plus profonde et la plus belle du monde. (...) L’Amphitryon de Kleist est une création originale, pour peu qu’on ne comprenne pas stupidement sous ces termes faire et tirer quelque chose du néant, mais la flamme de l’esprit brûlant dans la matière. Comparés au poème de Kleist, Plaute et les comédies françaises sont simplement de la matière, et Adam Müller, le premier éditeur de la pièce, dont l’auteur était prisonnier en France, dit dans sa préface judicieuse et enthousiaste et tout homme sensé lui en est reconnaissant : « Peu importe sans doute que ce soit directement la nature ou l’œuvre d’un prédécesseur qui ait incité l’auteur à écrire sa pièce ; la poésie prospère de la façon la plus superbe quand elle ne connaît qu’une seule main qui lui tend le sujet et l’instrument, quand elle sait recevoir de Molière d’une manière tout aussi naïve, pure et particulière, que de la nature ou de son imagination. » (...) c’est une traduction, au sens le plus hardi du terme : c’est réellement la transposition inouïe et la transformation magique d’une œuvre transportée de sa sphère dans un univers qui, à l’origine, lui était complètement étranger, d’un siècle à l’autre, d’une nationalité à l’autre, c’est la germanisation radicale, la romantisation d’un chef-d’œuvre du classicisme français. (...) Voilà donc la pièce. Tandis que je repassais ses lignes délicates, ma dilection pour elle, qui jusqu’ici n’était qu’une croyance, la fidélité que je lui ai gardée ont connu le bonheur de savoir pourquoi je l’aimais. Sa mystique sereine, sa ferveur spirituelle sont incomparables. Si on la jouait comme elle le mérite, ce serait un divertissement, ce serait une fête pour la sensibilité et la raison qui y trouveraient également leur compte. Mais les représentations d’Amphitryon n’ont rien de commun avec les fêtes, si ce n’est la rareté : elles sont peu fréquentes et ce qui les entoure, c’est le train-train quotidien du théâtre. » * 1927, traduction de Louise Servicen et Jeanne Naujac. 14h — Totem(s) Parcours graphique par Malte Martin 18h — Variations par le Groupe Acrobatique de Tanger 19h — La Cosa en éclats par Claudio Stellato avec la Maison des Jonglages Entrée libre Plus d’informations : Houdremont-la-courneuve.info 01 49 92 61 61 maisondesjonglages.fr UN PEUPLE SPECTATEUR VISITES Des visites guidées des Architextures et de la Friche industrielle Babcock sont organisées samedi 24 septembre de 14 h à 18 h et dimanche 25 septembre de 12 h à 16 h. Entrée libre Plus d’informations : Houdremont-la-courneuve.info 01 49 92 61 61 maisondesjonglages.fr Philippe Cibille Pour les groupes, d'autres dates sont possibles. « Je ne fais plus de nouveaux spectacles, je continue... » En mai 2016, Sébastien Derrey a associé à sa recherche pour la mise en scène d’Amphitryon une quinzaine de spectateurs pratiquant le théâtre en amateurs et ayant répondu à l’appel lancé par la MC93. Il s’agissait de trouver la meilleure manière de figurer le peuple dans la dernière scène de la pièce. Après quelques jours de répétitions au théâtre l’Échangeur à Bagnolet, il décide de faire jouer chaque soir une personne différente, volontairement pas un acteur. Cette contribution des spectateurs parfois au processus de la création est précieuse. C’est l’une des raisons de la mise en place des spectateurs compagnons, qui acceptent d’être sollicités régulièrement comme des amateurs passionnés depuis le plateau ou la salle. DR Johann Le Guillerm 8 9 Hortense Archambault GRAND Stéphanie Aubin aime les gens, « tout simplement » et le mouvement « passionnément ». Elle se satisferait volontiers de ces deux seuls motifs pour expliquer Jeu de société/Bobigny, mouvement chorégraphique créé geste après geste par 120 balbyniens et filmé image par image. Si ce projet est d’une lumineuse justesse, c’est parce qu’il se nourrit de l’expérience chorégraphique d’une artiste qui lie depuis toujours la création et le public pour « prendre langue avec le monde » comme elle dit. Elle n’a donc pas attendu la mode supposée de ces projets dits « participatifs » pour s’y engager. Formé à la Post Modern Dance chez Trisha Brown, l’oiseau aurait dû nicher du côté des minimalistes formels de son espèce. Mais en 1994, l’historien Jean Clair, l’académicien Marc Fumaroli, contempteurs de l’art contemporain sortent l’artillerie lourde. La dérive réac contamine toute une frange d’intellectuels prêts à affirmer à la suite de Jean Baudrillard dans Libé : « l’art contemporain est nul. » Stéphanie Aubin dit avoir compris à ce moment-là « la dimension politique de l’art ». Et avoir voulu prendre ses responsabilités d’artiste et de citoyenne. La même année, elle riposte en inventant à la Cité internationale, le festival L’Art en scène dans lequel elle invite des chorégraphes à prendre artistiquement la parole sur leur parcours. Les premières conférences dansées sont nées. Elles signent une volonté de partager la danse avec le public en l’inscrivant dans la vie. L’artiste poursuit alors sa route à la croisée des arts et des gens, danseurs ou non avec qui elle partage volontiers le plateau au nom d’un principe aussi sain que fondé : « La création n’est pas un acte hors sol. L’artiste n’est pas connecté à Dieu, il vit, respire dans le monde, il subit son influence. C’est en s’associant à d’autres, en multipliant les points de vue, qu’on peut tenter d’appréhender ce monde si compliqué. » Elle déploie une activité artistique foisonnante qui verra la création des Étonnistes en 2005 et 2015, de Légendes ou Amphithéâtre ≠ 2, des formes entre enquête, performances visuelles ou verbales et conférence. Parallèlement à son activité dansée, Stéphanie Aubin a dirigé pendant 14 ans Le Manège, Scène nationale de Reims. Elle y a mené un projet dans le droit fil de ses convictions, défendant l’acte artistique comme socle de la médiation avec les publics. C’est là qu’est né le cycle Jeu de société en 2010, une création participative, qu’elle nomme « objet d’art relationnel » pour en finir avec la divison archaïque mais vivace que l’institution opère encore entre l’art et l’action culturelle. « Le clivage est obsolète » voudrait croire l’artiste. ANGLE Le concept participatif a le vent en poupe, il n’a peut-être même jamais connu une telle fortune politique. Symptôme d’une démocratie en mal de légitimité ou revendication citoyenne, désir de commun aussi dans un monde globalisé et atomisé ? En tout cas, les artistes sont de plus en plus nombreux à expérimenter cette autre manière de faire art, réinterrogeant de fait et d’un seul trait, le statut de l’œuvre, de l’artiste et du spectateur. Le regardeur n’est plus en face, mais immergé, acteur de l’œuvre à laquelle il confère une singularité inédite par sa présence même. De fait, il déplace la fonction de l’artiste qui de créateur devient co-auteur d’un acte partagé. Les œuvres participatives ne sont pas si neuves, elles jalonnent l’histoire des Avant-gardes depuis les années 50. Elles émanent d’artistes à la réputation parfois incontestée comme Thomas Hirschhorn ou Jeremy Deller, mais restent difficiles à appréhender sans doute parce que nous manquons encore d’outils critiques spécifiques d’évaluation. Stéphanie Aubin peut bien affirmer : « C’est une réponse d’artistes sensibles à leur contexte (qui nécessite de) renouveler le protocole relationnel avec l’art et l’artiste », l’affaire est loin d’être entendue car elle demande un changement radical de paradigme des politiques culturelles à l’œuvre. « Ces actions ont l’intérêt de lier l’ensemble des missions des théâtres, elles peuvent apporter un nouveau souffle à nos manières de faire. Mais elles ne sont pas adaptées à une économie financière et humaine encore fondée sur le primat de la diffusion. » reconnaît Stéphanie Aubin qui déplore le peu de moyens — les maigres subsides de l’action culturelle — que les théâtres y investissent. « Il faut cesser d’ignorer que le contexte dans lequel nous évoluons a changé, soutient la battante. Il y a urgence à favoriser la diversité sur les plateaux et dans les salles. Les théâtres doivent être des lieux de vie. Les habitants doivent pouvoir y faire la fête, s’y impliquer, y manger... ». L’artiste ne distingue jamais entre ses élans créateurs et son expérience professionnelle, sa parole n’en est que plus forte. Mais les temps changent, une nouvelle génération a pris les rênes des lieux d’art et elle tente, même à pas comptés, de refonder l’ancien pacte culturel entre théâtres et populations, pour qu’enfin s’y confondent accès à l’art, espoir et dignité. Et si l’énergie déployée par Stéphanie Aubin est teintée de colère, elle restera toujours plus féconde que celle du désespoir... Une chorégraphe Stéphanie Aubin, assistée de Miléna Gilabert et Yan Giraldou Un photographe Arnaud Baumann, assisté de Roméo Guilbert 120 balbyniens et une musique de Frank II Louise INTENTION Constituer un mouvement commun, à partir de présences aussi différentes que solidaires dans l’action. PROTOCOLE Une invitation est lancée à des habitants de tous les âges sur le mode : « Vous pouvez aimer le mouvement sans avoir aucune affinité avec la danse ». Il est proposé aux participants de se présenter dans leur habit de travail ou tout autre tenue d’usage qui marquerait un temps particulier de leur vie. Les interprètes alternent devant l’objectif du photographe, chacun partant de la position de son prédécesseur pour imaginer la suite de son élan. Le geste chorégraphique créé est le résultat de l’ensemble des mouvements de la chaîne humaine. PROCESSUS 10 séances de 3 heures. L’espace du film tourné au Manège de Reims a été reconstitué à Bobigny : il s’agissait du couloir qui mène aux loges. OBJET RELATIONNEL Un stop motion (technique d’animation image par image. Des photos sont prises les unes après les autres puis mises bout à bout pour créer un film comme dans un dessin animé). DURÉE Durée du film : 4 min. Jeu de société est prolongé par une exposition des photographies réalisées. Chronique de la projection du 25 juin Des balbyniens à l’affiche ! Avant-première du film Jeu de société Le film ? Eh bien c’est l’histoire de cent vingt personnes qui entrent par la fenêtre et ressortent par la porte. Certaines passent à la trappe. Le tout en quatre minutes. Tout le monde a des super pouvoirs : on se brandit à bout de bras, on se métamorphose. Et on se contorsionne, on essaye de tenir, on se faufile dans une chorégraphie hallucinée. Quelques gamins agrippent le giron d’une bonne fée qui passe... Et au bout du conte, tout le monde s’en sort. C’est tellement incroyable que les spectateurs, à l’unanimité, demandent à revoir le film. Ovation à chaque fois. Cette avant-première exclusive se déroule au Magic cinéma le 25 juin à 18 h 30. Ambiance croisette cool. Une soixantaine de stars locales sont arrivées par la grande porte du cinéma et ont descendu sans chichi les marches de ce petit palace, pendant qu’un fauteuil roulant empruntait la rampe d’accès dédiée. On ne le savait pas encore mais tout à l’heure il y aura des palmes ! On est venu constater comment ce projet nous regarde. Faces à faces. La directrice du Magic, Dominique Bax, ouvre la séance en annonçant à tous les présents la tenue d’un pot à l’issue du visionnage de leurs exploits et y ajoute un cadeau maison : tout le monde est invité à la projection à 20 h de la Loi de la jungle, une comédie aux accents politiques, sortie la semaine précédente, avec notamment Vincent Macaigne, étoile emblématique du crossover théâtre-cinéma. Stéphanie Aubin, chorégraphe et co-réalisatrice du film Jeu de société que nous allons découvrir, remercie tout le monde et prévient, pédagogue, vaguement inquiète : « attention, ça va vite, forcément... ça doit aller vite et donc c’est court ! ». Enfin, Hortense Archambault souligne qu’il s’agit de la première présentation publique d’une œuvre produite par la Fabrique d’expériences, le laboratoire protéiforme conçu par la nouvelle équipe de la MC93. Le noir s’établit dans la salle très attentive. L’interface d’un ordinateur s’affiche sur l’écran du Magic, la souris sélectionne le fichier « jeu de société.avi » et c’est parti. Pour deux visionnages successifs, très enthousiastes, parsemés de rires, d’exclamations admiratives ou attendries, de prénoms lancés par petits groupes qui apostrophent leurs amis à l’écran, de silences aussi et de murmures. Des timbres de voix de tout âge. Et, comme le souligne Stéphanie Aubin, pour une fois personne ne perd une miette du générique ! Au passage, tout le monde a repéré D’ de Kabal, quelques membres de l’équipe de la MC93 dans des postures inédites... et un nageur palmé ! Quelques commentaires saisis au vol dans la salle : « Tu as pu le capter au portable ? », « C’est sympa de revoir les personnes avec qui on était à la séance photo », « Tu as vu, il y avait une surveillante du collège ! »... Arnaud Baumann, co-réalisateur, précise aux spectateurs que sur les quelques quatre mille photos de rushes, seules six cents composent le film. Et que les photos retenues au montage du film ne sont pas forcément celles qui seront sélectionnées pour l’exposition à venir. Les contraintes étant la continuité du mouvement pour le premier projet, l’expressivité statique pour le second. C’était donc un film d’animation - image par image - et peut-être même, dans un contexte culturel quelque peu désolé, on le constate in vivo, un film de réanimation ! Mais comment en sommes-nous arrivés là ? En décembre 2015, la MC93, pas frileuse, ouvre une fenêtre : Stéphanie Aubin passe la tête dehors et appelle les balbyniens à se faire embobiner par son acolyte photographe Arnaud Baumann. Les deux réalisateurs renouvellent ainsi l’expérience, déjà appelée Jeu de société, montée à Reims en 2010. Deux projets en vue : d’une part, la réalisation d’une nouvelle version du film Jeu de société qui sera donc chorégraphié à partir d’images fixes, d’autre part, le montage d’une exposition qui sera constituée de portraits de balbyniens, affichés sur de grandes bâches dans la ville. De décembre 2015 à février 2016, Stéphanie Aubin et Arnaud Baumann mettent en boîte des volontaires de tout âge, toute couleur, tout quartier. Les candidats rentrent dans la danse au fur et à mesure de leur arrivée : dix séances de prises de vue ont lieu dans l’atelier de construction de décors de la MC93 à Noisy-leSec. Dans ce tournis de personnages, tournage que seul l’objectif puisse capter à ce stade, il s’agit de laisser du champ aux acteurs puis de les faire disparaître : autant dire que personne ne peut s’attendre au résultat ! Sans compter qu’une composition musicale originale, Du bon côté de l’autre signée Frank II Louise, a convoqué son propre tempo au montage. Elle déploie sur ces images une joie nostalgique aux accents manouches, un brin balkaniques, scandée de beats électros qui claquent comme des percus. C’est magique. Comme l’apesanteur. Et ça swingue grave. Le résultat évoque les films de Kusturica : un melting-pot d’âges et de trombines déroulant une joyeuse farandole... Des images cousues avec la plus grande minutie pour un scénario, lui, délicieusement décousu ! Hypothèse : la règle tacite de ce jeu sociétal consisterait-elle à instaurer la fluidité pour gagner la liberté ? Ce même soir, au Magic, versant exposition, les réalisateurs ont également conçu une avant-première : nous sommes tous invités à nous rendre dans une salle annexe à la salle de projection. Tombés dans les panneaux, on en compte sept : cycle de création originel ! Ici ont été dressées, sur des bâches de 1,80 m par 1,20 m, sept premières photos qui préfigurent la méga expo à venir. Grand enthousiasme autour de ces tirages quasi à l’échelle réelle. On pose devant son propre portrait pour une nouvelle prise de vue, on échange des souvenirs de tournage. « Je ne m’attendais pas du tout à ça » confie un homme. La Fabrique d’expériences est en marche ! Pendant que les plus petits organisent un cache-cache mettant à profit les panneaux d’affichage, le pot fournit aux adultes l’occasion d’échanger des nouvelles entre voisins ou partenaires de la vie sociale balbynienne. Dans cette salle où se tiennent d’habitude les débats et cérémonies du Magic sont affichés, tout le long des murs, des portraits de personnalités du cinéma. On reconnaît entre autres Jean-Pierre Mocky, Jeanne Balibar, Clotilde Hesme... Des portraits de taille modeste. Ce soir, dans l’antre du Magic, les people sont miniatures et les vrais gens géants ! Cette mise en bouche a stimulé les organisateurs : une petite équipe part en repérage dans la ville pour envisager la future exposition. Les deux réalisateurs et des membres de la MC93 arpentent Bobigny pour jauger les emplacements possibles de cent vingt portraits à afficher sur bâches juxtaposées. On toise, on évalue, on polémique, on s’enthousiasme... et on parie sur la bonne volonté des partenaires potentiels : le centre commercial, la RATP... Vernissage prévu le 17 octobre 2016 ! Jarnoul Doberd Anne Quentin L’exposition sera présentée du 17 octobre au 7 novembre dans la ville de Bobigny. Découvrez le film sur notre site internet dans la rubrique Fabrique d'expériences. 10 Arnaud Baumann Stéphanie Aubin Jeu de société / Bobigny F iche du projet ANGLE Connaissant le travail artistique de Stéphanie Aubin et ayant vu Jeu de société/Reims, j’ai demandé à cette dernière et à Arnaud Baumann qui co-signe le projet de réaliser un Jeu de société/Bobigny. C’est la première œuvre produite dans le cadre de ce que nous avons nommé la Fabrique d’expériences. Elle nous a permis de rencontrer nos voisins, d’impliquer les spectateurs assidus, les relais, d’aller à la rencontre de ceux qui nous paraissaient parfois manquer pour réaliser ce portrait artistique de Bobigny. L’équipe de la MC93 s’y est pleinement investie. Stéphanie Aubin et Arnaud Baumann ont ainsi dessiné une image singulière et subjective, joyeuse et libre de la ville où nous sommes. Les deux textes qui suivent témoignent de cette aventure. GRAND 11 calendrier OCTOBRE p. 9 sam1er 18 h 00Amphitryon Sébastien Derrey La Commune Aubervilliers Spectacle 20 h 30 Friche industrielle Babcock La Courneuve Spectacle 8 La Commune Aubervilliers Spectacle 9 mar4 19 h 30Amphitryon Sébastien Derrey La Commune Aubervilliers Spectacle 9 mer5 19 h 30Amphitryon Sébastien Derrey La Commune Aubervilliers Spectacle 9 jeu6 19 h 30Amphitryon Sébastien Derrey La Commune Aubervilliers Spectacle 9 ven7 20 h 30 Friche industrielle Babcock La Courneuve Spectacle 14 La Commune Aubervilliers Spectacle 9 14 Secret (temps 2) Johann Le Guillerm dim2 16 h 00Amphitryon Sébastien Derrey lun3 Danse de nuit Boris Charmatz 20 h 30Amphitryon Sébastien Derrey sam8 17 h 00 Danse de nuit, l’atelier * Friche industrielle Babcock La Courneuve Atelier 18 h 00Amphitryon Sébastien Derrey La Commune Aubervilliers Spectacle 9 20 h 30 Friche industrielle Babcock La Courneuve Spectacle 14 dim9 16 h 00Amphitryon Sébastien Derrey La Commune Aubervilliers Spectacle 9 19 h 00 Danse de nuit Boris Charmatz Friche industrielle Babcock La Courneuve Spectacle 14 lun1020 h 00 La Mort de Danton François Orsoni Pablo Neruda Bobigny Spectacle 15 mar11 19 h 30Amphitryon Sébastien Derrey La Commune Aubervilliers Spectacle 9 20 h 00 La Mort de Danton François Orsoni Pablo Neruda Bobigny Spectacle 15 mer12 19 h 00 Carte Blanche à François Orsoni 15 Danse de nuit Boris Charmatz Magic cinéma Bobigny Cinéma 19 h 30Amphitryon Sébastien Derrey La Commune Aubervilliers Spectacle 9 jeu1319 h 30 Nouveau Théâtre de Montreuil Spectacle 16 19 h 30Amphitryon Sébastien Derrey La Commune Aubervilliers Spectacle 9 20 h 00 La Mort de Danton François Orsoni Pablo Neruda Bobigny Spectacle 15 ven14 19 h 30 Les Bienveillantes Guy Cassiers Nouveau Théâtre de Montreuil Spectacle 16 20 h 00 La Mort de Danton François Orsoni Pablo Neruda Bobigny Spectacle 15 sam15 14 h 00 Hamlet, variations Magic cinéma Bobigny Cinéma 15 Les Bienveillantes Guy Cassiers 18 h 00 La Mort de Danton François Orsoni Pablo Neruda Bobigny Spectacle 16 19 h 30 Les Bienveillantes Guy Cassiers Nouveau Théâtre de Montreuil Spectacle 16 dim16 16 h 00 Les Bienveillantes Guy Cassiers Nouveau Théâtre de Montreuil Spectacle 15 16 h 00 La Mort de Danton François Orsoni Pablo Neruda Bobigny Spectacle 10 lun 17 Jeu de société Stéphanie Aubin et Arnaud Baumann * Bobigny Exposition 15 20 h 00 La Mort de Danton François Orsoni Pablo Neruda Bobigny Spectacle 15 mar18 15 h 00 La Mort de Danton François Orsoni Pablo Neruda Bobigny Spectacle 19 Banquet #2 Daniel Conrod Bibliothèque Émile-Aillaud Bobigny Rencontre mer19 jeu2020 h 00 La Mort de Danton François Orsoni Pablo Neruda Bobigny Spectacle 15 20 h 00 Angleterre, Angleterre Olivier Martinaud * La Dynamo de Banlieues Bleues Pantin Lecture 17 ven21 20 h 00 La Mort de Danton François Orsoni Pablo Neruda Bobigny Spectacle 15 sam22 18 h 00 La Mort de Danton François Orsoni Pablo Neruda Bobigny Spectacle 15 dim23 16 h 00 La Mort de Danton François Orsoni Pablo Neruda Bobigny Spectacle 15 * gratuit sur réservation Hamlet, variations le 15 octobre DU THÉÂTRE AU CINÉMA Magic cinéma une journée autour de la figure d’Hamlet. Grand seigneur, fou, stratège, homme révolté contre la routine et la médiocrité, Hamlet donne lieu à mille interprétations qui ont fait de grandes œuvres tant théâtrales que cinématographiques. Seront projetés la captation de la pièce Hamlet, mis en scène par Thomas Ostermeier dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes au Festival d’Avignon en 2008 et filmé par Hannes À l’occasion du 400 anniversaire de la mort de William Shakespeare et des 25 ans de la rétrospective William Shakespeare organisée par le Festival Théâtres au cinéma s’organise avec le e L a Cinéma — Rencontre m ort de Danton François Orsoni Georg Büchner Lettre de Georg Büchner à sa fiancée du 7 au 9 octobre Boris Charmatz ENTREZ DANS LA DANSE Dans la continuité du projet artistique et culturel qu’il mène au Musée de la danse de Rennes, Boris Charmatz vous invite à vivre la danse autrement et à investir la gigantesque halle de la Friche industrielle Babcock pour deux activités inédites. Le samedi 8 octobre à 17 h, l’équipe artistique du spectacle vous propose un atelier* pour traverser les matériaux chorégraphiques en lien avec l’œuvre de Boris Charmatz, auteur d’une vingtaine de pièces d’Aatt enen tionon (1996) à Danse de nuit (2016). Le dimanche 9 octobre à 17 h 30, Boris Charmatz délivrera un échauffement ouvert à tous les spectateurs munis d’un billet pour la représentation du soir. Quels que soient votre condition physique, votre âge ou votre niveau de pratique, entrez dans la danse ! Dominique Appietto * Gratuit sur réservation LES ALLERSRETOURS IN SITU DE FRANÇOIS ORSONI François Orsoni a une double actualité avec la MC93 cette saison : la création en octobre de la Mort de Danton et une résidence In situ auprès d’une classe de 5e du collège Henri-Sellier à Bondy autour d'Allers-retours du dramaturge allemand Ödön von Horvath. Allers-retours raconte le parcours de Ferdinand Havlicek, expulsé de son pays et condamné à errer sur un pont qui sépare sa patrie d’un autre pays. Un paysage trouble, une métaphore de la tour de Babel, un monde où personne ne se comprend, et un destin que le metteur en scène explorera avec les élèves et auxquels il pourra confronter ses propres recherches. En compagnie du comédien et musicien Thomas Landbo, de la réalisatrice et scénariste Marie Garel-Weiss, de la dramaturge et journaliste Olivia Barron et d’une équipe d’enseignants, François Orsoni axera sa résidence sur le genre du conte et sur la quête d’identité que traverse tout adolescent. Les collégiens suivront le processus de création des artistes et participeront parallèlement à des ateliers d’écriture, de pratique théâtrale, musicale et chorégraphique, à des réflexions sur l’actualité du texte et à un parcours culturel permettant d’enrichir leur expérience. L’aventure commencera par une analyse de leurs propres allers-retours dans l’espace urbain. Elle se poursuivra avec leurs camarades de classe et leurs familles auprès desquels ils recueilleront des témoignages. In situ, artistes en résidence dans les collèges, est un dispositif du Conseil départemental de Seine-Saint-Denis. Carte blanche à François Orsoni le mercredi 12 octobre au Magic cinéma de Bobigny Plus d’infos prochainement sur notre site internet 14 du 10 au 23 octobre Magic cinéma, Bobigny De 14h à 23h en plusieurs programmes autonomes Programme détaillé sur notre site prochainement Louis Theillier d anse de nuit Rossacher, des films de Nicolas Klotz et Elisabeth Perceval dont Jeunesse d’Hamlet, Clichy-sousBois et le film Un Hamlet de moins de Carmelo Bene présenté au Festival de Cannes en 1973. La journée comprendra aussi une rencontre autour d’Hamlet, animée par Hortense Archambault, qui confrontera les regards de différents artistes dont Gérard Mordillat, écrivain et réalisateur, Nicolas Klotz, réalisateur. 15 « Prouve-moi que tu m’aimes encore beaucoup en me donnant bientôt des nouvelles... » Et je t’ai fait attendre ! Depuis déjà quelques jours, je prends la plume à chaque instant, mais il m’était impossible d’écrire ne fut-ce qu’un mot. J’étudiais l’histoire de la Révolution. Je me suis senti comme anéanti sous l’atroce fatalisme de l’histoire. Je trouve dans la nature humaine une épouvantable égalité, dans les conditions des hommes une inéluctable violence, conférée à tous et à chacun. L’individu n’est qu’écume sur la vague, la grandeur un pur hasard, la souveraineté du génie une pièce pour marionnettes, une lutte dérisoire contre une loi d’airain, la connaître est ce qu’il y a de plus haut, la maîtriser impossible. L’idée ne me vient plus de m’incliner devant les chevaux de parade et les badauds de l’histoire. J’ai habitué mon œil au sang. Mais je ne suis pas un couperet de guillotine. Il faut est l’une des paroles de condamnation avec lesquelles l’homme a été baptisé. Le mot selon lequel il faut certes que le scandale arrive, mais malheur à celui par qui le scandale arrive — a de quoi faire frémir. Qu’est-ce qui en nous ment, assassine, vole ? Je n’ai pas envie de suivre plus avant cette idée Mais si je pouvais poser sur ton sein ce cœur froid et martyrisé ! B(oecklet) t’aura rassuré sur mon état, je lui ai écrit. Je maudis ma santé. J’étais en feu, la fièvre me couvrait de baisers et m’enlaçait comme le bras d’une amante. Les ténèbres ondoyaient au-dessus de moi, mon cœur se gonflait dans une nostalgie infinie, des étoiles perçaient l’obscurité, et des mains et des lèvres s’inclinaient vers moi. Et maintenant ? Et sinon ? Je n’ai pas même la volupté de la douleur et du désir. Depuis que j’ai franchi le pont sur le Rhin, c’est comme si j’étais anéanti à l’intérieur de moi-même, un sentiment distinct ne surgit pas en moi. Je suis un automate ; l’âme m’a été ôtée (…) Tu me demandes si j’ai le désir de te revoir. Appelles-tu cela du désir, quand on ne peut vivre qu’en un point, qu’on en est arraché, et qu’on a plus alors que le sentiment de sa misère ? Réponds-moi donc ! Mes lèvres sont-elles si froides ? (…) Cette lettre est un charivari : je t’en consolerai par une autre. Le 10 mars 1834 Guy Cassiers Jonathan Littell METTRE À JOUR LES MÉCANISMES DE VIOLENCE ET D’EXCLUSION PAR LE LANGAGE En adaptant sur scène le célèbre livre de Jonathan Littell, Guy Cassiers poursuit son exploration des mécanismes de la violence politique, thème récurrent de son œuvre, en se focalisant ici sur la violence exercée par le langage. Soucieux de la montée des partis d’extrême droite et xénophobes en Europe et de la remise en cause des fondements du projet européen, le metteur en scène et son équipe ont développé, en prolongement du spectacle, deux projets culturels. LONG READ : TEST OF CIVILISATION INVISIBLE CITIES Angleterre, Angleterre En écho à ce premier projet, Invisible Cities est une plateforme numérique participative, alimentée par les équipes des théâtres qui accueillent le spectacle afin de construire une collection de portraits de personnes sujettes à une discrimination par le langage. Pour ce projet, la MC93 a choisi d’engager une collaboration avec des étudiants en Master à l’Institut d’études politiques de Paris, afin d’accompagner des lycéens de Seine-Saint-Denis à repérer puis à collecter autour d’eux le témoignage de personnes marginalisées. Découvrez le site : invisible-cities.eu « Si nous ne pouvons pas prédire l’avenir, nous pouvons au moins permettre au passé de nous guider et de nous mettre en garde contre les dangers de l’utilisation de cette rhétorique ». Lecture Texte Aiat Fayez Mise en voix Olivier Martinaud Avec Daniel Delabesse, Loïc Riewer, Zeid Ra’ad Al Hussein, Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, octobre 2015 Mohamed Rouabhi (distribution en cours) Son Bastien Varigault Construit à partir des grandes phases du régime nazi, le projet du Long Read est pour chaque citoyen un véritable « Test of Civilisation », en référence à l’expression utilisée par le viceprésident des États-Unis de l’époque, Walter Mondale — au sujet de la conférence d’Evian de 1938, dont l’objectif de l’augmentation des quotas d’immigration des pays européens, pour accueillir les Juifs fuyant le IIIe Reich avait échoué. Le projet numérique « Long Read : Test of Civilisation » montre comment des mécanismes langagiers de discrimination opèrent aussi bien dans des sociétés ségréguées (Rwanda, Afrique du Sud, Bosnie) qu’au quotidien. Il attire ainsi notre attention sur la façon dont se développe ce processus de discrimination dans nos sociétés contemporaines, sans toutefois que l’on y prenne garde et nous alerte sur son degré d’avancement. À 20 h La Dynamo de Banlieues Bleues, Pantin Gratuit, sur réservation Découvrez le site : testofcivilisation.eu 16 le 20 octobre Aiat Fayez décrit un passeur dans la « jungle » de Calais, avec un humour et une distance inattendus. Si le théâtre est bien impuissant et dérisoire face aux drames qui se jouent en Méditerranée, l’auteur choisit le rire provocateur en questionnant notre part d’humanité : sommes-nous capables de regarder le mal ? Angleterre, Angleterre pose des questions brutales sur le cynisme et l’indifférence, l’impuissance de l’Europe, la misère exploitée au nom du profit et la facilité déconcertante avec laquelle les trafics prospèrent en toute impunité. En mettant en scène le visage du mal, le texte questionne aussi notre propre humanité. Et si le théâtre nous permettait d’ouvrir notre regard et d’assister au spectacle les yeux ouverts jusqu’au bout ? Une première mise en voix du texte a eu lieu le 14 mai 2016 dans le cadre du Festival ZOOM à Théâtre Ouvert — Z.TO#2, en présence de l’auteur. Le texte mis en scène par Olivier Martinaud sera créé en 2017- 2018 et sera publié chez L’Arche. Kurt van der Elst b du 13 au 16 octobre ienveillantes Joseph Banderet L e s 17 ANGLE GRAND Dramaturgie 1 des mutations Aperçus d’une résidence d’écriture à la MC93 (sept 2015/juin 2017) Daniel Conrod est auteur en résidence à la MC93 depuis septembre 2015 et jusqu’en juin 2017. Les deux textes qui suivent témoignent de cette aventure. -1- Détournée de son contexte d’origine, une phrase de Paul Celan inspire et soutient cette résidence d’écriture, « Personne ne témoigne pour le témoin. » 2 Cette phrase qui m’obsède me revient incidemment à l’esprit lors d’une rencontre hasardeuse que je fais avec deux éducateurs de rue dans le centre commercial de Bobigny 2 (centre-ville) un matin d’octobre 2015. Comme l’on se dit très souvent dans l’après-coup, tout ou presque part de là. Préciser cependant que ce qui précède et fonde cette rencontre est l’invitation d’Hortense Archambault à cheminer pour un temps à ses côtés, sous la forme d’une résidence d’écriture dont tout est à inventer, alors qu’elle est sur le point de prendre ses fonctions de directrice de la MC93 et que son projet vise substantiellement à rapprocher celle-ci des habitants de Bobigny et, plus généralement, du 93. Autre chose sans doute m’est revenu à l’esprit en même temps que la phrase de Celan, autre chose qui vient d’ailleurs, d’infiniment plus loin, d’un souci spécifique et intime du soin d’autrui, du soin de l’autre, de tout ce qui concourt non pas au bienêtre mais au plus être des individus. C’est en quelque sorte le souci de soi appliqué à autrui. Ce pourrait être une définition de la culture, ce pourrait être l’une des missions, sinon la mission, des lieux de culture. Ce pourrait être une mission de la littérature et de tout travail d’écriture. Chère pensée amie de Michel Foucault dont les derniers séminaires sont tout entiers traversés par cette question du souci de soi (epimeleia). Ne pas oublier aussi, ombre portée, la fresque de Piero Della Francesca (Arezzo) représentant le songe de Constantin où l’on voit que dorment ou somnolent les veilleurs supposés protéger le repos de l’empereur à la veille d’un combat décisif. Ou encore... cette question du poète Juvénal, « Quis custodiet ipsos custodes ? » , c’est-àdire, « Qui veillera sur ces gardiens ? » Les rebonds sont infinis jusqu’à la métaphysique. -2- Comme on le voit plus loin, ce soin d’autrui et/ou des autres est embarqué dans le tohu-bohu des mutations du temps présent et de leurs imprévisibles conséquences. Je les cite en vrac : utilitarisme, consumérisme, obligation de résultats, mise en chiffres et statistiques du réel, injonctions publiques contradictoires, délégitimation de la notion de service public, mise en crise des métiers de l’intermédiation, fonctionnalisme, généralisation massive des pratiques de/du marché, individualisme de masse... Peut-être ici une première réponse lapidaire, expéditive - à la question de départ. Qui veillera sur ces gardiens ? Personne probablement ! Il va donc être aussi question de savoir si et comment il est possible de tenir debout, dignement, pleinement, au milieu des tempêtes. À mutations, j’ai plusieurs fois été tenté de préférer changements qui me semblait plus simple, plus modeste, seulement mutations qui n’est pas un mot particulièrement beau a l’immense avantage d’incorporer l’idée organique de transformation substantielle et c’est ce qui m’importe dans ce projet : essayer d’établir un récit de la transformation. 1 Reprise par l’écrivain Italien Antonio Tabucchi, cette phrase prend sous sa plume la forme d’une interrogation régulièrement attribuée à Celan, « Qui témoigne pour le témoin ? » Vincent Muteau 2 -3- L’atmosphère de la rencontre avec les deux éducateurs évoquée plus haut est enjouée, naturelle. Rien de déprimé ni de déprimant. Presque de la gaieté. Deux jeunes éducateurs de rue en maraude. Ils font leur travail. Ils semblent heureux d’être qui ils sont, d’être ce qu’ils font. Gaëlle Brynhole est avec moi. En charge de l’action culturelle à la MC93, elle les a reconnus de loin. D’où la rencontre. D’où que nous allons droit au but, tu es qui tu fais quoi on devrait se parler... À leur manière, ils sont des travailleurs du soin : ce que les Anglo-Saxons appellent le care. Comme les psychologues, comme les conseillers familiaux, comme les orienteurs de toute nature, comme les assistantes sociales, comme nombre de professionnels de l’animation et de la médiation, sinon de l’action culturelle (il faudra vérifier ce que recouvre exactement ce champ du care). C’est dans ce mouvement de la pensée que la phrase de Paul Celan me vient à l’esprit. À côté de la plaque, complètement à côté de la plaque, puisque Celan pensait en l’écrivant aux témoins directs de la Shoah. Si ces deux jeunes gens (rattachés à Vie et Cité, une association de prévention spécialisée opérant sur Bobigny notamment) encore jeunes dans leur métier, s’occupent des jeunes, d’autres jeunes qu’eux, du centre-ville de Bobigny (quartier Karl-Marx), alors qui s’occupe d’eux ? Je veux dire, qui s’intéresse à eux aujourd’hui ? Étrangement je leur demande s’ils ont des réunions de synthèse, comme si cela me regardait. Je m’y vois déjà. J’y suis déjà. Qui s’intéresse à leur geste, geste physique et trivial, mais aussi geste partiellement héroïque ? Une intuition se faufile pour la suite. Un métier, n’importe quel métier, a-t-il une consistance que l’on pourrait décrire minutieusement comme un objet scientifique, ou que l’on devrait célébrer ? Me viennent à l’esprit, presque en même temps que la question de Paul Celan, d’autres rencontres balbyniennes récentes avec Fanta Sangaré des Femmes-Relais du quartier de l’Abreuvoir, avec Guylaine Allix de la Maison des Parents du quartier de L’Étoile ou encore les bibliothécaires de Émile-Aillaud. J’en suis au tout début de l’histoire. Un voyage a commencé. Bobigny, ce sont plusieurs quartiers séparés les uns des autres, des modes de vie, des identités peut-être, le Pont de Pierre, l’Étoile, Karl-Marx, L’Abreuvoir, Paul-Éluard... Autant de lieux, des lieux d’ici, disponibles, accessibles, des lieux du réel, des accroches, des ancrages possibles pour moi qui suis un résident hors les murs, la MC93 étant fermée pour cause de travaux et devant le rester pour une longue période recouvrant à peu près la durée de ma résidence. Lieux aussi légitimes qu’un théâtre, eût-il le prestige de la MC93. J’imagine un fil nouant ensemble, sans ordre particulier ni hiérarchie, D’autres vies que la mienne d’Emmanuel Carrère, Un métier idéal de John Berger et de Jean Mohr, Louons maintenant les grands hommes de James Agee et de Walker Evans, ou encore les séminaires de Michel Foucault au Collège de France consacrés au gouvernement de soi et des autres (particulièrement ceux des années 1981, 1982, 1983). Ma liste de libres associations ne s’arrête pas là. Sera-ce de l’écriture documentaire avec le plateau de théâtre pour cadre et horizon ? Ou de l’écriture relevant à la fois d’une forme d’anthropologie pratique et de l’écriture « littéraire » ? Ou quelque chose parcourant le spectre des possibles, y compris numériques ? 19 Il n’est pas temps de choisir ni même de s’attarder sur ce point. Choisir le plus tard possible. Vivre l’expérience d’abord et, autant qu’il est possible, la vivre avec des gens, au milieu des gens. -4- Les deux éducateurs en maraude me font entrevoir la possibilité, une fois assumée la fermeture des locaux de la MC93, d’étendre ma résidence sur l’ensemble du territoire de la ville de Bobigny, en chacun de ses quartiers, en accord avec celles et ceux en charge du soin aux populations. Leur demander une forme d’hospitalité en échange d’autre chose, de ce que je sais faire : regarder, écouter, être là au physique comme au moral, partager, respecter, questionner, patienter, durer, absorber, prendre des notes, écrire... Du potlatch appliqué. Deux ou trois semaines plus tard, je me risque au téléphone avec l’animateur de l’équipe des éducateurs de rue de Vie et Cité (quartier Karl-Marx), Tony Delabre. En gros je lui dis ceci : « Je ne viens pas vous voir pour que vous m’aidiez, moi le bobo emprunté, l’intello/l’écrivain parisien forcément pas à son aise en territoire hostile, forcément coupable, à entrer en contact avec vos ressortissants en vue de rencontrer de vrais habitants, je viens vous voir pour vous. C’est vous qui m’intéressez. Je voudrais comprendre qui vous êtes et ce que vous faites à la condition que vous acceptiez ce que je suis, d’où je viens, que je ne sais pas encore ce que je vais faire des matériaux accumulés grâce à vous… » Que je vienne pour eux… L’approche lui plaît. Il le répète. C’est déterminant à ses yeux. Ce que je ne lui dis pas cependant, c’est le mot qui m’est venu à l’esprit, le mot poème. Il m’est venu un peu comme ça, poème, un air de Barbara, « La vie est un vivant poème... » Un poème pour plus tard. J’aimerais que le mot poème colore cette résidence, qu’il lui donne un ton, un air, un style, un mouvement, une liberté, une utopie, un espace de déplacements, de déterritorialisation. Foucault, encore lui, parle quelque part de l’émancipation comme une écriture de soi, et de l’écriture de soi comme l’acte de sa propre transformation. Du coup, par « poème », j’entends progressivement aussi, être toujours dans le temps d’après, le contraire du ressassement, du regret, de la misère en soi, de la tristesse. Ce qui vient après, c’est ce qui me redonne la main sur ma propre existence, le temps d’après, c’est le texte d’après, qu’il soit livre ou ne le soit pas. Le temps d’ici et maintenant, c’est l’expérience loyalement vécue. Loyalement signifiant : ne rien prendre aux gens, ne rien leur dérober qu’ils n’aient voulu me donner. Assez vite, en même temps que se précise l’objet de la commande de la MC93, j’appelle le livre à venir, puisqu’il est question d’un livre, grand poème social et littéraire. Hortense Archambault et moi sommes d’accord là-dessus, que de mon périple balbynien émerge d’une manière et par des chemins que nous ne connaissons pas un grand « poème » social et littéraire : il me semble dans l’après-coup que les attentats terroristes du 13 novembre 2015 ont élargi le spectre de nos ambitions. Il se trouve qu’à l’initiative du metteur en scène Lazare et de la MC93 se constitue après les attentats un groupe de réflexion post 13 novembre et que je suis invité à y participer. ANGLE GRAND -5- Des entretiens reprennent ou commencent sur cette base, la plupart du temps, ils sont productifs. Mes interlocuteurs sont sensibles à l’idée d’un bout de chemin fait ensemble, (compagnonnage, échange, paroles partagées), à mes interrogations/intuitions autour de la question du soin, au désir d’utopie partielle que je leur présente. Par utopie, j’entends que nous pourrions déspécialiser nos pratiques, mettre en commun ce qui nous est réellement commun. Je pense notamment à tout ce qui rapproche organiquement et politiquement le care et la culture, champ très peu exploré en France, la culture ayant depuis longtemps consommé sa rupture avec le « social réel » au nom de l’excellence, s’agissant de la culture subventionnée, ou au nom du marché, s’agissant de la culture industrielle. Plusieurs mois plus tard, au cours d’un échange informel avec l’historien Patrick Boucheron auquel je décris ma démarche empirique, celui-ci me parle de l’École de Chicago et de la pratique de l’observation participante par quoi elle se distingue. Je tombe des nues. Mon idée de départ de minirésidences avec chaque fois dans le viseur une thématique spécifique propre aux finalités de chacune des structures approchées (parentalité, alphabétisation, élaboration d’un projet social, réflexion sur le métier d’éducateur...) évolue au fil des mois. Beaucoup de mes petites planifications internes tournent court. Peuvent l’expliquer le manque de temps, la difficulté d’entrer dans l’espace-temps des uns et des autres, les réflexes de protection légitimes des structures ou de leurs personnels, l’incongruité de ma présence ou de ma pratique faite de non directivité et de passivité apparente, le sentiment que peut-être tout ça est du blabla au regard des urgences et de la nécessaire efficacité du travail... Je réalise que nombre des métiers concernés sont des métiers du faire et que ce faire comporte une part importante de procédure. Il n’y a rien là qui empêche vraiment, il me faut juste prendre acte que le temps des autres n’est pas le mien. Patience dans l’azur... À la fin du mois de juin 2016, sont entrés d’une manière ou d’une autre dans la dramaturgie des mutations la Maison des Parents (Étoile principalement), l’association d’éducateurs de rue Vie et Cité (Karl-Marx et SalvadorAllende principalement), le centre social CAF Le Village (Pont de Pierre), les Femmes-Relais (L’Abreuvoir), la bibliothèque municipale de Bobigny (bibliothèque de quartier Émile-Aillaud principalement), la MIRE (Mission locale, antenne de Bobigny), un regroupement informel d’assistantes sociales scolaires relevant de divers établissements. Naturellement approchée à plusieurs reprises, la maison des adolescents de l’Hôpital Avicenne, dite la Casita, n’a pas souhaité donner suite à ma proposition. Entre autres structures/associations devant être approchées en septembre 2016, l’association Sauvegarde 93, le Temple Sikh de Bobigny, le Rugby-club de Bobigny (section filles), l’UEAJ (Unité éducative d’activités de jour) de Pantin dans le cadre d’un projet co-produit avec Canal 93 (Bobigny). Cette mise en place un peu sinueuse des choses n’a de sens qu’en raison de la durée de cette résidence. Elle n’est pas exclusive des rencontres hasardeuses ou de nécessité ni des compagnonnages de fait. Il y en a pas mal, il y en aura d’autres. Je pense à une écrivaine publique de la ville croisée au tout départ et dont le contrat de travail n’a pas été renouvelé, à la directrice de l’école primaire Marie-Curie, à une famille en passe de devenir famille d’accueil, à un gardien d’immeubles, à l’équipe de Canal 93, à la Librairie de Bobigny... Au cours de mes différents échanges, reviennent (mais pas toujours, j’insiste sur la nuance) sur le tapis d’une manière ou d’une autre, à un moment ou à un autre, un sentiment de fragilisation, l’expérience d’une délégitimation, de l’inquiétude face à l’avenir, la peur plus ou moins raisonnée de disparaître, le déconventionnement, les coupes budgétaires, la réduction des moyens et des effectifs, la précarisation des emplois, la lassitude de devoir répondre à des injonctions paradoxales de la part des tutelles, la sensation de n’être plus toujours soutenus par des usagers devenus consommateurs de services, des changements importants dans leurs comportements... J’observe que ces ressentis sont, sauf exception, davantage exprimés par des responsables que par des employés. Je note également la difficulté qu’il peut y avoir pour un travailleur social à se plaindre de sa propre situation par comparaison aux situations que vivent les usagers qu’il reçoit. D’un côté, être en première et souvent dernière lignes, tout en constatant son impuissance, de l’autre exercer ses missions dans un angle mort de la société, sans que cela se voie, le travailleur social étant peu ou prou devenu la voiture-balai de l’hypermodernité libérale. -6- Cette résidence porte un titre : dramaturgie des mutations. Ce titre manifeste une intention : tenter d’y voir clair dans le contemporain à travers des formes écrites. Dramaturgie doit s’entendre ici comme nécessité de dire, d’élaborer, de figurer, de produire, de construire, d’écrire avec le souci ou le désir d’inventer des formes propres à rendre compte d’une réalité jugée digne a priori d’être rapportée ou racontée ou magnifiée ou chantée ou pleurée ou déplorée ou exaltée ou ou ou... Il entre dans le mot dramaturgie quelque chose de plus : un impératif d’ordres politique et artistique. L’artiste est avec les gens, du côté des gens, là où ils sont. Ce n’est pas qu’il ait à les évangéliser, ni à les éclairer sur ce qu’ils vivent (ils le savent mieux que quiconque), ni non plus qu’il soit à part (il est par bien des aspects lui aussi menacé d’effacement). C’est que sa place est à cet endroit. Point. Quant au terme « mutations », il recouvre indifféremment le changement récent de direction à la MC93, les importants travaux de rénovation en cours, les réflexions engagées par Hortense Archambault quant au devenir d’un théâtre public sur ce territoire-là, le changement de municipalité en 2014, la presque disparition (pour l’instant) du parti communiste sur Bobigny, l’effacement, sinon l’arasement, inéluctable en apparence d’un progressisme de type « ceinture rouge » tel qu’il s’est construit par étapes (entre-deux guerres/ l’après Seconde Guerre mondiale/les Trente Glorieuses), mais aussi de toute perspective pour l’instant néo-progressiste, le tout récent basculement à droite de la région Ile-deFrance, le renforcement de l’implantation d’un Islam revendiqué dans un contexte marqué par les attaques terroristes de janvier et de novembre 2015, un communautarisme ethnico-culturo-religieux en passe de devenir une norme sociale pour longtemps rédhibitoire, un éloignement des populations vis-à-vis de la chose culturelle publique telle que pensée par un Georges Valbon (maire bâtisseur de Bobigny de 1965 à 1996), cet éloignement allant de pair avec un dépérissement symbolique progressif des politiques culturelles publiques, tant aux niveaux local que national... À ces changements spécifiquement balbyniens ou franciliens s’ajoutent les mutations propres à la société française et peu ou prou aux sociétés occidentales : crise à peu près générale des progressismes, montée en puissance de la question des identités et des nationalismes, impuissance revendiquée ou consentie de l’action publique, effets sur les pratiques culturelles de la révolution numérique ou de la globalisation néo-libérale, amplification de l’individualisme de masse, persistance d’un chômage de masse des jeunes, mise en échec du modèle d’intégration à la française, polarisation du débat intégration/assimilation, conflictualisation des rapports entre les classes moyennes et les classes pauvres, pétrification des positions sociales (que je préfère à la notion de panne de l’ascenseur social), accroissement inédit des inégalités, contestation des élites, autonomisation des individus et des groupes sociaux, radicalisation du processus de digitalisation du monde et des individus (ou ubérisation) poussant à leur disparition toutes sortes de métiers et menaçant la socialisation des gens... La liste est extensible. Le chantier est infini. -7- Le 18 février 2016, a lieu à la bibliothèque municipale Elsa-Triolet de Bobigny une soirée de lecture publique. Elle est organisée conjointement par la bibliothèque et la MC93. J’en suis l’auteur invité. Cette soirée marque l’officialisation de ma résidence. Elle matérialise obscurément la réflexion très embrouillée que j’ai engagée dès le mois d’octobre autour de l’idée de temps de restitution ponctuant rituellement et organiquement cette résidence, lui donnant son rythme et sa visibilité, permettant de dessiner des contours de plus en plus précis, de présenter ou d’affiner des hypothèses d’écriture, d’élargir la problématique du soin au culturel et, pourquoi pas, de nous rapprocher du plateau d’un théâtre3. Cette réflexion procède également du postulat selon lequel l’artiste résident doit donner quelque chose en échange de ce qu’il reçoit de son commanditaire, en l’espèce, la MC93, mais aussi de ce qu’il reçoit des gens qu’il rencontre. Jusque là, ce ne sont que des mots. Du coup, la soirée du 18 février à laquelle assistent quelque quatre-vingts personnes devient de facto le premier de ces temps de restitution. Comme d’habitude, au fil de ce voyage, je m’aventure, j’improvise. Tout me semble neuf. Inédit. Mobile. Agréablement instable. Parfois vertigineux. Très présente les premiers mois de ma résidence, cette perspective du plateau de théâtre comme horizon s’est progressivement éloignée (mais non effacée) de ma pensée. En réalité, elle s’est déplacée. Elle a muté. Je ne sais pas en dire plus pour l’instant, sinon que j’expérimente au fil de la résidence la nécessité pratique d’une scénographie minimale lors de chacune de mes prises de parole en tant qu’auteur. C’est la première fois que je lis publiquement à Bobigny des extraits de deux de mes livres, les derniers parus, celui consacré à l’histoire des Pronomades4 et L’Atelier des morts5. Je combine à la hâte un petit programme d’extraits de l’un et de l’autre. Bien que différents, les deux livres se parlent. Presque une découverte. Grâce à une scénographie minimale mais très efficace, les techniciens de la MC93 contribuent grandement, et à ma grande surprise, à ce que cette lecture revête un caractère un peu exceptionnel. C’est une première absolue pour moi. Au cours de cette soirée, sont aussi présentés par Hortense Archambault et moi-même les enjeux et les axes de la dramaturgie des mutations. Quelque chose fait écho. Les gens sont émus. Je flotte. Je pourrais prendre peur. D’abord appelés Potlatchs dans mes notes à la MC93, ces temps de restitution mutent à leur tour. Bientôt, je les appelle banquets. Banquet, c’est beau, c’est net, c’est franc, c’est multiple, repas de noces, tablées, cinéma italien, familles et cousinages, nappes blanches, chansons, danser, voler sur les parquets de bal, Cimino, Platon et sa caverne, dire à n’en plus finir, jusqu’à perdre haleine, ne pas être seuls, combattre l’air du temps, penser, partager, être vivants… Il y en aura quatre, un par saison, quatre poèmes vivants, chacun aura sa forme, son esprit, ses enjeux spécifiques, son lieu particulier, jamais le même, là où je suis accueilli et où je rencontre les gens. Il y aura chaque fois de la nourriture et autre chose, comme des lectures publiques, peut-être des débats, peut-être des chercheurs, peut-être des questionnements apportés par les acteurs sociaux de Bobigny ou d’ailleurs, de la danse peut-être, de la musique peut-être... Chaque fois, la MC93 s’associera à d’autres structures de quartier, égalité des droits et des devoirs. Comment on fait tout ça ? Premières réponses avec le centre social de la CAF du Pont de Pierre, Le Village, où je passe deux semaines full time au printemps. Le premier des quatre banquets a lieu ici, le 4 juin, c’est l’aprèsmidi, impossible d’organiser le dîner prévu initialement en raison des dates du ramadan, on a donc appelé cela : grand goûter sous les arbres. Autour de la MC93 et du Village, se sont agrégés la Maison des parents de L’Étoile, la compagnie Sirènes, les associations de quartier Bouquet de loisirs et Tout azimut et le Bibliobus. Tous âges confondus, sont présentes environ cent personnes, majoritairement des femmes et leurs enfants. Dans le petit square situé devant le centre social, je lis le « Discours aux habitants » que j’ai écrit pour la circonstance. Il m’en a coûté. Je me présente à ces gens comme écrivain, je leur dis d’où je viens, je leur explique pourquoi je suis là et ce qui m’anime. Me placer ainsi au centre du jeu n’est pas du tout ce que j’avais imaginé. J’y suis poussé, l’épée dans les reins, par plusieurs de mes partenaires, dont le directeur du centre social. Jamais fait ça de ma vie. Jamais dit ça comme ça, devant des gens que je ne connais pas, et même devant des gens que je connais, salut, me voilà, je suis écrivain. Or c’est justement ce qu’il fallait faire ici, tête et voix hautes. Certitude immédiate et partagée par nombre des présents. Preuve en est qu’après mon adresse aux habitants, des voix se lèvent dans l’assistance. Des femmes surtout se jettent à l’eau, quelques hommes finissent par les suivre. Des voix, des pensées, des corps qui se disent, disent qui ils sont, d’où ils viennent, pourquoi ils sont là. De quoi trembler. C’est ce qui restera. Après le discours et les prises de parole, le grand goûter. À l’intérieur du centre social, un somptueux buffet de pâtisseries fabriquées par des femmes du quartier lors de trois ateliers d’anthologie animés par Emmanuelle Augereau de la MC93, un atelier de peinture pour les enfants qui ne désemplit pas. Dehors, le Bibliobus tourne à plein régime, les tables de kermesse ont été alignées, des bancs de part et d’autre. On bavarde. On se gave de sucreries. Une femme me dit en riant, « Je n’ai pas envie de rentrer chez moi ! » Ses compagnes approuvent. Dans mon esprit, il s’agit, le disant ou ne le disant pas, de construire une communauté d’intérêts par coalescence dont la MC93 serait le catalyseur et/ou le principe unificateur, ou encore la tête de réseau, mon intuition étant qu’elle (la MC93) ne pourra plus jamais n’être que lieu de monstration d’une excellence artistique auto-limitante, mais lieu de vie, lieu d’échange et de partage des connaissances et des expériences, lieu d’élaboration d’une pensée concrète, université informelle du contemporain. Peut-être irons-nous jusqu’à refonder dans et pour le contexte d’aujourd’hui les principes et les pratiques de l’action culturelle placée au cœur — et non plus à la marge — du réacteur. En même temps qu’il est une expérience, le banquet est aussi une boîte à outils mise à la disposition de la MC93 et des partenaires de la dramaturgie des mutations. Prochain banquet en octobre sur le quartier de L’Abreuvoir. Il associe les Femmes-Relais, la bibliothèque de quartier Émile-Aillaud et la MC93. Il est question cette fois d’un dîner de travail réunissant principalement les professionnels du soin impliqués d’une manière ou d’une autre dans le projet. Pronomade(s) ou la petite fabrique d’humanité – Pronomade, Centre national des arts de la rue Haute-Garonne 6 -8- Implicite au départ, comme une possibilité encore vague, le recours à l’image6 dans le développement de la dramaturgie des mutations est d’abord laissé de côté. Il surgit en force en même temps que se réalise concrètement quelque chose du projet et qu’apparaissent concomitamment mes vraies grandes premières interrogations. Elles concernent le réel des institutions ou structures partenaires, le possible et le moins possible, les résistances, le choc des temporalités, les crises internes, la mise à l’épreuve de ma patience... Je pourrais m’obstiner, vouloir précipiter les choses alors qu’il faut ouvrir encore et encore, agrandir, élargir, contourner, risquer d’autres intuitions, inventer d’autres gestes. Épouser les formes du réel, sinon le magnifier, plutôt que le brutaliser. Il me semble qu’un matin, à peu près dans la même période, je me réveille avec la sensation aussi tranchante qu’une lame qu’être seul à mener cette aventure ne peut pas être un but en soi. Il n’y a pas d’artiste omnipotent... L’image, car c’est à elle que je commence à penser sérieusement, est tout autant un élargissement naturel du projet, son expansion physique, qu’une riposte à mes impatiences ou à ma peur de l’impuissance. Un dépassement autant qu’un antidote. GRAND 3 ANGLE 20 4 5 L’Atelier des morts, Éditions Buchet/Chastel On peut tout autant se dire que le son (recueil de paroles, récits de vie…) devrait logiquement trouver sa place à l’intérieur de la dramaturgie des mutations. 7 Les passagers du Roissy-Express, Éditions Point 8 Les Autonautes de la cosmoroute, Éditions Gallimard 21 C’est un acte qui change la donne. Les Grecs anciens avaient un concept magnifique pour désigner ce mouvement paradoxal de la réflexion humaine : la mètis ou l’intelligence rusée (celle d’Ulysse ou d’Hermès par exemple). Fin de l’hiver 2015-2016, j’en viens à me dire qu’il faut ouvrir un nouvel espace dans le projet, inventer une libre échappée, une ligne de fuite, un espace de jeu, un autre récit, quelque chose aussi qui permette d’échapper au face-à-face ou à une trop grande personnalisation du projet. Complice et ami, co-show-runner de « La Vérité » (festival d’Aurillac 2015), le photographe et vidéaste Vincent Muteau entre alors en scène. Il est le chevalier blanc de l’histoire, le joker. Je lui raconte tout ça. Il s’en amuse. Il entre dans la danse. Avec le recul, notre idée du Grand Saut, d’un grand saut, vient de là. Il n’y a pas que les mots qui pensent. Il ne peut jamais n’y avoir que les mots qui pensent. Entre temps, sur les conseils de Catherine Boskowitz, toute nouvelle camarade et complice dans cette cartographie balbynienne encore largement en devenir, je lis Les passagers du Roissy-Express de François Maspéro, photographies d’Anaïk Frantz. Outre qu’elle est un éblouissement, cette lecture réactive en moi l’incroyable force de vivre que je me rappelle avoir trouvée au début des années quatre-vingt dans la lecture d’un autre livre encore plus féerique, les Autonautes de la cosmoroute de Julio Cortazar et Carol Dunlop. Voyager, bouger, élargir l’angle de vue des paysages contre les paysages eux-mêmes. Une chose sort de là : que la fable ne soit pas absente du livre auquel je songe. Très vite, le Grand Saut est avec les banquets et le grand poème social et littéraire à venir, la partie la plus visible de la dramaturgie des mutations. Il a pour objet de réaliser une série de photographies des professionnels du soin sollicités dans le cadre du projet depuis le commencement et une trentaine de petits films vidéo représentant un saut filmé au ralenti/exécuté par les mêmes, cette fois en petits groupes et manipulant un accessoire de théâtre ou utilisant/ détournant un élément de costume, l’un et l’autre prélevés dans les réserves de la MC93. Nombre de lecteurs l’auront compris, les grandes ailes du photographe américain Philippe Halsman, père et maître s’il en est de la jumpologie, planent au-dessus de nos têtes. J’étais seul à bord. Nous sommes devenus deux. Avec ces photographies et ces objets filmés, nous voulons garder trace de toutes les personnes rencontrées au fil de l’avancement du projet. C’est extrêmement important. Nous voulons aussi constituer l’amorce d’une collection d’images pour la MC93 (libre à elle de poursuivre cette démarche avec d’autres catégories d’habitants et d’acteurs locaux). Enfin, nous voulons faire entrer symboliquement dans la maison MC93, lors de sa ré-ouverture, via une exposition encore à définir, tous les professionnels du champ social ayant participé à la dramaturgie des mutations. Ainsi, seront manifestés solennellement l’enjeu et le sens de ce projet, à savoir œuvrer loyalement et sans orgueil au rapprochement de la MC93 et des habitants de Bobigny par inclusions successives. Daniel Conrod, juillet 2016 Fouzia El Madkour, référente famille au centre social Le Village ANGLE GRAND GRAND L’un des plus anciens poèmes écrits par un être humain raconte l’errance d’un homme de retour de la guerre, cela se passe sur les mers déchaînées quelque part entre la Turquie et la Grèce au viiie siècle avant notre ère, cet homme s’appelle Ulysse, son voyage est chargé d’épreuves et de malheurs, il dure dix ans, dix ans durant lesquels Ulysse ne cesse de perdre son chemin jusqu’à ce que les dieux, maîtres des cieux infinis et de la destinée des hommes, acceptent qu’il rentre enfin chez lui et retrouve son épouse, son père et son fils. Trois questions reviennent en boucle au cours de l’exil d’Ulysse sur les mers, trois questions toujours posées ensemble, trois questions parmi les plus courantes, les plus importantes aussi, auxquelles un être humain ait à répondre au cours de son existence, quel est ton nom, qui sont tes parents, quelle est ta ville (ville désignant à la fois le lieu et ceux qui l’occupent, les habitants, la famille élargie, les voisins...) ? Le poème s’appelle l’Odyssée, on dit qu’il a été écrit par un certain Homère, il raconte à travers des récits imagés la traversée de la vie humaine, celle des anciens comme la nôtre aujourd’hui, les poètes et leurs poèmes servent d’abord à ça, raconter la vie humaine. Au départ, il y a Marie ma mère et Léon mon père, Marie est morte en 1955, elle avait 47 ans, Léon, en 1988, il en avait 80, Marie était comme on dit femme à la maison, Léon, employé de bureau à l’EDF, je suis le dernier de leurs enfants, le dixième, à l’époque, dans le Jura, il y a encore beaucoup de familles nombreuses, c’était une fierté pour les gens, une bénédiction, mes parents étaient très pieux, la religion comptait dans leur vie, comme dans la vie de leurs parents et des parents de leurs parents, il n’y avait pas de richesse dans notre famille, il n’y en a jamais eu, si je remonte un peu dans le temps, je vois se dessiner un peuple d’employés, de concierges, de gardes-champêtres, de paysans, de marchands ambulants, d’épiciers de village, de gens modestes, pour ce que j’en sais, ils étaient simples, rudes, travailleurs, la guerre de 14-18 a fait des ravages parmi eux, comme dans la plupart des familles, je vois sur les photos anciennes des gens habillés en noir, ils ont le visage triste, ça vient de là, ça vient aussi de la fatigue du travail, des corps trop tôt lessivés, de la difficulté qu’il y avait à gagner sa vie, à nourrir sa famille, de ma ville natale, je me rappelle l’école primaire, la sciure de bois sur les planchers, la période des vendanges, les jours de neige, les soirs d’été qui n’en finissent pas, les feuilles d’automne dans lesquelles j’enfonce mes pas, les cérémonies civiles et religieuses, durant toute mon enfance, j’ai entendu parlé de la guerre, la Seconde Guerre mondiale, un de mes oncles avait collaboré avec les Allemands, la guerre d’Algérie, deux de mes frères ont été appelés là-bas, ils n’en ont plus jamais reparlé, durant toute mon enfance, j’ai entendu parler de la guerre, sous la table ou derrière les portes, j’écoutais les adultes chuchoter, la guerre revenait très souvent dans leurs conversations, il y a eu trois guerres en moins de cinquante ans, la Première Guerre mondiale commence en août 1914, la guerre d’Algérie se termine avec les accords d’Evian signés le 18 mars 1962, ce sont toutes ces choses mélangées qui finissent par fabriquer un écrivain, c’est-à-dire quelqu’un pour qui les mots, le langage sont capables de raconter les choses de la vie, les plus simples comme les plus compliquées, les belles autant que les laides, celles du dedans, ce qui se passe à l’intérieur des maisons, comme celles du dehors, ce qui se passe au dehors des maisons. Je suis un boiteux, c’est une manière de m’exprimer pour dire que j’ai grandi de travers, comme j’ai pu, ne pas connaître sa mère, c’est avancer dans la vie avec une seule jambe, ce sont des choses qui comptent, j’ai haï mon père durant toute mon enfance, mon adolescence et ma vie de jeune adulte, j’étais en révolte contre lui, une autre sorte de guerre, j’ai même écrit plus tard un roman pour la raconter, cette guerre, c’est un livre en grande partie raté, mais il existe, c’est déjà ça, aujourd’hui, je suis en repos avec mon père, j’ai compris le chagrin qui a été le sien, nous avons signé la paix des braves, par-dessus le silence de la mort, la paix, c’est ce qui permet à l’écrivain de consoler les vivants et les morts, ça sert aussi à ça, un écrivain, à trouver les mots de la consolation, à les dire au nom de tous, surtout de ceux qui ne les ont pas, ces mots-là, l’une de mes sœurs, celle à laquelle je suis le plus attaché parce qu’elle s’est occupée de moi après la mort de notre mère, me dit souvent ceci, elle a 81 ans, c’est une femme qui réfléchit beaucoup, « en écrivant tes livres, tu t’occupes de ce que nous ne pouvons pas faire, même si je n’aime pas tout ce que tu écris, même si nous avons des désaccords, pour moi, c’est important que quelqu’un le fasse, que tu le fasses, j’ai toujours pensé au fond de moi que c’est ce que tu ferais de mieux dans ta vie, alors continue », un écrivain est souvent quelqu’un qui fait quelque chose que les autres ne peuvent pas faire, ou ne veulent pas faire, parce que le chemin pour le faire est difficile, parfois aride, mais attention, cela ne fait pas de lui un être supérieur, au-dessus des autres, bien au contraire, cela lui donne des responsabilités particulières. Comme tout le monde ou presque, j’ai travaillé pour gagner ma vie, j’écrivais des livres quand je pouvais, aucun de ces livres ne m’a permis de gagner de l’argent, en près de quarante-deux ans d’activité professionnelle, j’ai exercé cinq métiers différents, j’ai été deux fois au chômage, je suis un produit de la formation permanente en entreprise, les quinze dernières années de ma vie professionnelle, j’ai été journaliste dans un magazine culturel, durant cette période, j’ai beaucoup écrit sur les relations entre le culturel et le social, la culture et les gens, la culture populaire sous toutes ses formes, la culture des banlieues, l’éducation populaire, l’histoire de l’immigration, les initiatives de toutes sortes dans les quartiers, j’ai fait beaucoup de reportages en Afrique sur ces questions, Guinée-Conakry, Rwanda, Afrique du Sud, Mozambique, Madagascar, Algérie, Angola, Bénin, Cameroun..., je fais partie d’une histoire qui remonte loin dans le temps, j’appartiens à une génération de militants culturels qui s’est battue pour l’accès de tous à la connaissance, au savoir, aux arts, à la lecture, Bonjour à chacune et à chacun d’entre vous et sincèrement merci d’être venus en nombre, vous n’y étiez pas obligés, vous ne me connaissez pas, vous avez vos propres occupations. Je m’appelle Daniel Conrod, je me présente à vous comme écrivain, je n’ai jamais fait ça devant autant de gens, j’ai toujours utilisé d’autres mots que le mot écrivain pour dire ce que je suis, ce que je fais, j’avais honte, j’avais l’impression de trahir les miens, je viens d’une famille où l’on ne se met pas en avant, où l’on doit rester à sa place, j’ai le trac, c’est pourquoi vous voyez derrière moi cinq silhouettes en contreplaqué, elles représentent de vrais habitants de Pantin, elles ont été réalisées par les artistes de la compagnie Sirènes dans le cadre de son nouveau projet, Passerelles, j’ai voulu qu’elles soient derrière moi pour être un peu moins seul tandis que je vous parle, il faut toujours avoir des alliés, dans toutes les circonstances de la vie, si je suis là, face à vous un samedi après-midi de juin, ce n’est pas pour faire le beau, ça me coûte d’occuper la place centrale, d’être regardé par autant de personnes, en général, un écrivain est plus à l’aise à sa table de travail, à l’abri des regards, si je suis là, c’est parce que j’ai besoin de rencontrer votre cœur et votre pensée, de vous parler, de vous convaincre, d’être parmi vous, beaucoup de choses nous séparent certainement, nos vies sont très différentes, beaucoup de choses nous rapprochent aussi, tous nous avons des parents, tous nous sommes nés quelque part d’une mère et d’un père, tous nous désirons avoir une vie meilleure, digne, belle, heureuse, tous nous appartenons à un peuple, tous, femmes, hommes, enfants, jeunes ou vieux, valides ou malades, nous voulons être entendus, considérés et aimés. Vous dire ce que je fais là n’est pas simple, je vais donc vous proposer de remonter le temps avec moi. J’habite à Paris dans le xviiie arrondissement, entre Marx Dormoy et la Porte de La Chapelle, vous êtes nombreux à connaître ce quartier de Paris, c’est l’une des principales portes d’entrée de ce pays appelé France, je suis arrivé à Paris en 1973, sans travail ni qualification ni logement, j’avais 21 ans, je voulais faire ma vie, dans la même journée, j’ai trouvé un emploi non qualifié dans un bureau et une chambre de bonne dans les beaux quartiers, non pas parce que j’étais plus malin qu’un autre, loin de là, j’étais un jeune homme timide, je ne savais rien faire, septembre 1973, beaucoup parmi vous n’étaient pas nés, c’est la fin de ce qu’on a appelé les Trente Glorieuses, il y avait encore du travail pour à peu près tout le monde, de la croissance économique, un jeune avait des opportunités, on avait en tête de changer la vie et la société, 1968 était encore proche, on avait la certitude qu’on y parviendrait, on n’y est pas arrivé. Je suis né dans le Jura, en Franche-Comté le 9 juin 1952, j’aurai 64 ans dans quelques jours, ma ville natale s’appelle Arbois, c’est la campagne, pas très loin de là, la Suisse, l’Allemagne. Arbois compte un peu plus de 3 700 habitants, on y cultive la vigne, on y fabrique du vin, c’est encore un beau et vrai et noble pays, les gens y sont droits et rugueux, lorsque j’étais enfant, il y avait des usines dans cette ville, surtout familiales (menuiserie, tournerie, mécanique, scieries...), il n’y en a plus aucune, plus d’ouvriers non plus, il y avait aussi des paysans, des fermes, des animaux un peu partout, tout ça a disparu, il n’y a plus que le commerce du vin et le tourisme, beaucoup de gens là-bas ont le sentiment qu’ils sont condamnés à disparaître à petit feu, comme ont disparu les usines et les fermes, les gens de la campagne souffrent comme souffrent les gens de la ville, un écrivain, ça sert aussi à ça, comprendre la souffrance des gens, l’espoir qu’ils ont perdu, leurs défaites, leurs peines. ANGLE 24 à la beauté, à l’exercice de la pensée libre, à la formation permanente tout au long de la vie, avant nous, beaucoup d’autres s’étaient battus pour les mêmes causes, plus que nous, souvent au péril de leur vie, je pense notamment aux mouvements de résistance durant la Seconde Guerre mondiale qui avaient placé la culture et l’éducation tout en haut des enjeux de la reconstruction de ce pays, dans les années 70 - 80 quelque chose s’est progressivement désarticulé à l’intérieur de la société, cette façon de voir les choses telle que je l’ai décrite a perdu du terrain, il y a eu les bouleversements économiques et technologiques, le recul des idées de progrès, le chômage de masse, particulièrement le chômage des jeunes qui est la honte de ce pays, le développement de la précarité sous toutes ses formes, la panne de l’ascenseur social, l’individualisme, le culte de l’argent, de la puissance, de la brutalité, du « moi je », le repli des communautés sur elles-mêmes, la peur de l’autre sous toutes ses formes s’est insinuée dans nos cœurs et nos pensées comme un poison, le monde a changé, il continue de changer, ces changements nous transforment en profondeur, que nous le voulions ou non, le meilleur et le pire se mélangent, nous sommes un peu perdus, et pourtant, je continue de penser que l’accès à la culture, aux arts et à la connaissance est une porte d’entrée universelle, qu’elle l’est encore plus pour ceux qui n’ont rien ou pas grand-chose, d’une certaine manière, c’est ce qui explique ma présence aujourd’hui parmi vous et ces dernières semaines au centre social Le Village, que je remercie pour son hospitalité. Depuis le mois d’octobre dernier, à l’invitation de la Maison de la Culture (MC93) à Bobigny et de sa nouvelle directrice Hortense Archambault, j’ai entrepris une grande enquête de terrain sur ce que j’appelle les métiers du soin, c’est-à-dire les métiers dont l’objet est de s’occuper d’une manière ou d’une autre des gens, de nous, ces métiers du travail social regroupent les éducateurs et éducatrices de rue, les éducateurs et éducatrices spécialisés, les assistantes sociales, les médiateurs et médiatrices interculturels, les conseillères en parentalité, les animateurs et animatrices sociaux, les conseillers et conseillères d’orientation professionnelle..., la liste n’est pas close, j’y ai même ajouté des bibliothécaires, une écrivaine publique, un gardien d’immeubles et une famille d’accueil, arrêtons-nous un instant, que deviendrionsnous sans eux, sans eux, quel serait le visage de la société ? Pourquoi je me suis intéressé à ces métiers ? Pourquoi m’être engagé dans cette vaste enquête que personne ne m’a demandée ? D’abord tous ces métiers sont de beaux métiers, grâce auxquels notre vie à tous au jour le jour, votre vie sur ce quartier, sont rendues moins difficiles, souvent plus heureuses, ce sont les métiers les plus au contact des populations les plus fragiles, les plus exposées aux violences de notre temps, ce sont des métiers mal connus, mal considérés, mal payés, alors qu’ils nous permettent de continuer de vivre ensemble dans une même société, sans nous battre ni nous tuer, de résoudre nos difficultés, de sortir de notre isolement, de rencontrer les autres, voilà pour mes raisons principales, j’ai quelques raisons plus intimes, mais il n’est pas encore temps de les dire publiquement, alors depuis le mois d’octobre dernier, je suis allé à la rencontre de toutes sortes de gens dans les différents quartiers de Bobigny, les médiatrices interculturelles des Femmes-Relais de l’Abreuvoir, les éducateurs et éducatrices de rue de Vie et Cité à Karl-Marx et à l’Étoile, les conseillères en parentalité et les éducatrices de la Maison des parents à Berlioz et à l’Étoile, les bibliothécaires de la bibliothèque de quartier Émile-Aillaud, les conseillers et conseillères professionnels de la Mission locale, les assistantes sociales scolaires des établissements scolaires de Bobigny..., d’autres lieux, d’autres métiers ont été ou seront approchés, ma démarche auprès de ces gens est toujours la même, je frappe à leur porte, je leur dis qui je suis, comme je le fais avec vous aujourd’hui, et pourquoi je viens les voir, je leur demande de me donner un peu ou beaucoup de leur temps, alors mon travail commence, à partir d’entretiens, d’observations de terrain, de rencontres informelles, de recherches, de lectures, comme je l’ai fait ces dernières semaines et vais continuer à le faire avec les travailleurs sociaux du Village, mes interrogations sont un peu toujours les mêmes, dis-moi ce que tu fais, dis-moi comment tu le fais, dis-moi pourquoi tu le fais, plus tard, un livre racontera ce voyage, car il s’agit d’un voyage, ce livre, je voudrais qu’il soit beau, qu’il soit honnête, qu’il donne de la force et de la fierté, mon rêve, car j’ai un rêve, que ce livre raconte une autre ville que le Bobigny des médias et des faits divers, quelque chose qui fasse qu’on se dise, tiens, j’aurais jamais imaginé ça, tiens, je n’y avais pas pensé. Quel rapport entre tous ces métiers et une maison de la culture ? Une maison de la culture s’occupe des habitants d’une ville, c’est la première de ses responsabilités, prendre soin de la population, si la Maison de la Culture à Bobigny a été loin de ses habitants, elle souhaite aujourd’hui se rapprocher d’eux, entrer en dialogue, c’est le désir de sa nouvelle directrice et de son équipe, c’est un long chemin qui commence, comme à l’intérieur d’une famille éclatée, durant des années, on a vécu séparément, chacun de son côté, on se rend compte que ça n’est pas bon d’être aussi loin les uns des autres, alors il faut réapprendre à vivre ensemble, à se comprendre, à se taper sur l’épaule, à prendre des nouvelles les uns des autres, à savoir ce qui s’est passé dans la vie de chacun depuis le temps qu’on ne s’est pas vu, c’est un peu ce que je fais, je prends des nouvelles et je les colporte, j’ai dit plus haut que la culture et le social doivent rester attachés ensemble, sinon c’est le tissu humain de la société qui se déchire, comme un corps qui serait divisé en deux, une maison de la culture, ce ne sont pas que des spectacles sur une scène de théâtre, ce sont aussi des gens qui travaillent là, qui habitent là ou pas loin de là, ce sont des expériences communes, des envies d’artistes de faire autre chose que des spectacles, ou de les faire autrement, ailleurs, plus près des habitants. Pourquoi ce goûter sous les arbres ? Parce qu’un goûter sous les arbres, c’est beau, rien que l’idée fait rêver, pour que vous sachiez ce qui se fait sur votre ville et dans votre quartier, pour vous permettre de connaître et de rencontrer d’autres acteurs de la ville de Bobigny que ceux auxquels vous êtes habitués, pour que vous ne soyez pas surpris de voir circuler ici ou là un écrivain ou tout autre espèce d’individu un peu bizarre, pour que vous puissiez devenir à votre tour acteurs d’une histoire commune, pour que vous puissiez vous dire, oui, après tout, pourquoi pas ? Voilà, j’ai commencé avec l’exil, j’ai parlé de la guerre, de mes parents, de ma ville, de mon enfance, du monde actuel, des mots de la consolation, j’ai parlé de mon travail, de l’amour des mots, j’ai parlé de la poésie : poésie vient d’un mot grec qui veut dire faire, écrire, c’est faire, comme cuisiner, comme faire des gâteaux, comme organiser un grand goûter sous les arbres, comme s’adapter à faire autre chose que ce qui a été prévu à cause d’une météorologie défavorable, écrire cuisiner, c’est un peu la même chose, nourrir les autres, mon regard droit dans vos yeux, je voudrais vous dire encore cela qui est la vérité, que l’écriture m’a plusieurs fois sauvé la vie, que sans cet amour de la langue qui me porte, je ne me sens pas capable d’être un homme debout. Avant de conclure, je veux adresser un salut très spécial, très chaleureux aux deux groupes de dames qui apprennent ou perfectionnent le français, la langue encore, dans le cadre des activités d’alphabétisation et de conversation organisées par le centre social Le Village, avec l’aide de Anne-Marie, de Dala, de Fatima, de Yasmine et de quelques autres encore, à elles toutes, j’adresse mon respect et mon admiration, à tous ceux présents ici, dont je suis, qui n’ont pas eu à changer de pays, je dis, le feriez-vous, le ferions-nous, je salue également les femmes qui ont accepté de participer à un atelier pâtisseries sous la houlette de Emmanuelle Augereau de la Maison de la Culture, toutes, elles sont mes sœurs en poésie, au moment de conclure, je voudrais vous inviter à vous occuper sans relâche, avec le plus grand soin, la plus grande vigilance, des lieux publics, des maisons sociales, des espaces communs, des maisons des adolescents, des maisons des parents, des maisons des femmes seules, de toutes les maisons ouvertes, maisons offertes, maisons de l’hospitalité, maisons de la réparation, maisons de la parole libre, maisons de la générosité, maisons du respect, maisons du rire, maisons de théâtre, maisons de la pensée, maisons de la république, toutes ces maisons qui nous rattachent à notre propre maison, comme s’il s’agissait d’un seul et même corps, et font que notre propre maison peut regarder le monde alentour, avec un peu moins de crainte, avec, face à elle, un paysage beaucoup plus vaste, car ces lieux peuvent disparaître, à force d’être méprisés ou maltraités par les politiques publiques ou négligés par leurs usagers, c’est-à-dire chacun d’entre nous, alors nous autres, ceux que j’appelle avec fierté les gens du commun, les gens de la communauté humaine, n’aurons plus rien, sinon nos toutes petites maisons individuelles et rabougries pour pleurer, ou ronger le sel de notre colère, alors prenons soin de ces maisons, prenons soin de nous, aimons ce que nous avons entre les mains, veillons, occupons-nous avec nos propres forces de ce dont nous avons à nous occuper, inventons, tenons-nous debout, droits et dignes, faisons ensemble le plus qu’il est possible, merci à vous... Daniel Conrod Ce texte a été lu par Daniel Conrod à l'occasion du premier banquet le 4 juin 2016 au centre social Le Village de Bobigny. 25 calendrier NOVEMBRE sam5 18 h 00 p. Je suis fait du bruit des autres Théâtre du Fil de l’Eau PantinRéunion 39 Sylvain Bouillet, Mathieu Desseigne et Lucien Reynès * participants dim6 lun7 mar8 mer9 20 h 00Nkenguegi Dieudonné Niangouna Théâtre Gérard Philipe Saint-Denis Spectacle 28 jeu1020 h 00Nkenguegi Dieudonné Niangouna Théâtre Gérard Philipe Saint-Denis Spectacle 28 ven11 20 h 00Nkenguegi Dieudonné Niangouna Théâtre Gérard Philipe, Saint-Denis Spectacle 28 sam12 20 h 00Nkenguegi Dieudonné Niangouna Théâtre Gérard Philipe Saint-Denis Spectacle 28 dim13 15 h 30Nkenguegi Dieudonné Niangouna Théâtre Gérard Philipe Saint-Denis Spectacle 28 lun1420 h 00Nkenguegi Dieudonné Niangouna Théâtre Gérard Philipe Saint-Denis Spectacle 28 mer16 20 h 00Nkenguegi Dieudonné Niangouna Théâtre Gérard Philipe Saint-Denis Spectacle 28 jeu1720 h 00Nkenguegi Dieudonné Niangouna Théâtre Gérard Philipe Saint-Denis Spectacle 28 ven18 20 h 00Nkenguegi Dieudonné Niangouna Théâtre Gérard Philipe Saint-Denis Spectacle 28 20 h 30 Du désir d’horizons Salia Sanou Théâtre Louis Aragon Tremblay-en-France Spectacle 30 sam19 19 h 00 Du désir d’horizons Salia Sanou Théâtre Louis Aragon Tremblay-en-France Spectacle 30 Théâtre Gérard Philipe Saint-Denis Spectacle 28 dim2015 h 30Nkenguegi Dieudonné Niangouna Théâtre Gérard Philipe Saint-Denis Spectacle 28 16 h 00 Théâtre Louis Aragon Tremblay-en-France Spectacle 30 Théâtre Gérard Philipe Saint-Denis Spectacle 28 mer23 20 h 00Nkenguegi Dieudonné Niangouna Théâtre Gérard Philipe Saint-Denis Spectacle 28 jeu2420 h 00Nkenguegi Dieudonné Niangouna Théâtre Gérard Philipe Saint-Denis Spectacle 28 ven2520 h 00Nkenguegi Dieudonné Niangouna Théâtre Gérard Philipe Saint-Denis Spectacle 28 20 h 30 Canal 93 Bobigny Concert 32 Théâtre Gérard Philipe Saint-Denis Spectacle 28 mar15 20 h 00Nkenguegi Dieudonné Niangouna Du désir d’horizons Salia Sanou lun2120 h 00Nkenguegi Dieudonné Niangouna mar22 Love and Revenge Rayess Bek et La Mirza sam26 20 h 00Nkenguegi Dieudonné Niangouna dim27 lun2815 h 00 Nous sommes de ceux qui disent non à l’ombre * Margaux Eskenazi * gratuit sur réservation Établissement Ville-Évrard Neuilly-sur-Marne Lecture 33 n du 9 au 26 novembre kenguegi Dieudonné Niangouna ENTRETIEN AVEC DIEUDONNÉ NIANGOUNA Vous présentez Nkenguegi comme la dernière partie d’une trilogie, après le Socle des vertiges et Sheda. Aviez-vous dès le début de l’aventure un projet de trois pièces ou la trilogie s’est-elle construite au fur et à mesure des projets ? Dieudonné Niangouna : Quand j’ai écrit le Socle des vertiges, je n’avais pas le projet d’une trilogie. Mais quand j’ai écrit Sheda, je me suis aperçu très vite que cette pièce était née parce qu’il y avait eu le Socle des vertiges avant, c’est-à-dire que la première appelait la seconde, comme la seconde a appelé naturellement la troisième : Nkenguegi. Les trois pièces sont très différentes… D.N. : En effet, il ne s’agit pas de trois versions d’une même pièce, ou de trois parties d’une même pièce. Par contre, il y a une thématique qui traverse les trois textes. J’avais besoin de cette troisième pièce pour finir cette parenthèse dans mon œuvre que j’avais ouverte avec le Socle des vertiges mais sans savoir que cette parenthèse allait être si longue dans ma vie d’auteur. Quand vous parlez de cette trilogie, vous donnez l’image d’une famille de trois frères... D.N. : Oui... La troisième pièce serait comme le petit frère, le dernier, le cadet de cette fratrie. Quand je pense à cette aventure, je m’aperçois qu’il y a des éléments communs aux trois pièces, comme des gènes communs. Certains personnages, avec des noms différents, pris dans des histoires différentes, ont des traits de caractère très proches. Le personnage, par exemple, que je jouais dans le Socle des vertiges qui arrivait de la salle pour monter sur scène est très proche du voyageur dans Sheda et du personnage de De Lafuenté dans Nkenguegi. Mais ce n’est qu’une fois les pièces terminées que j’ai pu faire ces rapprochements tout à fait involontaires. Certains thèmes traversent aussi les trois pièces ? D.N. : Oui, comme les allers-retours entre le passé, souvent inscrit dans une réalité historique ou politique, et le présent qui est plutôt une fiction. Les personnages de ce présent veulent toujours projeter quelque chose pour l’avenir tout en portant un poids sur les épaules, celui du passé. Ils sont pris dans une sorte de vertige entre un trop lourd passé, un présent fatal et ils sont « dingues » d’un futur dont ils rêvent. C’est quelque chose que j’inscris très consciemment dans toutes mes pièces. Un de vos personnages dans Nkenguegi se demande pourquoi il devrait « faire de la géopolitique au théâtre ». N’est-ce pas aussi un de vos thèmes récurrents que de faire de la géopolitique dans vos pièces ? D.N. : Je veux plutôt faire la critique de la géopolitique ou tout au moins l’interroger. Plus particulièrement dans Nkenguegi qui s’inscrit vraiment, et très volontairement, dans le présent car je voulais clore la trilogie en l’inscrivant dans le monde d’aujourd’hui. Armel Louzala Ce qui est nouveau dans Nkenguegi c’est d’inscrire le théâtre dans le théâtre, avec une troupe de comédiens qui joue une version contemporaine du Radeau de la Méduse… D.N. : Quand j’ai fini d’écrire le premier monologue de la pièce, celui d’un homme perdu en mer, d’un point de vue poétique je n’avais plus rien à dire. Ce petit homme dans son bateau était devenu le symbole de tous les autres personnages et de tout ce qui devait arriver dans la pièce. Ensuite, il fallait donc que je construise la pièce, scène par scène, en faisant des croquis sur des feuilles vierges. J’ai choisi les grands thèmes, les sous-thèmes, tout ce qui allait composer ce puzzle qui s’appellerait Nkenguegi. Immédiatement, j’ai compris que certaines situations ne pouvaient se résoudre que si elles se passaient dans un théâtre, que si j’écrivais une pièce dans la pièce qui permettait de mettre à nu les questionnements et pas seulement de les faire entendre. Cela me permet aussi de mettre en abyme ma propre écriture théâtrale. 28 Votre écriture alterne les monologues et les scènes très dialoguées. Pourquoi ? D.N. : Le monologue d’un personnage, c’est ma façon de faire comprendre au lecteur ou au spectateur ce que j’entends dans ma tête quand j’écris, c’est comme si je parlais à haute voix. Le dialogue permet de poser ou de résoudre un ou des conflits en faisant entendre des opinions différentes. Le monologue permet de ne pas être dans le jugement, dans la nécessité de choisir une ou l’autre des propositions que peuvent faire les personnages dans le dialogue. Dans le monologue, le personnage « prend la route » et peut se permettre d’errer dans sa tête, d’enchaîner en passant du coq-à-l’âne, prendre un exemple puis un exemple contraire en étant toujours dans la problématique qui le nourrit au moment de sa prise de parole. Je me permets aussi dans le monologue de traiter des sujets que je ne peux pas traiter de manière directe dans le dialogue, en faisant « délirer » le personnage sans que celui-ci soit obligé de structurer sa pensée. Ce déploiement de soi, cette volonté de se débarrasser de la pierre que l’on peut porter sur le cœur n’est possible, pour moi, que dans le monologue. Votre pensée personnelle serait plus présente dans les monologues ? D.N. : Certainement. Mais j’aime écrire des dialogues, j’aime trouver le petit détail à partir duquel il va y avoir échange de paroles, j’aime le jeu qui s’installe entre deux personnages à travers leurs répliques. Je peux déplacer un mot dans une phrase très volontairement pour qu’un débat se développe sur le déplacement de la langue. Ce sont de faux quiproquos, des pseudo-situations qui m’amusent. Très souvent, cela se passe entre des couples de personnages, genre Laurel et Hardy, genre personnages de Beckett. Les didascalies sont très présentes, un peu folles quant aux possibilités de réalisation sur un plateau de théâtre. À quoi servent-elles ? D.N. : Je suis très fier de les avoir écrites car, à la lecture, elles dégagent un certain comique dû sans doute à leur folie. Elles appartiennent à l’histoire, elles rajoutent de la beauté aux scènes qui précèdent ou qui suivent. Elles poussent à l’extrême les situations. Je me suis demandé si je devais les conserver dans le texte car elles m’avaient surtout permis d’imaginer des paysages, des lieux, sans aucune limite « technique », sans penser à la réalisation pratique sur le plateau, donc très librement. Il y a une scène au Congo avec le pont du Djoué, un commissariat de police au loin, etc. etc. etc. Quelle solution avez-vous trouvée pour les conserver dans le spectacle ? D.N. : Comme je vais avoir la chance de pouvoir utiliser des images vidéo, je peux tourner en filmant les vrais paysages devant lesquels les comédiens joueront, « comme si » ils étaient au Congo. L’idée étant que c’est le personnage qui crée dans sa tête le paysage que l’on voit sur l’écran. Mais j’aime bien aussi l’idée de les faire entendre par la voix des comédiens. Elles sont d’une grande qualité littéraire… D.N. : Oui parce qu’elles participent de l’histoire, parce que ce sont des scènes à l’égal des scènes avec les comédiens. Elles précisent les lieux très divers que traversent mes personnages, un loft du vie arrondissement de Paris, un théâtre où les comédiens répètent leur pièce autour du Radeau de la Méduse, des lieux publics à Brazzaville. Elles doivent donc être présentes puisque notre décor sera quasiment nu, avec quelques accessoires. et en douceur sur son radeau et il faut donc faire entendre un corps qui se brise, qui se noie, qui va sans doute être englouti. Mais il n’y a pas que le corps du naufragé qui supporte la violence. Tous les corps de ceux qui sont dévorés par des systèmes politiques ou économiques, qui explosent à la suite des actions violentes, doivent être présents aussi. La musique sera là pour faire entendre cette violence faite au corps. C’est le tableau de Géricault qui vous semble l’image la plus forte pour parler de ce qui se passe aujourd’hui en Méditerranée ? D.N. : La situation est tellement grave et tellement violente que le tableau est, en effet, l’image la plus immédiate qui m’est venue. Ce qui est bizarre, c’est que nous avons été surpris par l’ampleur de ce mouvement de migration alors qu’on aurait pu s’en douter compte tenu de la violence qui règne dans ces pays du Proche ou Moyen-Orient. Il est vrai que, pendant longtemps, les migrants pouvaient prendre des moyens de transport plus sécures, plus organisés mais qu’aujourd’hui l’insécurité est permanente d’autant que ces gens ne peuvent pas attendre d’avoir des visas. Ils risquent leurs vies jour après jour et la fuite devient un moyen de survie, même dans ces pires situations de danger. Sans doute ont-ils le sentiment qu’en restant là où ils sont, ils sont voués à une mort rapide... Donc mourir pour mourir, il vaut mieux le faire en tentant quelque chose pour survivre. Vous êtes auteur, metteur en scène et interprète de ce texte… D.N. : Oui, j’ai voulu rester présent dans cette dernière étape de l’aventure au milieu de ceux que j’ai invités à la partager. Jouer c’est aussi assumer complètement mon premier geste artistique qui est d’écrire. Je suis un être têtu et je vais de l’alpha à l’oméga des aventures que j’initie en remplissant la première feuille blanche. Le théâtre a-t-il une force particulière pour parler de cette violence qui s’étale sur les écrans jour après jour ? D.N. : Ce qui est important, c’est la force de « complexité » qu’il possède. Il n’a pas peur d’exprimer des points de vue différents, de confronter les idées. Au théâtre nous ne sommes pas au catéchisme, on ne peut pas dire simplement : « Dieu est bon. Aimez-le. » On peut poser la question de Satan. Au théâtre, il faut assumer toutes les contradictions des positions, parfois très fermes, que l’on propose. C’est la richesse du théâtre de ne pas endoctriner mais de faire réfléchir, et surtout de prendre le temps de cette réflexion. J’appelle ça le temps de l’autopsie, le temps de la réparation, le temps de la sorcellerie. Le public vit en temps réel ce parcours complexe que des êtres vivants font devant lui et il partage l’insécurité de ce parcours. Des êtres de chair et d’esprit dans lesquels le spectateur peut se reconnaître. Le théâtre crée un temps pendant lequel ce partage est possible, c’est un espace poétique de liberté. Comme dans les deux premières parties de votre trilogie vous donnez encore une place importante à la musique ? D.N. : Il y aura beaucoup de musique avec pas mal de percussions. Mais compte tenu de la présence manifeste d’un personnage dérivant sur son radeau qui revient régulièrement dans le cours de l’histoire, je voulais qu’on puisse entendre la violence de cette situation avec une musique qui soit forte, cassante. Le personnage ne dérive pas gentiment 29 Propos recueillis par Jean-François Perrier Avril 2016 « C’est la richesse du théâtre de ne pas endoctriner mais de faire réfléchir, et surtout de prendre le temps de cette réflexion. » Dieudonné Niangouna Nkenguegi sera publié aux Éditions les Solitaires Intempestifs mi octobre, ainsi que Un rêve au-delà et Et Dieu ne pesait pas lourd, (deux monologues qui ont été lus dans le cycle de lectures de la MC93 au cours de la saison 2015-2016). du 18 au 20 novembre Salia Sanou ENTRETIEN AVEC SALIA SANOU Quel est le point de départ du projet ? À l’automne 2013, je suis rentré d’une mission au Burundi pour African Artists for Development (AAD) où, pendant une semaine, j’ai travaillé dans un camp de réfugiés avec les artistes qui interviennent au sein du programme « Refugees on the Move ». De nombreuses images et impressions me sont revenues : alignement des cabanes et des toits de tôle, enfants qui courent, leurs cris, leurs sourires, les regards des adultes dans lesquels tant de questions sont suspendues. Dignité et attente d’un horizon qui s’ouvre. La peur aussi, celle de mourir là, de ne pas pouvoir construire un avenir. Dans ce lieu hors du temps, où l’histoire semble s’être arrêtée, les liens aux autres et au monde semblent perdus. Depuis l’automne 2014, je conduis des ateliers dans le camp de Saag-Nioniogo au Burkina Faso, dans le cadre de ce même programme. C’est l’un des trois camps au Burkina qui rassemblent plus de 35 000 réfugiés maliens qui ont fui la guerre. Plusieurs danseurs m’accompagnent dans cette aventure, mais aussi des comédiens, des musiciens et un photographe cameraman. C’est de cette vie et de cette intensité que je veux témoigner, elle évoque pour moi le lien fort qui peut se tisser du côté du vivant dans une situation de désespoir. La création repose également sur une matière littéraire... Au départ, il y a mon engagement dans les camps de réfugiés, puis la lecture bouleversante de Cap au pire de Samuel Beckett. Ces deux axes sont indissociables dans ma nouvelle création. S’il s’agit de ce que j’ai éprouvé en tant qu’artiste dans les camps de réfugiés, je crois encore que les mots me manquent pour arriver à décrire la violence et les conditions de vie indignes et insupportables dans les camps. Très vite, j’ai compris que c’est par et seulement avec la danse que je pourrais témoigner et partager cette expérience. Ne pouvant utiliser l'ouvrage de Beckett pour des raisons de droits, j’ai découvert Limbes/Limbo, Un hommage à Samuel Beckett de Nancy Huston qui faisait clairement écho au texte de Beckett. Cette œuvre résonne en moi comme une partition absolument indissociable de la danse et de l’espace chorégraphique que j’imagine. Elle s’inscrit de façon universelle et totalement contemporaine dans un espace où la dimension de solitude comme celle de l’altérité se croisent sans arrêt pour illustrer à la fois l’obscur et la lumière. Quel a été le processus de création ? Je peux dire que Du désir d'horizons n’est pas un spectacle sur les camps de réfugiés à proprement parler ; mon propos n’a rien du documentaire ni du témoignage. Je laisse ce travail à la presse et aux réseaux sociaux qui relatent quotidiennement les horreurs des personnes déplacées et violentées. Il s’agit d’une composition où le vocabulaire chorégraphique laisse place au sens et à la réflexion sur la situation des réfugiés et sa résonance en chacun de nous. Le découpage que j’ai opéré dans le texte se veut comme une infime partition posant ainsi des mots sur mon indicible... Pour cette création, je me suis entouré de huit interprètes, quatre femmes et quatre hommes. J’ai à nouveau confié la scénographie à Mathieu Lorry Dupuy qui est, d’une création à l’autre, à l’écoute des espaces, des volumes, de la couleur mais aussi des matériaux qui vont au plus près servir le sens de mon travail. La lumière a été créée par Marie-Christine Soma et la musique par Amine Bouhafa. L’horizon c’est le futur, c’est l’espoir ; dès lors je m’autorise à rêver un monde meilleur sans en gommer la cruauté et l’absurdité. Pourquoi « Du désir » dans le titre de la création ? « Du » signifie qu’il ne s’agit pas de mon seul désir et de celui de l’équipe artistique ; en effet pour moi l’article contracté ouvre à la volonté de partage avec les spectateurs. Dès lors, il s’agit de proposer une lecture ouverte, voire universelle de notre travail. C’est aujourd'hui, me semble-t-il, la place de l’art et la nécessité de l’artiste, du moins c’est la mienne, avec une invitation autour « Du désir d’horizons » de se saisir ensemble d’un espace ouvert sur le monde et l’humanité. Stéphane Maisonneuve Juin 2016 Toujours aller à la rencontre « L’enfer c’est les autres »... Jean-Paul Sartre en 1943 ne pouvait imaginer que cette phrase deviendrait aujourd’hui comme un raccourci caractérisant les fantasmes d’une bonne partie des populations européennes face à ce qui est considéré comme une invasion dangereuse menaçant les fondements mêmes d’une civilisation plus ou moins mythique, d’un art de vivre plus ou moins imaginaire. Réveillant les pires traditions d’un nationalisme nauséabond, un discours de haine et de rejet s’est insinué, détruisant les barrières qui depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale semblaient protéger contre un retour des démons, justifiant a posteriori la prédiction brechtienne d’Arturo Ui : « Le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde. » Dans le déferlement d’images et de mots plus ou moins incontrôlés et incontrôlables qui inondent tous les écrans médiatiques, le théâtre apparaît comme le lieu d’un possible et souhaitable moment d’arrêt, de pause, de réflexion, de partage. C’est ce moment que propose Guy Cassiers dans son adaptation du roman de Jonathan Littell, les Bienveillantes 1, pour tenter de comprendre le cheminement intérieur qui amène un homme banal à devenir le complice actif d’un génocide sans commune mesure. Comment est-il possible à un homme, que rien ne prédisposait à partager la monstruosité de l’extermination, d’entrer dans un système de déshumanisation permettant de ne plus avoir de jugement moral ? Question essentielle, à réponses multiples sans doute, que pose aussi Primo Levi dans ses entretiens avec Ferdinando Camon 2 en l’élargissant à presque tout un peuple qui s’est aveuglé plus ou moins volontairement : « Pourquoi les Allemands ontils accepté Hitler ? J’ai beaucoup lu de livres, dont certains dus à des historiens illustres, et je trouve que tous ont baissé les bras devant ce problème, celui du consentement massif de l’Allemagne ». Pourquoi encore, plus généralement, les peuples européens ont laissé passer ces trains de wagons à bestiaux où s’entassaient les millions de migrants forcés, de déracinés qui ont parcouru des milliers de kilomètres, traversant gares, villes et campagnes ? Cette violence du déracinement, de l’exil, du massacre, nous la vivons au quotidien dans notre Europe du xxie siècle. Nous les croisons jour après jour dans les rues, nous croisons les regards de ces enfants, de ces femmes, de ces hommes anonymes, nous les regardons en images sur nos écrans mais les entendons-nous ? Une fois encore, c’est la force du théâtre de nous obliger à les écouter car en leur redonnant leurs caractéristiques d’hommes doués de pensées, de paroles et d’actions, en les faisant redevenir des individus et non plus un petit élément au milieu d’une masse informe ou uniforme, il permet la prise de conscience et le partage. Humains au riche vocabulaire. C’est ainsi qu’ils apparaissent dans l’écriture démesurée de Dieudonné Niangouna qui propose avec Nkenguegi 3 de parcourir le chemin de ces migrants qui ont envahi la Méditerranée sur des radeaux de fortune, cette Méditerranée qui depuis les temps les plus anciens a connu les traversées dangereuses, les épopées tragiques pour tous ceux qui fuyaient les guerres, les persécutions ou la misère. Depuis Euripide et ses Héraclides, ces enfants d’Héraclès poursuivis par la haine de Sparte, le théâtre a su témoigner de ces tragédies, redonnant une parole à ceux que l’on voudrait muets et suppliants, éternelles victimes quémandant une aumône. Pour les Grecs du monde ancien, ils étaient de véritables héros luttant contre l’adversité à l’égal d’Ulysse retournant dans sa patrie au prix de mille et une épreuves. Les mots de Dieudonné Niangouna provoquent l’émotion, empêchent l’oubli, obligent à entendre pour refuser la complicité ou l’impuissance. Stéphane Maisonneuve d ésir d’horizons ANGLE D u GRAND Paroles aussi de ceux qui ont survécu et s’entassent dans les camps d’hébergement, dans les camps improvisés en attendant de pouvoir rejoindre ce qui leur apparaît comme un monde de liberté possible. Rendre une parole qui n’est pas que de plainte et de sanglots contenus, comme celle d’Aiat Fayez dans son texte Angleterre, Angleterre 4 qui convoque l’humour en nous confrontant à ces passeurs qui exploitent plus miséreux qu’eux. Rire parce que l’homme est aussi fait de ça, même dans les moments les plus tragiques. Rire comme les enfants des camps qui résistent en jouant, qui rient même avec des yeux remplis de tristesse. Toujours cette volonté de rendre humains et proches ces femmes et ces hommes à qui l’on refuse une identité individuelle. L’ignorance est aussi une violence. C’est ce que semble dire tous ces artistes qui refusent de regarder ailleurs pour ne pas voir, qui, chacun à leur façon, en fonction de leur propre histoire et de l’endroit d’où ils parlent, donnent des corps et des voix à ces proscrits qui risquent l’oubli, perdus en mer, perdus sur terre, devenus de simples images qui s’effacent les unes les autres au gré des événements. Le théâtre, c’est le passé au présent bien sûr, mais c’est aussi le présent plus présent grâce à la fiction. Une manière unique de traverser les temps mais aussi une manière unique de s’arrêter dans notre Aujourd’hui pour quelques minutes ou quelques heures. Une manière unique de raconter, de donner vie, de faire un focus, comme celui de Salia Sanou circulant dans un camp de réfugiés au Burkina Faso où résident 35 000 maliens, travaillant avec eux, en leur donnant le plaisir de prendre la parole en se mouvant, en reprenant possession de leurs corps, provoquant un choc salutaire, une sorte de réanimation. Quand, à partir de cette expérience, il construit un spectacle, Du désir d’horizons 5, il nous permet de ressentir violemment la frustration de ces corps qui voudraient se jeter dans le monde, de ces corps empêchés, brimés qui expriment l’envie de cet ailleurs auquel ils aspirent. Nous ne sommes plus au Burkina Faso, nous sommes partout où, comme l’écrit Nancy Huston il y a : « Les gens à peine gens, tous frappés d’immobilité, de stupeur, d’irréalité, plongés dans le noir et le silence, incapables de bouger parler voir... ». Tous ces artistes réunis pour la saison de la MC93 prouvent qu’il suffit parfois d’un geste, d’un mot pour redonner vie et humanité aux oubliés d’hier et d’aujourd’hui. Tous pourraient reprendre à leur compte l’ultime phrase prononcée par le personnage de Nova dans la pièce de Peter Handke, Par les villages : « Allez éternellement à la rencontre ». Jean-François Perrier 30 31 1 Les Bienveillantes Du 13 au 16 octobre Nouveau Théâtre de Montreuil, Payant, sur réservation Primo Levi et Ferdinando Camon, Conversations ou le Voyage d’Ulysse 2 Le 18 septembre à 16 h 30 Ancienne Gare de déportation, Bobigny Gratuit, sur réservation 3 Nkenguegi Dieudonné Niangouna Du 9 au 26 novembre Théâtre Gérard Philipe, Saint-Denis Payant, sur réservation 4 Angleterre, Angleterre Le 20 octobre 2016 à 20 h La Dynamo de Banlieues Bleues, Pantin Gratuit, sur réservation 5 Du désir d’horizons Salia Sanou Du 18 au 20 novembre Théâtre Louis Aragon, Tremblay-en-France Payant, sur réservation le 25 novembre le 28 novembre La Mirza & Rayess Bek Idoles qui se retourneraient sans doute dans leurs tombes à la vue de ce revival très distancé ! Hommage filial adulte, émancipé, ludique, festif et affectueux d’artistes contemporains aux pères fondateurs — et mères fondatrices ! Les remix de vieux tubes par Rayess Bek et d’extraits de films par La Mirza sont soutenus par les basses et nappes hypnotiques de Julien Perraudeau et par le oud électrique de Mehdi Haddab qui invoque sur des gammes orientales l’esprit de Jimi Hendrix ! Une cérémonie chamanique qui appelle de ses stances la résurgence d’une époque évanouie. Production La Compagnie Nova. En partenariat avec le collectif CORPUS opérateur de la Fabrique Artistique de l’hôpital Ville-Evrard. Traversée poétique, politique et musicale des auteurs de la négritude (Césaire, Senghor, Damas) au Tout-Monde (Glissant), du negrospiritual au début du hip-hop, la proposition de Margaux Eskenazi rend hommage à l’héritage des pensées pour réinvestir le présent. Spectacle matériau où les improvisations, les lectures poétiques et les interviews politiques s’enchaînent et traversent deux histoires intimement mêlées : celle de la pensée et celle de la musique des années 1930 à aujourd’hui. Ce chaos-opéra porté par quatre comédiens et un musicien, constitue un véritable manifeste des poétiques, un refus de la langue unique et esquisse peu à peu notre créolité commune. À 15 h Pavillon Chaplin – Hôpital de Ville-Evrard Gratuit, sur réservation Édouard Glissant SILEKS Love and Revenge, c'est la figure d’une femme sulfureuse, la chanteuse Asmahan (1912-1944), qui fournit l’argument du spectacle : un hommage au glamour arabe à travers ses icônes du siècle dernier. Particulièrement dédié aux femmes et à cette époque où leur liberté notoire n’entamait pas leur grande popularité. Un procès loufoque et surréaliste, suite à la disparition énigmatique d’Asmahan, est reconstitué : il est le prétexte à un voyage débridé dans l’immense corpus de la comédie musicale égyptienne et dans les standards de la chanson populaire arabe. On retrouve (ou on découvre) Oum Kalthoum, Abdel Halim Hafez, Samia Gamal ou Sabah... « Et si nous voulions partager la beauté du monde, si nous voulons être solidaires de ses souffrances, nous devons apprendre à nous souvenir ensemble. » D’après Aimé et Suzanne Césaire, Léopold Sédar Senghor, Léon-Gontran Damas, Patrick Chamoiseau, les sœurs Nardal, Édouard Glissant. Écriture et mise en scène Margaux Eskenazi Dramaturgie Alice Carré Lumières Mariam Rency Costumes Sarah Lazaro Avec Nelson-Rafaell Madel, Yannick Morzelle, Raphaël Naasz, Eva Rami, (distribution en cours) Médée poème enragé, produit et créé à la MC93 en mars 2014, part en tournée cet automne : Alain Richard Le 18 novembre à Chateauvallon, Scène nationale Du 23 au 3 décembre au Théâtre national de Strasbourg Faire d’elle une étrangère à son pays, fuyant l’asphyxie familiale dans la fusion charnelle avec le frère, puis dans l’éblouissement physique de la rencontre avec Jason, le ravisseur, instrument du meurtre du père. Dire la béance du voyage, le fantasme de désintégration ; puis d’intégration au nouveau Monde. Raconter l’amour sans morale, sans bornes, rédempteur, mortifère, désespéré. Raconter le désenchantement, l’abandon, la solitude, le lieu commun, inhumain de l’exotisme ; le refus de se soumettre à l’injonction de la place assignée, à la fatalité de la trahison. Raconter le soulèvement et les meurtres (qui ne sont ici que la forme inversée de la passion). Ramener Médée, vidée de son amour, orpheline de ses enfants, à la terre originelle où, étrangère à perpétuité, elle rejoint l’ombre des parents. Texte et mise en scène Jean-René Lemoine Avec Jean-René Lemoine, Romain Kronenberg Création musicale et sonore Romain Kronenberg Collaboration artistique Damien Manivel Dispositif scénique Christophe Ouvrard Costumes Bouchra Jarrar Lumière Dominique Bruguière Assistanat lumière François Menou Assistanat à la mise en scène Zelda Soussan DR l ove and Revenge Lecture Nous sommes de ceux qui disent non à l’ombre 32 33 calendrier DÉCEMBRE p. sam3 20 h 00 Ludwig, un roi sur la lune Madeleine Louarn Théâtre Gérard Philipe Saint-Denis Spectacle 36 dim4 15 h 30 Ludwig, un roi sur la lune Madeleine Louarn Théâtre Gérard Philipe Saint-Denis Spectacle 36 lun5 20 h 00 Ludwig, un roi sur la lune Madeleine Louarn Théâtre Gérard Philipe Saint-Denis Spectacle 36 mer7 20 h 00 Ludwig, un roi sur la lune Madeleine Louarn Théâtre Gérard Philipe Saint-Denis Spectacle 36 jeu8 19 h 30 Les récits manquants * Théâtre Ouvert Paris Rencontre 38 jeu8 20 h 00 Ludwig, un roi sur la lune Madeleine Louarn Théâtre Gérard Philipe Saint-Denis Spectacle 36 ven9 20 h 00 Ludwig, un roi sur la lune Madeleine Louarn Théâtre Gérard Philipe Saint-Denis Spectacle 36 sam10 20 h 00 Ludwig, un roi sur la lune Madeleine Louarn Théâtre Gérard Philipe Saint-Denis Spectacle 36 dim11 15 h 30 Ludwig, un roi sur la lune Madeleine Louarn Théâtre Gérard Philipe Saint-Denis Spectacle 36 Réunion participants 39 Spectacle 36 mar13 19 h 00 Les Derniers Jours de l’humanité Nicolas Bigards * Canal 93 Bobigny Réunion participants 39 mer14 19 h 30 Concert 38 mar6 lun1216 h 00Nova Claire ingrid Cottanceau et Olivier Mellano * Théâtre du Garde-Chasse Les Lilas 20 h 00 Ludwig, un roi sur la lune, Madeleine Louarn Le Bal masqué, Centre de musique de chambre de Paris * * gratuit sur réservation 35 Théâtre Gérard Philipe Saint-Denis Conservatoire Nina Simone Romainville l udwig, un roi sur la lune du 3 au 12 décembre Madeleine Louarn Qu'est-ce qu'un roi ? Un homme qui doit vivre dans la Lumière et la Gloire, le Pouvoir et l’Acclamation. Un homme qui est dans la lumière de l’Ordre du Jour. Qui jouit de la bénédiction du Grand Jour où se déroulent liturgies et cérémonies. Un homme qui gouverne, décide et agit. Le Roi est Acteur. Responsable d’un peuple. Or, Louis II de Bavière est un roi handicapé. Il est allergique au Jour, aux Femmes et au Pouvoir. Il fuit l’État, l’Administration et les courriers des Ministres. Il aime la Nuit, les Images, l’Art, la Solitude et les Forêts. Il aime se cacher. Il aime se réfugier dans les souterrains obscurs de son âme perdue. Il se perd dans le désordre de la nuit, la construction de ses châteaux, l’étendue de ses forêts, la présence des jeunes paysans, le labyrinthe de ses grottes, la dévoration du chocolat, la musique de Wagner et le chant des comédiens. C’est un Spectateur enfoui et déchiré. Il glisse dans l’irresponsabilité des transes. C’est un homme en transe. Ce n’est pas seulement un Roi dans la lune. Il vit vraiment sur la lune. Et il danse, là, très haut. Inaccessible. La Lune est le refuge de ses transes. Là où le réel s’enfiest évaporé. Frédéric Vossier Ludwig, un roi sur la lune est publié aux Éditions les Solitaires intempestifs. Rodolphe Burger présentera avec Rachid Taha, Couscous Clan le 27 janvier à Canal 93. MADELEINE LOUARN ET LES COMÉDIENS DE L’ATELIER CATALYSE « Ces acteurs, hommes et femmes vivant à l’ESAT (Établissement et Service d’Aide par le Travail) des Genêts d’Or à Morlaix sont les principales raisons de mon choix d’installation à Morlaix. Avec eux, je suis venue au théâtre, avec eux, je poursuis l’histoire. Ils ont alimenté une grande partie de mes questions et sont aujourd’hui des acteurs exemplaires et uniques. Leur présence, leurs corps opaques portant traces de blessures témoignent de la réactivation incessante de leurs propres limites. Chaque pas, chaque mot, chaque geste est marqué par le sceau de la non-évidence. De même, la conscience incertaine donne une perception du temps très instinctive et concrète qui est un atout remarquable pour un acteur. L’imperfection même du jeu, l’aspect râpeux de leur présence, l’incertitude de la faible mémoire, restitue le danger, le risque qu’un acteur prend lorsqu’il s’expose au public. Il permet de donner à voir un théâtre où la question du temps, de ce temps unique qu’est l’événement de la représentation, se perçoit dans sa pleine dimension. Il traduit aussi un théâtre où l’objet narratif s’efface au profit de la présence. L’instant théâtral est celui de l’acteur plus que celui du personnage. Cette impossible identification fait que l’on voit l’être, l’acteur plus que celui qu’il est censé représenter. On voit l’acteur aux prises avec ses avatars, on voit aussi les ficelles du jeu. Il y a une sorte de genèse du théâtre, une éternelle et constitutive joie de jouer, de créer des artifices pour entrevoir quelque chose de la vérité de l’être et de l’existence. Cette mise en jeu des multiplicités, des facettes variées de nos existences donne sans conteste une idée de la liberté. N’est-ce pas dans la mise en action de la limite, dans son dépassement utopique, comme un saut dans le vide, que se situe la beauté de l’être ? Mieux que tout autre, l’acteur handicapé ramène les creux et les incertitudes de la représentation et de ses codes. Le choix des pièces, notre répertoire, est intimement lié à ces questions. On y voit l’acteur se débattre avec la représentation, jusqu’à l’impuissance de vivre. On y voit la réalité se dissoudre, aux prises avec un rêve, un cauchemar. » Madeleine Louarn Les portraits de la Compagnie Catalyse ont été réalisés par Myriam Richard pour le Théâtre de l'Entresort à Morlaix en 2011. 36 Rencontres initiées par Lazare : Les récits manquants Plusieurs questions ont émergé lors de discussions entre artistes et acteurs culturels qui se sont déroulées dans les bureaux de la MC93, lancées à l’initiative de l’auteur et metteur en scène Lazare, après les attentats de novembre 2015. Pour poursuivre et ouvrir la réflexion, ces questions font l’objet de rencontres publiques, permettant de partager des témoignages, des expériences et des projets. Rencontre le 8 décembre À 19h30 Théâtre Ouvert, Paris Gratuit, sur réservation Programme détaillé avec les différents intervenants communiqué prochainement sur notre site. Après une première rencontre autour des liens des artistes aux territoires et à leurs acteurs qui s’est déroulée le 9 juin au théâtre Louis-Aragon à Tremblay-en-France, Théâtre Ouvert accueillera l’organisation d’une deuxième rencontre autour de l’idée des « récits manquants ». Il s’agira d’échanger sur les récits contemporains qui représentent la communauté nationale dans son ensemble et de voir pourquoi certaines histoires sont peu ou pas racontées. c entre de musique de chambre de Paris le 14 décembre appels à participation ENTREZ DANS LA DANSE/ BORIS CHARMATZ Dans la continuité du projet artistique et culturel qu’il mène au Musée de la danse de Rennes, Boris Charmatz vous invite à vivre la danse autrement et à investir la gigantesque halle de la Friche industrielle Babcock pour un atelier. Jérôme Pernoo LE BAL MASQUÉ Le Bal masqué de Francis Poulenc, est un pur moment d’irrévérence poétique et fantasque, pour nous rappeler que le port de la cravate n’est pas obligatoire quand on va au concert. Car c’est le fantaisiste Max Jacob qui s’est fait le complice du musicien pour cette création éclatante de musique de chambre avec voix, trompette et percussions. À leur tour, encouragés par de si bons modèles, du Bal des vampires de Polanski aux Masques de Beffa, les musiciens de la troupe n’hésitent pas à rajouter à l’irrévérence de ce moment musical avec des compositions d’aujourd’hui tout aussi alertement troussées afin que, selon le vœu de Poulenc, le public sorte du concert : « stupéfait et diverti comme les gens qui descendent d’un manège de la Foire du Trône ». À 19 h 30 Conservatoire Nina-Simone, Romainville Gratuit, sur réservation Le samedi 8 octobre à 17 h Atelier avec l’équipe artistique de Danse de nuit pour traverser les matériaux chorégraphiques en lien avec l’œuvre de Boris Charmatz, auteur d’une vingtaine de pièces d’Aatt enen tionon (1996) à Danse de nuit (2016). Quels que soient votre condition physique, votre âge ou votre niveau de pratique, entrez dans la danse ! L’atelier est gratuit Pour participer inscrivez-vous sur www.mc93.com ou par mail [email protected] et téléphone 01 41 60 72 72 LES DERNIERS JOURS DE L’HUMANITÉ/ KARL KRAUS NICOLAS BIGARDS Les Derniers Jours de l’humanité, c’est une œuvre démesurée, monumentale, comportant plus de 209 scènes, 500 personnages, d’innombrables changements de décors et de lieux, écrit par Karl Kraus pendant la Première Guerre mondiale. Et ce sont aussi des voix, toutes les voix que Karl Kraus a pu entendre, capter, dans la rue, les cafés, les salles de théâtre, à la radio, ces voix qui reflétaient l’état d’esprit de son époque. Ce sont des milliers de citations, de discours, de rumeurs, de titres, de manchettes. En vue de sa création en 2018, Nicolas Bigards souhaiterait faire entendre cette multitude, cette diversité de points de vue, en créant un chœur d’amateurs qui réunirait comédiens, chanteurs et musiciens. CMCP Nico Luz JE SUIS FAIT DU BRUIT DES AUTRES/ SYLVAIN BOUILLET, MATHIEU DESSEIGNE ET LUCIEN REYNÈS Pour la présentation du spectacle chorégrahique Je suis fait du bruit des autres, le collectif Naïf Production en partenariat avec la saison culturelle de la Ville de Pantin et la MC93 recherche une vingtaine de volontaires pour participer au processus de création et se produire sur scène à l’occasion d’une représentation. Sylvain Bouillet, Mathieu Desseigne et Lucien Reynès imaginent une proposition autour d’une silhouette masquée et invitent un groupe d’amateurs au plateau pour travailler la notion de foule et d’anonymat. Le projet se concentre sur des gestes simples qui ne nécessitent aucune compétence particulière. Seules la volonté et la disponibilité sont nécessaires. Toutes les personnes non professionnelles à partir de 18 ans sont les bienvenues. Réunion d'information Samedi 5 novembre à 18 h au Théâtre du Fil de l'eau de Pantin, en présence de l'équipe artistique Calendrier du projet Ce projet nécessite une disponibilité entre janvier et mars pour les répétitions à Pantin et Bobigny (10 soirées et deux week-ends) et le samedi 18 mars toute la journée jusqu’à la représentation publique du soir Inscription avant le 20 octobre Claire ingrid Cottanceau, artiste plasticienne et actrice, Olivier Mellano compositeur et interprète se réunissent pour composer un objet dans une forme à la lisière du concert et de la performance. Passionnée l’un et l’autre depuis longtemps par la parole de Nova, extraite de Par les Villages de Peter Handke, et après l’avoir interprétés dans la mise en scène de Stanislas Nordey en 2013/2014, ils décident de poursuivre un chemin avec Nova dans un côte à côte hors norme. Un chœur constitué d’amateurs séniors accompagnera le projet. Ce chœur sera présent pour parler du vivant, de la grâce des corps qui portent en eux le temps. Ce chœur composera des images fortes, des tableaux, à l'aide d'actions simples qui dessineront l'espace. Pour constituer cet ensemble, l’équipe artistique recherche 20 seniors de plus de 70 ans. De la diversité de ce chœur naîtra la fragilité des mouvements et des murmures musicaux. Composée pour eux, la musique aura une place singulière. Réunion d’information Lundi 12 décembre à 16 h au Théâtre du Garde-Chasse des Lilas en présence de l’équipe artistique Calendrier du projet Répétitions : 45 h sur 3 semaines entre février et mars 2017 Représentations : les 2 et 3 mars 2017 au Théâtre du Garde-Chasse aux Lilas Inscription avant le 15 novembre Pour tout renseignement concernant les appels à participation et les spectateurs compagnons : Gaëlle Brynhole, responsable des relations avec les publics 01 41 60 72 74 [email protected] Les spectateurs compagnons En dehors des spectacles, la MC93 vous propose de l’accompagner tout au long de l’année en devenant des « spectateurs compagnons » de son nouveau projet. Des rencontres trimestrielles sont organisées pour entendre vos attentes, critiques et propositions sur la vie de la Maison ; des rencontres avec les artistes, des ouvertures de leurs répétitions vous sont proposées pour vous associer au processus de création. Réunion d’information Mardi 13 décembre à 19 h à Canal 93 en présence de l’équipe artistique Calendrier du projet Répétitions : 1 samedi par mois de janvier 2017 à juin 2017 Représentations : en janvier 2018 sur le grand plateau de la salle Oleg Efremov Inscription avant le 15 novembre 38 NOVA/ CLAIRE INGRID COTTANCEAU ET OLIVIER MELLANO 39 septembre, octobre, novembre, décembre... Saint-Denis Théâtre Gérard Philipe accès Tremblayen-France Théâtre Louis Aragon La Courneuve Friche industrielle Babcock Aubervilliers Canal 93 Bobigny La Commune Ancienne gare de déportation Pantin Banlieues Bleues La Dynamo Paris 18 e Théâtre Ouvert Centre national de la Danse Hamlet, variations Carte blanche Du désir d’horizons Friche industrielle Babcock Magic cinéma 2, rue du Chemin Vert 93000 Bobigny 24, bd de l’Hôtel-de-Ville 93290 Tremblay-en-France 80, rue Émile-Zola 93120 La Courneuve > RER B — Station La Courneuve-Aubervilliers 10 min depuis Gare du Nord, 15 min depuis Châtelet puis 5 min à pied (parcours fléché) > Tramway T1 — Station Hôtel-de-Ville puis 8 min à pied > Un parking est mis à disposition du public > Une navette gratuite retour vers Paris est proposée les soirs de semaine > Restauration possible sur place Magic cinéma Salle Pablo Neruda Primo Levi et Ferdinando Camon, Conversations Ancienne Gare de déportation 151, avenue Henri-Barbusse 93000 Bobigny Romainville Conservatoire Nina Simone Montreuil Nouveau Théâtre de Montreuil Les Frères Karamazov Secret (temps 2) Danse de nuit > Métro Ligne 5 — Station Bobigny Pablo-Picasso puis tramway T1 — Arrêt Escadrille-NormandieNiemen, puis remonter l'avenue Henri-Barbusse sur environ 500 mêtres. > Bus 151 — Arrêt Gare (grande ceinture) > Un parking est mis à disposition du public Early Works, Lucinda Childs (Programme A et Ouverture) Centre national de la danse 1, rue Victor Hugo 93500 Pantin Neuillysur-Marne Établissement Ville Évrard > Métro Ligne 5 — Station Hoche > RER E — Station Pantin > Bus 170 et 151 — Station Centre national de la danse > Tram T3b — Stations Delphine-Seyrig ou Ella-Fitzgerald - Grands Moulins de Pantin > Autolib' — Station 44, Place de l'Église > Restauration possible sur place Théâtre Louis Aragon > Métro Ligne 5 — Station Bobigny Pablo-Picasso > Tramway T1 — Station Bobigny Pablo-Picasso > Bus — Arrêt Bobigny Pablo-Picasso > Un parking gratuit est mis à disposition du public au centre commercial Bobigny II, niveau 0 La Commune Centre dramatique national 2, rue Édouard Poisson 93300 Aubervilliers > Métro Ligne 7 — Station Aubervilliers-PantinQuatre Chemins puis 15 min à pied ou en bus — Arrêt André-Karman > Bus 35 Gare de l’Est — Arrêt Villebois-Mareuil > Bus 150 — Arrêt André-Karman > Bus 170 — Arrêt André-Karman > Bus 173 — Arrêt Mairie d’Aubervilliers > Vélib’ — 143, rue André-Karman et 161, avenue Victor Hugo > Un parking payant est situé face à l'entrée du théâtre > Une navette gratuite retour vers Paris est proposée les soirs de semaine > Restauration possible sur place Love and Revenge Bobigny-Musique 63, avenue Jean-Jaurès 93000 Bobigny Salle Pablo Neruda Salle municipale 31, avenue du président Salvador-Allende 93000 Bobigny > Tramway T1 — Arrêt Hôtel-de-Ville - MC93 > Métro Ligne 5 — Bobigny Pablo-Picasso > Bus 134, 234, 251, 301, 322 — Arrêt Centre Commercial - Hôtel-de-Ville > Métro Ligne 5 — Station Bobigny Pablo-Picasso 10 min à pied > Tramway T1 — Station Libération > Bus 301 — Arrêt Louise-Michel Bus 322 — Arrêt Jean-Jaurès Bus 147 — Arrêt La Folie > Un parking gratuit en face de Canal 93 est mis à disposition du public > Restauration possible sur place Les Bienveillantes Nouveau théâtre de Montreuil Nous sommes de ceux qui disent non à l’ombre Centre dramatique national 10, place Jean-Jaurès 93100 Montreuil Établissement Ville-Évrard — Site principal > Métro Ligne 9 — Station Mairie de Montreuil > Bus 102, 115, 121, 129, 322 — Arrêt Mairie de Montreuil > Vélib’ — Station 27, rue Stalingrad > Autolib’ — 18, rue Franklin ou 62, rue Victor Bausse > En voiture, un parking payant au 5 bis, rue Franklin > Rer A — Station Neuilly-Plaisance puis bus 113 — Arrêt Ville Évrard > Un parking accessible à tous est situé dans l’enceinte de l’hôpital > Restauration possible sur place 202, avenue Jean-Jaurès 93330 Neuilly-sur-Marne Les récits manquants Angleterre, Angleterre Théâtre Ouvert — Centre national des dramaturgies contemporaines La Dynamo de Banlieues Bleues 4, bis cité Véron 75018 Paris > Métro Ligne 7 — Station Aubervilliers-PantinQuatre Chemins > RER E — Station Pantin puis 12 min à pied rue Édouard-Vaillant ou bus 170 et 249 > Bus 170, 249 — Arrêt Quatre CheminsÉdouard-Vaillant > Métro 2 — Station Blanche > Métro 12 — Station Pigalle > Métro 13 — Station Place de Clichy > Bus 30, 54, 74 — Arrêt Blanche Bus 68, 80, 81, 95 — Arrêt Place de Clichy > Restauration possible sur place Nkenguegi Ludwig, un roi sur la lune Le Bal masqué Théâtre Gérard Philipe 79, avenue du Président Wilson 93230 Romainville Centre dramatique national de Saint-Denis 59, bd Jules-Guesde 93200 Saint-Denis > RER D — Station Saint-Denis puis 5 min à pied (dos à la gare, suivre les rails du tramway) > Transilien Ligne H — Station Saint-Denis puis 5 min à pied (dos à la gare, suivre les rails du tramway) > Métro Ligne 13 — Station Saint-Denis Basilique, puis 8 min à pied > Tramway T1 — Station Théâtre Gérard Philipe Tramway T5 — Station Marché de Saint-Denis Tramway T8 — Station Gare de Saint-Denis > Bus 255, 256, 168 — Arrêt Eglise — Théâtre Gérard Philipe > Un parking payant est situé 6, rue des Chaumettes > Une navette gratuite retour vers Paris est proposée les soirs de semaine > Restauration possible sur place 40 > Restauration possible sur place Canal 93 La Mort de Danton 9, rue Gabrielle Josserand 93500 Pantin Amphitryon et Early Works (Programme B) > RER B — Station Vert-Galant, puis 10 min à pied > Un parking gratuit est mis à disposition du public 41 Conservatoire Nina Simone — Romainville > Métro Ligne 11 — Station — Mairie des Lilas puis bus 105 — Arrêt place du 19 mars 1962 À retrouver dans les carnets de janvier les prochains spectacles Le centre de musique de chambre de Paris Direction Jérôme Pernoo Le 22 janvier et le 7 mars Ce qui nous regarde Mise en scène Myriam Marzouki Du 24 janvier au 9 février Couscous Clan Conception Rodolphe Burger et Rachid Taha Le 27 janvier Nova Conception Claire ingrid Cottanceau et Olivier Mellano D’après Peter Handke Les 2 et 3 mars Providence Mise en scène Ludovic Lagarde Texte Olivier Cadiot Du 2 au 12 mars Je suis fait du bruit des autres La Mécanique des ombres Conception Sylvain Bouillet, Mathieu Desseigne et Lucien Reynès Les 18 et 21 mars La neuvième nuit, nous passerons la frontière Mise en scène Marcel Bozonnet Mars — Avril Sombre rivière Nicht Schlafen Chorégraphie Alain Platel Du 23 au 27 mai Interview Conception Nicolas Truong Du 29 mai au 17 juin Rencontres chorégraphiques internationales de Seine-Saint-Denis Les 8 et 9 juin Danse HipHop Tanz Moov’n Aktion Mi-juin Festival ManiFeste-2017 Ircam Les 23, 24 et 25 juin 20 - ao 1616 t #1- ao ne ûtût20 ar t #1 ne aret CC 2016 août #1 Carn ion cat bli la pu 2016 - août #1 de Carn tion la publication Direcet Direction de t aul tionmb Archa de la publica onrtense DirectiHo ault Archamb tion Directi nse de la publica Horteon bault Archam Hortense i o n Archam a t bault Horten o o r d in na t i o n C se C o o dr i d n i a ,t Ma in Sylva n n o i rio r o tth C o Ma nqual nin o lva i Sy t n a rio n , Ma nq i ual dTro r Tro oiasias o tth C Ma Matthias Tronqual, Marion Sylvain Sylvain Marion s Matthias Tronqual, e t s x e e t T x e T d, nro snrod, l Co t i, Daenie e les xAlmalv T e Co t nielAg e Almxalvi,berDa T GilGil athe s Le les d, Ag Conrod athe , Le Daniel ul i,DoDo no Almalv Gilles Jar d, ber eine del, nMa Conrod Jarnoul ry, bobo Almalv Ga Gilles deDaniel LeJea ieri,,de Agathe ry, nd Doberd Ga Tailla Jarnoul r, rrie ier Pe Le s Agathe Taillandn, çoi , Doberd ran in, n-F Jarnoul ent Jea Jean, Gabory Anne Qu Louar Taillandier r,Gabory rrie ltan, is dePe Sukel Jean, vid Franço Da de dier in, Taillan Yo n, ent Quenti Qu Anne , n, Perrier Nathalie lie n,Yokel Anne François lta Su tha David ,ssiAnne Perrier isdér er, eNaQuenti Franço Yokel ic Vo Nathali Sultan, Fré David David Sultan, Nathalie Yokel s o t o s h P soyciel ot Naucz to oh hP P ic s yciel dér o Naucz o : Frét déric h rture P Couve : Fré ciel umann re Nauczy Frédéri :rtu naud Ba ture Couve Couver é :cAr iét ann soc um Ba ciel d Mu Nauczy cAr Jeu de nau :: Frédéri ture teau é : :Vin iét Bauma Arnaud soc cent nn de de société Jeu JeuCouver ut u Sa tea and Mu t Gr nn Bauma cen Le Arnaud : : Vincen : tVin société d de ut Jeu har Sa Ric Muteau and m Gr Saut ria Grand Le My Le Les oiseaux : m Richard Muteau tria :xVincen My Saut : Grand Le Richard eau ois Myriam : s oiseaux Le Les Les oiseaux : Myriam Richard ue Graphiq Graphique Création Graphique ge CréationCréation uva Sa que Cheval Graphi n uvage Créatio Grand l eSa Cheval ChevaSauvag Grand Grand Cheval c tSauvag Grand i oe n C o r r e c t i o n nin C o rC ro e r cr te t i i o o n Ge nGe nin r anir e e c o ph C Sté Genin Stéphanie Stéphanie Genin n Stéphanie o i s s I m p r e s s ni o n I m pI rm ep s r s e si io oGr aph n apichic p r e s I m Gr Axiom Graphic Axiom Axiom c Graphi Axiom La Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis est subventionnée par la Direction régionale des affaires culturelles d’Île-de-France — ministère de la Culture et de la Communication, le conseil départemental de la Seine-Saint-Denis et la ville de Bobigny. La Fondation d’entreprise Hermès est partenaire de la Master Class 93, classe préparatoire théâtre Égalité des chances et soutient la rénovation du hall. 01 41 60 72 72 Retrouvez toute notre actualité sur MC93.COM Texte et mise en scène Lazare Du 29 mars au 6 avril PASS ILLIMITÉ Le MC93 7 € ou 10 € par mois ... pour voir tout ce que vous voulez ! avant le 31 octobre