Projet de thèse IEFU FINALx
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Projet de thèse IEFU FINALx
Projet de thèse UMR 6049 ThéMA Titre du sujet : impact écologique des formes d’urbanisation Direction : Jean-Christophe Foltête Co-encadrement : Cécile Tannier, Jean-Philippe Antoni Résumé Le projet vise à comparer différentes formes d’étalement urbain en fonction de leur impact écologique, en particulier selon leurs conséquences sur les habitats de la faune sauvage. Ce projet part du principe que la maîtrise de l’étalement urbain nécessite une meilleure connaissance des liens entre les formes d’urbanisation (ville compacte, ville fractale, etc.) et leurs externalités environnementales. L’hypothèse sous-jacente est que pour un niveau de développement donné, certaines formes d’extension urbaine permettent de mieux préserver les ressources naturelles en limitant les atteintes portées au fonctionnement des écosystèmes. La mise en application de ce projet dans des cas d’études empiriques implique un rapprochement entre deux démarches méthodologiques. La première concerne la modélisation du développement urbain par l’utilisation de modèles de simulation spatiale. Il s’agit de produire, à partir d’une situation initiale, un état de l’occupation du sol simulé résultant d’une croissance urbaine pour une certaine durée. Ces modèles sont fondés sur des règles d’urbanisation portant essentiellement sur la localisation des espaces bâtis, en interaction avec la mise en place d’infrastructures de transport ; chaque application de ces modèles représente un scénario d’évolution d’une agglomération selon certaines modalités d’aménagement. La seconde démarche méthodologique concerne les espaces considérés comme habitats pour certaines espèces animales. Les conséquences induites par chaque scénario d’urbanisation sur ces habitats seront évaluées en tenant compte des surfaces disparues ou soumises à une forte perturbation par proximité, ainsi que de la réduction de la connectivité fonctionnelle due à la perturbation des réseaux écologiques. Les méthodes fondées sur la théorie des graphes, récemment utilisées pour modéliser ces réseaux, seront mobilisées. L’enchaînement de ces deux volets méthodologiques va permettre de comparer les mérites respectifs de plusieurs scénarios de développement urbain en termes d’externalités écologiques. Plusieurs régions urbaines feront l’objet de cette analyse, chacune étant représentative d’un certain niveau d’anthropisation du territoire. Actuellement, une étude des agglomérations d’Avignon, Besançon, Lille et Strasbourg est envisagée. Cette comparaison constituera un apport de connaissances utile aux planificateurs pour orienter les politiques d’aménagement urbain vers une urbanisation durable. 2. Projet détaillé 2. 1. Contexte et problématique Dans la plupart des pays occidentaux, la maîtrise de l’étalement urbain est devenue une nécessité, compte tenu de toutes les nuisances induites par ce phénomène. Cependant, l'ouverture de nouveaux espaces à l'urbanisation peut difficilement être évitée, puisqu’en dépit du renouvellement urbain, la demande en logement induite par l’augmentation du nombre de ménages n’est pas satisfaite. La question de la consommation d'espace par l'urbanisation est donc un enjeu majeur en termes d'aménagement, sachant que la surface réellement consommée par la construction d’habitats reste souvent modeste par rapport à la surface consommée par les nouvelles infrastructures routières, auxquelles s’ajoute l'emprise spatiale également croissante des zones d'activités économiques et commerciales. Si l’étalement urbain ne peut pas être totalement évité, il est important de chercher à limiter ses conséquences négatives. Par rapport au fonctionnement des écosystèmes, ces conséquences se produisent à plusieurs niveaux d’échelle. Le premier niveau est local, par la modification directe de l’occupation du sol affectant les espaces gagnés par l’urbanisation, l’emprise des sols artificiels se faisant aux dépens des terres agricoles et des milieux semi-naturels. Le deuxième niveau concerne le voisinage des espaces urbanisés, car les activités anthropiques liées à l’urbanisation peuvent conduire à une modification de la fonction ou de la qualité des espaces environnants (pression sur le parcellaire agricole, création d’espaces récréatifs) et contribuent à perturber ces espaces par diverses pollutions ou perturbations. Enfin le troisième niveau est d’ordre régional et se réfère à la notion de réseau écologique. Les surfaces artificialisées nouvellement gagnées sur le milieu naturel peuvent créer un effet de barrière sur les flux démographiques et génétiques de certaines espèces. Sachant que la capacité de déplacement des individus est indispensable pour la survie de nombreuses espèces, le maintien de la connectivité de leur habitat s’avère donc fondamental pour la conservation de la biodiversité (Fahrig et Merriam, 1985 ; Taylor et al., 1993). Peu lisible directement, cet effet peut remettre en question la viabilité de certaines populations. La croissance des villes occasionne nécessairement une part d’étalement urbain, phénomène qui se produit aux dépens des milieux naturels et agricoles, et qui contribue à une diminution et une plus grande fragmentation des habitats de la faune sauvage. D’où une question centrale pour l'aménagement urbain : où ouvrir de nouveaux espaces à l'urbanisation de manière à réduire les effets néfastes de l'étalement urbain ? Une urbanisation durable ne devrait en effet compromettre ni la qualité écologique des espaces naturels, ni la viabilité économique des espaces agricoles, ni la qualité paysagère des espaces verts ou naturels, ni la ventilation des centres urbains, et ne pas trop augmenter les déplacements individuels motorisés. De nombreuses études ont porté sur les réponses des populations animales à la fragmentation de leur habitat et à la perte de connectivité qui en résulte. Cependant, peu de recherches ont étudié spécifiquement la relation entre les formes de l'urbanisation et la fonctionnalité des habitats faunistiques. Alberti (2005) explique ainsi qu'on ne sait pas comment une forme d'urbanisation compacte ou diffuse, monocentrique ou polycentrique, affecte différemment les conditions environnementales, ni comment les niveaux d'urbanisation, du centre urbain dense aux espaces périphériques, influencent les systèmes écologiques. Tratalos et al. (2007) ont tenté d'établir une relation entre densité, qualité environnementale et potentiel de biodiversité. Cependant leur étude n'a pas débouché sur un résultat concluant ; en revanche, elle a mis en évidence la variabilité de la qualité environnementale d'espaces urbains caractérisés par le même profil de densités. De fait, le faible transfert de connaissances entre les domaines de l'écologie et la biologie d'un côté, et de la ville et de l'urbanisme de l'autre côté, peuvent expliquer en partie la méconnaissance des relations entre formes urbaines et fonctionnements écologiques (Termorshuizen et al., 2007). Dans le cadre du projet de thèse, l’objectif est de mieux comprendre ces relations entre formes urbaines et fonctionnements écologiques. Il s’agit d’identifier les formes de développement urbain qui permettent de préserver au mieux les habitats faunistiques et leur connectivité. Cette identification passe par une mise en comparaison de plusieurs formes d’extension urbaine, permettant chacune de quantifier la diminution des habitats faunistiques potentiels et des niveaux de connectivité qu’elles induisent. 2. 2. Mise en œuvre du projet La comparaison de plusieurs formes d’étalement urbain est facilitée si l’analyse est menée dans un contexte géographique restant invariable, pour éviter toute confusion avec un effet de structure. En conséquence, la méthode choisie est fondée sur la production de différents scénarios de développement urbain par simulation spatiale à partir du tissu urbain existant. Ces simulations spatiales partent d’un état donné de l’occupation du sol et impliquent la mise en œuvre d’une série de règles explicites d’aménagement. Chaque ensemble de règles aboutit à un résultat spécifique à partir du même état initial. Simulations de scénarios de croissance urbaine Pour répondre aux problèmes de l'étalement urbain, les praticiens de l'aménagement s'appuient le plus souvent sur le modèle de la ville compacte (Dantzig et Saaty, 1973 ; Newman et Kenworthy, 1989), et son outil phare qu'est la densification des espaces bâtis. Cependant, les limites de ce modèle ont été largement discutées (Banister, 1992 ; Breheny, 1997; Burton, 2000 ; Owens, 1992) et la tendance actuelle est à la promotion d'un modèle urbain combinant une densification mesurée, au sens de "wisely compact city" (Camagni et al., 2002), et une organisation urbaine polycentrique (Davoudi, 2003). Le modèle de la ville fractale s'inscrit dans cette logique (Frankhauser, 2004). Certaines applications pour l'aménagement urbain ont testé les qualités esthétiques et paysagères de formes urbaines fractales (Cooper 2008 ; Stamps, 2002). Thomas, Tannier et Frankhauser (2008) ont par ailleurs mis en évidence une relation statistique positive entre satisfaction résidentielle et dimension fractale de l'environnement bâti. D'autres chercheurs encore ont montré, dans le cas de formes urbaines théoriques, qu'une ville fractale est plus intéressante qu'une ville compacte pour des individus qui fréquentent souvent des centres de commerces et services de proximité, mais moins souvent ceux de la ville-centre, et qui souhaitent résider à proximité d'espaces ouverts (Frankhauser et Genre-Grandpierre, 1998 ; Cavailhès et al., 2004). Concernant plus particulièrement la préservation des espaces non bâtis (naturels ou agricoles), une première analyse théorique a montré qu'une forme urbaine fractale permet d'urbaniser en minimisant la fragmentation des espaces bâtis et non bâtis (Frankhauser, 2000). Une analyse plus récente, portant sur des tissus périurbains réels, suggère que l'introduction d'une règle fractale d'urbanisation permet la préservation de zones nonbâties contiguës s'inscrivant dans la logique des trames vertes et bleues préconisées par le « Grenelle de l'Environnement » (Frankhauser et al., 2010). En conséquence, nous proposons de tester des scénarios de développement urbain suivant le modèle de la ville compacte d'une part, et de la ville fractale d'autre part. Les scénarios « ville compacte » et « ville fractale » se différencient essentiellement par deux aspects. Le premier concerne la forme des bordures urbaines, c'est-à-dire la forme du contact entre zones bâties et non bâties. Les bordures urbaines sont très nettement dessinées, lisses et rectilignes dans le cas de la ville compacte, tandis qu'elles sont sinueuses et beaucoup plus longues dans le cas de la ville fractale. La deuxième différence entre les deux modèles tient à la manière de concevoir le développement urbain. Le modèle de la ville compacte peut être implicitement traduit par des règles de densification ou de compacité du bâti, alors que la ville fractale est fondamentalement caractérisée par l'organisation multi-échelle des espaces non bâtis. Pour la création des différents scénarios, le travail pourra s’appuyer sur différents modèles de simulation de croissance urbaine basés sur des automates cellulaires (SpaCelle, CWS, Mopland, etc.) ou des systèmes multi-agents (notamment MobiSim, développé au laboratoire ThéMA ; Antoni, 2010). En outre, il pourra utiliser le logiciel MUP-City, qui permet de générer des scénarios potentiels d'urbanisation à partir d'un tissu urbain existant. Le concept de modélisation à la base de MUP-City a été développé dans le cadre de deux contrats de recherche financés par le Ministère français du développement durable, de l'écologie et de l'aménagement du territoire, dans le cadre du PREDIT 3 (Frankhauser et al. 2010 ; Tannier et al., 2010). Outre le choix d'une forme d'urbanisation (compacte ou fractale), MUP-City comporte quatre règles d'accessibilité aux commerces et services de fréquentation quotidienne ou hebdomadaire, aux espaces ouverts et au réseau routier existant. Il est également possible de définir des zones non urbanisables (zones inondables, espaces préservés...). Les scénarios créés avec MUP-City ne représenteront pas des états prédictifs précis des espaces urbains considérés, puisque seules quelques-unes des variables qui entrent en jeu dans le processus de développement urbain sont prises en compte. Cependant, ils auront une valeur comparative et permettront de tester l'impact de plusieurs modèles de ville et de différentes règles d'aménagement sur la fonctionnalité des habitats écologiques. Mesure des conséquences écologiques L’estimation des conséquences écologiques induites par différents scénarios de développement urbain est ici orientée essentiellement vers les structures d’habitat faunistique. Le recours à des données spatialisées décrivant ces structures est donc nécessaire. À partir de la définition d’un type d’habitat valable pour une espèce ou une communauté d’espèces, une cartographie peut être produite pour disposer de l’état initial. L’application d’un scénario de développement urbain conduit à modifier cet état initial. Par la comparaison entre ces deux états, l’enjeu est de quantifier : - la diminution directe de la surface d’habitat (niveau local) ; - la diminution du potentiel d’habitat, en attribuant aux sols artificialisés et aux réseaux de transport une portée spatiale de perturbation dans leur voisinage (niveau voisinage) ; - la diminution de leur niveau de connectivité à l’échelle régionale (niveau régional). Du point de vue méthodologique, les deux premiers niveaux reposent sur un usage classique des Systèmes d’Information Géographique. Le troisième niveau, qui est important puisqu’il concerne les flux de population au niveau macroscopique, implique le recours à une méthode particulière. Compte tenu des récentes avancées dans ce domaine, l’approche choisie est fondée sur l’utilisation des graphes de connectivité (Urban et Keitt, 2001 ; Fall et al., 2007 ; Saura et Pascual-Hortal, 2007 ; Minor et Urban, 2008 ; Saura et Rubio, 2010). Ces graphes correspondent à une représentation simplifiée de la structure de déplacement du groupe d’espèce liée à l’habitat choisi, sous la forme d’un réseau. Cette représentation est directement adaptée pour analyser la connectivité fonctionnelle (Calabrese et Fagan, 2004). Les graphes de connectivité permettent d’identifier les lieux les plus vulnérables sur les réseaux écologiques. Ils peuvent aussi être intégrés dans des modèles prédictifs de distribution d’une espèce. Ces capacités seront utilisées pour évaluer les conséquences des scénarios d’urbanisation sur les réseaux écologiques et sur la distribution de certaines espèces. La mise en œuvre de ces méthodes pourra bénéficier du logiciel « Graphab » actuellement développé à l’UMR ThéMA dans le cadre d’un programme de recherche en cours à la MSHE Ledoux. Sites étudiés, données et encadrement de la recherche Les agglomérations d’Avignon, Besançon, Lille et Strasbourg ont été pressenties comme sites d’étude, pour disposer d’un ensemble de cas dont le niveau d’urbanisation (et inversement de fragmentation des espaces naturels) est variable. Ce choix s’explique aussi par la présence de données ou de travaux sur d’autres programmes de recherche. L’agglomération de Besançon constitue un exemple de zone où certains habitats faunistiques sont encore relativement préservés ; parallèlement, un programme de l’appel ITTECOP du ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de la Mer (Graphab, 2009-2011) a permis plusieurs modélisations d’habitat pour des espèces sensibles dans un large périmètre autour de l’agglomération, ainsi que la présence de données d’observations des ces espèces. Des contacts sont pris pour la mise en place des mêmes types de données dans les autres agglomérations. 2.3. Résultats attendus Plusieurs types de résultats sont attendus. Il s’agit en premier lieu d’aboutir à une meilleure connaissance de l’impact des modèles urbains testés sur la fragmentation et la connectivité de certains habitats faunistiques. Cet apport de connaissance devrait aider les acteurs publics à définir des orientations pour la gestion et l'aménagement des espaces urbains et périurbains. Sur les zones d'étude, notre recherche devrait en outre permettre d'identifier de manière plus précise les espaces les plus sensibles au regard de la dynamique globale des populations animales. 3. Références bibliographiques en rapport avec le projet ALBERTI M., 2005, The effects of urban patterns on ecosystem function, International Regional Science Review, 28(2), 168-192. ANTONI J.P., 2010, MobiSim : un modèle multi-scalaire et multi-agents pour simuler les mobilités urbaines. In : ANTONI J.P., Modéliser la ville. Formes urbaines et politiques de transport, Economica, 50-77. 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