La IVème république (1946

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La IVème république (1946
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La IVème république (1946‐1958) Cours de 25 pages mis en ligne jusqu’au début juillet 2014. Mise en forme qui peut comporter des fautes de frappe !!! Introduction La IVème République, un régime à la « mauvaise réputation » (Brassens, 1953) La « mauvaise réputation » de la IVème république n’est pas nouvelle. Ce régime, l’un des plus brefs de l’histoire de France, est marqué du sceau infamant de la paralysie et de l’immobilisme, de l’échec colonial et de la confusion politique née du régime des partis. Encore aujourd’hui personne n’ose vraiment parler d’une VIème République, de peur d’être accuser de vouloir revenir à la IVème… Paradoxalement, cette IVème courte et sans saveur a généré – surtout depuis 20 ans – une quantité impressionnante de travaux historiques (cf. Biblio récente du Références qui recense 350 titres), à tel point qu’il faudrait plusieurs années pour les lire. Ces travaux ne reviennent pas généralement pas sur les faits, même si certains ont longtemps été occultés (ainsi dans le domaine colonial) ou mal interprétés (l’ « expérience » Pinay ou même celle de PMF, réduite à quelques clichés) *Ils tentent surtout de mieux évaluer la IVème dans une continuité républicaine (de la IIIème avant elle puis de la Vème après elle, sans y voir une « parenthèse » comme l’ont présenté les gaullistes mais aussi bon nombre d’historiens défenseurs plus ou moins avoués du système politique de la Vème), mais en relevant son originalité profonde, qui la distingue des autres républiques. Rien que l’étude de sa Constitution (et de son préambule) suffit à se convaincre des potentialités de cette République (cf. Dossier : lire le beau préambule) Mais certainement aussi cette République a t‐elle mal ou insuffisamment exploité ses talents politiques : de toute évidence, les talents ne manquent pas, mais ils peinent à travailler dans la durée ministérielle ou gouvernementale.(voir dossier) Le cas du brillant PMF (cf. photo dossier) est exemplaire : son gouvernement a duré de juin 1954 à février 1955, une durée insuffisante pour un véritable ancrage politique du « mendésisme », dont les lignes de force sont pourtant originales et reconnues même par ses adversaires politiques, de Gaulle en tête. *Les travaux récents tentent aussi de réévaluer l’apport économique et social de la IVème (celui d’une « rénovation », dans le contexte pourtant difficile de la reconstruction, avec des réforme de structure qui ont largement modelé la société française du second XXème. Les Trente Glorieuses commencent dans les années 50 et non dans les très gaulliennes années 60. I/ Une identité introuvable ? A. Une période chronologique courte, sans véritable identité Revenons un instant sur la durée : quand débute la IVème ? Quand finit‐elle ? 2
On commet des approximations fréquentes, mais qui s’expliquent par le fait qu’il existe au fond selon R.Rémond une « courte IVème » et une « longue IVème ». La courte débuterait à la mi‐janvier 1947, à partir de la mise en place des institutions (l’élection de Vincent Auriol à la présidence de la République) et se terminerait au printemps 1958, avec le retour au pouvoir du général de Gaulle, qui marque, du 13 mai au 1er juin, la mort clinique de la république, et cela en dépit du maintien formel de ses institutions. La longue IVème est celle qui naît dans la douleur en 1945/1946 après d’âpres débats et plusieurs consultations – et d’abord celle du 21 octobre 1945 avec le référendum constitutionnel – le OUI à une Assemblée constituante prononce la mort de la IIIème et qui se termine dans les premiers jours de 1959, lors de l’installation du nouveau locataire de l’Elysée. Cela fait donc selon les calendriers entre 12 et 15 ans...durée moins courte que la Seconde République (4 ans), mais assez courte que le terme ahistorique de « parenthèse » a pu être maladroitement employé. Il est en tous cas bien difficile de découper cette période en tranches chronologiques. (P.Cauchy, la IVème (QSJ) A «La France libérée (1944‐1946)» succède «La République paradoxale (1946‐
1951)», puis «La République des compromis 1951‐1955», et enfin «La République sans forces (1956‐1958)».) Il fut longtemps évident de considérer 1954 comme un « tournant » dans l’histoire de la IVème , avec l’insurrection algérienne et surtout le gouvernement PMF, mais ni l’un ni l’autre ne sont des ruptures : la Toussaint rouge a des racines assez anciennes et PMF n’a guère eu le loisir de changer en profondeur la politique, même si les contemporains ont eu le sentiment d’un déblocage, d’une accélération...Le sursaut a été bref, trop bref pour corriger et sauver un régime fragile. En saluant « la vigueur, l’ardeur et la valeur » du président du conseil, Ch.de Gaulle ajoutait qu’il finirait de toute façon victime du système... B. Une période fortement marquée par la Libération La IVème accouche certes dans la douleur mais dans un atmosphère d’unité nationale rarement égalée, du moins en 1945‐1946, jusqu’au printemps 1947 dans une période que l’on peut appeler Libération, au sens large . Il n’est pas faux en effet de parler de plusieurs libérations en même temps : libération du territoire libération des prisonniers et des déportés (non sans douleur, on l’imagine), libération politique à travers le retour de la souveraineté nationale (le GPRF le 3 juin 44 évite à la France l’humiliation de l’AMGOT, libération politique également à travers le vote des femmes retour aussi du libéralisme économique, en dépit des orientations planistes et dirigistes du CNR. Une libération largement fêtée, dans une sorte « d’explosion populaire », d’euphorie libératrice, d’élan collectif, qui retombe certes assez vite, mais qui laisse des traces dans la mémoire collective. 3
Le gal de Gaulle a réussi l’improbable, faire comme si la France avait gagné la guerre et s’était libérée du joug nazi avec l’aide des Alliés. Le transfert à Paris le 9 sept 1944 du GPRF présidé par de Gaulle consacre en effet la victoire totale du chef historique de la résistance. Il est le rassembleur et il se donne comme tâches prioritaires de redonner à la France son rang international, d’instaurer un ordre républicain dans la France libérée. Tâche immense en raison de la désorganisation partielle de l’Etat, qu’il mène à bien en déléguant les pouvoirs aux commissaires de la république, en remettant en place l’administration (souvent avant toute épuration, quitte à garder des fonctionnaires de Vichy), en faisant des voyages triomphaux en France et en imposant au PCF la dissolution de ses milices (28 oct 44) qui faisaient courir selon lui un risque à la République La guerre civile qui menaçait, entre les risques de coup d’état communiste et une épuration parfois incontrôlée s’éloigne. Il n’y aura pas de guerre civile dans la France de 1945 comme il y en eut dans la France de 1871. Tous les Français n’ont pas été collabos, tous n’ont pas été résistants non plus, mais tous ou presque ont recouvré la liberté, une minorité a été jugée pour faits de collaboration. 2. Une épuration relativement modérée En effet, l’épuration s’est rapidement judiciarisée, après une période de chaos et 125 000 jugements ont été prononcés par les cours de justice ‐ 1536 condamnations à mort exécutées (dont Laval) et 1303 grâces (commuées en prison à vie ou travaux forcés) ‐ condamnations à mort par contumace: 3910 ‐ condamnations à lʹemprisonnement: 38 266 ‐ indignité nationale: 49 723 (perte des droits civiques) Les tribunaux sont très sévères en 1945 et le sont beaucoup moins en 1946 : l’unité nationale est aussi à ce prix. Des lois d’amnistie mettent fin à la plupart des peines d’emprisonnement ou d’indignité nationale, en 1951 puis 1953, et le dernier prisonnier sort de prison en 1964. mais il faut tout de même éviter de croire au mythe de la clémence, sous prétexte d’une épuration très limitée dans les milieux économiques et des affaires, dans les milieux ecclésiastiques et dans les milieux artistiques et littéraires. *On épure sur des critères surtout collaborationnistes (par exemple avoir obéi à des ordres de la Gestapo ou avoir porté l’uniforme SS) et non sur des critères d’autonomie de décision (Vichy au fond couvre tout, notamment Pétain et Laval, qui sont condamnés mort en 1945), encore moins sur des critères d’antisémitisme On épure aussi, pour satisfaire les communistes qui ont payé un lourd tribut humain dans la résistance, et donc sur des critères d’anti‐communisme. La chasse aux juifs, la déportation et le génocide passe un peu au second plan des chefs d’accusation, ce qui peut nous choquer aujourd’hui. Il vaut bien mieux en 1945 être accusé d’avoir fait 4
arrêter ou déporter des Juifs (c’est d’ailleurs rare comme accusation !) que des Communistes et/ou des résistants. Le CGQJ est ainsi peu épuré, ce qui est un comble. * Lʹépuration administrative a été importante, au contraire de ce que laisserait croire le procès Papon. Les secteurs les plus touchés sont lʹIntérieur (la police) lié à la répression des patriotes, lʹInformation qui laisse des traces écrites, les Anciens combattants, les Colonies, lʹarmée. Divers moyens concourent aussi à éliminer les fonctionnaires indésirables: suppression de services, licenciements dʹagents contractuels. Lʹordonnance du 7 janvier 1944 facilite une discrète mise à la retraite dʹagents ayant quinze années de services. Un examen rigoureux des archives de deux ministères ‐ Enseignement et PTT ‐ est achevé. Il révèle une épuration plus importante quʹon ne lʹimaginait. On parlait de 16 000 sanctions. En fait, 28 000 fonctionnaires ont été sanctionnés dont 14 000 sont révoqués ou mis à la retraite. Plus sʹélève le niveau hiérarchique, plus les épurés sont nombreux. C. Une période sans véritable renouvellement générationnel De Gaulle incarne t‐il alors une nouvelle génération politique ? Y a‐t‐il une « génération de la IVème » ? ‐ voir déjà le GPRF en nov 45 : pas des petits jeunes Nous sommes au fond avec la IVème République assez loin d’un « temps générationnel », non en raison de la seule courte durée (ce n’est pas un critère suffisant, car il existe bien a contrario une « génération de la résistance ») mais aussi de l’absence de véritable identité culturelle et politique propre à cette période. Il n’y a pas vraiment de « génération IVème république » et si l’on identifie souvent une « génération de la guerre d’Algérie », elle porte aussi et même surtout sur la période 1958‐62. Et il n’existe pas de « génération de l’Indochine » en raison de l’engagement de l’armée de métier et du faible intérêt de l’opinion pour cette guerre (sauf en 1954, lors du désastre de Dien Bien Phu) En réalité, les hommes de la IVème sont bien souvent des « hommes du passé », au sens d’avant la guerre, même si certains se sont illustrés dans la résistance. La génération de la résistance y a certes pris sa place, mais pas toute la place. Que penser ainsi de Blum (né en 1872), de Herriot (1872 aussi), siècle ? Le président Auriol n’est pas non plus un jeunot (né en 1884) pas plus que son successeur Coty (1882) et les présidents du conseil Ramadier (1888), Queuille (1884) ou Pinay (1891) non plus ! Et même G.Bidault (qui né en 1899). Tous sont nés au 19ème, certains même aux tous débuts de la IIIème ! Il existe certes une plus jeune génération politique, ainsi Schuman, Mitterrand, Edgar Faure ou Mendès France, mais elle a eu finalement peu eu le temps de faire ses preuves sous la IVème république. Ou alors, elle a du subir un opprobre durable et tout de même très exagéré, ainsi le pauvre Guy Mollet, leader de la SFIO, certes peu charismatique et embourbé dans la guerre d’Algérie, affaibli par l’Affaire de Suez, mais qui ne mérite tout de même pas qu’on cristallise sur son nom toutes les carences de la IVème ! 5
Quant à l’esprit de la résistance, il résiste mal si l’on ose l’expression, au jeu des partis et c’est au fond de Gaulle qui continue à l’incarner à sa manière tout seul ou à travers le RPF ou dans un registre différent le PCF, qui s’autoproclame le « parti des fusillés » ou même « le parti des 75 000 ou 100000 fusillés ». (ce chiffre record vient qu’ il y eut en métropole pendant la guerre environ 100 000 victimes civiles, sans compter les déportés (150 000, dont 72 000 juifs). Bien entendu toutes n’étaient pas communistes…mais le slogan était fort et efficace. Le MRP (Mouvement Républicain Populaire) est certes une nouvelle formation, née en nov 44 sous l’impulsion de Bidault, et traduisant bien le christianisme social issu de la résistance, mais elle ne résistera vraiment pas au retour de de Gaulle et va se dissoudre progressivement dans un « centre » mou dont Lecanuet a été la figure de proue dans les années 1960. Il est d’ailleurs symptomatique qu’en 1952, on aille chercher un homme déjà mûr sinon âgé (il a 61 ans, mais en 1952 c’est âgé), Antoine Pinay, et qui plus est de la droite conservatrice libérale (le CNIP), et qui ne fut en rien un résistant (il fut nommé au Conseil National de Vichy, institution créée en 1941). Volonté de tourner la page ? Pas vraiment, plutôt un vieux retour des tendances françaises à se chercher des hommes providentiels, des sauveurs à la Poincaré sinon à la Pétain. La situation n’est certes pas celle des années 30, mais on ne sait alors trop comment juguler l’inflation et les déficits qui se creusent…et il n’est évidemment pas question de rappeler un de Gaulle, dont le RPF est en chute libre et qui n’aurait de toute façon pas accepté. La crise n’est pas encore mûre pour paraphraser Lénine et un peu plus de 5 ans après, c’est bien de Gaulle qui apparaît comme le sauveur espéré du bourbier algérien...et qui juste retour des choses fait appel à Pinay (dès juin 1958) pour occuper le poste de ministre des Finances jusqu’en janvier 1960. II. Les apports institutionnels et la volonté d’innovation A. Sur le plan institutionnel, la Constitution de la IVème procède de la volonté de faire du neuf par une double réaction contre le passé : elle entend prendre le contre‐pied de l’expérience autoritaire du gouvernement de Vichy à qui elle reproche – justement – d’avoir été un déni de démocratie. Mais elle s’inscrit aussi, non pas dans la continuité de la IIIème (et encore moins de la IIIème finissante des années 30, à laquelle est fait grief d’avoir été au fond insuffisamment démocratique sans pour autant parvenir à gouverner efficacement. Les solutions Daladier puis Pétain montrent bien, selon les Constituants, que le déficit exécutif de la IIIème a conduit à des solutions anti‐
démocratiques, faute d’un exécutif stable et fort. Donc, contrairement aux idées reçues, le projet de la IVème république va nettement dans le sens d’une séparation des pouvoirs qui implique certes la prépondérance de l’Assemblée élue, mais aussi d’un président du conseil que l’on veut désormais fort et 6
capable de traverser les crises. Alors qu’est‐ce qui a bloqué et qui sera corrigé par la Vème République ? *Un cadre trop rigide (on l’a déjà évoqué), la Vème République sera plus souple de ce point de vue avec une révision fondamentale dès 1962. *Une Assemblée Nationale dont le mode de scrutin à représentation proportionnelle dans le cadre départemental a vite abouti à la dispersion des listes et des votes et obligé les politiques a créer un système opaque et compliqué, celui des apparentements (1951) Cette assemblée a d’autre part pris trop de pouvoir selon PMF : « Sous la IVème République, il nʹy avait, en réalité, quʹun pouvoir : lʹAssemblée ; le Gouvernement nʹexistait plus, il était dominé, écrasé, phagocyté par le Parlement ». PMF (1974). La Vème corrigera évidement ce problème. * L’autre chambre, le Conseil de la République, élu au suffrage indirect à partir de 1948, n’est qu’une chambre de réflexion consultative. Elle ne devient un véritable organe législatif qu’en déc 1954 avec la révision constitutionnelle, qui lui donne le pouvoir de voter la loi et non un pouvoir consultatif. Le Sénat de la Vème participera pleinement au travail législatif. * Le président du conseil dirige et forme le conseil des ministres et veille à l’exécution des lois. Logiquement, il devrait être l’émanation d’une majorité de soutien cohérente et durable, mais ce n’est jamais le cas. En fait, il faudrait distinguer deux problèmes concernant le rôle du pdt du conseil (que la Vème République transforme en PM) A/ Le président du conseil manque d’autonomie par rapport au parlement en raison de la dérive de certaines pratiques : ‐ le système de la double investiture : elle doit avoir lieu normalement à la majorité absolue. Or, Ramadier, premier Président du Conseil nommé sous la IVème République accepte après avoir été investi le 21 janvier 1947 de revenir une seconde fois devant lʹAssemblée nationale pour répondre à des interpellations concernant la composition de son Gouvernement. Dès lors va se développer la pratique de ce quʹon appelle la ʺdouble investitureʺ, rendu illégale en 1954 (une seul investiture à la majorité relative) mais cela ne changea rien. ‐ la question de confiance devrait être exceptionnelle. Mais, dans la pratique, il y a inflation de questions de confiance et certaines sont rejetées à la majorité relative (ce qui oblige le gouvernement à démissionner, mais qui empêche le pdt du conseil de dissoudre car il faut la majorité absolue). Inversement la motion de censure (qui devrait être la bonne procédure) n’entraîne pas dans la pratique la démission du gouvernement. ‐ la réapparition des interpellations: les interpellations interdites par la Constitution de 1946 réapparurent très vite. Elles avaient lʹavantage pour les députés de leur permettre de renverser le Gouvernement à la majorité relative (ou des suffrages exprimés). C’est anticonstitutionnel mais cela passe quand même. 7
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dissolution rarissime. le 2 décembre 1955 faite par E. Faure (la dernière était celle du 25 juin 1877) après un renversement à la majorité absolue. ‐ utilisation de moyens bien peu constitutionnels pour gouverner, ainsi en contradiction avec l’art 13, réapparaissent les décrets‐lois en 1953. B/ Le président du conseil est la victime du système des alliances, qui rend impossible un système de bipartisme ou du moins de majorité stable. La majorité ne peut se trouver qu’au centre et la défaillance d’un groupe politique entraîne une démission du pdt du conseil. ex Pinay en déc 52 constatant la défaillance des MRP. Cela crée de dramatiques vides : Par exemple lorsque éclate lʹinsurrection dʹAlger le 13 mai 1958, la France nʹa pas de Gouvernement, elle investit ce jour‐ là Pierre Pflimin après près d’un mois de vacance du pouvoir. Voilà près dʹun mois que le Président du Conseil F. Gaillard a démissionné. * Le président de la République nʹest quʹune magistrature dʹinfluence sans réelle légitimité. C’est tout ce que la Vème voudra changer. Rappelons que tous les actes du Président de la République doivent être contresignés par le Président du Conseil et les ministres responsables. Cʹest pourquoi, il ne peut prendre aucune initiative sauf en ce qui concerne la désignation du Président du Conseil (compétence non soumise à contreseing). Dans ce seul secteur, le Président en cas de crise Gouvernementale, conservait un réel pouvoir. Le comble du ridicule sembla atteint lors de l’élection de René Coty en 1953... après 13 tours de scrutin. C’est même à se demander si le brave Coty n’est pas à lui seul une caricature du régime et de son obsolescence sinon de ses contradictions profondes. Est‐ce si simple ? Coty a 71 ans, il est un ancien combattant de 14‐18, mais il a toujours eu avant‐
guerre des positions parlementaires centristes, qui le rendent hostile au Front Populaire. Il vote les pleins pouvoirs à Pétain en 1940, ne devient pas résistant mais il est hostile à partir de 1943 au régime. En 1953, ce sénateur pépère (conseiller de la République) est parfaitement inconnu du public, mais il a un avantage : il n’a pas de vrais ennemis, ni à droite ni à gauche et a eu la bonne idée en 1952 de ne pas prendre position dans la querelle de la CED. Pourtant, là aussi, la IVème république est pleine de contradictions. Coty a laissé ensuite une image terne et sans relief, alors qu’il a pleinement joué de ses prérogatives, même limitées. C’est lui qui à titre personnel qui préfère choisir Mollet et non PMF en 1956. De même, il a été beaucoup plus populaire qu’on ne l’a dit (de Gaulle l’a éclipsé) : par sa simplicité et sa bonhomie, il apparaît aux yeux de l’opinion comme un homme de mesure et de sagesse. C/ Les partis ou du moins leur équilibre, tant vilipendés par de Gaulle n’ont pas grand chose en commun avec ceux de la IIIème. Le PCF est désormais très puissant (le 1er parti de France) : 28,5 % des voix et 174 députés en nov 1946 et encore 25,3% et 150 députés en 1956. Il y a aussi de nouvelles forces : le RPF, le MRP et les « vieux » partis (en dehors de la SFIO) connaissent un sérieux toilettage :ainsi les radicaux sous la houlette de PMF entre 1955 et 1957. Et la plupart n’ont pas dans leur vocabulaire politique les slogans poincaristes de 8
l’équilibre et de la stabilité (hors peut‐être le petit CNIP de Pinay et encore...) : il est question de croissance, d’expansion, de modernité, de changement. B.La volonté d’innovation Rappel de l’ampleur des destructions en 1945‐47, ville détruites à 90%, infrastructures, pénuries générales etc. Vie quotidienne parfois plus dure en 1945‐47 qu’en 1942‐43. Pb du logement central : pas résolu encore en 1954 : appel de l’abbé Pierre lors de l’hiver 1954. Nombreux sans logis ou logis précaires alors qu’ils travaillent et ont un emploi. / Réformes de structure L’innovation de la République n’est pas seulement institutionnelle, elle est globale et s’inspire très largement du CNR, dans un esprit qui rappelle un peu celui de la IIIème République des années 1880 En fait, tout comme 1880 voulait rompre à la fois avec le Second Empire et la République des Ducs, 1946 veut rompre avec les immobilismes d’avant 1939, avec les errances de Vichy et en cela les hommes de la IVème ont le soutien d’une opinion publique largement prête à accepter de grands changements structurels. La rupture des années 1945‐47 ne fait guère de doute, notamment en matière économique et sociale. On répudie, des gaullistes aux communistes, en passant par les Démocrates chrétiens, l’orthodoxie libérale pour adopter des orientations nettement keynésiennes : avec la planification (relativement souple, certes) d’un Etat qui fixe les orientations et conçoit l’intérêt général, aidé en cela par une haute fonction publique rénovée (on crée l’ENA en juin 45 pour cela). Seul l’Etat est en mesure de relever les ruines, répartir la pénurie, subvenir aux investissements lourds et lancer les grands chantiers, tel est le point de vue largement partagé en 19451947. dans la bataille de la production (mot d’ordre du PCF dès 1944)Les grandes nationalisations décidées par le GPRF sont maintenues sinon renforcées par la IVème. Si elles manquent de cohérence, il et il est significatif que certaines « tiennent » toujours plus de 60 ans après, mais il est vrai de plus en plus difficilement (ainsi EDF). Sont ainsi nationalisés les houillères et la plupart des mines, l’électricité et le gaz, la marine marchande, les usines Renault, l’ aéronautique (Snecma) et le transport aérien, les banques de dépôt (LCL, Société générale) et la Banque de France, les assurances De même, l’Etat‐Providence se fait le garant de la sécurité sociale pour tous les salariés, ainsi que l’initiateur des caisses d’assurances sociales, d’allocations familiales, de caisses de retraites. Le système a largement résisté à l’épreuve du temps et des changements de régime et de conjoncture économique. En tout cas il n’est en rien remis en cause par l Vème République Bien entendu, cette démocratie sociale a des limites et on est loin du Welfare State britannique des années 47‐51, lui authentiquement socialiste. A partir de 1947, la Troisième Force adopte une politique centriste, ce qui lui vaut les haines des gaullistes comme des communistes. De fait, un certain nombre de réformes ne sont pas vraiment poussées au bout de leur logique égalitaire. Ainsi, le plan Langevin‐Wallon de 1947 ne débouche pas sur une véritable réforme de l’école de 9
la IIIème République. Le Plan propose en effet un véritable collège unique jusqu’à 18 ans avec une scolarité obligatoire et un tronc commun de connaissances pour tous. En réalité, la IIIème force va s’enliser dans une querelle bien française sur la laïcité, à travers le financement de l’école privée, qui empoisonne la coalition de 1947 à 1951 et est l’un des thèmes de la campagne de 1951. Finalement en 1951, les lois Marie et Barangé permettent un soutien financier modeste de l’Etat pour la rénovation des écoles privées mais il n’y a ni nationalisation de toute l’éducation nationale ni engagement massif de l’Etat pour la rénovation du secteur dit libre. Autre raison, notamment de la part des communistes et de gaullistes de s’en prendre à la République libérale de la IIIème F, ce que certains dénoncent comme une américanisation de la société française. Jacques Tati en a donné une version humoristique dans Jour de Fête (1949). Cette « américanisation » donne lieu dès 1946 à des polémique violentes, ainsi lors des accords Blum Byrnes de mai 1946 qui ouvrent la France aux capitaux américains (presque 1 milliard de dollars de prêts) ainsi qu’aux films américains. Il est aussi question de l’application en France des méthodes de gestion et de production américaine. Le Plan Marshall en effet a permis l’envoi de nombreuses missions d’études aux USA. Tati met en scène l’irruption du modèle socioéconomique américain dans un paisible village de l’Indre (Sainte Sévère) . Film sur les mutations sociales de la fin des années 40 et du début des années 50 C/Dynamiques sociales et économiques 1. la Vitalité démographique Après 70 années de déclin, la population connaît un rajeunissement amorcé en 1942 et qui s’accentue surtout après 1946 (le vrai baby boom selon Sirinelli). Le retournement de tendance est spectaculaire, et il a aussi une dimension psychologique après la Libération + politique sociale de l’après guerre (sécu, allocations familiales etc). Le fait de mettre au monde après 1945 s’inscrit dans un contexte d’espoir en l’avenir (de renaissance !). le bonheur est dans le berceau. Hymne à la joie familiale que l’on peut aussi écouter sur les ondes radiophoniques sous la IVème : Mam maman de Mick Micheyl, Oh mon Papa de Suzy Delair, Maman la plus belle du monde de Tino Rossi, Papa aime maman de G.Guétary Mais il n’est pas spécifiquement français : il se produit en Europe occidentale et en Amérique du Nord. J‐F Sirinelli dans Les baby boomers parle d’une « montée de sève » et d’un « coup de jeune » 247 000 mariages en 1938 517 000 en 1946 612 000 naissances en 1938 844 000 en 1946, 869 000 en 1949 (record absolu, et cela l’année de la sortie du livre de S.de Beauvoir !) et le taux se stabilise à 21 pour mille entre 1946 et 50 et 19 pour mille de 1951 à 1956, avec toujours plus de 800000 naissances/an La génération nombreuse du baby boom aura donc 20 ans entre 1965 et 1968, en plein cœur des Trente Glorieuses et constitue aussi celle du Papy Boom du XXIème siècle. 10
Le recul de la mortalité est encore plus spectaculaire ! Tx passe de 16 pour mille avant guerre à 13 pour mille entre 1946 et 1950, puis 12 pour mille à la fin de la IVème république. Toutefois, les taux de mortalité infantile restent très élevés à la fin de la guerre et à la Libération (11,3% en 1945 !) L’espérance de vie gagne 10 ans en 15 ans : c’est du jamais vu dans l’histoire ! (55,9‐
61,6 en 1938 – 65‐71,2 vers 1955. De fait, la population française gagne près de 5 millions d’habitants durant la IVème république, sans apport d’immigrants étrangers. Les hommes politiques, dès 1945 ont un discours ouvertement nataliste. De Gaulle appelle de ses vœux la naissance dans les dix ans à venir de « 12 million de beaux bébés » (il faudra en fait 12 ans pour en avoir 10 millions). De même, en dépit du sursaut démographique, les décideurs sont convaincus qu’il faut ouvrir les flux migratoires, à travers l’Office National d’immigration, créé le 2 nov 1945. Le code de la nationalité (19 oct 45) est assez souple, étendant les cas d’acquisition et d’attribution de la nationalité française : tout enfant né de mère française est français, une femme étrangère peut être française si elle épouse un Français et inversement (égalité des droits). Le chiffre de naturalisation atteint plus de 80 000 en 1947, ess des Italiens, les Polonais, des Espagnols… Quant à la pop étrangère, elle augmente peu entre 1946‐56, où le marché du travail est encore assez étroit. Pop stagne de 1946 à 1954 (autour de 1 750 000) et la plupart des nouveaux arrivants sont italiens, mais aussi algériens (avec les facilités de circulation vers la métropole). Les Algériens de souche (musulmans) sont en fait des « immigrés » avant la décolonisation, puisque si l’Algérie est française, la plupart des Algériens n’ont pas la nationalité française. Toutefois, la croissance économique des années 54‐58 et l’envoi du contingent en Algérie (jusqu’à 500000 jeunes français, souvent peu qualifiés) provoquent un appel de migrants, aisément régularisés par l’ONI (taux de régularisation autour de 30%) et venant de pays très divers. 2. Le début de la « fin des paysans » (H.Mendras, 1967) 1945 : Farrebique ou les quatre saisons de G.Rouquier, film sur une ferme de l’Aveyron ; Paul Antier crée le Parti Paysan d’union sociale ; Union Laitière de Normandie (Elle & Vire) 1946 : Loi Tanguy‐Prigent ; fondation de la FNSEA ; le géographe A.Demangeon évoque « l’hérédité paysanne de la France » ; 73% des fils d’agriculteurs quittent l’école à 14 ans. 1949 : La France compte 95 000 tracteurs 1951 : Centre National des Indépendants et Paysans (CNIP) ; ouverture du premier « gîte rural », subventionné par le ministère de l’Agriculture 1954 : les paysans représentent 26,7% de la population active ; Mendès France s’attaque aux bouilleurs de crus et à certains lobbys agricoles ; l’INRA met au point des maïs hybrides 1955 : la JAC revendique 440 000 adhérents, elle parle de « Motorisation et avenir rural » 1956 : Adhésion du CNJA à la FNSEA ; Poujade défend notamment les «petits paysans » ; René Dumont, dans Voyages en France d’un agronome parle de « surpeuplement rural » 1957 : le Traité de Rome prévoit l’élaboration d’une politique agricole commune (PAC) Le monde rural de l’immédiat après‐guerre est le même que celui des années 30 (cf. Farrebique en 1947 de Georges Rouquier) et les innovations sont rares (cf Monsieur Hulot dans Jour de Fête et sa tournée à l’Américaine (1947) En 1945, les paysans 11
représentent encore près de 30% de la population active Et il faut dire que le cadre de vie n’a souvent pas bougé depuis des décennies (cf. Farrebique) : en 1946, + de 80% des maisons rurales ne possèdent pas l’eau courante, 96% n’ont pas le tout à l’égout, 2 logements sur 3 n’ont pas de WC, 17% n’ont pas d’électricité (et ceux qui l’ont l’utilisent parcimonieusement – une ou deux ampoules à peu de Watts) Le mot même de « paysan » renvoie à une réalité sociale quasi féodale (paysan/seigneur).. Tout au plus fait‐on la distinction entre le paysan propriétaire (même petit, qui cultive sa terre ou traie ses vaches) et le fermier/métayer qui loue la terre (mais il est tout de même un paysan) et surtout avec l’ouvrier agricole et le domestique, qui relèvent d’un sous‐prolétariat rural peu considéré (mais « paysan » par nature). Toute la littérature « rurale » sinon ruraliste, qu’elle soit littéraire, politique, syndicale, géographique, cinématographique, se satisfait du mot « paysan ». A partir des années 1950, le mot de « paysan » devient pourtant plus péjoratif (=cul‐terreux) et « ringard ». Les comiques s’en amusent (Fernand Raynaud, lui‐même de souche auvergnate fait rire avec son « j’suis qu’un pauv’paysan », qu’il profère l’air ahuri). Tout change surtout à partir de 1950 et l’exode rural est un des grands phénomènes sociaux de l’après‐guerre. Actifs agricoles + de 4 million en 46 (35% des actifs), tombe à 3,5 millions en 1954 et passe en dessous de 3 millions au début de la Vème République. Rester à la campagne devient un signe d’archaïsme, même si celles‐ci se modernisent. On commence dans les statistiques de l’INSEE à préférer le mot « agriculteur » ou « cultivateur » (le mot préféré des sondages sous la IVème République), maraîcher, exploitant‐agricole, éleveur, en bref des dénominations plus économico‐statistiques et « modernes ». De plus, le « nouveau paysan » se définit de moins en moins comme une « classe populaire », mais de plus en plus comme une variante rurale des classes moyennes, les plus aisés devenant des notables et des entrepreneurs. En 1947, un sondage montre que 68% des paysans se reconnaissent, non dans une « classe pauvre », mais une « classe moyenne », certes à divers niveaux de richesse, mais l’évolution des mentalités est décisive. Mais la modernisation n’arrive pas partout et rester sur place devient intenable pour beaucoup de petits producteurs/exploitants/éleveurs, incapables d’acheter des machines , des tracteurs ou d’étendre leur exploitation , d’autant que les prix agricoles croissent moins vite que les prix industriels. Les enjeux politiques sont ceux du réaménagement du territoire (ZUP, ZAC, ZAD, DATAR, POS…) et des impératifs de modernisation qui nourrissent les inquiétudes paysannes. Lorsque PMF s’attaque à certains lobbies en 1954/55 (les bouilleurs de cru), il en paie vite le prix politique de l’impopularité dans le monde rural. En dépit de leur baisse numérique, les paysans demeurent une force politique qui compte et qui se structure dans ses puissantes organisations syndicales comme la FNSEA, crée en 1945. Et en 1956, Poujade rassemble dans la grogne antifiscale tous les petits, les petits paysans, artisans et commerçants 12
3. Une autre grand dynamique est celle de la féminisation du travail dans certains secteurs d’activité (Cf Christine Bard dans ses livres) et la formation d’une classe ouvrière homogène et stable La féminisation du travail est assez stable sous la IVème république, autour de 6,6 millions de femmes actives (sur près de 20 millions d’actifs), le taux d’activité est donc autour de 30% (il baisse même légèrement de 1945 à 1955 car la forte natalité provoque souvent un retour de la femme au foyer – ou son maintien‐ ce que d’ailleurs renforce les publicités de l’époque). Les syndicats sont d’ailleurs divisés à ce sujet : la CFTC est familialiste » et défend le principe de l’allocation de salaire unique, alors que la CGT défend le droit au travail des femmes et l’égalité des salaires, militant pour la création de crèches et de garderies. C’est en partie dans le secteur industriel mais surtout dans le secteur des services q’ua lieu cette féminisation. Les femmes investissent notamment les nouvelle usines d’électricité, d’appareils ménagers sont ainsi presque entièrement féminines, ainsi Moulinex à Alençon, la SFRE (Française radio Electrique) à Levallois‐Perret, où les salaires d’OS sont un peu plus élevés. Mais elles sont encore très nombreuses dans le textile comme OS, souvent au travail dès 14‐15 ans dès la fin de la scolarité obligatoire. Dans le secteur tertiaire, la féminisation est quasi‐totale dans le secrétariat, forte dans les postes et les télécom et elle se renforce dans l’éducation nationale, mais pas dans le secondaire avant les années 60. (à noter que l’école non plus n’est pas mixte avant les années 60). En revanche, les bastions masculins demeurent peu féminisés : l’ENA est mixte mais peu féminisée (entre 1 et 5%), X n’est pas mixte (pas de femmes), pas plus d’ailleurs que les agrégations ou les écoles normales supérieures, séparées. La magistrature est ouverte aux femmes en 1946 Quant aux ouvriers en général, il sont d’un certaine façon un groupe stable et assez homogène dans les années 40‐50 (6 millions d’ouvriers après la guerre, 6,5 millions en 1954), dont la conscience de classe est très forte et renforcée par les grèves de 1947. (la CGT compte alors 4 M d’adhérents, aujourd’hui 700000, le PCF 800 000 revendiqués contre 100 000 aujourd’hui) Une mutation du monde ouvrier commence dans les années 50 en raison de l’éclatement des conditions ouvrières et aussi du travail ouvrier. Beaucoup d’employés, d’agents SNCF ou des PTT, des manutentionnaires, magasiniers, vendeuses ont des conditions de travail, des salaires, des modes de vie qui les rapprochent du monde ouvrier de l’usine. Au sein de l’usine ou de l’atelier, le sociologue Serge Mallet (1963) voit l’émergence de la « nouvelle clase ouvrière », segmentée selon la qualification en OS (manœuvres), OQ ou OP (ayant un CAP). En dépit de la mécanisation du travail, les OS croissent, et représentent dans les années 50 plus de 40% des ouvriers (57% en 1970 : ce sont majoritairement les paysans, les femmes, les immigrés. qui deviennent OS 13
4. Le frémissement de la consommation et les résistances à la société de consommation de masse Il faut mesurer la distorsion encore entre l’effort industriel massif (industrie, mines, infrastructures comme d’immenses barrages, des centrales électriques, des ponts), les grandes reconstructions urbaines (ainsi les villes normandes comme Cane, le Havre, Rouen, Saint Lô ) et les réalité quotidiennes vécues, dans les années 40 et même 50. La France des années 1945‐48 ? Rappelons‐le vit dans la pénurie sinon la misère. En 1948 s’ouvre le salon des Arts ménagers au Grand Palais, il attire beaucoup de monde mais les objets présentés sont incessibles. Dans un registre un peu différent, on se presse en 1946 au Grand Palais à l’explosion des techniques américaines de l’habitat et de l’urbanisme : les maisons en kit, vites construites et préfabriquées font rêver. De même , la magie de l’automobile opère lors de chaque Salon annuel de l’auto, mais pour le public c’est un rêve. En 1954, 21% des ménages seulement possèdent une automobile (et encore le parc est vieux, ce sont souvent des modèles d’avant‐guerre). Il y a assez peu de choix. Chez Renault, la gamme est populaire comme la 4CV et son évolution qui marque le début de la croissance, la Dauphine (1956). Citroën n’a que la 2CV (1948) à proposer aux plus modestes, Peugeot construit des voitures assez bourgeoises comme la 203 (1949) et assez chères…Simca propose l’Aronde en 1951, mais le succès de cette voiture robuste date surtout de la fin des années 50. Et de fait en 1954/1955, la société de consommation est encore en partie virtuelle: Il ne faut pas trop se laisser abuser par les reportages photographiques de la presse de l’époque sur « un intérieur modèle en 1950 » : cette situation demeure l’exception. On est ici dans une cité‐modèle ou cité‐jardin du Plessis‐Robinson (1929), et l’intérieur paraît vraiment cossus : cheminée, fauteuil, tapis , téléphone (rare !il y a en France 2,3M d’abonnés), gaz et eau courante. L’équipement sanitaire des ménages est eoncre très mauvais en 1954 (grande enquête suite à l’appel de l’abbé Pierre) : plus de 40% n’ont pas d’eau courante, plus de 70% n’ont pas de WC intérieurs, 36% n’ont aucun WC !13% des ménages est équipée du salle de bains, le tx d’équipement est de 7,5% pour les frigos et 8,4 pour les lave‐linge, 1% d’un poste de TV. Le grand boom date de la fin des années 50 et plus nettement encore de 1962. En dépit d’une augmentation des revenus moyens (+30% de 1949 à 1958), de la création du SMIG par Pinay indexé sur le coût de la vie en 1952 (mais ces produits pour le calcul du coût de la vie ont des taxes spécifiques), les Français des années 50 n’ont guère les moyens de consommer plus. Il sont toutefois nettement mieux pris en charge sur le plan social, puisque les ¾ bénéficient de la sécurité sociale, que les revenus sociaux divers (allocs, indemnités, etc) constituent 15% des rentrées globales des ménages et que el secteur public garantit l’emploi. Ce qui évolue, c’est plutôt la nature des postes de consommation, mais très lentement. En 1949, l’alimentation représente près de 45% de la consommation des ménages, qui passe à 40% en 1955, l’habillement passe de 16% à 13,5% . On est encore près de la barre des 50% en 1955 pour ces deux postes et on la dépasse allègrement pour les 14
ouvriers, retraités, agriculteurs… (A noter qu’en 1974 , les postes alimentation/habillement ne représentent plus 34% des dépenses) En revanche, tous les autres postes augmentent, mais faiblement : habitation, santé, transports, culture… La croissance économique ne passe pas sans secousses politiques et sociales. 1. L’explosion urbaine est mal contrôlée et le pb du logement majeur. La loi de 1948 stabilise les loyers mais on ne construit que 100000 logements par an (ess des HLM), alors qu’il en faudrait 3x plus. pas de grand plan logement comme au Royaume Uni. Les grandes villes et notamment la RP croissent rapidement mais souvent sous forme de bidonvilles (ainsi à Nanterre dès 1953, Sarcelles), abritant beaucoup de travailleurs immigrés, portugais, nord‐africains, espagnols…Les HLM de Nanterre, construits dès 1948, ne comprennent que 1200 logements à la fin de la IVème république. 2. La croissance touche en effet de plein fouet les petits commerçants et artisans qui ne peuvent plus dégager les mêmes profits et marges qu’en temps de pénurie et de dérives inflationnistes ? Et c’est aussi tout un monde qui disparaît à la ville comme à la campagne : celui de la boutique (les chapeliers), celui de l’artisanat rural (sabotiers etc), celui de la petite réparation urbaine…(couturières etc). Pour faire court on va changer de chaussure plutôt que d’aller chez le cordonnier, mais cela ne se fait pas en un jour. Les boutiques résistent bon gré mal gré, notamment les bazars (marchands de couleurs), les primeurs, les boutiques alimentaires…Elles trouvent notamment dans les syndicats corporatistes une structure de soutien, ainsi la CGPME de Léon Gingembre et surtout l’UDCA du papetier Pierre Poujade (créée en 1953). Pierre Poujade est une figure assez curieuse de la vie politique française sous la Vème, dans une résurrection assez anachronique du populisme. En effet le poujadisme est un parti du « contre » : contre le fisc, le Prisunic, la Sécu, les fonctionnaires, les grands trusts de l’argent etc et plus largement la modernité, la défense des petits contre les gros… cf Roland Barthes dans Mythologies. C’est le retour assez inattendu d’une droite plébiscitaire et antiparlementaire, qui se teinte même à partir de 1955 d’antisémitisme (le parlementarisme des métèques et des Juifs, on se croirait revenu en 1936…). Cela marche puisqu’aux élections de janvier 1956, le mouvement obtient 52 députés et 12% des voix…(un des députés de Paris) s’appelle J‐M Le Pen. Pourtant jamais le Poujadisme n’eut les moyens de renverser la République, pas plus qu’un Déroulède ou un de la Rocque en leur temps. Dès 1956, le national‐
mollétisme trouve des accents nationalistes que ne renie pas un Poujade en mal de respectabilité. En fait, Poujade renforce même la République de gauche, qui y voit l’ombre du fascisme et qui retrouve des accents mobilisateurs (c’est « le fasciste préféré » des intellectuels toute comme de la nouvelle gauche selon D.Borne). Et de toute façon, une telle entreprise réactionnaire, au sens plein du 15
terme, ne peut apparaître sérieusement comme durable dans une France en pleine transformation et en pleine croissance. III Les échecs et la mort de la IVème République La IVème a t‐elle fait exception à la « loi du retour » selon laquelle après l’euphorie initiale d’une nouvelle expérience, les démons du passé reviennent à la surface et bloquent l’expérience ou précipitent son échec ? En fait, le sentiment de l’échec est assez tôt partagé par ceux qui ont eu le sentiment – dès la fin des années 40 – que les vieilles habitudes reprenaient le dessus et avec elles les vieilles pratiques politiques de la IIIème. C’est évidemment l’un des thèmes du RPF. Mais c’est aussi l’idée que le « Français moyen » de l’entre‐deux‐guerres l’a emporté sur ʺl’homme nouveauʺ issu de la Résistance. Une telle problématique du retour d’un ordre ancien est évidemment fortement marquée par de Gaulle et par sa « rupture » de septembre 1946 (il appelle alors à voter contre le projet constitutionnel et l’année suivante il dénonce « les politiciens qui cuisinent leur soupe au coin du feu ». La Vème République sera donc celle de la RUPTURE, un thème gaulliste par excellence (remis au goût du jour) et la IVème apparaîtra longtemps comme la république de l’échec. On peut résumer les difficultés de la IVème de trois ou quatre façons : 1. les fractures apparaissent très tôt, pratiquement au début de la République (avec un pic dramatique en 1947, l’année de tous les dangers pour la jeune république) 2. Les guerres de décolonisation affaiblissement considérablement le crédit des gouvernements en place, mais font surtout apparaître le manque relatif de lucidité politique et l’essoufflement de l’Union Française. Toutefois, l’échec majeur est bien celui de l’Algérie, car la politique coloniale menée est loin d’être immobiliste, de 1954 à 1956. 3. Les éclaircies sont souvent liées à des « expériences » politiques, à droite ou à gauche, qui relèvent souvent de la mythologie et de l’effet d’annonce, ainsi la Troisième Force, le gouvernement Pinay ou l’expérience PMF (soit en 1947, en 1952 et en 1954). Les contemporains ont alors le sentiment d’un « tournant », d’une « accélération » (ainsi en 1954), mais c’est souvent à nuancer. Alors la IVème meurt de quoi ? De l’échec colonial en Algérie (le « cancer algérien ») ou d’une convergence de problèmes ? En fait une singularité fait son malheur, sans équivalent semble t‐il dans le monde à cette époque. 16
Le monde à la fin des années 50 est divisé sur deux questions essentielles : l’affrontement entre le communisme et la démocratie libérale qui oppose l’Est et l’Ouest dans la guerre froide et le mouvement de décolonisation et de fin des Empires, qui oppose d’une certaine façon le Nord et le Sud. La France est à la convergence de cette géopolitique des points cardinaux car elle est le seul pays à vivre de l’intérieur l’un et l’autre conflit qui divise le monde. Sur le conflit est/ouest , la France est la seule avec l’Italie à avoir un PC puissant (1/4 de l’électorat), dont la politique est en gros celle de Moscou, mais l’Italie n’a elle plus de colonies depuis la fin de la guerre. La France partage avec la GB les crises de décolonisation et la fin d’un Empire, mais la GB n’a pas ou si peu de PC et la décolonisation est initiée par le Travaillisme dès 1945. Ajoutons à cela le fait que la France, non seulement ne connaît pas le bipartisme, mais que le traditionnel clivage droite/gauche est perturbé par deux oppositions au régime, de sens contraire certes (gaullisme et communisme), mais qui additionnent leurs effets destructeurs. La mort de la IVème ne doit pas donc être lue à travers ses seules institutions ni par la seule guerre d’Algérie qui la mine de l’intérieur (et à l’extérieur), même si ce sont bien sûr de facteurs décisifs A. Echec politique d’une troisième force Les périodes considérées comme significatives du déclin de la République (ainsi 1956‐1958) sont loin d’être sans projet politique. La politique sociale du gouvernement Guy Mollet a été ambitieuse et non sans succès, même si elle a créé un important déficit budgétaire (mais ce déficit est en grande partie imputable à l’Algérie) : 3ème semaine de congés payés, fonds de solidarité pour la vieillesse financé par la vignette automobile, extension des remboursements de la Sécu, loi‐
cadre sur le logement social, hausse du SMIG de 6% etc. De même, c’est tout de même sous ce gouvernement que naît l’Europe du Traité de Rome et que se débloquent on l’a vu certains dossiers coloniaux. La Troisième force, échec d’une rénovation de la politique ou échec d’un système politique ? (élément du devoir dʹhier) Le 21 novembre 1947, Blum monte à la tribune de lʹAN et appelle au rassemblement républicain contre tous ceux qui se refusent à subir la dictature dʹun parti, ceux qui refusent à chercher un recours contre le péril communiste dans le pouvoir personnel dʹun homme (de Gaulle en lʹoccurrence) et prône le rassemblement des partisans de la IVème dans une ʺtroisième forceʺ dont il jette les bases. Cʹest une réaction politique au séisme des élections municipales dʹoctobre 1947, où les 2/3 des électeurs urbains ont voté pour le RPF ou le PC. Cʹest aussi bien sûr une réaction à lʹatmosphère quasi insurrectionnelle de novembre 1947. Blum manque la majorité de 9 voix et cʹest le MRP Schuman qui est nommé, à charge dʹessayer de la ressusciter. Pourquoi cet échec dʹune troisième voie, qui aurait pu réunir la SFIO et le MRP, voire les Radicaux dans une véritable structure politique de défense de la République? 17
1. Dʹabord Blum a connu une grave erreur tactique : celle de mettre sur le même plan le péril gaulliste et le péril communiste. Les modérés pensent que le péril est dʹabord communiste. 2. Les partenaires de la Troisième Force nʹont jamais su dépasser le stade dʹun ʺBureau exécutifʺ qui a rassemblé des SFIO, MRP, UDSR (Mitterrand), des radicaux (E.Faure), des syndicalistes de FO et de la CFTC. Le Bureau lance un appel à la Troisième Force le 24 décembre, signé par 32 personnalités. 3. Les radicaux ne voudront jamais massivement adhérer à la TF (ils lorgnent vers le RPF) et la Troisième Force est dépassée à droite comme à gauche. A sa droite, certains voudraient ouvrir la TF au RPF. A sa gauche est créé le RDR (Rassemblement démocratique révolutionnaire), qui veut créer au contraire une TF nettement hostile au RPF tout en se démarquant du PCF : on y trouve des intellectuels comme Sartre, David Rousset, mais aussi L.Sédar Senghor. 4. Comme on le voit, la dynamique politique de la IVème rend impossible des regroupements autre que conjoncturels. De fait la 3ème force devient en 1948 une ʺcombinaison parlementaireʺ sans véritable programme, ou un seul programme : faire durer le régime en misant sur un reflux de la vague gaulliste et contenir les assauts communistes. Toutefois, il ne faudrait pas croire que dans la pratique politique, le bilan est nul. En effet, les membres de TF établissent entre 1848 et 1951 une forme dʹéquilibre ministériel. Les socialistes ont lʹintérieur, le Travail et la Sécu, ainsi que des ministères techniques comme lʹIndustrie, les Travaux Publics, les PTT, les MRP ont les Affaires étrangères, lʹAgriculture, lʹOutre mer, la Santé et la famille. Les Radicaux et les indépendants LʹEducation Nationale, la Justice et les Affaires étrangères. L’UDSR a la Reconstruction et les Anciens Combattants etc. La formule est payante ‐ on gouverne ‐ mais elle conduit aussi à un discrédit du régime, taxé dʹimmobilisme (ainsi le ʺbon Dr Queuille, dont la politique consiste pour ses adversaires à retarder la solution des problèmes jusquʹà ce quʹils aient perdu toute importance. On évite donc les sujets qui fâchent… Pour durer encore plus longtemps , la TF invente en 1951 le système des apparentements. Cʹest un vrai succès électoral (400 sièges sur 627), mais sécurisée, la IVème nʹa plus de raison de maintenir le concept même de 3ème force qui sʹévapore, laissant le régime des partis sʹétablir de plus belle entre 1951 et 1958. *Pour reprendre la question autrement, un parti neuf et vraiment issu de la Résistance n’aurait‐il pas pu incarner une autre « Troisième Force » au sein de la IVème République ? C’est exclu pour le RPF, tandis que le MRP ne pouvait guère drainer à gauche. Reste l’UDSR, qui est finalement peut‐être le plus grand échec politique de la IVème, même si certains de ses chefs sont promis à un bel avenir. UDSR : formation politique la plus originale et la plus authentiquement résistante (Union Démocratique set socialiste de la Résistance), fédération qui regroupe en juin 1945 tous les mouvements de la résistance non communistes, y compris gaullistes et qui se transforme en juin 46 en parti politique, opposé d’ailleurs comme les gaullistes et les radicaux à la Constitution. 18
L’UDSR nourrissait en fait l’espoir à la Libération que la SFIO allait faire son Bad Godesberg, devenir un parti social‐démocrate et entraîner une refondation de la gauche non communiste. Cela n’a pas été le cas et l’UDSR est devenu en fait un parti charnière de la IVème qui servira sous la Vème de tremplin pour F .Mitterrand pour fédérer la gauche aux élections de 1965. B PMF, échec d’un Homme ou d’une République ? Vrai question dʹhistoire, car PMF a incarné tout le contraire de lʹimage de la IVème république: modernité, mouvement, audace…Il est devenu un mythe de gauche (cf. en mai 1981, l’accolade de Mitterrand). Dns sa courte bio, M.Winock, parle d’un profond choc générationnel le 5 février 55, il était en T à Lakanal et son voisin lui a glissé « Les salauds ils l’ont eu » (les 319 députés qui venaient de le renverser). Il parle de « génération indignée », il incarnait chez les jeunes un véritable espoir… Retour en arrière : brillantissime, bac à 15 ans diplômé et en science po (4ème de l’IEP en 1925 à 18 ans !) en droit, adhère a Parti radical de Herriot., plus jeune député de France en 1932 (35 ans), vote contre les pleins pouvoirs à Pétain, rejoint Londres en 1941 et les FFL. il a été deux fois ministre en mars‐avril 38 sous Blum (sous secrétaire dʹétat au trésor)et en 1943‐45 avec de Gaulle au sein du GPRF. En sept 44‐avril 45 il est notamment ministre de lʹéconomie nationale, défenseur de la rigueur (il démissionne le 5 avril 45 et a cette formule : ʺ distribuer de lʹargent à toute le monde sans en reprendre à personne, cʹest entretenir un mirageʺ. Depuis 1950 le député radical de lʹEure se fait le censeur impitoyable des tares du régime et notamment le critique de la guerre dʹIndochine. Mendès construit son image politique entre 1945 et 1953, en proposant au sein de son parti une alternative démocratique et moderniste, teintée de keynésianisme, qui séduit au‐delà du radicalisme : des déçus du MRP, des syndicalistes des intellectuels de Esprit, mais il obtient surtout le soutien actif de LʹExpress (16 mai 1953, longue interview/Programme). Son investiture en juin 1954 es marquée par un nouveau style politique (il sʹengage sur des objectifs, notamment en matière coloniale et annonce sa démission sʹils ne sont pas atteints) et aussi par un relatif consensus sur cette investiture : même le PCF accepte de donner ses suffrages (mais PMF ʺrefuseʺ, en raison du soutien du PCF au Vietminh). Le style politique est radicalement nouveau, au sens où le dosage ministériel (plutôt centre‐droit) ne correspond pas au dosage parlementaires qui le soutient (plutôt à gauche) et que les poids lourds ont pratiquement disparus (hors E.Faure et Mitterrand). Autre changement de style, les ʺcauseries radiophoniquesʺ (de juin 54 à janv 55) du samedi, outil pédagogique vertement critiqué par ses adversaires (propagande!). Politiquement c’est l’anti‐Poujade (son discours sur la « reconversion », la « planification », son opposition aux bouilleurs de cru lui aliènent une partie du peuple des petits artisans, commerçants, paysans… En fait, son discours est au carrefour des trois modernités à la française des années 1950 selon Stanley Hoffmann 19
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une modernité économique et sociale, qui implique une rupture avec les routines des groupes de pression et de la bureaucratie, une relance productive qui établit un meilleur partage des richesses. ‐ une modernité nationale qui est un « nationalisme d’adaptation » qu’il partage au fond avec de Gaulle, fait de déblocages internes, de liquidation du contentieux colonial, de construction européenne ert de reconnaissance du TM ‐ une modernité politique qui transformerait un régime politique impuissant en démocratie semi directe sans démagogie ni personnalisation du pouvoir. Ces trois modernités resteront en grande partie un programme, car au fond personne n’a vraiment voulu mettre en œuvre ce New Deal, ni son gouvernement (l’édredon mou Edgar Faure) ni évidemment les partis politiques qui croient bon de le haïr, ni peut‐être PMF lui‐même, pris dans l’urgence de l’action politique (l’Indochine) et aussi dans ses propres contradictions (comment rénover avec un parti radical vermoulu ? ) N’est‐il pas le modernisateur PMF au fond un républicain du plus pur archaïsme, au sens noble du terme, patriote, courageux mais pas téméraire, un Gambetta par exemple ? Ne jamais personnaliser les enjeux, ne jamais se mettre en avant, ne jamais revenir sur les fondamentaux de la République, la Révolution, la laïcité, le radical‐socialisme. A fond, comme l’écrit J‐P Rioux , on peut affirmer que la Vème République a réalisé les meilleurs ambitions modernisatrices du mendésisme, tout en marginalisant son leader, qui refusera toujours à prétendre contribuer au gouvernement de la Vème et qui ne sera pas comme on le sait le candidat de la gauche en 1965 : Mitterrand saura mieux au fond s’accommoder de ces institutions honnies. Et PMF n’a pas non plus perçu que la logique de la modernité épanouie se fondait, depuis NIII sur le principe d’autorité plus que sur la force contagieuse de la lucidité, de la vérité. Charles de Gaulle, lui le savait ! C La politique coloniale de la IVème : frappée sous le sceau de l’échec L’Union Française, créée constitutionnellement en 1946 est une structure assez novatrice et qui n’a pas manqué de vitalité de 1947 à 1953. Cependant, cette Union apparaît vite ambiguë et contradictoire (comparer ainsi le Préambule généreux et le titre VIII, qui donne bien peu de pouvoir aux structures créées (le Haut conseil, l’Assemblée). Comme on l’a souvent dit, c’est « un peu d’association, un peu d’assimilation et beaucoup de domination. Surtout, l’Union Française n’envisage que très vaguement une décolonisation de l’Empire (dans le cadre d’Etats associés) alors que celle‐ci est déjà en marche au Royaume‐Uni. Il est symptomatique qu’à la suite de leur indépendance, aucun pays n’ait voulu rester dans l’Union (le Maroc et la Tunisie en 1956, ainsi que le Togo et le Cameroun en 1956 et 1957, Républiques autonomes complètement déconnectées de l’Union. Les pays anglophones, eux, intègrent presque tous le Commonwealth après leur indépendance. *Pour comprendre cet écart (entre Fr et GB) on pourra arguer du fait que la France a eu une stratégie assimilationniste (ainsi en Algérie, dans les TOM) qui a retardé le processus global, mais c’est un faux débat. 20
La pensée coloniale n’a de fait pas évolué depuis les années 1930 et l’Union Française ne change au fond pas grand chose aux vieilles habitudes coloniales, qui reprennent vite le dessus. L’apport massif des troupes coloniales dans la Libération du territoire, loin de déboucher sur des mesures émancipatrices, semble conforter le caractère indispensable de l’Empire dans la reconstruction de la France et de sa puissance (c’est l’idée de « patriotisme colonial ». Et si l’on remplace le ministère des Colonies par un ministère de la France d’Outre‐mer, ce dernier est tout aussi inefficace et corrompu que ceux de la IIIème République, fonctionnant comme un lobby. Le ton est donné dès la fin de la guerre et même avant la fin de celle‐ci, dans toutes les gestions politiques et militaires des révoltes nationalistes. Il n’y a sur ce plan guère de rupture entre le GPRF et la IVème république et même avec la Vème naissante. ‐ décembre 1944, le retour des tirailleurs africains démobilisés est marqué par la mutinerie de Tiaroye au Sénégal, durant laquelle 35 tirailleurs sont tués. ‐ Entre février 1945 et décembre 1945, c’est de Gaulle qui envoie des proches à la reconquête d’une Indochine éclatée par l’occupation japonaise et l’indépendance du Vietminh communiste, à savoir l’amiral d’Argenlieu et le général Leclerc. Les deux hommes jouent leur propre partition sans concertation et ne font que compliquer une situation explosive. ‐ Le 8 mai 45, jour de la capitulation allemande, des milliers d’Algériens musulmans défilent en réclamant « la fin du fascisme et du colonialisme » et réclament la libération de Messali Hadj, le leader nationaliste emprisonné à Brazzaville (?). A Sétif, les tirs de la police sur les manifestants mettent le pays à feu et à sang, entraînant le massacre d’Européens (20 à Sétif, une centaine en tout) sans que l’on puisse aujourd’hui évaluer le nombre de victimes de la répression (40 000 selon les Algériens, les sources historiques variant de 1500 à 20000). ‐ en mai 45 toujours, en Syrie théoriquement indépendante (depuis 1943) mais où les troupes françaises sont toujours présentes, ont lieu des incidents graves anti‐français, qui amènent une réponse armée et c’est par un ultimatum britannique que les Français sont désarmés.. par les Britanniques avant un règlement international (en 1946). ‐ A Madagascar, dans la nuit du 29 au 30 mars, une insurrection éclate (c’est aujourd’hui la fête nationale du pays). L’armée française met un an à les réprimer et le nombre des victimes est très élevé. Les estimations sont là aussi très variables et vont de 11 000 à 100000 morts. Ces événements cumulés tout comme l’opacité des chiffres réels des répressions (il n’y eut aucun bilan chiffré) augurent mal de la suite des événements et on voit mal comment la France aurait pu dans ces conditions faire l’économie de la guerre d’Indochine puis de celle d ‘Algérie. Pourtant, il est clair que l’Indochine aurait pu constituer un signal d’alarme suffisant pour éviter le pire : la paix de Genève de 1954 consacre en effet moins la victoire des communistes qu’elle n’ouvre la porte à de nouveaux conflits. La leçon semble comprise pour le 21
Maghreb et l’Afrique noire (on pense à la loi‐cadre de 1956 dite loi Defferre), mais elle ne l’est pas pour l’Algérie. Il ne faut donc guère s’étonner si à la Toussaint 1954, l’insurrection dans les Aurès n’est en rien associé à une quelconque prémisse de guerre de décolonisation. Comme « l’Algérie c’est la France » (dixit Mitterrand alors ministre de l’Intérieur du gouvernement Mendès) et comme, selon le même Mitterrand « on ne transige pas lorsqu’il s’agit de défendre la paix intérieure de la nation et l’intégrité de la République », les « événements » d’Algérie sont donc traités comme des événements qui relèvent pour une bonne part de la guerre civile intérieure et donc du maintien de l’ordre républicain – un peu comme si la Corse, la Bretagne ou le Pays Basque se soulevaient. ‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐
‐ Annexe 1: l’enjeu colonial de 1945 à 1958 La Seconde Guerre mondiale déplace l’enjeu colonial vers ce qu’on a nommé faute de mieux « décolonisation » et qui s’apparente plutôt à un reflux impérial, par ailleurs de dimension mondiale et pas seulement française. L’enjeu est désormais celui d’un immense mouvement d’émancipation qui de l’Afrique à l’Asie, secoue les peuples colonisés. La France n’est évidemment pas épargnée : émeutes en Algérie en mai 1945 et à Madagascar en 1947 (très lourdement réprimées par l’armée dans les deux cas), longue guerre en Indochine, revendications nationalistes au Maroc. A‐t‐on bien pris la mesure, dans les milieux politiques et militaires, de cet enjeu ? Le message de Gaston Monnerville – d’origine guyanaise, tout comme Félix Eboué – devant l’Assemblée consultative le 25 mai 1945 est sans ambiguïté : « Grâce à son Empire, la France est un pays vainqueur ». Un Empire qui a représenté sous l’Occupation un véritable enjeu militaire, mais aussi idéologique entre Vichy et la France Libre. Si Pétain refuse de partir hors de France, c’est aussi parce que son régime défend « l’unité nationale, c’est‐à‐dire l’étroite union de la métropole et de la France d’outre‐mer ». Les mêmes thèmes sont alors développés à Londres et « que l’Empire reste la possession de la France » est l’une des préoccupations majeures du général de Gaulle. Symboliquement d’ailleurs, après l’entrée en résistance de Tahiti, des comptoirs indiens et de la Nouvelle‐Calédonie (septembre 1940), le gouverneur Félix Eboué accomplit dès le 26 août 1940 le ralliement du Tchad à la France Libre, anticipant celui de toute l’AEF et servant de base territoriale au mouvement gaulliste jusqu’au débarquement anglo‐américain. A partir de 1943, l’Armée d’Afrique commandée par le général de Lattre de Tassigny réussit l’amalgame d’une « représentation vivante de tout l’Empire » ; elle s’illustre en Italie, dans la libération de l’île d’Elbe et lors du débarquement en Provence. Certes, la Conférence de Brazzaville en 1944 et la Constitution de 1946 apparaissent en rupture – du moins sur les principes – avec tout un passé colonial. Le préambule de la Constitution est sur ce plan un modèle du genre, puisqu’il est question d’une « union fondée sur l’égalité des droits et des devoirs, sans distinction 22
de race ni de religion et que la France entend « conduire les peuples (…) à la liberté de s’administrer eux‐mêmes et de gérer démocratiquement leurs propres affaires, écartant tout système de colonisation fondé sur l’arbitraire. ». Pourtant, ces nouvelles institutions, si elles se font l’expression du nouvel enjeu colonial – celui d’une future émancipation – ne débouchent sur aucune révision de la conception traditionnelle de la colonisation « à la française ». Les DOM et les TOM sont en effet des composantes de la République, laquelle est (article 1er du titre I) « indivisible, laïque, démocratique et sociale », ce qui limite singulièrement toute perspective d’évolution séparée de ces territoires; l’Assemblée de l’Union Française n’est que consultative et le pouvoir reste aux mains du Parlement et du gouvernement français. En fait, personne ne veut perdre ou amputer la nouvelle « Union française », qui se substitue en fait au vieil Empire, garant de la puissance de la France dans le monde d’après‐guerre. Faut‐il remanier, dit en substance M.Viollette en 1947 l’œuvre admirable que la IIIème République a donnée à notre pays ? Détruire un bel édifice, reprend le député Pierre July, cimenté par tous les soldats, les missionnaires, les colons, les héros épiques Gallieni et Lyautey, en bref « la rayonnante création du génie universel et humain de la France ? » D’autant que, selon le ministre des colonies, Marius Moutet, la France, contrairement à l’Australie ou aux Etats‐Unis, n’a pas fait disparaître les populations indigènes ! Derrière les discours rassurants, l’enjeu est bien désormais celui de la survie de l’Empire, dans un monde où les décolonisations sont rapides et spectaculaires (les Indes britanniques dès 1947), selon le principe onusien du « droit des peuples à disposer d’eux‐mêmes ». De plus, si la guerre froide peut dans une certaine mesure ralentir certaines évolutions, ni les Etats‐Unis ni l’URSS ne sont prêts à soutenir bien longtemps les vieilles puissances coloniales. Dans la logique des Blocs, les indépendances deviennent alors des enjeux essentiels, aussi bien en Asie qu’en Afrique. De toute évidence, en Indochine, il ne s’agit plus de se battre pour l’héritage de Jules Ferry mais bien pour arrêter en Asie la pénétration communiste, pour défendre les valeurs du « monde libre », pour disposer de bases solides en cas de conflit généralisé. Quoiqu’il en soit, les finalités coloniales deviennent de plus en plus floues dans une IVème République fragile et instable, alors que l’anticolonialisme gagne partout du terrain. Frantz Fanon publie en 1952 Peau noire et masques blancs, tandis que Sartre définit dans Les Temps Modernes le colonialisme comme un système global et raciste de spoliation et d’exploitation. Dans l’édition d’après‐guerre de Tintin au Congo (belge, il est vrai !), le célèbre petit reporter fait d’une certaine manière son autocritique : il ne glorifie plus dans les écoles de brousse la « mère patrie », mais se contente d’apprendre le calcul. Dans Paris‐Match, le journaliste Raymond Cartier actualise habilement de vieilles thèses populistes, selon la formule célèbre « la Corrèze plutôt que le Zambèze ». En effet, l’opinion publique comprend mal qu’on construise en Afrique des lycées modernes tandis que des préfabriqués tiennent lieu de CEG dans les régions de la métropole. Le choc et l’humiliation de Bien Bien Phu le 7 mai 1954 marquent très certainement un tournant dans l’histoire coloniale ; mais qui en France s’est vraiment senti concerné par cette guerre lointaine ? L’année 1954 est plutôt celle d’un lâche 23
soulagement. Pierre Mendès France incarne – à tort ou à raison – une forme de modernité politique en matière coloniale, à travers la fin de la guerre d’Indochine et l’autonomie de la Tunisie, mais il ne peut empêcher une nouvelle crise, celle de l’Algérie. Le drame algérien, qui se noue en 1954‐1956 et se prolonge par une sale guerre jusqu’en 1962, cristallise à lui seul tous les espoirs et les désillusions de l’aventure coloniale française depuis 1830. Le discours impérial en est provisoirement revigoré : peut‐on brader un héritage légué par plusieurs générations ? Faut‐il abandonner tant de débouchés pour notre industrie et notre commerce et ignorer la manne énergétique du sous‐sol algérien ? Faut‐il revenir sur le statut de 1947, très favorable aux Européens ? En novembre 1954, F.Mitterrand résume sans conteste l’opinion majoritaire lorsqu’il affirme en réponse à l’insurrection algérienne que « Des Flandres au Congo, il y a la loi, une seule nation, un seul parlement ». Et dans les milieux politiques comme militaires, la « guerre » à mener n’en est pas une. Il s’agit de maintien de l’ordre dans des départements français, face à des mouvements de nature révolutionnaire. L’enjeu n’est donc pas colonial, mais national. Si Raymond Aron, dans La Tragédie algérienne met en avant des arguments réalistes, à la fois politiques et économiques, en faveur d’une inévitable souveraineté algérienne et donc d’une « Autre France », Jacques Soustelle, gouverneur général de l’Algérie en 1955, dit sans détour que «l’on ne se débarrasse pas à la sauvette d’une province qui fut française avant Nice et la Savoie ». L’enjeu républicain de l’indivisibilité du territoire est pourtant totalement dépassé : face au FLN d’abord, pour qui l’indépendance est la seule issue possible ; face à l’ONU et aux grandes puissances ensuite, qui considèrent que la France doit respecter le droit des peuples à disposer d’eux mêmes ; face à l’opinion publique enfin, divisée en métropole sur un conflit qui est aussi celui de ses jeunes conscrits. Au débat succède le déchirement et la guerre civile, particulièrement dans une Algérie qui devient un véritable bourbier militaire. La gauche communiste radicalise certes ses positions, mais n’en vote pas moins en 1956 l’octroi des « pouvoirs spéciaux » au gouvernement Mollet, tandis que la droite nationaliste et antiparlementaire connaît à la faveur du conflit algérien une véritable résurgence. Il ne s’agit alors plus seulement de la survie de l’Algérie française, mais de la survie d’un régime dont on se plait à critiquer l’impuissance à venir à bout de la « rébellion » : la Vème République naît de cette impuissance coloniale. Annexe 2 : vie culturelle et intellectuelle sous la IVème République Les recherches récentes insistent donc sur le caractère prolifique de la culture des années de la IVème république. Quelques points de repère : Les années 40‐50 sont bien les années Sartre comme il y eut plus tôt les années Gide. Sartre apparaît dans les années 50 comme la figure de « l’intellectuel total », à la fois professeur et écrivain, dramaturge, philosophe, journaliste et finalement maître à penser de toute une génération appelée « existentialiste » faute de mieux, « idéologie nostalgique de l’après résistance selon E.Morin, qui se dilue assez vite dans les vapeurs d’alcool du Tabou à Saint‐Germain. Mais l’un des livres de philo 24
le plus lu c’est L’existentialisme est‐il un humanisme ? (1946) et c’est à travers Les Temps modernes que Sartre dispose d’une revue influente et sans doute En réalité, c’est la constellation Sartre‐Camus qui règne sur la jeunesse et l’intelligentsia, bien que Camus récuse l’étiquette d’existentialiste, et se refuse à être un «maître à penser. Albert Cams, journaliste à Combat est aussi l’un des écrivains les plus lus de cette génération avec La Peste (1947), La chute (1956), prix Nobel en 1957. ‐mais c’est aussi le moment où s’expriment des intellectuels anti‐communistes comme Raymond Aron (L’opium des intellectuels, en 1955), ‐ Le théâtre est en plein renouvellement dans les années 50 (ainsi l’expérience de Jean Vilar et TNP ‐ théâtre national populaire ‐ à partir de 1951, les années 50 sont aussi les années Gérard Philippe, inoubliable dans le Cid), Vilar dirige le TNP de 51 à 63. ‐ Le livre et la lecture se démocratisent très vite (c’est la naissance du Livre de Poche en 1953. C’est en effet en 1953 qu’Henri Filipacchi lance chez Hachette le 1er volume du Livre de Poche, Koenigsmark de Pierre Benoit. Ce lancement provoque d’ailleurs une levée de boucliers chez les intellectuels, qui n’est pas sans rappeler la querelle de la « littérature industrielle » au 19ème. Le Poche ne serait au fond pas un « vrai livre » et les grands auteurs y perdraient leur âme, en raison surtout de l’application des techniques dʹimpression et de diffusion du roman populaire aux grands textes de la littérature française et étrangère. Et les couvertures plutôt ringardes – très inspirées du cinéma ‐ des premiers volumes ne peuvent que renforcer cette idée. Le même type de querelle concerne à cette époque la BD. En 1949,la loi du 16 juillet sur les publications destinées à la jeunesse vise directement les comics US et plus généralement l’impérialisme culturel américain. Même Mickey est ostracisé, et cela jusqu’en 1954, où il reparaît. Zembla, Tarzan, les Marvel Comics sont introuvables.. C’est le triomphe de l’école belge de la BD et des journaux pour la jeunesse : Journal de Spirou, de Tintin, de Mickey – qui reparaît en 1952, puis Pilote, le Journal d’Astérix à la fin des années 50), ‐ Le cinéma est d’abord dans les années 40 un enjeu des relations internationales dans, enjeu de guerre froide mais aussi enjeu des relations franco‐américaines. Forme de repli corporatiste teinté d’antiaméricanisme, cinéastes déjà confirmés (Bresson, Ophuls, Renoir, Clair, Clouzot, Becker etc) . On peut toutefois mettre à part films de Tati, Jour de Fête, Les vacances de Mr Hulot, Mon Oncle, autant de films presque sociologiques sur l’évolution de la IVème République) Il faut attendre la fin de la IVème pour qu’une « Nouvelle Vague » issue des Cahiers du Cinéma émerge avec Godard, Truffaut, Chabrol et 1955 pour que soient créés des salles d’art et essai, qui vont diffuser (surtout au QL) un cinéma plus diversifié, italien, allemand, anglais, américain etc. 25
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l’histoire de la radio et de la télévision naissante (les archives télévisuelles de l’Ina datent de 1954 et à l’époque il n’ y a que 30000 postes e TV en France (près d’1 million au début de la Vème), dopés par les événements en eurovision (1954) . Monopole de la RTF , mais les « années Europe No1 » la station naît en 1955. ‐ l’histoire de la presse magazine (Paris‐Match, L’Express, Réalités). A ce propos, on vient de déplorer la mort d’un des hommes les plus puissants de la IVème, JJS, le fondateur de L’Express en 1953, journal qui va soutenir PMF. Voir aussi le succès des magazines comme Elle et Marie‐Claire. ‐ les musiques populaires évoluent de manière très significative sous la IVème république. Certes, les musiques sérielles et « concrètes » connaissent en France un véritable notoriété notamment grâce à Pierre Boulez, à Pierre Schaeffer ou à Pierre Henry, mais elles ne touchent qu’un public limité. Ce n’est pas le cas de du jazz, de la chanson et des variétés. jazz : les années 40 restent encore assez élitistes autour du mouvement existentialiste de St Germain, où gravitent Boris Vian et Juliette Gréco et où s’épanouit le Be‐bop (Gillepsie, Parker, Miles), mais dans les années 50, la radio diffuse beaucoup de jazz. (Pour ceux qui aiment le jazz, émission mythique sur Europe 1). Avec le jazz, c’est aussi la découverte de l’Amérique et de sa contre‐
culture, celle du roman noir, policier, des comics. chanson : rappelons que c’est sous la IVème république que débute une exceptionnelle génération de chanteurs et chanteuses francophones : dans les années 40, c’est le temps de Saint‐Germain des Prés, du jazz et de l’existentialisme mais aussi de Juliette Gréco, de Boris Vian, de Léo Ferré et des vedettes des années 30 qui donnent toute leur mesure, Piaf et Trenet. Dans les années 50 débutent Jacques Brel, Georges Brassens, Jean Ferrat, Charles Aznavour, Gilbert Bécaud, Guy Béart, Barbara, Anne Sylvestre, Serge Gainsbourg Rien que cela pourrait suffire à regarder – pardon à écouter – cette période avec plus de considération. De même, les années 50 sont celles où le jazz sort des boites de St germain des Près et touche un public plus large, celui qui vient écouter Louis Armstrong, Sydney Bechet, Duke Ellington, mais aussi celui qui s’intéresse au be‐bop (ainsi Miles Davis est‐il à Paris dans les années 50 et il on lui prête une aventure avec Juliette Gréco..) Et pour ajouter à cet inventaire un peu hétéroclite, la richesse de la période en matière artistique n’est plus à démontrer, même si le marché parisien de l’Art est en relatif déclin. L’exposition récente qui s’est tenue au palais du Luxembourg sur l’expressionnisme abstrait (« l’abstraction lyrique ») montre après la guerre l’éclosion d’une exceptionnelle génération d’artistes qui travaille à Paris (ainsi Fautrier, Nicolas De Staël, Soulages, Poliakoff, Veira da Silva, Bram Van Velde, Camille Bryen et bien d’autres...c’est aussi la théorie de l’art brut avec Dubuffet . 

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