de certains aspects fiscaux de la concession d`un droit d
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de certains aspects fiscaux de la concession d`un droit d
DE CERTAINS ASPECTS FISCAUX DE LA CONCESSION D’UN DROIT D’EMPHYTÉOSE À UNE SOCIÉTÉ Vincent BERCHEM Juriste-fiscaliste Associé Bfs sa Thibault GOURDIN Juriste-fiscaliste I. physique à une société dont elle est dirigeant d’entreprise ; Introduction Le droit d’emphytéose, bien que régit par une loi du 10 janvier 1824, est relativement peu connu et utilisé par les praticiens du droit fiscal. 2. l’acquisition d’un droit d’emphytéose sur un immeuble bâti par une société suivie de l’acquisition du tréfonds par son dirigeant. Nous y avons donc consacré la présente étude en nous focalisant sur deux situations juridiques particulières. Nous ne détaillerons pas le régime à l’impôt des sociétés de l’emphytéose, de même que les conséquences de l’éventuelle levée de l’option d’achat à l’échéance dans le chef de l’emphytéote et du tréfoncier. Nous signalerons simplement que différentes voies existent à ce niveau. Nous commencerons par un rappel des caractéristiques juridiques essentielles du droit d’emphytéose, par opposition au droit d’usufruit qui est le droit réel le plus souvent rencontré. Ceci nous permettra de mieux cerner ces deux dispositions légales d’autant que les caractéristiques du droit civil génèrent des impacts fiscaux évidents. II. Caractéristiques civiles du droit d’emphytéose Nous examinerons ensuite fiscalement - au niveau de l’impôt des personnes physiques et des droits d’enregistrement - deux cas de figure particuliers : II. A. Notion L’emphytéose est définie comme le « droit réel, qui consiste à avoir la pleine jouissance d’un immeuble appartenant à 1. la concession d’un droit d’emphytéose sur un immeuble bâti par une personne 1 autrui, sous la condition de lui payer une redevance annuelle, soit en argent, soit en nature, en reconnaissance de son droit de propriété. » 1 Il s’agit de la seule condition légale à laquelle les parties ne peuvent déroger. Toutes les autres dispositions de la loi de 1824 sont en effet supplétives4. Ce droit est régi par une loi du 10 janvier 1824. La personne qui concède le droit d’emphytéose est appelée « tréfoncier ». La personne qui jouit du droit est appelée « emphytéote ». L’usufruit quant à lui est un droit essentiellement viager : il s’éteint avec son titulaire, le rendant – contrairement à l’emphytéose – intransmissible par décès. Si l’usufruit est concédé à une personne morale, sa durée ne pourra être supérieure à 30 ans5. Quant à l’usufruit, J. HANSSENNE le définit comme le « droit réel qui consiste à user et à jouir temporairement d’un bien immobilier appartenant à autrui, à charge d’en conserver la substance et d’en jouir en bon père de famille ». 2 2. Objet de l’emphytéose Alors que l’usufruit peut indistinctement porter sur un bien meuble ou immeuble, l’emphytéose ne se conçoit que sur un immeuble6. Il est régi par les articles 578 à 624 du Code civil. La personne qui concède le droit d’usufruit est appelée « nue-propriétaire ». La personne qui jouit du droit est appelée « usufruitier ». 3. Existence d’une redevance En principe, l’emphytéote est tenu de payer une redevance au propriétaire (tréfoncier) en reconnaissance de son droit de propriété, obligation qui, par contre, n’est pas imposée à l’usufruitier. Ces deux institutions partagent des points communs : ce sont tous deux des droits réels susceptibles d’être saisis, cédés et hypothéqués et les dispositions légales qui les régissent sont en général supplétives. En vertu du caractère essentiellement supplétif des dispositions de la loi de 1824, les parties au contrat d’emphytéose pourraient supprimer l’obligation de redevance. Toutefois, du fait du prescrit des articles 1er et 10 de cette loi, il est préférable que l’emphytéote paie une redevance, fût-elle minime7. De grandes différences distinguent cependant ces deux droits. Nous les détaillons ci-après. 1. Durée de l’emphytéose Le droit d’emphytéose doit impérativement être conclu pour une période minimale de 27 ans et maximale de 99 ans3. 4 Loi du 10 janv. 1824 sur le droit d’emphytéose, art. 17. 5 Code civil, art. 619 ; Répertoire Notarial, T. II, Les Biens, Livre VI, « Emphytéose et Superficie », 2004, n° 32, p. 90. 6 Loi du 10 janv. 1824 sur le droit d’emphytéose, art. 1er . 7 DE MONTPELLIER, F. et VAN STEENWINCKEL, J. , « Les avantages de l’usufruit, de l’emphytéose et de la superficie en matière d’impôts sur les revenus, de droits d’enregistrement et de TVA », Legal Insight, n° 9, 1 Loi du 10 janv. 1824 sur le droit d’emphytéose, art. 1er . 2 HANSSENNE, J., Les biens, E. Collection scientifique de la Faculté de droit de Liège, Liège, 1996, n° 997. 3 Loi du 10 janv. 1824 sur le droit d’emphytéose, art. 2. 2 L’absence de redevance pourrait inciter le Receveur de l’enregistrement à essayer de requalifier la concession du droit d’emphytéose en vente avec des conséquences importantes au niveau des droits d’enregistrement (article 18 du Code des droits de l’enregistrement, ci-après C. enr) (cf. infra). tout acte d’administration qui aurait pour effet de faire fructifier le bien. 5. Sort des améliorations en fin de contrat Le but de l’emphytéose étant d’améliorer la situation d’un immeuble grâce à des plantations et/ou des constructions, le Législateur de 1824 a réglé le sort de ces aménagements en fin de contrat. 4. Étendue du droit d’emphytéose L’emphytéose, tout comme l’usufruit, assure à son titulaire la jouissance en bon père de famille de l’immeuble sur lequel le droit porte. Soit, l’acte de constitution de l’emphytéose oblige l’emphytéote à construire ou planter. Dans cette hypothèse8, les constructions et plantations deviennent de plein droit propriété du tréfoncier à la fin du contrat. Pour sa part, l’emphytéote ne pourra, ni enlever ses ouvrages, ni réclamer aucune indemnité. L’étendue de cette jouissance est cependant plus absolue dans le cadre d’une emphytéose. L’article 3 de la loi de 1824 précise ainsi que l’emphytéote exerce tous les droits attachés à la propriété, pourvu qu’il n’en diminue pas la valeur. Soit l’emphytéote a exécuté ces constructions ou plantations sans y être tenu. Dans ce cas, au terme du contrat, l’emphytéote aura la possibilité d’enlever ce qu’il a érigé à la condition de réparer les dommages que cet enlèvement aura causé au fonds9. L’emphytéote ne pourra pas contraindre le propriétaire du fonds à reprendre les bâtiments, ouvrages et plantations moyennant indemnité10. En revanche, le propriétaire du fonds ne pourra pas obliger l’emphytéote à les lui abandonner même en payant une indemnité11. Durant toute la durée de son droit, l’emphytéote est ainsi considéré comme le véritable propriétaire de l’immeuble et est, à ce titre, habilité à modifier la destination même de l’immeuble, ce qui est strictement interdit à l’usufruitier. L’usufruitier peut lui uniquement jouir de la chose et doit veiller à en respecter la substance. L’article 600 du Code civil précise ainsi que l’usufruitier « ne peut entrer en jouissance qu’après avoir fait dresser, en présence du propriétaire, (…), un inventaire des meubles et un état des immeubles sujets à l’usufruit ». Ces dispositions de la loi de 1824 sur le droit d’emphytéose étant supplétives, les parties sont libres de prévoir toutes clauses particulières qui dérogeraient aux principes ci-dessus exposés. Dans cette limite, le principal droit de l’usufruitier est de faire siens tous les fruits du bien. À ce titre, il est autorisé à poser 8 Loi du 10 janv. 1824 sur le droit d’emphytéose, art. 7. 9 Idem. 10 Loi du 10 janv. 1824 sur le droit d’emphytéose, art. 8. 11 De MONTPELLIER, F. et VAN STEENWINCKEL, J., op. cit., p. 48. juin 1999 ; CARTON de TOURNAI, R. et CHARLIER A.J., « Quelques considérations d’actualité sur l’emphytéose et la superficie », J.T., 1971, p. 71 ; DONNAY, M., « L’emphytéose », Rec.gén.enr.not., 1974, n° 21.803, n° 11. 3 si ces travaux ne sont pas susceptibles d’enlèvement et qu’ils ne peuvent être qualifiés d’ « améliorations » au sens de l’article 599 du Code civil, le nupropriétaire devra indemniser l’usufruitier sur la base de la théorie des impenses13. Au niveau du Code civil, la position de l’usufruitier est radicalement différente. L’alinéa 2 de l’article 599 du Code civil stipule que « (…) l’usufruitier ne peut à la cessation de l’usufruit, réclamer aucune indemnité pour les améliorations qu’il prétendrait avoir faites, encore que la valeur de la chose en fût augmentée ». Malgré le caractère péremptoire de cette disposition, la jurisprudence a tempéré cette rigueur. Les parties restent cependant libres de déroger à l’article 599 du Code civil, comme à la jurisprudence citée ci-dessus. Nous constatons donc que le sort des améliorations en fin de contrat est du ressort de la liberté contractuelle tant pour le droit d’emphytéose que pour le droit d’usufruit. La Cour de cassation a ainsi arrêté que « (…) le mot « améliorations » dans l’article 599 ne s’applique qu’aux travaux résultant naturellement d’une administration vigilante, conforme à la destination donnée à la chose par le père de famille et dont le prix est en général prélevé sur les revenus. Il est dû, au contraire, indemnité à l’usufruitier, à la cessation de l’usufruit, du chef de constructions importantes qui ont 12 augmenté la valeur du fonds (nous soulignons) ». 6. Obligations de l’emphytéote À l’instar de l’usufruitier, l’emphytéote est tenu du jouir du bien en bon père de famille. À défaut de respecter cette obligation de bon père de famille, l’emphytéote - comme l’usufruitier - pourra être déchu de son droit. En application de cette jurisprudence de la Cour de cassation, pour les ouvrages dont la valeur de constructions dépasse le montant des revenus générés par l’usufruit, l’usufruitier pourra réclamer une indemnisation sur la base des principes qui régissent le droit d’accession. Cette déchéance ne peut cependant être prononcée à charge de l’emphytéote que si son comportement se caractérise par des « dégradations notables de l’immeuble et (des) abus graves de jouissance »14, alors que cette sanction à l’égard de l’usufruitier ne nécessite que de « simples » abus de jouissance, des actes d’appauvrissement ou de dégradations15. Il faudra donc vérifier si ces travaux importants sont ou non susceptibles d’enlèvement : si ces travaux sont susceptibles d’enlèvement, le nu-propriétaire pourra, soit les conserver (il doit alors indemniser l’usufruitier comme précisé à l’article 555 du Code civil), soit ordonner à l’usufruitier de les enlever (ce qui se fera aux frais de ce dernier) ; La loi de 1824 sur le droit d’emphytéose ne s’étend pas sur les obligations de l’emphytéote, confirmant par-là le champ de liberté contractuelle laissé aux parties. 13 12 DE MONTPELLIER, F. et VAN STEENWINCKEL, J., op. cit., p. 41. 14 Loi du 10 janv. 1824 sur le droit d’emphytéose, art. 15. 15 Code civil, art. 618, al. 2. Cass., 27 janv. 1887, Pas., 1887, I, p. 56. 4 À l’inverse, les dispositions du Code civil relatives à l’usufruit sont nombreuses, particulièrement celles qui traitent des obligations de l’usufruitier. dispositions sont supplétives, les parties peuvent prévoir le contraire. Dans le cadre de l’usufruit, ces grosses réparations ne peuvent en principe jamais être mises à charge de l’usufruitier, sauf si elles sont rendues nécessaires par un défaut d’entretien et de réparation imputable à l’usufruitier. Les articles 605 et 606 du Code civil étant cependant supplétifs, les parties peuvent également décider d’y déroger. Une différence notable doit être signalée ici : celle relative à l’obligation d’entretien et de réparation du bien. L’article 5 de la loi relative à l’emphytéose stipule que : « Le propriétaire n’est tenu à aucune réparation. L’emphytéote est obligé d’entretenir l’immeuble donné en emphytéose, et d’y faire les réparations ordinaires. Il peut améliorer l’héritage par des constructions, des défrichements, des plantations ». II. B. Synthèse L’usufruit est toujours viager (durée maximale de 30 ans lorsqu’il est concédé à une société), l’emphytéose ne peut se constituer que pour une période comprise entre 27 et 99 ans. L’article 605 du Code civil précise que : L’emphytéose exige - en principe - une redevance récognitive de la propriété du droit du propriétaire, l’usufruit n’implique pas une telle redevance. « L'usufruitier n'est tenu qu'aux réparations d'entretien. Les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire, à moins qu'elles n'aient été occasionnées par le défaut de réparations d'entretien, depuis l'ouverture de l'usufruit; auquel cas l'usufruitier en est aussi tenu ». Les grosses réparations sont à charge du nu-propriétaire et ne peuvent jamais être mises à charge de l’usufruitier, sauf dérogation apportée par les parties au prescrit du Code civil. Dans le cadre de l’emphytéose, ces grosses réparations sont normalement de la responsabilité de l’emphytéote, le propriétaire n’étant jamais légalement contraint à exécuter ces dernières. Les parties peuvent cependant y déroger. À la lecture de ces deux dispositions, on remarque d’emblée que la même obligation repose sur l’emphytéote et l’usufruitier : ils sont tenus à une obligation générale d’entretien et de réparation ordinaire. Le sort des grosses réparations diffère cependant selon que l’on se trouve dans l’un ou l’autre cas de figure. Nous avons vu que la plupart des dispositions qui régissent ces deux droits réels sont supplétives. Le propriétaire du fonds grevé d’une emphytéose (tréfoncier) n’est tenu à aucune réparation, y compris les grosses réparations16. Bien que l’autonomie des parties soit absolue, celles-ci doivent cependant toujours veiller à respecter l’esprit de chaque institution légale, sous peine que le droit réel concédé soit requalifié au niveau civil, mais aussi au niveau fiscal… (cf. infra). Apporter certaines dérogations aux Du fait que - hormis l’article 2 de la loi de 1824 sur le droit d’emphytéose - toutes les 16 Loi du 10 janv. 1824 sur le droit d’emphytéose, art. 5. 5 principes régis par le Code civil ou la loi de 1824 sur le droit d’emphytéose peut donc s’avérer très dangereux. Les charges comprises dans la base imposable sont toutes les obligations accessoires que le contrat de concession de droit d’emphytéose impose au preneur, en sus du loyer, et dont le tréfoncier profite19. Par comparaison, la concession d’un droit d’usufruit sera nettement plus onéreuse : III. Analyse fiscale de la concession d’un droit d’emphytéose sur un immeuble bâti par une personne physique à une société dont elle est dirigeant d’entreprise la base du calcul du droit d’usufruit est calculée en application de l’article 47 du C. enr20 ; le taux des droits d’enregistrement est quant à lui déterminé par l’article 44 du C. enr. (12,5% en Région wallonne ou de Bruxelles-capitale et 10% en Région flamande)21. Nous déconseillons fortement la concession d’un droit d’emphytéose moyennant paiement d’un canon unique (sans redevance périodique). Le droit réel concédé serait, dans ce cas, trop proche du simple contrat de vente. La requalification de l’acte d’emphytéose en vente aura notamment pour conséquence la débition III. A. Droits d’enregistrement L’article 83 du C. enr.17 détermine le taux des droits d’enregistrement auquel l’acte de concession de droit d’emphytéose sera enregistré. Il stipule que : « Le droit est fixé à 0,20% pour les baux, sous baux et cessions de baux de biens immeubles… Pour l’application du présent code, sont assimilés aux baux et aux cessions de baux, les contrats constitutifs de droits d’emphytéose ou de superficie et leurs cessions (…)» (Nous soulignons). 19 Le précompte immobilier ne constitue jamais une charge car il est imposable légalement dans le chef de l’emphytéote en application de l’article 251 cir92. 20 C. enr., art. 47 : « Lorsque la convention a pour objet l’usufruit d’un immeuble, la valeur vénale prévue à l’article 46 est représentée par la somme obtenue en multipliant le revenu annuel du bien ou, à son défaut, sa valeur locative, par le coefficient porté au tableau ci-après et déterminé par l’âge au jour de l’acte de la personne sur la tête de laquelle l’usufruit est constitué…. Si l’usufruit est établi pour un temps limité, la valeur vénale est représentée par la somme obtenue en capitalisant au taux de 4% le revenu annuel, compte tenu de la durée assignée à l’usufruit par la convention, mais sans pouvoir excéder soit la valeur déterminée selon l’alinéa précédent, s’il s’agit d’un usufruit constitué au profit d’une personne physique, soit le montant de vingt fois le revenu, si l’usufruit est établi au profit d’une personne morale. En aucun cas il ne peut être assigné à l’usufruit une valeur vénale supérieure aux quatre cinquième de la valeur vénale de la pleine propriété. » 21 C. enr., art. 44. : « Le droit est fixé à 12,5% (10%) pour les ventes, échanges et toutes conventions translatives à titre onéreux de propriété ou d’usufruit de biens immeubles. » L’article 84 du C. enr.18 détermine la base imposable sur laquelle le droit sera calculé. Il stipule que : « La base imposable est déterminée, à savoir : si le bail est à durée limitée, par le montant cumulé des loyers et des charges imposées au preneur pour toute la durée du bail ou, s’il s’agit d’une cession, pour la période restant à courir (…) ». 17 Région wallonne, Région flamande et Région de Bruxelles-capitale. 18 Région wallonne, Région flamande et Région de Bruxelles-capitale. 6 de droits d’enregistrement de 12,5% (Région wallonne ou de Bruxellescapitale) et de 10% (Région flamande).22 Nous détaillerons plus loin les conditions d’application de l’article 18 du C. enr., qui constitue une mesure anti-abus de droit. III. B. Impôt physiques des tous autres avantages recueillis par le cédant. La valeur des avantages recueillis est égale à celle qui leur est attribuée pour la perception du droit d’enregistrement relatif au contrat d’emphytéose, de superficie ou de droits immobiliers similaires dans lequel ils sont prévus. Ces sommes constituent des revenus de l’année de leur paiement ou de leur attribution, même si elles couvrent tout ou partie de la durée du droit d’emphytéose, de superficie ou de droits immobiliers similaires. personnes Il y a lieu ici de distinguer les cas où le tréfoncier / cédant agit à titre privé du cas où il agit dans le cadre de son activité professionnelle. §2. Les revenus visés au §1er ne comprennent pas les sommes obtenues pour la concession d’un droit d’usage sur des biens immobiliers bâtis en vertu d’une convention non résiliable d’emphytéose, de superficie ou de droits immobiliers similaires, à la condition que : 1. Le cédant / tréfoncier agit à titre privé 1.1. Règle générale : taxation au titre de revenus immobiliers 1° les redevances échelonnées prévues au contrat permettent de couvrir, outres les intérêts et charges de l’opération, la reconstitution intégrale du capital investi par le propriétaire dans la construction ou, dans le cas d’un bâtiment existant, la valeur vénale de celui-ci ; Le cœur de la matière réside dans les articles 7, § 1er, 3° et 10 du Code des impôts sur les revenus (ci-après cir92), raison pour laquelle nous les reproduisons in extenso. 2° la propriété de la construction soit, au terme du contrat, transférée de plein droit à l’utilisateur ou que le contrat comporte une option d’achat pour l’utilisateur. » Article 7 cir92 : « § 1er. Les revenus immobiliers sont : (…) 3° les sommes obtenues à l’occasion de la constitution ou de la cession d’un droit d’emphytéose ou de superficie ou de droits immobiliers similaires23(…). ». La règle générale est donc la taxation intégrale en revenus immobiliers des sommes obtenues à l’occasion de la concession du droit d’emphytéose, en application de l’article 7, § 1er, 3° cir92. er Article 10 cir92 : « § 1 . Les sommes obtenues à l’occasion de la constitution ou de la cession d’un droit d’emphytéose, de superficie ou de droits immobiliers similaires, comprennent la redevance et L’article 10, § 1er, alinéa 1er cir92 détermine quant à lui l’assiette de la base imposable : la redevance ainsi que tous les avantages recueillis par le cédant. 22 MOSTIN, C., CULOT,A., GOFFAUX, B., VANGINDERTAEL, H., « Emphytéose et superficie – Aspects civils et fiscaux », Larcier 2004, p. 177. 23 Par la notion de « droits immobiliers similaires », on entend viser le leasing immobilier. L’article 10, §1er, alinéa 3 cir92 nous apprend que les sommes perçues 7 constituent des revenus de l’année de leur paiement ou de leur attribution. d’octroi de droits d’usage sur des biens immobiliers bâtis à l’exclusion de la quotité de ces redevances qui est destinée à la reconstitution intégrale du capital investi dans la construction ou, dans le cas d’un bâtiment existant, de la valeur vénale de celui-ci (…) ». Il y a lieu, à ce stade, de constater que le régime applicable à la concession d’un droit d’usufruit est nettement plus intéressant au niveau de l’impôt des personnes physiques. Dans la mesure, en effet, où l’usufruit n’est pas visé par l’article 7, § 1er, 3° cir92, les sommes obtenues par le contribuable à l’occasion de la concession d’un droit d’usufruit au profit de sa société ne constituent pas, dans le chef du dirigeant, des revenus de propriétés foncières24. Elles ne font donc, dans les faits, l’objet d’aucune taxation. Seule la partie de la redevance qui excède la reconstitution du capital investi fera donc l’objet d’une taxation au titre de revenu mobilier. Le taux de l’impôt est quant à lui déterminé par l’article 171, 2° bis, a cir92 qui précise que : « (…) Sont imposables distinctement… au taux de 15% (…).a) les revenus de capitaux et de biens mobiliers, autres que les dividendes, et les revenus divers visés à l’article 90,5° à 7°cir92 ».25 Pour rencontrer le prescrit de l’article 10, §2 cir92 et donc éviter la taxation des canons emphytéotiques au titre de revenus immobiliers, il y a lieu de respecter les conditions suivantes : 1.2.Exception : taxation au titre de revenus mobiliers Il est cependant possible d’éviter l’imposition de l’ensemble des canons emphytéotiques (et autres avantages) au titre de revenus immobiliers dans la mesure où les conditions de l’article 10, §2 cir92 sont respectées. le droit d’emphytéose doit porter sur un bien immobilier bâti ; Dans ce cas de figure, la taxation des redevances se fera au titre de revenus mobiliers. la convention doit être non résiliable ; les redevances échelonnées doivent permettre de couvrir, outre les intérêts et les charges de l’opération, la reconstitution intégrale du capital investi par le propriétaire dans la construction ou la valeur vénale du bâtiment existant ; La base imposable sera alors déterminée par l’article 19, §1er, 2° cir92. Celui-ci précise que : « Les intérêts comprennent (…) les redevances visées à l’article 10, §2, résultant de conventions le contrat doit prévoir soit que la propriété de la construction est transférée 24 Com.ir92, art. 10/6 com.ir92; Circ. N°Ci.RH. 221/399.733 du 27 sept. 1988, Bull. contr., n°677/11.88, p.1837 ; Q.&R., Sénat, sess. ord. 1987-1988, n°13, 525 ; Q.P. n°21, 17 juin 1988, Sén. De CLIPPELE, Bull., n° 677, p.1901 ; De MONTPELLIER, F. et VAN STEEWINCKEL, J. , Op.cit., p.71 ; AFSCHRIFT, T. , « Investir dans l’immobilier : Quelle structure d’acquisition », Idefisc, p.16. 25 L’article 107 cir92 §2, 7° de l’arrêté royal d’exécution du cir92 précise que « Il est renoncé totalement à la perception du précompte mobilier sur (…) les revenus compris dans les redevances résultant de conventions d’octroi de droits d’usage sur des biens immobiliers bâtis et visés à l’article 19, §1er, 2°, du Code des impôts sur les revenus 1992 (…) ». 8 de plein droit au terme de l’emphytéose, soit comporter une option d’achat. Lorsque le droit d’usage concédé porte non pas sur un immeuble acquis ou construit spécialement selon les spécifications du futur emphytéote, mais sur un immeuble bâti qui se trouvait antérieurement dans le patrimoine du concédant, la reconstitution du capital investi doit être calculée par rapport à la valeur de marché de l’immeuble au moment de la conclusion du contrat27. Examinons de plus près chacune de ces conditions en profondeur, le respect de celles-ci étant d’une importance considérable : si ces conditions ne sont pas intégralement respectées, il y aura alors taxation intégrale en revenus immobiliers des sommes obtenus à l’occasion de la concession du droit d’emphytéose ! (cf. supra) Seule la valeur de la partie construite (et non celle du terrain) rentrera en ligne de compte pour déterminer si les redevances échelonnées permettent de recomposer le capital investi. Le droit d’emphytéose doit porter sur un bien immobilier bâti A contrario, un droit d’emphytéose portant sur un bien immeuble non bâti sera toujours taxé au titre de revenus immobiliers sur base des articles 7, §1er, 3° et 10, §1er cir92. L’option d’achat n’est jamais prise en considération pour déterminer s’il y a ou non-reconstitution du capital investi28. Pour éviter toute discussion sur la reconstitution ou non du capital investi, nous ne pouvons que conseiller : La convention doit être non résiliable Ceci n’empêche pas de prévoir qu’en cas de non-exécution fautive du contrat (exemple : non-paiement des redevances), celui-ci puisse être rompu. a. de disposer d’une expertise immobilière dissociant la valeur des constructions/de la valeur du terrain sur lequel l’immeuble est construit ; Les redevances échelonnées doivent permettre de couvrir, outre les intérêts et les charges de l’opération, la reconstitution intégrale du capital investi par le propriétaire dans la construction ou la valeur vénale du bâtiment existant b. de prévoir, dans l’acte authentique, une mention où les parties précisent qu’il y a effectivement reconstitution du capital investi dans les constructions, hors option d’achat et de préciser que si une erreur devait apparaître au niveau Dans le cas d’un bâtiment que le concédant a construit spécifiquement selon les indications de l’emphytéote, le capital investi représente le coût de la construction (entreprises, frais d’architecte, taxes, etc.). terrain, qui ne doit pas être pris en compte pour la détermination du capital investi. MORIS, M., «Le leasing immobilier », R.G.F., n°1999/2, 1999, p.49. 27 Avis C.N.C. n°144-5, 14 juin 1995, Bull. C.N.C., n°35, pp.13-17. 28 Voyez notamment l’article 19/38 com.ir92 qui précise que « (…) les redevances emphytéotiques payables périodiquement sont calculées de manière à couvrir à la fois l’amortissement du prix de revient des constructions et les charges financières de l’opération (le prix de l’option correspond en règle générale, à la valeur du terrain sur lequel les constructions sont érigées). » ; De MONTPELLIER, F. et VAN STEEWINCKEL, J., Op.cit., p.101 ; Article 61/240, com.ir92. Lorsque le concédant a acquis le bien spécialement selon les indications de l’emphytéote, le capital investi représente la valeur d’acquisition des constructions26. 26 Pour obtenir cette valeur, il convient de faire une ventilation entre le prix payé, d’une part, pour les constructions et, d’autre part, celui afférent au 9 du calcul de la reconstitution du capital investi, les parties s’obligent à revoir les canons périodiques à due concurrence. dans les cinq ans de la date d’acquisition ; b) de biens bâtis qui ont été acquis par voie de donation entre vifs et qui sont aliénés dans les trois ans de l’acte de donation et dans les cinq ans de la date d’acquisition à titre onéreux par le donateur ; c) de biens non bâtis qui ont été acquis a titre onéreux ou par voie de donation entre vifs, sur lesquels un bâtiment a été érigé par le contribuable, dont la construction a débuté dans les cinq ans de l’acquisition du terrain à titre onéreux par le contribuable ou par le donateur et pour autant que l’ensemble ait été aliéné dans les cinq ans de la date de la première occupation ou location de l’immeuble…. » (Nous soulignons). La propriété de la construction doit, soit être transférée de plein droit au terme du contrat, soit le contrat doit comporter une option d’achat Prévoir le transfert immédiat de la propriété au terme du contrat peut donner lieu à une requalification (au niveau des droits d’enregistrement) de l’acte en vente avec transfert différé du droit de propriété. Il faut donc impérativement proscrire une telle clause. Il est à noter que l’administration fiscale considère que l’option d’achat correspond en général à la valeur du terrain29. Nous avons vu ci-dessus que la notion de « droit immobilier similaire » ne visait pas le droit d’usufruit. En d’autres termes, la concession d’un droit d’usufruit à une société peut donner lieu à une taxation en revenus divers sur base de l’article 90,10° cir92 contrairement au droit d’emphytéose qui lui n’est pas visé par cet article30. 1.3. Exception : Pas de dégagement de plus-value taxable en revenus divers en application des articles 90, 8° ou 90,10° cir92 La même situation se présente en cas de concession d’un droit d’emphytéose sur des immeubles non bâtis en application de l’article 90, 8° cir9231 : pas de taxation au La concession d’un droit d’emphytéose étant en principe taxée sur la base des articles 7 et 10 cir92, le Législateur a explicitement exclu cette concession d’une taxation au titre de revenus divers en application des articles 90,10° et 90,8° cir92. 30 Com.ir92, art. 90/39 (visant les immeubles non bâtis) : « (…) sont visées les plus-values réalisées (…) sur certains droits réels portant sur des immeubles (…) c’est-à-dire la nue-propriété, l’usufruit, le droit d’usage (…) » ; De MONTPELLIER, F. et VAN STEEWINCKEL, J., op.cit., p. 72. 31 « Les revenus divers sont (…) 8° les plus-values réalisées, à l’occasion d’une cession à titre onéreux, sur des immeubles non bâtis situés en Belgique ou sur des droits réels autres que des droits d’emphytéose ou de superficie ou qu’un droit immobilier similaire portant sur ces immeubles, pour autant qu’il s’agisse : a) de biens qui ont été acquis à titre onéreux et qui sont aliénés dans les huit ans de la date de l’acte authentique d’acquisition ou, à défaut d’acte authentique, de la date à laquelle tout autre acte ou écrit constatant l’acquisition a été soumis à la formalité de l’enregistrement ; b) de biens qui ont été acquis par voie de donation entre vifs et qui sont aliénés dans les L’article 90, 10° cir92 stipule que « Les revenus divers sont (…) les plus-values réalisées à l’occasion d’une cession à titre onéreux, sur des immeubles bâtis situés en Belgique ou sur des droits réels autres qu’un droit d’emphytéose ou de superficie ou qu’un droit immobilier similaire portant sur ces immeubles, pour autant qu’il s’agisse : a) de biens bâtis qui ont été acquis à titre onéreux et qui sont aliénés 29 Com.ir92, art. 19/38. 10 titre de revenus divers par opposition au droit d’usufruit. Un droit d’emphytéose sur un immeuble non bâti est cependant à proscrire car la taxation au titre de revenus immobiliers serait alors complète (cf. supra – non application de l’article 10, § 2 cir92). - le recours à l’emprunt ; - l’importance des capitaux investis par rapport au patrimoine de l’investisseur ; - la répétition des opérations ; - la rapidité des opérations effectuées ; - l’accomplissement d’opération à haut risque ; - les travaux de valorisation ; - le recours à des professionnels de la vente ; - l’utilisation des connaissances, de l’expérience ou des relations d’affaires propres ; - l’ordre dans lequel les opérations se sont déroulées ; - le caractère licite ou illicite de l’opération. 1.4. Pas de taxation possible en revenus divers en application de l’article 90, 1° cir92, sauf cas extrême L’administration fiscale pourrait essayer d’imposer la concession d’un droit d’emphytéose en revenu divers sur base de l’article 90, 1° cir92, lorsque l’opération a été accomplie dans un cadre spéculatif. Par contre, on ne peut déduire le caractère spéculatif d’une opération du simple fait qu’un bénéfice important a été réalisé.32 » Pour rappel, l’article 90, 1°cir92 dispose que : « sans préjudice des dispositions des articles 90, 8°, 9°, 10°, les bénéfices ou profits, quelle que soit leur qualification, qui résultent, même occasionnellement ou fortuitement, de prestations, opérations ou spéculations quelconques ou de services rendus à des tiers, en dehors de l’exercice d’une activité professionnelle, à l’exclusion des opérations de gestion normale d’un patrimoine privé consistant en biens immobiliers, valeurs de portefeuille et objets mobiliers (…) ». D’une façon générale, il n’y a aucune raison que la concession d’un droit d’emphytéose soit plus vite considérée comme spéculative qu’une simple vente33. En cas d’application de l’article 90, 1°cir92, la base imposable serait déterminée en diminuant le montant brut des frais que le contribuable justifie avoir faits ou supportés pendant la période imposable pour acquérir ou conserver ces revenus34. Le Commentaire des impôts sur les revenus précise ici que "en pratique on agira à l'égard des bénéfices et profits en cause, en matière de détermination tant du montant imposable que du moment où ces bénéfices et profits acquièrent le caractère de revenus imposables comme si, au lieu de provenir d'une opération non Cette matière a été abondamment traitée par la doctrine, notamment en matière de plus-value sur actions. « Les juges basent généralement leur appréciation sur l’existence d’un certain nombre d’indices dont ils pensent pouvoir déduire l’existence d’une intention spéculative : 32 trois ans de l’acte de donation et dans les huit ans de la date de l’acte authentique d’acquisition à titre onéreux par le donateur ou, à défaut d’acte authentique, de la date à laquelle tout autre acte ou écrit constatant l’acquisition à titre onéreux par le donateur a été soumis à la formalité de l’enregistrement. » ELOY, M., « Gérer son patrimoine privé en bon père de famille », R.G.F., 2003/1, pp. 2 et suivantes. 33 Voyez également sur ce point MOSTIN, C., CULOT,A., GOFFAUX, B., VANGINDERTAEL, H., op. cit., pp. 250 et s. 34 Cir92, art. 97. 11 professionnelle, ils avaient été obtenus dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle ou agricole, d'une profession libérale ou d'une occupation lucrative"35 (Nous surlignons). de superficie ou de droits immobiliers similaires (…) » (Nous soulignons). En terme de requalification en rémunération de dirigeant d’entreprise, nous constatons donc un régime fiscal (avantageux) identique pour la concession d’un usufruit ou d’un droit d’emphytéose. Pour déterminer la base imposable inhérente à la concession du droit d’emphytéose dans cette hypothèse, il faudra donc se référer au calcul effectué dans le cadre d’un cédant / tréfoncier agissant à titre professionnel (cf. infra). La base imposable sera en général très limitée. 1.6. Possibilité de requalification d’un droit d’emphytéose en contrat de bail, en application de l’article 344, §1er cir92 Le taux d’imposition sera de 33% en application de l’article 171, 1°, a cir92. L’administration des contributions directes peut-elle appliquer l’article 344, §1er cir9236 à un droit d’emphytéose et le requalifier par ce moyen en contrat de bail ? 1.5. Possibilité de requalification de la redevance emphytéotique en loyer, en application de l’article 32 cir92 La même problématique existe avec le droit d’usufruit. Dans les deux cas, il s’agit d’un droit réel à opposer à un droit personnel qu’est le contrat de bail (cf. supra). L’article 32 cir92 précise que : « Les rémunérations de dirigeant d’entreprise sont toutes les rétributions allouées ou attribuées à une personne physique … Elles comprennent notamment (…) 3° Par dérogation à l’article 7, le loyer et les avantages locatifs d’un bien immobilier bâti donné en location par les personnes visées à l’alinéa 1er, 1°, à la société dans laquelle elles exercent un mandat ou des fonctions analogues, dans la mesure où ils excèdent les cinq tiers du revenu cadastral revalorisé en fonction du coefficient visé à l’article 13(…). ». Il faut cependant mettre en garde certains contribuables qui, en dérogeant aux prescrits non impératifs du Code civil (droit d’usufruit) ou de la loi de 1824 (droit d’emphytéose) rapprochent leur droit réel d’un simple contrat de bail. Pour autant que les parties respectent scrupuleusement ces dispositions légales, il est impossible - selon nous - de requalifier un droit d’emphytéose en un contrat de L’article 32/28 du com.ir92 précise quant à lui que : « La requalification ne s’applique pas aux revenus de la location des biens immobiliers (…) dont le droit d’usage est cédé en vertu d’une convention autre qu’un contrat de location, c’est-à-dire notamment (…) les contrats de cession d’usufruit, les conventions d’emphytéose, 35 36 Cir92, art. 344, § 1er : « N’est pas opposable à l’administration des contributions directes, la qualification juridique donnée par les parties à un acte ainsi qu’à des actes distincts réalisant une même opération lorsque l’administration constate, par présomptions ou par d’autres moyens de preuve visé à l’article 340, que cette qualification a pour but d’éviter l’impôt, à moins que le contribuable ne prouve que cette qualification réponde à des besoins légitimes de caractère financier ou économique ». Com.ir92, art. 97/3. 12 bail, bien plus encore qu’un droit d’usufruit37. Pour que l’article 344, §1er cir92 trouve à s’appliquer, il faut principalement que deux conditions soient réunies : l’emphytéose est un droit réel. Son titulaire peut dès lors hypothéquer39 son droit ou grever le bien de servitudes. Le locataire ne dispose pas de ces facultés ; la qualification donnée par les parties doit avoir pour but unique d’éviter l’impôt (la charge de la preuve en incombe à l’administration) ; propriétaire temporaire, l’emphytéote peut modifier la destination de la chose. Le locataire n’est pas investi d’un tel droit ; la redevance emphytéotique, même faible, a pour fonction de reconnaître le droit de propriété résiduel du tréfoncier. Le loyer est la contrepartie de l’obligation pour le bailleur de laisser la jouissance du bien au preneur. l’acte doit être juridiquement requalifiable en un acte présentant des effets juridiques équivalents. L’administration prouverait que la première condition est réunie, encore faudrait-il que l’acte d’emphytéose soit in concreto requalifiable en bail et donc que les effets de ces deux contrats soient équivalents … Ce point a été confirmé par la Cour d’appel de Bruxelles40 ; la loi sur les baux commerciaux prévoit la possibilité de demander la révision des loyers lorsque des circonstances nouvelles le justifient. En ce qui concerne les redevances, la loi de 1824 ne prévoit pas cette possibilité dans le chef de l’emphytéote ; Rappelons quelques points cruciaux qui différencient le droit d’emphytéose par rapport au simple contrat de bail. Les parties ne devront jamais perdre de vue ces principes lors de la rédaction de leur accord. Elles veilleront à s’écarter le moins possible des dispositions de la loi de 1824 : en cas de diminution ou de privation entière de jouissance du bien, l’emphytéote ne peut demander de remise totale ou partielle de la redevance (sauf si cette réduction de jouissance dure plus de cinq ans)41 ; par le contrat d’emphytéose, le tréfoncier transfert à l’emphytéote – pour une durée déterminée – tous les attributs de la propriété, alors que dans un contrat de bail, le bailleur s’engage uniquement envers le locataire à lui faire jouir paisiblement de la chose louée. il ne peut être mis fin, sauf pour négligence grave, à l’emphytéose avant le délai minimum légal de 27 ans ; En général, on estime qu’il y a bail et non emphytéose si une clause du contrat prévoit l’engagement du propriétaire de faire jouir le preneur, ou si elle limite sa pleine jouissance38 ; au niveau des grosses réparations, le bailleur peut y être contraint par le locataire. Le tréfoncier ne peut jamais être astreint à une telle obligation ; 37 Sur la requalification possible d’un usufruit en bail en application de l’article 344 cir92, voyez AFSCHRIFT, T., « L’évitement licite de l’impôt et la réalité juridique », Larcier, Bruxelles, 1994, pp. 250 et sv. 38 LAHAYE, M. et VANKERCHOVE, J., « Le louage de choses – Les baux en général », Les Novelles, Droit civil, T. I, Larcier, Bruxelles, 2000, n°34, p. 19. 39 Loi du 10 janv. 1824 sur le droit d’emphytéose, art. 6. 40 Bruxelles, 5 nov. 1975, J.T., 1976, p.27. 41 Ibidem ; Loi du 10 janv. 1824 sur le droit d’emphytéose, art. 11. 13 la loi de 1975 sont rendues applicables par arrêté royal43. 2. Le cédant / tréfoncier agit à titre professionnel Nous devons hypothèses42 : distinguer ici Les succursales ou siège d'opérations des entreprises étrangères visées aux deuxième, troisième et quatrième points cidessus sont également tenus aux obligations comptables de la loi de 1975. deux soit le cédant / tréfoncier n’est pas soumis aux règles comptables ; soit le cédant/ tréfoncier est soumis aux règles comptables. Les succursales ou siège d'opérations des commerçants étrangers personnes physiques ne sont donc pas tenus à appliquer la loi de 1975. Pour rappel, les personnes soumises aux règles du droit comptable sont celles qui sont assujetties à la loi de 1975 relative à la comptabilité des entreprises, à savoir : 2.1. Le cédant / tréfoncier n’est pas assujetti aux règles comptables les personnes physiques ayant la qualité de commerçant ; Les sociétés commerciales ou à forme commerciale ; les organismes publics qui exercent une mission statutaire à caractère commercial, financier ou industriel ; les organismes, non visés aux deuxième et troisième points, dotés ou non de la personnalité juridique propre qui exerce avec ou sans but de lucre une activité commerciale, financier ou industriel, auxquels les dispositions de Il s’agira notamment des cas où le cédant / tréfoncier exerce en tant que profession libérale. Nous prendrons ici exclusivement comme hypothèse le fait que le cédant / tréfoncier respecte les critères de l’article 10, §2 cir92 (cf. supra). Dans cette hypothèse, la base imposable est réduite à la seule partie des redevances qui excède le capital investi ou la valeur vénale du bien (article 19, §1er, 2° cir92). Il est cependant impératif que les critères de l’article 10,§2 cir92 soient respectés, sous peine d’engendrer dans certains cas un risque de double taxation dans le chef du cédant / tréfoncier44. 42 Certains auteurs considèrent que lorsque le cédant / tréfoncier agit à titre professionnel, les critères de l’article 10, §2 cir92 trouvent d’office à s’appliquer mutatis mutandis. Ils justifient leur position sur base du libellé même des articles 37 et 183 cir92 . (Voyez en ce sens : COLLON, L., « Aspects des droits réels immobiliers », C &.F.P., 1998, n°83, 40 ; De MONTPELLIER , F. & VAN STEENWINCKEL, J., op.cit., p.218). D’autres auteurs – dont nous partageons l’avis – estiment au contraire que lorsque le cédant / tréfoncier est assujetti aux règles comptables, il doit y avoir primauté du droit comptable sur le droit fiscal en la matière (Voyez en ce sens BLOCKERYE, Th., « Structures alternatives d’investissements en immobilier : l’usufruit, l’emphytéose, la superficie », Séminaire Vanham & Vanham, 8 février 2001, p.30 ; MOSTIN, C., CULOT,A., GOFFAUX, B., VANGINDERTAEL, H., op. cit., p. 252). 43 Loi du 17 juil. 1975 relative à la comptabilité des entreprises, art. 1er. 44 « Si une des conditions de l’article 10, §2 cir92 fait défaut, « les redevances sont alors considérées comme des revenus professionnels entièrement imposables l’année de leur perception, peu importe qu’ils couvrent tout ou partie de la durée du contrat. Il existe dans cette hypothèse, un risque de double imposition dans le chef du tréfoncier. Lorsque le contrat est résiliable ou ne prévoit pas d’option d’achat ou de transfert automatique de la propriété du bien à la fin du contrat mais permet la reconstitution intégrale du capital investi par le tréfoncier ou la valeur vénale du bien, le bâtiment 14 Le taux de taxation sera soit le taux progressif normal, soit le taux distinct de 16,5% en cas de cessation d’activité.45 du capital investi dans la construction sera taxable. Il n’est donc pas tenu compte de l’impact du terrain. Notons ici qu’il y a une différence notable avec le régime applicable à la concession d’un usufruit professionnel. Par ailleurs, le capital investi peut être bien supérieur à la valeur nette fiscale de l’immeuble47… En d’autres termes, la partie des redevances qui dépasse la reconstitution du capital investi peut être bien inférieure à la différence entre la valeur de cession et la valeur après amortissements. La plus-value éventuellement générée sera calculée en fonction de la différence entre la valeur nette comptable de la quotité du bien immeuble correspondant à l’usufruit (construction et terrain) et la valeur de concession de l’usufruit. Cette plus-value sera taxable au taux progressif normal ou au taux distinct. L’imposition se fera en une fois, immédiatement46. De plus, la taxation des redevances aura lieu au fur et à mesure de leur encaissement. Il y a donc un avantage certain dans cette hypothèse à concéder un droit d’emphytéose plutôt qu’un usufruit, tant au niveau de la base imposable, qu’au niveau du délai de taxation. À l’opposé, dans le cadre de la concession d’un droit d’emphytéose, seule la partie des redevances qui excède la reconstitution doit être repris dans les comptes de l’emphytéote ou du superficiaire, lequel va amortir la valeur d’acquisition du droit et déduire la partie des redevances correspondant aux intérêts. Cela entraîne un risque de double imposition dans le chef du tréfoncier à concurrence de la partie des redevances servant à la reconstitution du capital investi ou de la valeur vénale. Le tréfoncier perd son droit de pratiquer des amortissements sur le bâtiment, puisqu’il a quitté le patrimoine pour y être remplacé par une créance à l’encontre de l’emphytéote ou du superficiaire. Il est alors considéré, d’un point de vue fiscal, comme ayant réalisé son immeuble. Si le montant de sa créance excède la valeur comptable du bâtiment au moment de la concession du droit, il est considéré comme ayant réalisé une plus-value imposable au titre de revenus professionnels. Etant donné que cette plusvalue est reconstituée par une partie des redevances périodiques, lesquelles sont imposables dans leur entièreté, il en résulte donc bien un cas de double imposition dans le chef du tréfoncier. » MOSTIN, C., CULOT,A., GOFFAUX, B., VANGINDERTAEL, H., Op. cit., p.253. Voyez pour une analyse approfondie sur cette question spécifique : COLLON, L., « Aspects fiscaux des droits réels immobiliers », C. & F.P., 1998, n°83, p.41. 45 Cir92, art. 171, 4°. 46 Voyez pour une analyse plus approfondie de la question : DE CREM, D. & MASSART, M., « Aspects fiscaux de la comptabilité et technique de la déclaration fiscale », Kluwer - Editions juridiques - Belgique, Bruxelles, 1997, p.88. 2.2. Le cédant / tréfoncier est assujetti aux règles comptables Nous ne prendrons ici comme hypothèse que le cas dans lequel il y a reconstitution intégrale du capital investi (il n’y a pas d’obligation ici de prévoir une option d’achat ou un contrat non résiliable). L’article 95 de l’arrêté royal d’exécution du Code des sociétés n’exige en effet que la reconstitution intégrale du capital investi. Cette notion de « reconstitution du capital investi » est identique à celle définie précédemment. Les intérêts à prendre en considération pour calculer s’il y a reconstitution du capital investi doivent être les intérêts convenus entre parties, avec au minimum les intérêts normaux du marché. 47 15 Cf. supra la notion de capital investi. sans être assujetti au droit comptable (cf. supra). Selon l’article 61/240 com.ir92, « En cas de location-financement ou de contrats similaires, contenant une option d’achat, il doit être procédé comme suit dans le chef du propriétaire des biens : En effet, dans le cas contraire (intérêts anormalement faibles), une partie de la dette de l’emphytéote devra être reclassifiée en intérêts en application des articles 77 et 67 de l’arrêté royal du 30 janvier 2001 portant exécution du Code des sociétés48. 1° lors du transfert du droit d’usage, la différence positive éventuelle entre la partie des versements échelonnés prévus au contrat représentant la reconstitution en capital49 – majorée, le cas échéant, de la somme payée au début du contrat – et le prix de revient du droit transféré est à considérer comme un bénéfice imposable ; 2° le prix de revient du droit transféré correspondra généralement pour des contrats relatifs à des immeubles bâtis : à la valeur d’acquisition des constructions (le prix de l’option correspondra, le plus souvent, à la valeur préalablement déterminée ou présumée du terrain)… La reconstitution du capital investi pourrait alors être en péril. Il s’agit ici d’une différence notable avec le régime applicable au cédant / tréfoncier agissant à titre privé ou à titre professionnel, mais 48 AR/C.soc. , art. 77. : « Les articles 67 et 73 sont d’application analogue aux dettes de nature et de durée correspondantes. » AR/C.soc. , art. 67 : «( …) L’inscription au bilan des créances à leur valeur nominale s’accompagne de l’inscription en comptes de régularisation du passif et de la prise en résultats pro rata temporis sur la base des intérêts composés : a) des intérêts inclus conventionnellement dans la valeur nominale des créances ; b) de la différence entre la valeur d’acquisition et la valeur nominale des créances ; c) de l’escompte de créances qui ne sont pas productives d’intérêts ou qui sont assorties d’un intérêt anormalement faible, lorsque ces créances : a. sont remboursables à une date éloignée de plus d’un an, à compter de leur entrée dans le patrimoine de la société, et b. sont afférentes soit à des montants actés en tant que produits au compte de résultats, soit au prix de cession d’immobilisations ou de branches d’activités. L’escompte visé sous c) est calculé au taux du marché applicable à de telles créances au moment de leur entrée dans le patrimoine de la société. 3° si la valeur d’acquisition précitée est supérieure au capital à reconstituer pendant la durée du contrat – majorée, le cas échéant, comme exposé au 1° ci-avant – on doit rechercher si la redevance destinée à compenser cette valeur d’acquisition n’est pas, à concurrence de la différence, comprise dans le prix d’option (si tel est le cas ; le prix de revient du droit transféré doit être diminué en conséquence) ; 4° les redevances perçues pendant la durée du contrat doivent être scindées en deux parties : - l’encaissement d’une créance, à concurrence du capital compris dans les versements ; - un revenu imposable, pour le surplus. Pour les créances payables ou remboursables par versements échelonnés, dont le taux d’intérêt ou de chargement s’applique durant toute la durée du contrat sur le montant initial du financement ou du prêt, les montants respectifs des intérêts et chargements non courus à reporter sont déterminés par application du taux réel au solde restant dû en début de chaque période ; ce taux réel est calculé compte tenu de l’échelonnement et de la périodicité des versements… ». Voyez également les avis de la C.N.C. , n°137/4, Bull. C.N.C., n°19, juillet 1986, 10-16 et n°159/1, Bull.C.N.C., n°23, décembre 1988, 21-23. 5° le bénéfice réalisé lors de la levée d’option est imposable à ce moment. » 49 Pour l’analyse de la notion de reconstitution du capital investi, nous renvoyons ci-avant. 16 Le prix de revient est égal à la valeur d’acquisition des constructions, sous déduction des amortissements pratiqués par le cédant / tréfoncier. d’un droit d’emphytéose à titre professionnel (en respectant les critères de l’article 10, §2 cir92) pour une personne qui n’est pas assujettie aux règles comptables. Dans le cas présent, la base imposable est différente de celle existant dans l’hypothèse du cédant / tréfoncier nonassujetti aux règles comptables : une plusvalue taxable peut en effet être dégagée par rapport au prix de revient des constructions (cf. supra). En outre, la quotité des redevances qui dépasse la reconstitution du capital investi est également taxable. Un cas de figure peut présenter un faible désavantage par rapport à la concession d’un droit d’usufruit : il y a taxation (faible) des redevances pour ce qui dépasse la reconstitution du capital investi en cas de concession d’un droit d’emphytéose à titre privé. IV. Acquisition d’un droit d’emphytéose sur un immeuble bâti par une société suivie de l’acquisition du tréfonds par son dirigeant Le taux d’impôt sera soit le taux progressif, soit le taux distinct de 16,5% en cas de cessation d’activité (cf. supra). III. C. Synthèse Dans le cas de l’opération envisagée concession d’un droit d’emphytéose sur un immeuble bâti par une personne physique à une société dont elle est dirigeant d’entreprise - , il faut constater que le droit d’emphytéose présente dans certains cas des avantages non-négligeables par rapport au droit d’usufruit : IV. A. Droits d’enregistrement 1. Principe La concession du droit d’emphytéose est soumise au régime de l’article 83 du C. enr., tel que décrit supra. Le taux de taxation est donc de 0,2%. les gros travaux seront à charge de l’emphytéote (société acquéreuse), au contraire de l’usufruitier qui n’a légalement pas à les supporter ; La cession du tréfonds sera, elle, assujettie au droit de 12,5% (Région wallonne ou Région de Bruxelles-capitale) ou 10% (Région flamande). Il s’agit ici des règles de droit commun, le Code des droits d’enregistrement ne comportant aucune disposition spécifique en la matière. les droits d’enregistrement seront limités à 0,2% à la place de 12,5%50 ou 10%51 ; pas de taxation possible en revenus divers sur base des articles 90, 8° ou 90, 10° cir92 ; La base de calcul des droits d’enregistrement sur la cession du tréfonds sera la valeur conventionnelle (C.enr., art. 45) sans pouvoir être inférieure à sa valeur vénale (C.enr., art. 46). taxation bien inférieure à la concession d’un droit d’usufruit en cas de concession 50 51 « Dans la pratique, on peut considérer que la valeur vénale d’un immeuble grevé d’un droit d’emphytéose est égale à la Région wallonne ou de Bruxelles-capitale. Région flamande. 17 différence entre la valeur vénale de l’immeuble, déterminée en faisant abstraction du droit d’emphytéose, et la valeur vénale du droit d’emphytéose. »52 2. Possibilité de requalification de l’opération en vente L’article 18 du C. enr. a été complété par une mesure « anti-abus » similaire à celle insérée à l’article 344 cir92. Lors du calcul de la valeur du droit d’emphytéose, il faudra tenir compte de sa durée, du rendement, du montant de l’éventuelle option d’achat. Cet article stipule que « (…) §2. N’est pas opposable à l’administration de la taxe sur la valeur ajoutée, de l’enregistrement et des domaines, la qualification juridique donnée par les parties à un acte ainsi qu’à des actes distincts réalisant une même opération lorsque l’administration constate, par présomptions ou par d’autres moyens de preuve, que cette qualification a pour but d’éviter des droits, à moins que le contribuable ne prouve que cette qualification réponde à des besoins légitimes de caractère financier ou économique ». Si la société avait simplement acquis le droit d’usufruit, suivi d’une acquisition par le dirigeant d’entreprise de la nuepropriété, les droits à percevoir auraient globalement été comparables à l’acquisition de la pleine propriété par une seule et même personne. Le taux des droits d’enregistrement est fixé, dans le cadre d’un usufruit, par l’article 44 du C. enr. (cf. supra), soit 12,5% ou 10% selon la région où se situe l’immeuble. Pour que cette mesure anti-abus soit applicable, deux conditions – identiques à celles prévues par l’article 344 cir92 (cf. supra) -, doivent principalement être réunies53 : La base de calcul des droits pour l’usufruit est déterminée par application de l’article 47 du C. enr. (cf. supra). La base de calcul des droits pour la nuepropriété est quant à elle déterminée par l’article 49 du C. enr. qui stipule que « (…) lorsque la convention a pour objet la nuepropriété d’un immeuble, sans que l’usufruit soit réservé par l’aliénateur, la base imposable ne peut être inférieure à la valeur vénale de la pleine propriété, déduction faite de la valeur de l’usufruit calculée conformément à l’article 47 ». l’opération doit être susceptible d’une autre qualification. Cette requalification doit cependant tenir compte de tous les effets juridiques et économiques de l’opération, à l’exclusion des effets fiscaux ; l’évitement de l’impôt doit avoir été déterminant dans le choix de la qualification opérée par les parties. Pour refuser la qualification donnée par les parties, l’administration doit démontrer la motivation exclusivement fiscale de l’opération. Nous voyons par-là que l’acquisition par une société d’un droit d’emphytéose, suivie de l’acquisition du tréfonds par le dirigeant personne physique (ou toute autre entité) présente un avantage appréciable au niveau des droits d’enregistrement par rapport à l’acquisition d’un droit d’usufruit / nue-propriété ou un achat pur et simple. André CULOT examine explicitement l’application de ces principes à l’opération consistant en la concession d’un droit d’emphytéose d’une société A à une 52 53 MOSTIN, C., CULOT,A., GOFFAUX, B., VANGINDERTAEL, H., op. cit., p.185. MOSTIN, C., CULOT,A., GOFFAUX, B., VANGINDERTAEL, H., op. cit.,., p.182. 18 société B moyennant canon de départ très important et de redevances annuelles symboliques. Le tréfonds est ensuite cédé à une société C. droit d’emphytéose et vend ensuite le tréfonds 1. Cet auteur vient à la conclusion qu’il est impossible de requalifier la concession d’un droit d’emphytéose dans cette hypothèse puisque : il n’y a pas transfert de propriété dans le chef de la société B : il s’agit là d’un élément déterminant54. Par mesure de prudence, il faut cependant toujours prendre en considération les quelques critères que voici : 2. Cession du tréfonds 2.1. Le cédant / tréfoncier agit à titre privé les redevances périodiques ne peuvent être minimes ; Nous avons examiné ci-dessus l’inapplicabilité dans les faits d’une taxation sur base de l’article 90, 1° cir92 ; le droit d’option à l’échéance ne peut pas non plus être symbolique55. Rien n’empêche en outre de soumettre concomitamment les projets d’actes authentiques au Receveur de l’enregistrement, de façon à ce qu’il prenne (officieusement) position en toute connaissance de cause. des droit Nous renvoyons au développement qui a déjà été fait ci-avant sur le sujet avec la distinction entre le cédant / tréfoncier agissant à titre privé et le cédant / tréfoncier agissant à titre professionnel (lui-même assujetti ou non au droit comptable). il y a trois acteurs différents ; IV. B. Impôt physiques Concession du d’emphytéose Dans le cas présent, la cession du tréfonds, même si elle fait suite à la concession d’un droit d’emphytéose, n’apporte globalement aucun revenu brut supérieur à une simple vente d’immeuble. Il n’y a donc – sauf cas tout à fait spécifique – pas de taxation possible au titre de revenu divers en application de l’article 90,1° cir92. personnes Toute autre est la possibilité de taxation sur base des articles 90, 8° ou 90, 10° cir92. Ces deux articles ont déjà été examinés ci-avant. Ils visent les plusvalues réalisées sur la cession à titre onéreux d’immeubles (bâtis ou non bâtis) ou sur des droits réels autres qu’un droit d’emphytéose ou de superficie ou qu’un droit immobilier similaire. Dans le cas présent, l’éventuelle plus-value dégagée lors de la cession d’un tréfonds pourrait faire l’objet d’une taxation sur cette base car il ne s’agit pas de la concession d’un droit d’emphytéose ni d’un droit réel similaire ; encore faut-il Nous analysons ici uniquement la taxation dans le chef de la personne qui concède le 54 Voyez également sur ce point, De MONTPELLIER, F. et STEEWINCKEL, J. op.cit., p.91. 55 L’administration de l’enregistrement considère que la concession d’un droit d’emphytéose en général constitue une vente lorsque l’option d’achat à l’échéance est à ce point dérisoire que l’exercice de ce droit d’option doit être tenu pour certain. (Décision du 21 oct. 1974, Rec.gén.enr.not., 1975, 304 ; Rev.not.belge, 1975, 337). 19 cependant rencontrer les d’application de ces articles. critères Dans le chef du cédant : cf. supra. Dans le chef de l’emphytéote : La même problématique prévaut en cas de cession d’une nue-propriété d’un bien immeuble. - Droits d’enregistrement inférieurs à l’acquisition d’un droit d’usufruit ; - Gros travaux à charge de l’emphytéote. Reste à déterminer la quotité de plus-value imputable sur le tréfonds. Celle-ci sera bien entendu fonction de la valorisation donnée au droit d’emphytéose (cf. supra). V. Conclusions Cette plus-value taxable en application des articles 90, 8° ou 10° cir92 sera de toute façon globalement bien inférieure à la plus-value dégagée lors d’une simple vente (cf. infra) ou de la concession d’un droit d’usufruit (dans ce cas en effet, tant la plus-value dégagée lors de la concession du droit d’usufruit que lors de la cession de la nue-propriété sont taxables). Par cet exposé, nous avons voulu présenter les incidences fiscales du droit d’emphytéose dans deux cas de figure spécifiques : 1) la concession d’un droit d’emphytéose sur un immeuble bâti par une personne physique à une société dont elle est dirigeant d’entreprise ; 2) l’acquisition par une société d’une emphytéose sur un immeuble bâti suivie de l’acquisition du tréfonds par son dirigeant. 2.2. Le cédant / tréfoncier agit à titre professionnel Cette matière a été très peu étudiée par la doctrine. 1. Selon nous, le tréfoncier dégagera une éventuelle plus-value qui correspondra à la différence entre le prix de vente du tréfonds et sa valeur historique (valeur historique du terrain). En effet, lors de la concession du droit d’emphytéose, la plusvalue éventuellement dégagée est, elle, toujours calculée sur la valeur des parties construites (cf. supra). Droits d’enregistrement Dans les deux hypothèses, la concession de l’emphytéose engendrera la débition de droits d’enregistrement de 0,2 %, calculés sur la valeur du canon de départ et des redevances périodiques. Dans la seconde hypothèse, en sus des droits de 0,2 % générés par la concession de l’emphytéose, des droits de 12, 5 % ou de 10 % (selon les Régions) seront dus lors de la cession du tréfonds. IV. C. Synthèse L’impact est cependant relatif compte-tenu de la faible valeur du tréfonds par rapport à celle de l’emphytéose. La concession d’un droit d’emphytéose suivie de la vente du tréfonds dans les conditions exposées ci-dessus présente plusieurs avantages : Par comparaison, le droit d’usufruit génère quant à lui des droits plus importants puisque ce sont exclusivement les droits de 12, 5 % (ou de 10 %) qui seront engendrés. 20 2. fiscalement taxée comme revenus mobiliers. Par comparaison, les sommes obtenues par une personne physique dans le cadre d’un usufruit concédé à une société ne sont pas considérées comme des revenus de propriété foncière. Dans les faits, elles échappent à toute taxation. Aucun intérêt n’est cependant perçu, contrairement à l’emphytéose. Impôts directs Nous avons étudié le régime fiscal à l’impôt des personnes physiques a) de la personne qui concède une emphytéose et conserve le tréfonds et b) le cas où la personne cède ensuite son tréfonds. 3.1 Régime fiscal de la personne physique qui concède l’emphytéose B. Si la personne physique concède une emphytéose sur un bien immeuble professionnel, il y a lieu de distinguer si elle est ou non soumise au droit comptable (cf. supra pour les critères). Il faut distinguer le cas selon que le concédant agit à titre privé ou professionnel. A. Si la personne physique concède une emphytéose sur un bien immeuble privé, elle verra les redevances et canons tirés de cette opération taxés au titre de revenus immobiliers (art. 7, § 1er , 3° cir92 et art. 10, §1er cir92). Si le concédant n’est pas soumis aux règles comptables (ex. : profession libérale), seule une partie des redevances emphytéotiques pourrait être taxée : il s’agit de la partie des redevances qui excède la reconstitution du capital investi, à savoir les intérêts. Dans le cadre de l’emphytéose, il est cependant possible de limiter fortement la taxation, si les conditions de l’article 10, §2 cir92 sont respectées, à savoir : Le taux de taxation variera selon les circonstances : soit le taux progressif normal, soit le taux de 16,5 % en cas de cessation d’activités. le droit d’emphytéose doit porter sur un bien immobilier bâti ; Pour connaître ce régime de taxation, le contrat d’emphytéose devra respecter les mêmes conditions que si le concédant avait agit en qualité de personne privée : toutes les conditions de l’article 10, § 2 cir92 devront être remplies (transfert de propriété, reconstitution intégrale du capital, contrat non-résiliable, immeuble bâti). la convention doit être non résiliable ; les redevances échelonnées doivent permettre de couvrir, outre les intérêts et les charges de l’opération, la reconstitution intégrale du capital investi par le propriétaire dans la construction ou la valeur vénale du bâtiment existant ; le contrat doit prévoir soit que la propriété de la construction est transférée de plein droit au terme de l’emphytéose, soit comporter une option d’achat. Si le concédant est assujetti aux règles comptables (et qu’il y a reconstitution du capital investi). Une plus-value taxable peut être dégagée par rapport au prix de revient des constructions (valeur d’acquisition des constructions, sous déduction des amortissements pratiqués). Dans l’hypothèse du respect de l’article 10, §2 cir92, seule la partie du prix de concession du droit d’emphytéose qui dépasserait la reconstitution du capital investi dans la construction sera 21 privé, son régime fiscal sera identique à celui d’une personne privée qui vend un immeuble : taxation de l’éventuelle plusvalue si le tréfoncier se trouve dans les conditions des 8° et 10° de l’article 90 cir92. Le taux de taxation variera selon les circonstances : soit, le taux progressif normal, soit le taux de 16,5 % en cas de cessation d’activités. 3.2 B. Si le tréfoncier cède son tréfonds et que la cession se fait dans le cadre de l’exercice de sa profession, la plus-value sera calculée selon nous par rapport à la valeur historique du terrain. Régime fiscal de la personne physique lors de la cession du tréfonds A. Si le tréfoncier cède son tréfonds dans le cadre de la gestion de son patrimoine 22