de certains aspects fiscaux de la concession d`un droit d

Transcription

de certains aspects fiscaux de la concession d`un droit d
DE CERTAINS ASPECTS FISCAUX DE
LA CONCESSION D’UN DROIT
D’EMPHYTÉOSE À UNE SOCIÉTÉ
Vincent BERCHEM
Juriste-fiscaliste
Associé
Bfs sa
Thibault GOURDIN
Juriste-fiscaliste
I.
physique à une société dont elle est
dirigeant d’entreprise ;
Introduction
Le droit d’emphytéose, bien que régit par
une loi du 10 janvier 1824, est relativement
peu connu et utilisé par les praticiens du
droit fiscal.
2. l’acquisition d’un droit d’emphytéose
sur un immeuble bâti par une société suivie
de l’acquisition du tréfonds par son
dirigeant.
Nous y avons donc consacré la présente
étude en nous focalisant sur deux situations
juridiques particulières.
Nous ne détaillerons pas le régime à
l’impôt des sociétés de l’emphytéose, de
même que les conséquences de l’éventuelle
levée de l’option d’achat à l’échéance dans
le chef de l’emphytéote et du tréfoncier.
Nous
signalerons
simplement
que
différentes voies existent à ce niveau.
Nous commencerons par un rappel des
caractéristiques juridiques essentielles du
droit d’emphytéose, par opposition au droit
d’usufruit qui est le droit réel le plus
souvent rencontré. Ceci nous permettra de
mieux cerner ces deux dispositions légales
d’autant que les caractéristiques du droit
civil génèrent des impacts fiscaux évidents.
II. Caractéristiques civiles du
droit d’emphytéose
Nous examinerons ensuite fiscalement - au
niveau de l’impôt des personnes physiques
et des droits d’enregistrement - deux cas
de figure particuliers :
II. A. Notion
L’emphytéose est définie comme le « droit
réel, qui consiste à avoir la pleine
jouissance d’un immeuble appartenant à
1. la concession d’un droit d’emphytéose
sur un immeuble bâti par une personne
1
autrui, sous la condition de lui payer une
redevance annuelle, soit en argent, soit en
nature, en reconnaissance de son droit de
propriété. » 1
Il s’agit de la seule condition légale à
laquelle les parties ne peuvent déroger.
Toutes les autres dispositions de la loi de
1824 sont en effet supplétives4.
Ce droit est régi par une loi du 10 janvier
1824.
La personne qui concède le droit
d’emphytéose est appelée « tréfoncier ».
La personne qui jouit du droit est appelée
« emphytéote ».
L’usufruit quant à lui est un droit
essentiellement viager : il s’éteint avec son
titulaire, le rendant – contrairement à
l’emphytéose – intransmissible par décès.
Si l’usufruit est concédé à une personne
morale, sa durée ne pourra être supérieure
à 30 ans5.
Quant à l’usufruit, J. HANSSENNE le
définit comme le « droit réel qui consiste à
user et à jouir temporairement d’un bien
immobilier appartenant à autrui, à charge
d’en conserver la substance et d’en jouir
en bon père de famille ». 2
2. Objet de l’emphytéose
Alors que l’usufruit peut indistinctement
porter sur un bien meuble ou immeuble,
l’emphytéose ne se conçoit que sur un
immeuble6.
Il est régi par les articles 578 à 624 du
Code civil.
La personne qui concède le droit d’usufruit
est appelée « nue-propriétaire ». La
personne qui jouit du droit est appelée
« usufruitier ».
3. Existence d’une redevance
En principe, l’emphytéote est tenu de payer
une redevance au propriétaire (tréfoncier)
en reconnaissance de son droit de
propriété, obligation qui, par contre, n’est
pas imposée à l’usufruitier.
Ces deux institutions partagent des points
communs : ce sont tous deux des droits
réels susceptibles d’être saisis, cédés et
hypothéqués et les dispositions légales qui
les régissent sont en général supplétives.
En vertu du caractère essentiellement
supplétif des dispositions de la loi de 1824,
les parties au contrat d’emphytéose
pourraient supprimer l’obligation de
redevance. Toutefois, du fait du prescrit
des articles 1er et 10 de cette loi, il est
préférable que l’emphytéote paie une
redevance, fût-elle minime7.
De grandes différences distinguent
cependant ces deux droits. Nous les
détaillons ci-après.
1. Durée de l’emphytéose
Le droit d’emphytéose doit impérativement
être conclu pour une période minimale de
27 ans et maximale de 99 ans3.
4
Loi du 10 janv. 1824 sur le droit d’emphytéose,
art. 17.
5
Code civil, art. 619 ; Répertoire Notarial, T. II,
Les Biens, Livre VI, « Emphytéose et Superficie »,
2004, n° 32, p. 90.
6
Loi du 10 janv. 1824 sur le droit d’emphytéose,
art. 1er .
7
DE MONTPELLIER, F. et VAN
STEENWINCKEL, J. , « Les avantages de
l’usufruit, de l’emphytéose et de la superficie en
matière d’impôts sur les revenus, de droits
d’enregistrement et de TVA », Legal Insight, n° 9,
1
Loi du 10 janv. 1824 sur le droit d’emphytéose,
art. 1er .
2
HANSSENNE, J., Les biens, E. Collection
scientifique de la Faculté de droit de Liège, Liège,
1996, n° 997.
3
Loi du 10 janv. 1824 sur le droit d’emphytéose,
art. 2.
2
L’absence de redevance pourrait inciter le
Receveur de l’enregistrement à essayer de
requalifier la concession du droit
d’emphytéose en vente avec des
conséquences importantes au niveau des
droits d’enregistrement (article 18 du Code
des droits de l’enregistrement, ci-après C.
enr) (cf. infra).
tout acte d’administration qui aurait pour
effet de faire fructifier le bien.
5. Sort des améliorations en fin de
contrat
Le but de l’emphytéose étant d’améliorer
la situation d’un immeuble grâce à des
plantations et/ou des constructions, le
Législateur de 1824 a réglé le sort de ces
aménagements en fin de contrat.
4. Étendue du droit d’emphytéose
L’emphytéose, tout comme l’usufruit,
assure à son titulaire la jouissance en bon
père de famille de l’immeuble sur lequel le
droit porte.
ƒ Soit, l’acte de constitution de
l’emphytéose oblige l’emphytéote à
construire ou planter. Dans cette
hypothèse8, les constructions et plantations
deviennent de plein droit propriété du
tréfoncier à la fin du contrat. Pour sa part,
l’emphytéote ne pourra, ni enlever ses
ouvrages, ni réclamer aucune indemnité.
L’étendue de cette jouissance est
cependant plus absolue dans le cadre d’une
emphytéose.
L’article 3 de la loi de 1824 précise ainsi
que l’emphytéote exerce tous les droits
attachés à la propriété, pourvu qu’il n’en
diminue pas la valeur.
ƒ Soit l’emphytéote a exécuté ces
constructions ou plantations sans y être
tenu. Dans ce cas, au terme du contrat,
l’emphytéote aura la possibilité d’enlever
ce qu’il a érigé à la condition de réparer les
dommages que cet enlèvement aura causé
au fonds9. L’emphytéote ne pourra pas
contraindre le propriétaire du fonds à
reprendre les bâtiments, ouvrages et
plantations moyennant indemnité10. En
revanche, le propriétaire du fonds ne
pourra pas obliger l’emphytéote à les lui
abandonner même en payant une
indemnité11.
Durant toute la durée de son droit,
l’emphytéote est ainsi considéré comme le
véritable propriétaire de l’immeuble et est,
à ce titre, habilité à modifier la destination
même de l’immeuble, ce qui est
strictement
interdit
à
l’usufruitier.
L’usufruitier peut lui uniquement jouir de
la chose et doit veiller à en respecter la
substance. L’article 600 du Code civil
précise ainsi que l’usufruitier « ne peut
entrer en jouissance qu’après avoir fait
dresser, en présence du propriétaire, (…),
un inventaire des meubles et un état des
immeubles sujets à l’usufruit ».
Ces dispositions de la loi de 1824 sur le
droit d’emphytéose étant supplétives, les
parties sont libres de prévoir toutes clauses
particulières qui dérogeraient aux principes
ci-dessus exposés.
Dans cette limite, le principal droit de
l’usufruitier est de faire siens tous les fruits
du bien. À ce titre, il est autorisé à poser
8
Loi du 10 janv. 1824 sur le droit d’emphytéose,
art. 7.
9
Idem.
10
Loi du 10 janv. 1824 sur le droit d’emphytéose,
art. 8.
11
De MONTPELLIER, F. et VAN
STEENWINCKEL, J., op. cit., p. 48.
juin 1999 ; CARTON de TOURNAI, R. et
CHARLIER A.J., « Quelques considérations
d’actualité sur l’emphytéose et la superficie », J.T.,
1971, p. 71 ; DONNAY, M., « L’emphytéose »,
Rec.gén.enr.not., 1974, n° 21.803, n° 11.
3
ƒ si ces travaux ne sont pas susceptibles
d’enlèvement et qu’ils ne peuvent être
qualifiés d’ « améliorations » au sens de
l’article 599 du Code civil, le nupropriétaire devra indemniser l’usufruitier
sur la base de la théorie des impenses13.
Au niveau du Code civil, la position de
l’usufruitier est radicalement différente.
L’alinéa 2 de l’article 599 du Code civil
stipule que « (…) l’usufruitier ne peut à la
cessation de l’usufruit, réclamer aucune
indemnité pour les améliorations qu’il
prétendrait avoir faites, encore que la
valeur de la chose en fût augmentée ».
Malgré le caractère péremptoire de cette
disposition, la jurisprudence a tempéré
cette rigueur.
Les parties restent cependant libres de
déroger à l’article 599 du Code civil,
comme à la jurisprudence citée ci-dessus.
Nous constatons donc que le sort des
améliorations en fin de contrat est du
ressort de la liberté contractuelle tant pour
le droit d’emphytéose que pour le droit
d’usufruit.
La Cour de cassation a ainsi arrêté que
« (…) le mot « améliorations » dans
l’article 599 ne s’applique qu’aux travaux
résultant
naturellement
d’une
administration vigilante, conforme à la
destination donnée à la chose par le père
de famille et dont le prix est en général
prélevé sur les revenus. Il est dû, au
contraire, indemnité à l’usufruitier, à la
cessation de l’usufruit, du chef de
constructions
importantes
qui
ont
12
augmenté la valeur du fonds (nous
soulignons) ».
6. Obligations de l’emphytéote
À l’instar de l’usufruitier, l’emphytéote est
tenu du jouir du bien en bon père de
famille.
À défaut de respecter cette obligation de
bon père de famille, l’emphytéote - comme
l’usufruitier - pourra être déchu de son
droit.
En application de cette jurisprudence de la
Cour de cassation, pour les ouvrages dont
la valeur de constructions dépasse le
montant des revenus générés par l’usufruit,
l’usufruitier
pourra
réclamer
une
indemnisation sur la base des principes qui
régissent le droit d’accession.
Cette déchéance ne peut cependant être
prononcée à charge de l’emphytéote que si
son comportement se caractérise par des
« dégradations notables de l’immeuble et
(des) abus graves de jouissance »14, alors
que cette sanction à l’égard de l’usufruitier
ne nécessite que de « simples » abus de
jouissance, des actes d’appauvrissement ou
de dégradations15.
Il faudra donc vérifier si ces travaux
importants sont ou non susceptibles
d’enlèvement :
ƒ si ces travaux sont susceptibles
d’enlèvement, le nu-propriétaire pourra,
soit les conserver (il doit alors indemniser
l’usufruitier comme précisé à l’article 555
du Code civil), soit ordonner à l’usufruitier
de les enlever (ce qui se fera aux frais de
ce dernier) ;
La loi de 1824 sur le droit d’emphytéose
ne s’étend pas sur les obligations de
l’emphytéote, confirmant par-là le champ
de liberté contractuelle laissé aux parties.
13
12
DE
MONTPELLIER,
F.
et
VAN
STEENWINCKEL, J., op. cit., p. 41.
14
Loi du 10 janv. 1824 sur le droit d’emphytéose,
art. 15.
15
Code civil, art. 618, al. 2.
Cass., 27 janv. 1887, Pas., 1887, I, p. 56.
4
À l’inverse, les dispositions du Code civil
relatives à l’usufruit sont nombreuses,
particulièrement celles qui traitent des
obligations de l’usufruitier.
dispositions sont supplétives, les parties
peuvent prévoir le contraire.
Dans le cadre de l’usufruit, ces grosses
réparations ne peuvent en principe jamais
être mises à charge de l’usufruitier, sauf si
elles sont rendues nécessaires par un défaut
d’entretien et de réparation imputable à
l’usufruitier. Les articles 605 et 606 du
Code civil étant cependant supplétifs, les
parties peuvent également décider d’y
déroger.
Une différence notable doit être
signalée ici : celle relative à l’obligation
d’entretien et de réparation du bien.
L’article 5 de la loi relative à l’emphytéose
stipule que :
« Le propriétaire n’est tenu à aucune
réparation.
L’emphytéote est obligé d’entretenir
l’immeuble donné en emphytéose, et d’y
faire les réparations ordinaires.
Il peut améliorer l’héritage par des
constructions, des défrichements, des
plantations ».
II. B. Synthèse
L’usufruit est toujours viager (durée
maximale de 30 ans lorsqu’il est concédé à
une société), l’emphytéose ne peut se
constituer que pour une période comprise
entre 27 et 99 ans.
L’article 605 du Code civil précise que :
L’emphytéose exige - en principe - une
redevance récognitive de la propriété du
droit du propriétaire, l’usufruit n’implique
pas une telle redevance.
« L'usufruitier
n'est
tenu
qu'aux
réparations d'entretien. Les grosses
réparations demeurent à la charge du
propriétaire, à moins qu'elles n'aient été
occasionnées par le défaut de réparations
d'entretien, depuis l'ouverture de l'usufruit;
auquel cas l'usufruitier en est aussi tenu ».
Les grosses réparations sont à charge du
nu-propriétaire et ne peuvent jamais être
mises à charge de l’usufruitier, sauf
dérogation apportée par les parties au
prescrit du Code civil. Dans le cadre de
l’emphytéose, ces grosses réparations sont
normalement de la responsabilité de
l’emphytéote, le propriétaire n’étant jamais
légalement contraint à exécuter ces
dernières. Les parties peuvent cependant y
déroger.
À la lecture de ces deux dispositions, on
remarque d’emblée que la même obligation
repose sur l’emphytéote et l’usufruitier : ils
sont tenus à une obligation générale
d’entretien et de réparation ordinaire.
Le sort des grosses réparations diffère
cependant selon que l’on se trouve dans
l’un ou l’autre cas de figure.
Nous avons vu que la plupart des
dispositions qui régissent ces deux droits
réels sont supplétives.
Le propriétaire du fonds grevé d’une
emphytéose (tréfoncier) n’est tenu à
aucune réparation, y compris les grosses
réparations16.
Bien que l’autonomie des parties soit
absolue, celles-ci doivent cependant
toujours veiller à respecter l’esprit de
chaque institution légale, sous peine que le
droit réel concédé soit requalifié au niveau
civil, mais aussi au niveau fiscal… (cf.
infra). Apporter certaines dérogations aux
Du fait que - hormis l’article 2 de la loi de
1824 sur le droit d’emphytéose - toutes les
16
Loi du 10 janv. 1824 sur le droit d’emphytéose,
art. 5.
5
principes régis par le Code civil ou la loi
de 1824 sur le droit d’emphytéose peut
donc s’avérer très dangereux.
Les charges comprises dans la base
imposable sont toutes les obligations
accessoires que le contrat de concession de
droit d’emphytéose impose au preneur, en
sus du loyer, et dont le tréfoncier profite19.
Par comparaison, la concession d’un droit
d’usufruit sera nettement plus onéreuse :
III. Analyse fiscale de la
concession
d’un
droit
d’emphytéose
sur
un
immeuble bâti par une
personne physique à une
société dont elle est dirigeant
d’entreprise
ƒ
la base du calcul du droit d’usufruit est
calculée en application de l’article 47
du C. enr20 ;
ƒ
le taux des droits d’enregistrement est
quant à lui déterminé par l’article 44 du
C. enr. (12,5% en Région wallonne ou
de Bruxelles-capitale et 10% en Région
flamande)21.
Nous
déconseillons
fortement
la
concession d’un droit d’emphytéose
moyennant paiement d’un canon unique
(sans redevance périodique). Le droit réel
concédé serait, dans ce cas, trop proche du
simple contrat de vente. La requalification
de l’acte d’emphytéose en vente aura
notamment pour conséquence la débition
III. A. Droits d’enregistrement
L’article 83 du C. enr.17 détermine le taux
des droits d’enregistrement auquel l’acte
de concession de droit d’emphytéose sera
enregistré. Il stipule que : « Le droit est
fixé à 0,20% pour les baux, sous baux et
cessions de baux de biens immeubles…
Pour l’application du présent code, sont
assimilés aux baux et aux cessions de
baux, les contrats constitutifs de droits
d’emphytéose ou de superficie et leurs
cessions (…)» (Nous soulignons).
19
Le précompte immobilier ne constitue jamais une
charge car il est imposable légalement dans le chef
de l’emphytéote en application de l’article 251
cir92.
20
C. enr., art. 47 : « Lorsque la convention a pour
objet l’usufruit d’un immeuble, la valeur vénale
prévue à l’article 46 est représentée par la somme
obtenue en multipliant le revenu annuel du bien ou,
à son défaut, sa valeur locative, par le coefficient
porté au tableau ci-après et déterminé par l’âge au
jour de l’acte de la personne sur la tête de laquelle
l’usufruit est constitué…. Si l’usufruit est établi
pour un temps limité, la valeur vénale est
représentée par la somme obtenue en capitalisant
au taux de 4% le revenu annuel, compte tenu de la
durée assignée à l’usufruit par la convention, mais
sans pouvoir excéder soit la valeur déterminée
selon l’alinéa précédent, s’il s’agit d’un usufruit
constitué au profit d’une personne physique, soit le
montant de vingt fois le revenu, si l’usufruit est
établi au profit d’une personne morale. En aucun
cas il ne peut être assigné à l’usufruit une valeur
vénale supérieure aux quatre cinquième de la
valeur vénale de la pleine propriété. »
21
C. enr., art. 44. : « Le droit est fixé à 12,5%
(10%) pour les ventes, échanges et toutes
conventions translatives à titre onéreux de
propriété ou d’usufruit de biens immeubles. »
L’article 84 du C. enr.18 détermine la base
imposable sur laquelle le droit sera calculé.
Il stipule que : « La base imposable est
déterminée, à savoir : si le bail est à durée
limitée, par le montant cumulé des loyers
et des charges imposées au preneur pour
toute la durée du bail ou, s’il s’agit d’une
cession, pour la période restant à courir
(…) ».
17
Région wallonne, Région flamande et Région de
Bruxelles-capitale.
18
Région wallonne, Région flamande et Région de
Bruxelles-capitale.
6
de droits d’enregistrement de 12,5%
(Région wallonne ou de Bruxellescapitale) et de 10% (Région flamande).22
Nous détaillerons plus loin les conditions
d’application de l’article 18 du C. enr., qui
constitue une mesure anti-abus de droit.
III. B. Impôt
physiques
des
tous autres avantages recueillis par le
cédant.
La valeur des avantages recueillis
est égale à celle qui leur est attribuée pour
la perception du droit d’enregistrement
relatif au contrat d’emphytéose, de
superficie ou de droits immobiliers
similaires dans lequel ils sont prévus.
Ces sommes constituent des
revenus de l’année de leur paiement ou de
leur attribution, même si elles couvrent
tout ou partie de la durée du droit
d’emphytéose, de superficie ou de droits
immobiliers similaires.
personnes
Il y a lieu ici de distinguer les cas où le
tréfoncier / cédant agit à titre privé du cas
où il agit dans le cadre de son activité
professionnelle.
§2. Les revenus visés au §1er ne
comprennent pas les sommes obtenues
pour la concession d’un droit d’usage sur
des biens immobiliers bâtis en vertu d’une
convention non résiliable d’emphytéose, de
superficie ou de droits immobiliers
similaires, à la condition que :
1. Le cédant / tréfoncier agit à titre
privé
1.1. Règle générale : taxation au
titre de revenus immobiliers
1° les redevances échelonnées
prévues au contrat permettent de couvrir,
outres les intérêts et charges de
l’opération, la reconstitution intégrale du
capital investi par le propriétaire dans la
construction ou, dans le cas d’un bâtiment
existant, la valeur vénale de celui-ci ;
Le cœur de la matière réside dans les
articles 7, § 1er, 3° et 10 du Code des
impôts sur les revenus (ci-après cir92),
raison pour laquelle nous les reproduisons
in extenso.
2° la propriété de la construction
soit, au terme du contrat, transférée de
plein droit à l’utilisateur ou que le contrat
comporte une option d’achat pour
l’utilisateur. »
Article 7 cir92 : « § 1er. Les revenus
immobiliers sont : (…) 3° les sommes
obtenues à l’occasion de la constitution ou
de la cession d’un droit d’emphytéose ou
de superficie ou de droits immobiliers
similaires23(…). ».
La règle générale est donc la taxation
intégrale en revenus immobiliers des
sommes obtenues à l’occasion de la
concession du droit d’emphytéose, en
application de l’article 7, § 1er, 3° cir92.
er
Article 10 cir92 : « § 1 . Les sommes
obtenues à l’occasion de la constitution ou
de la cession d’un droit d’emphytéose, de
superficie ou de droits immobiliers
similaires, comprennent la redevance et
L’article 10, § 1er, alinéa 1er cir92
détermine quant à lui l’assiette de la base
imposable : la redevance ainsi que tous les
avantages recueillis par le cédant.
22
MOSTIN, C., CULOT,A., GOFFAUX, B.,
VANGINDERTAEL, H., « Emphytéose et
superficie – Aspects civils et fiscaux », Larcier
2004, p. 177.
23
Par la notion de « droits immobiliers similaires »,
on entend viser le leasing immobilier.
L’article 10, §1er, alinéa 3 cir92 nous
apprend que les sommes perçues
7
constituent des revenus de l’année de leur
paiement ou de leur attribution.
d’octroi de droits d’usage sur des biens
immobiliers bâtis à l’exclusion de la
quotité de ces redevances qui est destinée à
la reconstitution intégrale du capital
investi dans la construction ou, dans le cas
d’un bâtiment existant, de la valeur vénale
de celui-ci (…) ».
Il y a lieu, à ce stade, de constater que le
régime applicable à la concession d’un
droit d’usufruit est nettement plus
intéressant au niveau de l’impôt des
personnes physiques. Dans la mesure, en
effet, où l’usufruit n’est pas visé par
l’article 7, § 1er, 3° cir92, les sommes
obtenues par le contribuable à l’occasion
de la concession d’un droit d’usufruit au
profit de sa société ne constituent pas, dans
le chef du dirigeant, des revenus de
propriétés foncières24. Elles ne font donc,
dans les faits, l’objet d’aucune taxation.
Seule la partie de la redevance qui excède
la reconstitution du capital investi fera
donc l’objet d’une taxation au titre de
revenu mobilier.
Le taux de l’impôt est quant à lui
déterminé par l’article 171, 2° bis, a cir92
qui précise que : « (…) Sont imposables
distinctement… au taux de 15% (…).a) les
revenus de capitaux et de biens mobiliers,
autres que les dividendes, et les revenus
divers visés à l’article 90,5° à 7°cir92 ».25
Pour rencontrer le prescrit de l’article 10,
§2 cir92 et donc éviter la taxation des
canons emphytéotiques au titre de revenus
immobiliers, il y a lieu de respecter les
conditions suivantes :
1.2.Exception : taxation au titre de
revenus mobiliers
Il est cependant possible d’éviter
l’imposition de l’ensemble des canons
emphytéotiques (et autres avantages) au
titre de revenus immobiliers dans la
mesure où les conditions de l’article 10, §2
cir92 sont respectées.
ƒ le droit d’emphytéose doit porter sur un
bien immobilier bâti ;
ƒ
Dans ce cas de figure, la taxation des
redevances se fera au titre de revenus
mobiliers.
la convention doit être non résiliable ;
ƒ les redevances échelonnées doivent
permettre de couvrir, outre les intérêts et
les charges de l’opération, la reconstitution
intégrale du capital investi par le
propriétaire dans la construction ou la
valeur vénale du bâtiment existant ;
La base imposable sera alors déterminée
par l’article 19, §1er, 2° cir92.
Celui-ci précise que : « Les intérêts
comprennent (…) les redevances visées à
l’article 10, §2, résultant de conventions
ƒ le contrat doit prévoir soit que la
propriété de la construction est transférée
24
Com.ir92, art. 10/6 com.ir92; Circ. N°Ci.RH.
221/399.733 du 27 sept. 1988, Bull. contr.,
n°677/11.88, p.1837 ; Q.&R., Sénat, sess. ord.
1987-1988, n°13, 525 ; Q.P. n°21, 17 juin 1988,
Sén. De CLIPPELE, Bull., n° 677, p.1901 ; De
MONTPELLIER, F. et VAN STEEWINCKEL, J. ,
Op.cit., p.71 ; AFSCHRIFT, T. , « Investir dans
l’immobilier : Quelle structure d’acquisition »,
Idefisc, p.16.
25
L’article 107 cir92 §2, 7° de l’arrêté royal
d’exécution du cir92 précise que « Il est renoncé
totalement à la perception du précompte mobilier
sur (…) les revenus compris dans les redevances
résultant de conventions d’octroi de droits d’usage
sur des biens immobiliers bâtis et visés à l’article
19, §1er, 2°, du Code des impôts sur les revenus
1992 (…) ».
8
de plein droit au terme de l’emphytéose,
soit comporter une option d’achat.
Lorsque le droit d’usage concédé porte non
pas sur un immeuble acquis ou construit
spécialement selon les spécifications du
futur emphytéote, mais sur un immeuble
bâti qui se trouvait antérieurement dans le
patrimoine du concédant, la reconstitution
du capital investi doit être calculée par
rapport à la valeur de marché de
l’immeuble au moment de la conclusion du
contrat27.
Examinons de plus près chacune de ces
conditions en profondeur, le respect de
celles-ci
étant
d’une
importance
considérable : si ces conditions ne sont pas
intégralement respectées, il y aura alors
taxation intégrale en revenus immobiliers
des sommes obtenus à l’occasion de la
concession du droit d’emphytéose ! (cf.
supra)
ƒ
Seule la valeur de la partie construite (et
non celle du terrain) rentrera en ligne de
compte pour déterminer si les redevances
échelonnées permettent de recomposer le
capital investi.
Le droit d’emphytéose doit porter
sur un bien immobilier bâti
A contrario, un droit d’emphytéose portant
sur un bien immeuble non bâti sera
toujours taxé au titre de revenus
immobiliers sur base des articles 7, §1er, 3°
et 10, §1er cir92.
ƒ
L’option d’achat n’est jamais prise en
considération pour déterminer s’il y a ou
non-reconstitution du capital investi28.
Pour éviter toute discussion sur la
reconstitution ou non du capital investi,
nous ne pouvons que conseiller :
La convention doit être non résiliable
Ceci n’empêche pas de prévoir qu’en cas
de non-exécution fautive du contrat
(exemple : non-paiement des redevances),
celui-ci puisse être rompu.
ƒ
a. de
disposer
d’une
expertise
immobilière dissociant la valeur des
constructions/de la valeur du terrain sur
lequel l’immeuble est construit ;
Les redevances échelonnées doivent
permettre de couvrir, outre les
intérêts et les charges de l’opération,
la reconstitution intégrale du capital
investi par le propriétaire dans la
construction ou la valeur vénale du
bâtiment existant
b. de prévoir, dans l’acte authentique, une
mention où les parties précisent qu’il y
a effectivement reconstitution du
capital investi dans les constructions,
hors option d’achat et de préciser que si
une erreur devait apparaître au niveau
Dans le cas d’un bâtiment que le concédant
a construit spécifiquement selon les
indications de l’emphytéote, le capital
investi représente le coût de la construction
(entreprises, frais d’architecte, taxes, etc.).
terrain, qui ne doit pas être pris en compte pour la
détermination du capital investi. MORIS, M., «Le
leasing immobilier », R.G.F., n°1999/2, 1999, p.49.
27
Avis C.N.C. n°144-5, 14 juin 1995, Bull. C.N.C.,
n°35, pp.13-17.
28
Voyez notamment l’article 19/38 com.ir92 qui
précise que « (…) les redevances emphytéotiques
payables périodiquement sont calculées de manière
à couvrir à la fois l’amortissement du prix de
revient des constructions et les charges financières
de l’opération (le prix de l’option correspond en
règle générale, à la valeur du terrain sur lequel les
constructions sont érigées). » ; De
MONTPELLIER, F. et VAN STEEWINCKEL, J.,
Op.cit., p.101 ; Article 61/240, com.ir92.
Lorsque le concédant a acquis le bien
spécialement selon les indications de
l’emphytéote, le capital investi représente
la valeur d’acquisition des constructions26.
26
Pour obtenir cette valeur, il convient de faire une
ventilation entre le prix payé, d’une part, pour les
constructions et, d’autre part, celui afférent au
9
du calcul de la reconstitution du capital
investi, les parties s’obligent à revoir
les canons périodiques à due
concurrence.
ƒ
dans les cinq ans de la date d’acquisition ;
b) de biens bâtis qui ont été acquis par
voie de donation entre vifs et qui sont
aliénés dans les trois ans de l’acte de
donation et dans les cinq ans de la date
d’acquisition à titre onéreux par le
donateur ; c) de biens non bâtis qui ont été
acquis a titre onéreux ou par voie de
donation entre vifs, sur lesquels un
bâtiment a été érigé par le contribuable,
dont la construction a débuté dans les cinq
ans de l’acquisition du terrain à titre
onéreux par le contribuable ou par le
donateur et pour autant que l’ensemble ait
été aliéné dans les cinq ans de la date de la
première occupation ou location de
l’immeuble…. » (Nous soulignons).
La propriété de la construction doit,
soit être transférée de plein droit au
terme du contrat, soit le contrat doit
comporter une option d’achat
Prévoir le transfert immédiat de la
propriété au terme du contrat peut donner
lieu à une requalification (au niveau des
droits d’enregistrement) de l’acte en vente
avec transfert différé du droit de propriété.
Il faut donc impérativement proscrire une
telle clause.
Il est à noter que l’administration fiscale
considère que l’option d’achat correspond
en général à la valeur du terrain29.
Nous avons vu ci-dessus que la notion de
« droit immobilier similaire » ne visait pas
le droit d’usufruit. En d’autres termes, la
concession d’un droit d’usufruit à une
société peut donner lieu à une taxation en
revenus divers sur base de l’article 90,10°
cir92 contrairement au droit d’emphytéose
qui lui n’est pas visé par cet article30.
1.3. Exception : Pas de dégagement
de plus-value taxable en
revenus divers en application
des articles 90, 8° ou 90,10°
cir92
La même situation se présente en cas de
concession d’un droit d’emphytéose sur
des immeubles non bâtis en application de
l’article 90, 8° cir9231 : pas de taxation au
La concession d’un droit d’emphytéose
étant en principe taxée sur la base des
articles 7 et 10 cir92, le Législateur a
explicitement exclu cette concession d’une
taxation au titre de revenus divers en
application des articles 90,10° et 90,8°
cir92.
30
Com.ir92, art. 90/39 (visant les immeubles non
bâtis) : « (…) sont visées les plus-values réalisées
(…) sur certains droits réels portant sur des
immeubles (…) c’est-à-dire la nue-propriété,
l’usufruit, le droit d’usage (…) » ; De
MONTPELLIER, F. et VAN STEEWINCKEL, J.,
op.cit., p. 72.
31
« Les revenus divers sont (…) 8° les plus-values
réalisées, à l’occasion d’une cession à titre
onéreux, sur des immeubles non bâtis situés en
Belgique ou sur des droits réels autres que des
droits d’emphytéose ou de superficie ou qu’un droit
immobilier similaire portant sur ces immeubles,
pour autant qu’il s’agisse :
a) de biens qui ont été acquis à titre onéreux et
qui sont aliénés dans les huit ans de la date de
l’acte authentique d’acquisition ou, à défaut
d’acte authentique, de la date à laquelle tout
autre acte ou écrit constatant l’acquisition a
été soumis à la formalité de l’enregistrement ;
b) de biens qui ont été acquis par voie de
donation entre vifs et qui sont aliénés dans les
L’article 90, 10° cir92 stipule que « Les
revenus divers sont (…) les plus-values
réalisées à l’occasion d’une cession à titre
onéreux, sur des immeubles bâtis situés en
Belgique ou sur des droits réels autres
qu’un droit d’emphytéose ou de superficie
ou qu’un droit immobilier similaire
portant sur ces immeubles, pour autant
qu’il s’agisse : a) de biens bâtis qui ont été
acquis à titre onéreux et qui sont aliénés
29
Com.ir92, art. 19/38.
10
titre de revenus divers par opposition au
droit d’usufruit. Un droit d’emphytéose sur
un immeuble non bâti est cependant à
proscrire car la taxation au titre de revenus
immobiliers serait alors complète (cf.
supra – non application de l’article 10, § 2
cir92).
- le recours à l’emprunt ;
- l’importance des capitaux investis
par rapport au patrimoine de
l’investisseur ;
- la répétition des opérations ;
- la
rapidité
des
opérations
effectuées ;
- l’accomplissement d’opération à
haut risque ;
- les travaux de valorisation ;
- le recours à des professionnels de
la vente ;
- l’utilisation des connaissances, de
l’expérience ou des relations
d’affaires propres ;
- l’ordre dans lequel les opérations
se sont déroulées ;
- le caractère licite ou illicite de
l’opération.
1.4. Pas de taxation possible en
revenus divers en application
de l’article 90, 1° cir92, sauf cas
extrême
L’administration fiscale pourrait essayer
d’imposer la concession d’un droit
d’emphytéose en revenu divers sur base de
l’article 90, 1° cir92, lorsque l’opération a
été accomplie dans un cadre spéculatif.
Par contre, on ne peut déduire le caractère
spéculatif d’une opération du simple fait
qu’un bénéfice important a été réalisé.32 »
Pour rappel, l’article 90, 1°cir92 dispose
que : « sans préjudice des dispositions des
articles 90, 8°, 9°, 10°, les bénéfices ou
profits, quelle que soit leur qualification,
qui résultent, même occasionnellement ou
fortuitement, de prestations, opérations ou
spéculations quelconques ou de services
rendus à des tiers, en dehors de l’exercice
d’une
activité
professionnelle,
à
l’exclusion des opérations de gestion
normale d’un patrimoine privé consistant
en biens immobiliers, valeurs de
portefeuille et objets mobiliers (…) ».
D’une façon générale, il n’y a aucune
raison que la concession d’un droit
d’emphytéose soit plus vite considérée
comme spéculative qu’une simple vente33.
En cas d’application de l’article 90,
1°cir92, la base imposable serait
déterminée en diminuant le montant brut
des frais que le contribuable justifie avoir
faits ou supportés pendant la période
imposable pour acquérir ou conserver ces
revenus34. Le Commentaire des impôts sur
les revenus précise ici que "en pratique on
agira à l'égard des bénéfices et profits en
cause, en matière de détermination tant du
montant imposable que du moment où ces
bénéfices et profits acquièrent le caractère
de revenus imposables comme si, au lieu
de provenir d'une opération non
Cette matière a été abondamment traitée
par la doctrine, notamment en matière de
plus-value sur actions.
« Les juges basent généralement leur
appréciation sur l’existence d’un certain
nombre d’indices dont ils pensent pouvoir
déduire l’existence d’une intention
spéculative :
32
trois ans de l’acte de donation et dans les huit
ans de la date de l’acte authentique
d’acquisition à titre onéreux par le donateur
ou, à défaut d’acte authentique, de la date à
laquelle tout autre acte ou écrit constatant
l’acquisition à titre onéreux par le donateur a
été soumis à la formalité de l’enregistrement. »
ELOY, M., « Gérer son patrimoine privé en bon
père de famille », R.G.F., 2003/1, pp. 2 et
suivantes.
33
Voyez également sur ce point MOSTIN, C.,
CULOT,A., GOFFAUX, B., VANGINDERTAEL,
H., op. cit., pp. 250 et s.
34
Cir92, art. 97.
11
professionnelle, ils avaient été obtenus
dans le cadre d'une activité commerciale,
industrielle ou agricole, d'une profession
libérale ou d'une occupation lucrative"35
(Nous surlignons).
de superficie ou de droits immobiliers
similaires (…) » (Nous soulignons).
En
terme
de
requalification
en
rémunération de dirigeant d’entreprise,
nous constatons donc un régime fiscal
(avantageux) identique pour la concession
d’un usufruit ou d’un droit d’emphytéose.
Pour déterminer la base imposable
inhérente à la concession du droit
d’emphytéose dans cette hypothèse, il
faudra donc se référer au calcul effectué
dans le cadre d’un cédant / tréfoncier
agissant à titre professionnel (cf. infra). La
base imposable sera en général très
limitée.
1.6. Possibilité de requalification
d’un droit d’emphytéose en
contrat de bail, en application
de l’article 344, §1er cir92
Le taux d’imposition sera de 33% en
application de l’article 171, 1°, a cir92.
L’administration des contributions directes
peut-elle appliquer l’article 344, §1er
cir9236 à un droit d’emphytéose et le
requalifier par ce moyen en contrat de
bail ?
1.5. Possibilité de requalification de
la redevance emphytéotique en
loyer, en application de l’article
32 cir92
La même problématique existe avec le
droit d’usufruit.
Dans les deux cas, il s’agit d’un droit réel à
opposer à un droit personnel qu’est le
contrat de bail (cf. supra).
L’article 32 cir92 précise que : « Les
rémunérations de dirigeant d’entreprise
sont toutes les rétributions allouées ou
attribuées à une personne physique …
Elles comprennent notamment (…) 3° Par
dérogation à l’article 7, le loyer et les
avantages locatifs d’un bien immobilier
bâti donné en location par les personnes
visées à l’alinéa 1er, 1°, à la société dans
laquelle elles exercent un mandat ou des
fonctions analogues, dans la mesure où ils
excèdent les cinq tiers du revenu cadastral
revalorisé en fonction du coefficient visé à
l’article 13(…). ».
Il faut cependant mettre en garde certains
contribuables qui, en dérogeant aux
prescrits non impératifs du Code civil
(droit d’usufruit) ou de la loi de 1824 (droit
d’emphytéose) rapprochent leur droit réel
d’un simple contrat de bail.
Pour autant que les parties respectent
scrupuleusement ces dispositions légales, il
est impossible - selon nous - de requalifier
un droit d’emphytéose en un contrat de
L’article 32/28 du com.ir92 précise quant à
lui que : « La requalification ne s’applique
pas aux revenus de la location des biens
immobiliers (…) dont le droit d’usage est
cédé en vertu d’une convention autre
qu’un contrat de location, c’est-à-dire
notamment (…) les contrats de cession
d’usufruit, les conventions d’emphytéose,
35
36
Cir92, art. 344, § 1er : « N’est pas opposable à
l’administration des contributions directes, la
qualification juridique donnée par les parties à un
acte ainsi qu’à des actes distincts réalisant une
même opération lorsque l’administration constate,
par présomptions ou par d’autres moyens de
preuve visé à l’article 340, que cette qualification a
pour but d’éviter l’impôt, à moins que le
contribuable ne prouve que cette qualification
réponde à des besoins légitimes de caractère
financier ou économique ».
Com.ir92, art. 97/3.
12
bail, bien plus encore qu’un droit
d’usufruit37.
Pour que l’article 344, §1er cir92 trouve à
s’appliquer, il faut principalement que
deux conditions soient réunies :
ƒ l’emphytéose est un droit réel. Son
titulaire peut dès lors hypothéquer39 son
droit ou grever le bien de servitudes. Le
locataire ne dispose pas de ces facultés ;
ƒ la qualification donnée par les parties
doit avoir pour but unique d’éviter l’impôt
(la charge de la preuve en incombe à
l’administration) ;
ƒ propriétaire temporaire, l’emphytéote
peut modifier la destination de la chose. Le
locataire n’est pas investi d’un tel droit ;
ƒ la redevance emphytéotique, même
faible, a pour fonction de reconnaître le
droit de propriété résiduel du tréfoncier. Le
loyer est la contrepartie de l’obligation
pour le bailleur de laisser la jouissance du
bien au preneur.
ƒ l’acte
doit
être
juridiquement
requalifiable en un acte présentant des
effets juridiques équivalents.
L’administration prouverait que la
première condition est réunie, encore
faudrait-il que l’acte d’emphytéose soit in
concreto requalifiable en bail et donc que
les effets de ces deux contrats soient
équivalents …
Ce point a été confirmé par la Cour d’appel
de Bruxelles40 ;
ƒ la loi sur les baux commerciaux prévoit
la possibilité de demander la révision des
loyers lorsque des circonstances nouvelles
le justifient. En ce qui concerne les
redevances, la loi de 1824 ne prévoit pas
cette possibilité dans le chef de
l’emphytéote ;
Rappelons quelques points cruciaux qui
différencient le droit d’emphytéose par
rapport au simple contrat de bail. Les
parties ne devront jamais perdre de vue ces
principes lors de la rédaction de leur
accord. Elles veilleront à s’écarter le moins
possible des dispositions de la loi de 1824 :
ƒ en cas de diminution ou de privation
entière de jouissance du bien, l’emphytéote
ne peut demander de remise totale ou
partielle de la redevance (sauf si cette
réduction de jouissance dure plus de cinq
ans)41 ;
ƒ par le contrat d’emphytéose, le
tréfoncier transfert à l’emphytéote – pour
une durée déterminée – tous les attributs de
la propriété, alors que dans un contrat de
bail, le bailleur s’engage uniquement
envers le locataire à lui faire jouir
paisiblement de la chose louée.
ƒ il ne peut être mis fin, sauf pour
négligence grave, à l’emphytéose avant le
délai minimum légal de 27 ans ;
En général, on estime qu’il y a bail et non
emphytéose si une clause du contrat
prévoit l’engagement du propriétaire de
faire jouir le preneur, ou si elle limite sa
pleine jouissance38 ;
ƒ au niveau des grosses réparations, le
bailleur peut y être contraint par le
locataire. Le tréfoncier ne peut jamais être
astreint à une telle obligation ;
37
Sur la requalification possible d’un usufruit en
bail en application de l’article 344 cir92, voyez
AFSCHRIFT, T., « L’évitement licite de l’impôt et
la réalité juridique », Larcier, Bruxelles, 1994, pp.
250 et sv.
38
LAHAYE, M. et VANKERCHOVE, J., « Le
louage de choses – Les baux en général », Les
Novelles, Droit civil, T. I, Larcier, Bruxelles, 2000,
n°34, p. 19.
39
Loi du 10 janv. 1824 sur le droit d’emphytéose,
art. 6.
40
Bruxelles, 5 nov. 1975, J.T., 1976, p.27.
41
Ibidem ; Loi du 10 janv. 1824 sur le droit
d’emphytéose, art. 11.
13
la loi de 1975 sont rendues applicables
par arrêté royal43.
2. Le cédant / tréfoncier agit à titre
professionnel
Nous devons
hypothèses42 :
ƒ
ƒ
distinguer
ici
Les succursales ou siège d'opérations des
entreprises
étrangères
visées
aux
deuxième, troisième et quatrième points cidessus
sont
également tenus
aux obligations comptables de la loi de
1975.
deux
soit le cédant / tréfoncier n’est pas
soumis aux règles comptables ;
soit le cédant/ tréfoncier est soumis aux
règles comptables.
Les succursales ou siège d'opérations
des commerçants étrangers personnes
physiques ne sont donc pas tenus à
appliquer la loi de 1975.
Pour rappel, les personnes soumises aux
règles du droit comptable sont celles qui
sont assujetties à la loi de 1975 relative à la
comptabilité des entreprises, à savoir :
ƒ
ƒ
ƒ
ƒ
2.1. Le cédant / tréfoncier n’est pas
assujetti aux règles comptables
les personnes physiques ayant la
qualité de commerçant ;
Les sociétés commerciales ou à forme
commerciale ;
les organismes publics qui exercent une
mission
statutaire
à
caractère
commercial, financier ou industriel ;
les organismes, non visés aux
deuxième et troisième points, dotés ou
non de la personnalité juridique propre
qui exerce avec ou sans but de lucre
une activité commerciale, financier ou
industriel, auxquels les dispositions de
Il s’agira notamment des cas où le cédant /
tréfoncier exerce en tant que profession
libérale.
Nous prendrons ici exclusivement comme
hypothèse le fait que le cédant / tréfoncier
respecte les critères de l’article 10, §2
cir92 (cf. supra).
Dans cette hypothèse, la base imposable
est réduite à la seule partie des redevances
qui excède le capital investi ou la valeur
vénale du bien (article 19, §1er, 2° cir92). Il
est cependant impératif que les critères de
l’article 10,§2 cir92 soient respectés, sous
peine d’engendrer dans certains cas un
risque de double taxation dans le chef du
cédant / tréfoncier44.
42
Certains auteurs considèrent que lorsque le
cédant / tréfoncier agit à titre professionnel, les
critères de l’article 10, §2 cir92 trouvent d’office à
s’appliquer mutatis mutandis. Ils justifient leur
position sur base du libellé même des articles 37 et
183 cir92 . (Voyez en ce sens : COLLON, L.,
« Aspects des droits réels immobiliers », C &.F.P.,
1998, n°83, 40 ; De MONTPELLIER , F. & VAN
STEENWINCKEL, J., op.cit., p.218). D’autres
auteurs – dont nous partageons l’avis – estiment au
contraire que lorsque le cédant / tréfoncier est
assujetti aux règles comptables, il doit y avoir
primauté du droit comptable sur le droit fiscal en la
matière (Voyez en ce sens BLOCKERYE, Th.,
« Structures alternatives d’investissements en
immobilier : l’usufruit, l’emphytéose, la
superficie », Séminaire Vanham & Vanham, 8
février 2001, p.30 ; MOSTIN, C., CULOT,A.,
GOFFAUX, B., VANGINDERTAEL, H., op. cit.,
p. 252).
43
Loi du 17 juil. 1975 relative à la comptabilité des
entreprises, art. 1er.
44
« Si une des conditions de l’article 10, §2 cir92
fait défaut, « les redevances sont alors considérées
comme des revenus professionnels entièrement
imposables l’année de leur perception, peu importe
qu’ils couvrent tout ou partie de la durée du
contrat. Il existe dans cette hypothèse, un risque de
double imposition dans le chef du tréfoncier.
Lorsque le contrat est résiliable ou ne prévoit pas
d’option d’achat ou de transfert automatique de la
propriété du bien à la fin du contrat mais permet la
reconstitution intégrale du capital investi par le
tréfoncier ou la valeur vénale du bien, le bâtiment
14
Le taux de taxation sera soit le taux
progressif normal, soit le taux distinct de
16,5% en cas de cessation d’activité.45
du capital investi dans la construction sera
taxable. Il n’est donc pas tenu compte de
l’impact du terrain.
Notons ici qu’il y a une différence notable
avec le régime applicable à la concession
d’un usufruit professionnel.
Par ailleurs, le capital investi peut être bien
supérieur à la valeur nette fiscale de
l’immeuble47… En d’autres termes, la
partie des redevances qui dépasse la
reconstitution du capital investi peut être
bien inférieure à la différence entre la
valeur de cession et la valeur après
amortissements.
La plus-value éventuellement générée sera
calculée en fonction de la différence entre
la valeur nette comptable de la quotité du
bien immeuble correspondant à l’usufruit
(construction et terrain) et la valeur de
concession de l’usufruit. Cette plus-value
sera taxable au taux progressif normal ou
au taux distinct. L’imposition se fera en
une fois, immédiatement46.
De plus, la taxation des redevances aura
lieu au fur et à mesure de leur
encaissement.
Il y a donc un avantage certain dans cette
hypothèse
à
concéder
un
droit
d’emphytéose plutôt qu’un usufruit, tant
au niveau de la base imposable, qu’au
niveau du délai de taxation.
À l’opposé, dans le cadre de la concession
d’un droit d’emphytéose, seule la partie
des redevances qui excède la reconstitution
doit être repris dans les comptes de l’emphytéote ou
du superficiaire, lequel va amortir la valeur
d’acquisition du droit et déduire la partie des
redevances correspondant aux intérêts. Cela
entraîne un risque de double imposition dans le
chef du tréfoncier à concurrence de la partie des
redevances servant à la reconstitution du capital
investi ou de la valeur vénale. Le tréfoncier perd
son droit de pratiquer des amortissements sur le
bâtiment, puisqu’il a quitté le patrimoine pour y
être remplacé par une créance à l’encontre de
l’emphytéote ou du superficiaire. Il est alors
considéré, d’un point de vue fiscal, comme ayant
réalisé son immeuble. Si le montant de sa créance
excède la valeur comptable du bâtiment au moment
de la concession du droit, il est considéré comme
ayant réalisé une plus-value imposable au titre de
revenus professionnels. Etant donné que cette plusvalue est reconstituée par une partie des
redevances périodiques, lesquelles sont imposables
dans leur entièreté, il en résulte donc bien un cas
de double imposition dans le chef du tréfoncier. »
MOSTIN, C., CULOT,A., GOFFAUX, B.,
VANGINDERTAEL, H., Op. cit., p.253. Voyez
pour une analyse approfondie sur cette question
spécifique : COLLON, L., « Aspects fiscaux des
droits réels immobiliers », C. & F.P., 1998, n°83,
p.41.
45
Cir92, art. 171, 4°.
46
Voyez pour une analyse plus approfondie de la
question : DE CREM, D. & MASSART, M., «
Aspects fiscaux de la comptabilité et technique de
la déclaration fiscale », Kluwer - Editions
juridiques - Belgique, Bruxelles, 1997, p.88.
2.2. Le cédant / tréfoncier est
assujetti aux règles comptables
Nous ne prendrons ici comme hypothèse
que le cas dans lequel il y a reconstitution
intégrale du capital investi (il n’y a pas
d’obligation ici de prévoir une option
d’achat ou un contrat non résiliable).
L’article 95 de l’arrêté royal d’exécution
du Code des sociétés n’exige en effet que
la reconstitution intégrale du capital
investi.
Cette notion de « reconstitution du capital
investi » est identique à celle définie
précédemment.
Les intérêts à prendre en considération
pour calculer s’il y a reconstitution du
capital investi doivent être les intérêts
convenus entre parties, avec au minimum
les intérêts normaux du marché.
47
15
Cf. supra la notion de capital investi.
sans être assujetti au droit comptable (cf.
supra).
Selon l’article 61/240 com.ir92, « En cas
de location-financement ou de contrats
similaires, contenant une option d’achat, il
doit être procédé comme suit dans le chef
du propriétaire des biens :
En effet, dans le cas contraire (intérêts
anormalement faibles), une partie de la
dette de l’emphytéote devra être
reclassifiée en intérêts en application des
articles 77 et 67 de l’arrêté royal du 30
janvier 2001 portant exécution du Code
des sociétés48.
1° lors du transfert du droit d’usage, la
différence positive éventuelle entre la
partie des versements échelonnés prévus
au contrat représentant la reconstitution
en capital49 – majorée, le cas échéant, de
la somme payée au début du contrat – et le
prix de revient du droit transféré est à
considérer comme un bénéfice imposable ;
2° le prix de revient du droit transféré
correspondra
généralement pour
des
contrats relatifs à des immeubles bâtis : à
la valeur d’acquisition des constructions
(le prix de l’option correspondra, le plus
souvent, à la valeur préalablement
déterminée ou présumée du terrain)…
La reconstitution du capital investi pourrait
alors être en péril. Il s’agit ici d’une
différence notable avec le régime
applicable au cédant / tréfoncier agissant à
titre privé ou à titre professionnel, mais
48
AR/C.soc. , art. 77. : « Les articles 67 et 73 sont
d’application analogue aux dettes de nature et de
durée correspondantes. »
AR/C.soc. , art. 67 : «( …) L’inscription au bilan
des créances à leur valeur nominale s’accompagne
de l’inscription en comptes de régularisation du
passif et de la prise en résultats pro rata temporis
sur la base des intérêts composés :
a) des intérêts inclus conventionnellement dans
la valeur nominale des créances ;
b) de la différence entre la valeur d’acquisition
et la valeur nominale des créances ;
c) de l’escompte de créances qui ne sont pas
productives d’intérêts ou qui sont assorties
d’un intérêt anormalement faible, lorsque
ces créances :
a. sont remboursables à une date éloignée de
plus d’un an, à compter de leur entrée dans
le patrimoine de la société, et
b. sont afférentes soit à des montants actés en
tant que produits au compte de résultats, soit
au prix de cession d’immobilisations ou de
branches d’activités.
L’escompte visé sous c) est calculé au taux du
marché applicable à de telles créances au moment
de leur entrée dans le patrimoine de la société.
3° si la valeur d’acquisition précitée est
supérieure au capital à reconstituer
pendant la durée du contrat – majorée, le
cas échéant, comme exposé au 1° ci-avant
– on doit rechercher si la redevance
destinée à compenser cette valeur
d’acquisition n’est pas, à concurrence de
la différence, comprise dans le prix
d’option (si tel est le cas ; le prix de
revient du droit transféré doit être diminué
en conséquence) ;
4° les redevances perçues pendant la durée
du contrat doivent être scindées en deux
parties :
- l’encaissement d’une créance, à
concurrence du capital compris
dans les versements ;
- un revenu imposable, pour le
surplus.
Pour les créances payables ou remboursables par
versements échelonnés, dont le taux d’intérêt ou de
chargement s’applique durant toute la durée du
contrat sur le montant initial du financement ou du
prêt, les montants respectifs des intérêts et
chargements non courus à reporter sont déterminés
par application du taux réel au solde restant dû en
début de chaque période ; ce taux réel est calculé
compte tenu de l’échelonnement et de la périodicité
des versements… ». Voyez également les avis de la
C.N.C. , n°137/4, Bull. C.N.C., n°19, juillet 1986,
10-16 et n°159/1, Bull.C.N.C., n°23, décembre
1988, 21-23.
5° le bénéfice réalisé lors de la levée
d’option est imposable à ce moment. »
49
Pour l’analyse de la notion de reconstitution du
capital investi, nous renvoyons ci-avant.
16
Le prix de revient est égal à la valeur
d’acquisition des constructions, sous
déduction des amortissements pratiqués
par le cédant / tréfoncier.
d’un
droit
d’emphytéose
à
titre
professionnel (en respectant les critères de
l’article 10, §2 cir92) pour une personne
qui n’est pas assujettie aux règles
comptables.
Dans le cas présent, la base imposable est
différente de celle existant dans
l’hypothèse du cédant / tréfoncier nonassujetti aux règles comptables : une plusvalue taxable peut en effet être dégagée par
rapport au prix de revient des constructions
(cf. supra). En outre, la quotité des
redevances qui dépasse la reconstitution du
capital investi est également taxable.
Un cas de figure peut présenter un faible
désavantage par rapport à la concession
d’un droit d’usufruit : il y a taxation
(faible) des redevances pour ce qui dépasse
la reconstitution du capital investi en cas
de concession d’un droit d’emphytéose à
titre privé.
IV. Acquisition d’un droit
d’emphytéose
sur
un
immeuble bâti par une société
suivie de l’acquisition du
tréfonds par son dirigeant
Le taux d’impôt sera soit le taux
progressif, soit le taux distinct de 16,5% en
cas de cessation d’activité (cf. supra).
III. C. Synthèse
Dans le cas de l’opération envisagée concession d’un droit d’emphytéose sur un
immeuble bâti par une personne physique à
une société dont elle est dirigeant
d’entreprise - , il faut constater que le droit
d’emphytéose présente dans certains cas
des avantages non-négligeables par rapport
au droit d’usufruit :
IV. A. Droits d’enregistrement
1. Principe
La concession du droit d’emphytéose est
soumise au régime de l’article 83 du C.
enr., tel que décrit supra. Le taux de
taxation est donc de 0,2%.
ƒ les gros travaux seront à charge de
l’emphytéote (société acquéreuse), au
contraire de l’usufruitier qui n’a
légalement pas à les supporter ;
La cession du tréfonds sera, elle, assujettie
au droit de 12,5% (Région wallonne ou
Région de Bruxelles-capitale) ou 10%
(Région flamande). Il s’agit ici des règles
de droit commun, le Code des droits
d’enregistrement ne comportant aucune
disposition spécifique en la matière.
ƒ les droits d’enregistrement seront
limités à 0,2% à la place de 12,5%50 ou
10%51 ;
ƒ pas de taxation possible en revenus
divers sur base des articles 90, 8° ou 90,
10° cir92 ;
La
base
de
calcul
des
droits
d’enregistrement sur la cession du tréfonds
sera la valeur conventionnelle (C.enr., art.
45) sans pouvoir être inférieure à sa valeur
vénale (C.enr., art. 46).
ƒ taxation bien inférieure à la concession
d’un droit d’usufruit en cas de concession
50
51
« Dans la pratique, on peut considérer que
la valeur vénale d’un immeuble grevé d’un
droit d’emphytéose est égale à la
Région wallonne ou de Bruxelles-capitale.
Région flamande.
17
différence entre la valeur vénale de
l’immeuble,
déterminée
en
faisant
abstraction du droit d’emphytéose, et la
valeur vénale du droit d’emphytéose. »52
2. Possibilité de requalification de
l’opération en vente
L’article 18 du C. enr. a été complété par
une mesure « anti-abus » similaire à celle
insérée à l’article 344 cir92.
Lors du calcul de la valeur du droit
d’emphytéose, il faudra tenir compte de sa
durée, du rendement, du montant de
l’éventuelle option d’achat.
Cet article stipule que « (…) §2. N’est pas
opposable à l’administration de la taxe sur
la valeur ajoutée, de l’enregistrement et
des domaines, la qualification juridique
donnée par les parties à un acte ainsi qu’à
des actes distincts réalisant une même
opération
lorsque
l’administration
constate, par présomptions ou par d’autres
moyens de preuve, que cette qualification a
pour but d’éviter des droits, à moins que le
contribuable ne prouve que cette
qualification réponde à des besoins
légitimes de caractère financier ou
économique ».
Si la société avait simplement acquis le
droit d’usufruit, suivi d’une acquisition par
le dirigeant d’entreprise de la nuepropriété, les droits à percevoir auraient
globalement
été
comparables
à
l’acquisition de la pleine propriété par une
seule et même personne.
Le taux des droits d’enregistrement est
fixé, dans le cadre d’un usufruit, par
l’article 44 du C. enr. (cf. supra), soit
12,5% ou 10% selon la région où se situe
l’immeuble.
Pour que cette mesure anti-abus soit
applicable, deux conditions – identiques à
celles prévues par l’article 344 cir92 (cf.
supra) -, doivent principalement être
réunies53 :
La base de calcul des droits pour l’usufruit
est déterminée par application de l’article
47 du C. enr. (cf. supra).
La base de calcul des droits pour la nuepropriété est quant à elle déterminée par
l’article 49 du C. enr. qui stipule que « (…)
lorsque la convention a pour objet la nuepropriété d’un immeuble, sans que
l’usufruit soit réservé par l’aliénateur, la
base imposable ne peut être inférieure à la
valeur vénale de la pleine propriété,
déduction faite de la valeur de l’usufruit
calculée conformément à l’article 47 ».
ƒ l’opération doit être susceptible d’une
autre qualification. Cette requalification
doit cependant tenir compte de tous les
effets juridiques et économiques de
l’opération, à l’exclusion des effets
fiscaux ;
ƒ l’évitement de l’impôt doit avoir été
déterminant dans le choix de la
qualification opérée par les parties. Pour
refuser la qualification donnée par les
parties, l’administration doit démontrer la
motivation exclusivement fiscale de
l’opération.
Nous voyons par-là que l’acquisition par
une société d’un droit d’emphytéose,
suivie de l’acquisition du tréfonds par le
dirigeant personne physique (ou toute autre
entité) présente un avantage appréciable au
niveau des droits d’enregistrement par
rapport à l’acquisition d’un droit d’usufruit
/ nue-propriété ou un achat pur et simple.
André CULOT examine explicitement
l’application de ces principes à l’opération
consistant en la concession d’un droit
d’emphytéose d’une société A à une
52
53
MOSTIN, C., CULOT,A., GOFFAUX, B.,
VANGINDERTAEL, H., op. cit., p.185.
MOSTIN, C., CULOT,A., GOFFAUX, B.,
VANGINDERTAEL, H., op. cit.,., p.182.
18
société B moyennant canon de départ très
important et de redevances annuelles
symboliques. Le tréfonds est ensuite cédé à
une société C.
droit d’emphytéose et vend ensuite le
tréfonds
1.
Cet auteur vient à la conclusion qu’il est
impossible de requalifier la concession
d’un droit d’emphytéose dans cette
hypothèse puisque :
ƒ
ƒ il n’y a pas transfert de propriété dans
le chef de la société B : il s’agit là d’un
élément déterminant54.
Par mesure de prudence, il faut cependant
toujours prendre en considération les
quelques critères que voici :
2.
Cession du tréfonds
2.1. Le cédant / tréfoncier agit à
titre privé
ƒ les redevances périodiques ne peuvent
être minimes ;
ƒ Nous avons examiné ci-dessus
l’inapplicabilité dans les faits d’une
taxation sur base de l’article 90, 1° cir92 ;
ƒ le droit d’option à l’échéance ne peut
pas non plus être symbolique55.
Rien n’empêche en outre de soumettre
concomitamment les projets d’actes
authentiques
au
Receveur
de
l’enregistrement, de façon à ce qu’il prenne
(officieusement)
position
en
toute
connaissance de cause.
des
droit
Nous renvoyons au développement qui a
déjà été fait ci-avant sur le sujet avec la
distinction entre le cédant / tréfoncier
agissant à titre privé et le cédant /
tréfoncier agissant à titre professionnel
(lui-même assujetti ou non au droit
comptable).
il y a trois acteurs différents ;
IV. B. Impôt
physiques
Concession du
d’emphytéose
Dans le cas présent, la cession du tréfonds,
même si elle fait suite à la concession d’un
droit d’emphytéose, n’apporte globalement
aucun revenu brut supérieur à une simple
vente d’immeuble. Il n’y a donc – sauf cas
tout à fait spécifique – pas de taxation
possible au titre de revenu divers en
application de l’article 90,1° cir92.
personnes
ƒ Toute autre est la possibilité de
taxation sur base des articles 90, 8° ou 90,
10° cir92. Ces deux articles ont déjà été
examinés ci-avant. Ils visent les plusvalues réalisées sur la cession à titre
onéreux d’immeubles (bâtis ou non bâtis)
ou sur des droits réels autres qu’un droit
d’emphytéose ou de superficie ou qu’un
droit immobilier similaire.
Dans le cas présent, l’éventuelle plus-value
dégagée lors de la cession d’un tréfonds
pourrait faire l’objet d’une taxation sur
cette base car il ne s’agit pas de la
concession d’un droit d’emphytéose ni
d’un droit réel similaire ; encore faut-il
Nous analysons ici uniquement la taxation
dans le chef de la personne qui concède le
54
Voyez également sur ce point, De
MONTPELLIER, F. et STEEWINCKEL, J. op.cit.,
p.91.
55
L’administration de l’enregistrement considère
que la concession d’un droit d’emphytéose en
général constitue une vente lorsque l’option d’achat
à l’échéance est à ce point dérisoire que l’exercice
de ce droit d’option doit être tenu pour
certain. (Décision du 21 oct. 1974, Rec.gén.enr.not.,
1975, 304 ; Rev.not.belge, 1975, 337).
19
cependant
rencontrer
les
d’application de ces articles.
critères
ƒ
Dans le chef du cédant : cf. supra.
ƒ
Dans le chef de l’emphytéote :
La même problématique prévaut en cas de
cession d’une nue-propriété d’un bien
immeuble.
- Droits d’enregistrement inférieurs à
l’acquisition d’un droit d’usufruit ;
- Gros
travaux
à
charge
de
l’emphytéote.
Reste à déterminer la quotité de plus-value
imputable sur le tréfonds. Celle-ci sera
bien entendu fonction de la valorisation
donnée au droit d’emphytéose (cf. supra).
V. Conclusions
Cette plus-value taxable en application des
articles 90, 8° ou 10° cir92 sera de toute
façon globalement bien inférieure à la
plus-value dégagée lors d’une simple vente
(cf. infra) ou de la concession d’un droit
d’usufruit (dans ce cas en effet, tant la
plus-value dégagée lors de la concession
du droit d’usufruit que lors de la cession de
la nue-propriété sont taxables).
Par cet exposé, nous avons voulu présenter
les incidences fiscales du droit
d’emphytéose dans deux cas de
figure spécifiques :
1) la concession d’un droit d’emphytéose
sur un immeuble bâti par une personne
physique à une société dont elle est
dirigeant d’entreprise ;
2) l’acquisition par une société d’une
emphytéose sur un immeuble bâti
suivie de l’acquisition du tréfonds par
son dirigeant.
2.2. Le cédant / tréfoncier agit à
titre professionnel
Cette matière a été très peu étudiée par la
doctrine.
1.
Selon nous, le tréfoncier dégagera une
éventuelle plus-value qui correspondra à la
différence entre le prix de vente du
tréfonds et sa valeur historique (valeur
historique du terrain). En effet, lors de la
concession du droit d’emphytéose, la plusvalue éventuellement dégagée est, elle,
toujours calculée sur la valeur des parties
construites (cf. supra).
Droits d’enregistrement
Dans les deux hypothèses, la concession de
l’emphytéose engendrera la débition de
droits d’enregistrement de 0,2 %, calculés
sur la valeur du canon de départ et des
redevances périodiques.
Dans la seconde hypothèse, en sus des
droits de 0,2 % générés par la concession
de l’emphytéose, des droits de 12, 5 % ou
de 10 % (selon les Régions) seront dus lors
de la cession du tréfonds.
IV. C. Synthèse
L’impact est cependant relatif compte-tenu
de la faible valeur du tréfonds par rapport à
celle de l’emphytéose.
La concession d’un droit d’emphytéose
suivie de la vente du tréfonds dans les
conditions exposées ci-dessus présente
plusieurs avantages :
Par comparaison, le droit d’usufruit génère
quant à lui des droits plus importants
puisque ce sont exclusivement les droits de
12, 5 % (ou de 10 %) qui seront engendrés.
20
2.
fiscalement taxée comme revenus
mobiliers.
Par comparaison, les sommes obtenues par
une personne physique dans le cadre d’un
usufruit concédé à une société ne sont pas
considérées comme des revenus de
propriété foncière. Dans les faits, elles
échappent à toute taxation. Aucun intérêt
n’est cependant perçu, contrairement à
l’emphytéose.
Impôts directs
Nous avons étudié le régime fiscal à
l’impôt des personnes physiques a) de la
personne qui concède une emphytéose et
conserve le tréfonds et b) le cas où la
personne cède ensuite son tréfonds.
3.1
Régime fiscal de la personne
physique qui concède l’emphytéose
B. Si la personne physique concède une
emphytéose sur un bien immeuble
professionnel, il y a lieu de distinguer si
elle est ou non soumise au droit comptable
(cf. supra pour les critères).
Il faut distinguer le cas selon que le
concédant agit à titre privé ou
professionnel.
A. Si la personne physique concède une
emphytéose sur un bien immeuble privé,
elle verra les redevances et canons tirés de
cette opération taxés au titre de revenus
immobiliers (art. 7, § 1er , 3° cir92 et art.
10, §1er cir92).
Si le concédant n’est pas soumis aux règles
comptables (ex. : profession libérale), seule
une partie des redevances emphytéotiques
pourrait être taxée : il s’agit de la partie des
redevances qui excède la reconstitution du
capital investi, à savoir les intérêts.
Dans le cadre de l’emphytéose, il est
cependant possible de limiter fortement la
taxation, si les conditions de l’article 10,
§2 cir92 sont respectées, à savoir :
Le taux de taxation variera selon les
circonstances : soit le taux progressif
normal, soit le taux de 16,5 % en cas de
cessation d’activités.
ƒ le droit d’emphytéose doit porter sur un
bien immobilier bâti ;
ƒ
Pour connaître ce régime de taxation, le
contrat d’emphytéose devra respecter les
mêmes conditions que si le concédant avait
agit en qualité de personne privée : toutes
les conditions de l’article 10, § 2 cir92
devront être remplies (transfert de
propriété, reconstitution intégrale du
capital, contrat non-résiliable, immeuble
bâti).
la convention doit être non résiliable ;
ƒ les redevances échelonnées doivent
permettre de couvrir, outre les intérêts et
les charges de l’opération, la reconstitution
intégrale du capital investi par le
propriétaire dans la construction ou la
valeur vénale du bâtiment existant ;
ƒ le contrat doit prévoir soit que la
propriété de la construction est transférée
de plein droit au terme de l’emphytéose,
soit comporter une option d’achat.
Si le concédant est assujetti aux règles
comptables (et qu’il y a reconstitution du
capital investi).
Une plus-value taxable peut être dégagée
par rapport au prix de revient des
constructions (valeur d’acquisition des
constructions, sous déduction des
amortissements pratiqués).
Dans l’hypothèse du respect de l’article 10,
§2 cir92, seule la partie du prix de
concession du droit d’emphytéose qui
dépasserait la reconstitution du capital
investi dans la construction sera
21
privé, son régime fiscal sera identique à
celui d’une personne privée qui vend un
immeuble : taxation de l’éventuelle plusvalue si le tréfoncier se trouve dans les
conditions des 8° et 10° de l’article 90
cir92.
Le taux de taxation variera selon les
circonstances : soit, le taux progressif
normal, soit le taux de 16,5 % en cas de
cessation d’activités.
3.2
B. Si le tréfoncier cède son tréfonds et que
la cession se fait dans le cadre de
l’exercice de sa profession, la plus-value
sera calculée selon nous par rapport à la
valeur historique du terrain.
Régime fiscal de la personne
physique lors de la cession du
tréfonds
A. Si le tréfoncier cède son tréfonds dans
le cadre de la gestion de son patrimoine
22

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