Les Trois Lumières

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Les Trois Lumières
Les Trois Lumières
Association de doctorants en études cinématographiques
Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
Séminaire réunion-échange, 15 juin 2016
« Paysage, photographie, cinéma »
Les Archives de la Planète : un projet encyclopédique ?
Diane Toubert (Université Paris 1)
Entre 1908 et 1932, le banquier Albert Kahn (1860-1940) crée les Archives de la Planète,
projet photographique et cinématographique pour, selon ses termes, « fixer une fois pour toutes des
aspects, des pratiques et des modes de l’activité humaine dont la disparition fatale n’est plus qu’une
question de temps ». Plus de 183 000 mètres de film (soit environ cent heures) et 72 000 autochromes
sont alors recueillis tout autour du monde. Or, bien qu’Albert Kahn semble avoir poursuivi un but
encyclopédique, les Archives de la Planète ne sont pas universelles. De nombreux pays ont été écartés
du projet, tandis que les foyers d’influence occidentale sont le terrain de missions répétées.
Je souhaiterai apporter quelques éléments d’explication à ce constat, en examinant tour à tour
les enjeux épistémologique et politiques des Archives de la Planète. Si mes recherches portent
exclusivement sur la partie photographique de ce projet, je ne manquerai pas d’interroger la pertinence
d’une étude comparative des ensembles cinématographiques et photographiques, en évoquant les
travaux de Paula Amad, qui inscrivent la collection de films dans le contexte colonial et dans l’essor
du cinéma non-fictionnel.
Paysages cinématographiques & composition des mondes
Enno Devillers-Peña (EHESS - CRAL).
Le problème de la composition des mondes, soit celui des variations de nos manières de
« percevoir, d’actualiser, de détecter (ou non) les qualités de notre environnement et les relations qui
s’y créent » [Philippe DESCOLA, 2014], motive et nourrit de nombreuses réflexions qui, à l’occasion
de la communication, constitueront l’arrière-plan théorique sur lequel prendra appui notre échange.
L’effort d’analyse des différentes manières de composer les mondes a pu être décrit comme l’objet
même de l’anthropologie par un de ses plus célèbres représentants [Idem.], mais la fortune du
problème dépasse ce seul cadre disciplinaire. Ainsi est-il notamment reformulé au cœur de la question
politique de la « composition progressive d’un monde commun » entre humains et non-humains
[Bruno LATOUR, 1999 et 2015] ; dans la philosophie des agencements et dans cet « art d’organiser
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de bonnes rencontres » qu’appelait de ses vœux Gilles Deleuze lecteur et commentateur de Spinoza ;
dans la sociologie des institutions comme engendrement et stabilisation de la « réalité » [Luc
BOLTANSKI, 2009] ; ou encore dans l’étude des mondes animaux et humains que propose
l’éthologie de Jacob von Uexküll [1934] et les nombreux commentaires qui lui font suite.
Plus généralement, ce sont toutes les tentatives de se libérer d’une part des contraintes que
tisse l’approche moderne [LATOUR, 1991], ou l’ontologie naturaliste [DESCOLA, 2005], qui
peuvent trouver matière à penser différemment à partir de l’idée de ce que l’on nommera, après un pas
spéculatif qu’il conviendra d’étayer, la contingence des mondes. Bien qu’il aurait pu en être autrement
de ce qui est, et qu’il puisse en être autrement demain, la contingence impose que, pour l’heure et
jusqu’à nouvel ordre, il n’en est pas autrement de ce qui est que ce qu’il en est de ce qui est.
Autrement dit, penser les mondes comme contingents, cela permet de reconnaitre leurs résistances et
solidités – ce avec quoi il faut bien composer – sans pour autant voiler leurs relativismes et fragilités
intrinsèques – il y a des espaces et des prises pour reprendre le jeu de composition.
On articulera autour de la notion de paysage et de la forme cinématographique les grands
problèmes évoqués. « Entité médiale » [Augustin BERQUE, 2008] et hybride entre les catégories
culture/nature, hommes/non-humains, ciel/terre (« là où le ciel et la terre se touchent » pour reprendre
la belle expression du paysagiste Michel Corajoud [2010])… les paysages regorgent de traces
complexes qui sont autant d’indices de ce qu’ont été et de ce que sont les pratiques existentielles et les
milieux de vie des collectifs qui les habitent et les composent. Empreintes et matrices – un paysage est
façonné autant qu’il façonne ceux qui l’habitent – les paysages seront donc abordés comme témoins
des mondes – résultats de compositions particulières – et révélateurs des conditions de possibilité de
l’activité de composition – milieux existentiels contraignants.
L’objet de recherche se précisera quand il s’agira d’en venir au cas particulier des paysages
cinématographiques. Nous nous demanderons quels rapports ils entretiennent aux mondes fictionnels
et quotidiens (ceux dans lesquels nous évoluons hors de la salle de cinéma et du temps de la
projection). De quels mondes sont-ils les témoins ? Qu’est-ce qu’un monde cinématographique – en
tant que modalité particulière des mondes fictionnels ? Peut-on situer un point de rencontre, et nous
mettre au travail à l’articulation qu’il propose, entre mondes cinématographiques et quotidiens ? Si,
comme le pense Isabelle Stengers [2000], les rencontres avec les fictions mettent en « risque » le
monde contemporain, comment travailler à une meilleure compréhension de ce risque, de ses
puissances et implications ? Pour ce faire, quelles disciplines et outils convoquer ? La partie réflexive
et épistémologique de l’intervention s’attardera sur ces problèmes qu’il s’agira de discuter ensemble.
De 17h30 à 20h – Galerie Colbert
Salle 133 – 1er étage
2 rue Vivienne 75002 Paris
Métro Palais Royal, Bourse ou Pyramides
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