Juristes d`entreprise : l`indépendance en ADN
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Juristes d`entreprise : l`indépendance en ADN
LA SEMAINE DU DROIT NOS ÉVÉNEMENTS Juristes d’entreprise : l’indépendance en ADN La 18e édition du Club NexisNexis, qui s’est tenue le 2 juin dernier à Paris dans les Salons de Chateauform, rue Saint Dominique, a été l’occasion pour ses initiateurs, Philippe Coen, Président de ECLA et Christophe Roquilly, professeur à l’EDHEC et directeur de LegalEdhec, de présenter le Livre blanc de l’ECLA (European Company Lawyers Association), ouvrage collectif publié en anglais, rassemblant près de 60 contributions de praticiens et professeurs réputés venant de plus de 20 pays sur 4 continents. Page 1218 © PHILIPPE BACHELIER 18e rencontre du Club LexisNexis Christophe Roquilly Philippe Coen D loyauté et indépendance intellectuelle par exemple. Il a rappelé l’importance prise par la compliance et le rôle joué par les data protector officer. Pour sa part, Philippe Coen a conclu les interventions de la table-ronde en insistant sur le fait qu’il s’agit de « reconnaître des bulles privées dans l’entreprise », cette situation étant loin d’être exceptionnelle en Europe puisque au sein des 20 pays qui composent l’ECLA, 70 % reconnaissant déjà la confidentialité ! C’est la France qui est très en retard en ce domaine ! *La European Company Lawyers Association (Association Européenne des Juristes d’Entreprise) www.ecla.eu est présidée pour la première fois depuis 1982 par un président français ; elle rassemble 43 000 juristes en entreprise. ■ evant un auditoire composé de nombreux directeurs juridiques et juristes d’entreprise, Christophe Roquilly a mis en exergue les quatre objectifs du Livre blanc de l’ECLA* : proposer un ouvrage novateur d’experts internationaux, alerter les autorités publiques, provoquer une réflexion radicale sur la prise en compte de la fonction juridique dans l’entreprise, formuler des recommandations (20 recommandations sont ainsi regroupées en pages 369 et 370 de l’ouvrage). Synthétisant certaines des contributions publiées, il a souligné que l’indépendance intellectuelle du juriste d’entreprise peut très bien être compatible avec la subordination liée au contrat de travail, que certains pays, telle la Belgique, ont déjà institué un code d’éthique destiné à surmonter les conflits susceptibles d’apparaître entre LA SEMAINE JURIDIQUE - ÉDITION GÉNÉRALE - N° 25 - 23 JUIN 2014 LA SEMAINE DU DROIT NOS ÉVÉNEMENTS Table ronde de g. à d. : Jacques Barthélémy, Dominique de la Garanderie, Jean-Charles Savouray, Guillaume Deroubaix Le Livre Blanc montre, dans un premier temps, que l’indépendance intellectuelle est un pré-requis à tout avis ou conseil juridique pertinent, sachant que cette indépendance est une notion à multiples facettes. Dans un second temps, il met en évidence que dans les pays où les juristes d’entreprise ne sont pas soumis à une réglementation professionnelle, il est capital que la situation évolue. Pratique, il propose, par exemple, des recommandations (pages 25 à 37) concernant le legal privilege dans le domaine des pratiques anticoncurrentielles. Compagny Lawyers : Independent by Design, An ECLA White Paper, 400 pages, co-edited by Philippe Coen & Pr. Christophe Roquilly, LexisNexis, ECLA, EDHEC Business School, ISBN : 978-27110-1903-8 [prochainement disponible sur l’application Lexis® Kiosque téléchargeable gratuitement sur l’App Store et sur Google Play]. Guillaume Deroubaix, directeur éditorial de LexisNexis, a introduit la table-ronde qui réunissait quelques contributeurs de l’ouvrage : Noëlle Lenoir, avocat et déontologue auprès de l’Assemblée nationale, Dominique de la Garanderie, avocat, ancien Bâtonnier, Jacques Barthélémy, avocat, Jean-Charles Savouray, directeur juridique d’IBM Europe, ainsi que Stephan Grynwajc, attorney, New-York. Pour sa part, Jean-Charles Savouray a indiqué que l’évolution du métier de juriste d’entreprise vers plus de complexité crée une forme d’indépendance ; on lui demande maintenant d’émettre un jugement et plus seulement de dire le droit. Jacques Barthélémy a insisté sur le fait que la notion d’indépendance n’est pas liée à une échelle ; il n’y a pas de degrés dans l’indépendance ; elle existe ou elle n’existe pas. Il a aussi relevé que la subordination juridique ne vaut que pour les conditions de travail, distinguant autonomie et indépendance. Le juriste d’entreprise, dans sa fonction, devrait obtenir une indépendance technique (du même ordre par ex. que celle d’un pharmacien directeur de laboratoire pharmaceutique) et sa responsabilité ferait l’objet d’une assurance. Noëlle Lenoir a rappelé le devoir de loyauté du juriste d’entreprise, sa responsabilité éthique et professionnelle, mais a émis des doutes sur le concept d’indépendance intellectuelle et a rappelé les principes de la jurisprudence Akzo (V. aussi les développements de M. Domans et J. Temple Lang sur les arrêts AM&S du 18 mai 1982 et Akzo du 14 septembre 2010, p. 14 s.). Pour elle, il revient à la corporate governance d’intégrer l’indépendance du directeur juridique au sein de l’entreprise. Dominique de la Garanderie a, quant à elle, insisté sur le fait que l’indépendance du juriste d’entreprise devrait être imposée par le biais de la responsabilité sociétale de l’entreprise. Enfin, Stephan Grynwajc a stigmatisé la situation du juriste français à l’international, souvent non reconnu comme juriste qualified et donc à la limite même pas reconnu comme juriste ! ■ de g. à d. : Christophe Roquilly, Noëlle Lenoir, Stephan Grynwajc LA SEMAINE JURIDIQUE - ÉDITION GÉNÉRALE - N° 25 - 23 JUIN 2014 Page 1219