Le tremblement essentiel chez le sujet âgé : physiopathologie et

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Le tremblement essentiel chez le sujet âgé : physiopathologie et
Le tremblement essentiel chez le sujet âgé
physiopathologie et prise en charge thérapeutique.
Pendant longtemps, le tremblement essentiel a été
considéré comme bénin et sans retentissement sur la qualité
de vie. Pourtant, son expression clinique est vaste et
hétérogène allant d’une gêne insignifiante à un handicap
majeur.
On définit un tremblement comme un mouvement
involontaire d’une partie du corps. Il peut s’agir d’un
tremblement de repos survenant sur une zone du corps en
dehors de toute sollicitation volontaire, comme dans la
maladie de Parkinson ou d’un tremblement postural
survenant lors du maintien d’une attitude, comme le
tremblement physiologique. Le tremblement cinétique, lui,
survient lors d’un mouvement volontaire. Le tremblement
essentiel peut être à la fois postural et cinétique. Sa
prévalence augmente avec l’âge et serait de 4 % après 65
ans. On observe deux pics de fréquence dans la deuxième et
dans la sixième décade. Il n’y a pas de différence entre les
sexes, mais il existe un terrain familial dans environ 17 %
des cas.
Dans les formes sporadiques, des facteurs
environnementaux pourraient jouer un rôle. Sur le plan
physiopathologique, le tremblement essentiel serait dû à une
décharge synchrone et rythmique des neurones du noyau
olivaire inférieur qui agirait comme un pace-maker et qui
transmettrait cette activité par les voies cérébelleuses aux
neurones spino-moteurs qui déclencheraient le tremblement.
Certains composés, comme l’harmaline, déclenchent un
tremblement essentiel par inhibition des récepteurs
gabaergiques. Le PET montre une augmentation du flux
sanguin cérébelleux chez des sujets ayant un tremblement
essentiel qui n’est pas spécifique puisqu’elle est également
retrouvée chez des patients ayant une maladie de Parkinson,
des tremblements d’écriture ou à l’orthostatisme.
Les études post-mortem de cerveau de sujets qui
souffraient de tremblement essentiel ont trouvé de nombreux
corps de Lewy dans le locus ceruleus mais pas dans les
autres structures cérébrales. Cliniquement, il s’agit d’un
tremblement bilatéral, le plus souvent symétrique, postural et
cinétique. Il touche le plus souvent les mains et les avantbras dans 95 % des cas, la tête dans 34 % des cas, les jambes
dans 20 % des cas, la voix dans 12 % et le visage dans 5 %
des cas. Le tonus musculaire est normal. Il n’y a pas de
bradykinésie ni d’ataxie. On le démasque lors d’un exercice
contre pesanteur. Il évolue insidieusement sur plusieurs
années. Au niveau du membre supérieur, la fréquence est de
4 à 12 Hz et pour le chef de 2 à 8 Hz.
Le tremblement essentiel des sujets âgés a une
fréquence plus lente qui le fait confondre avec celui d’un
Parkinson mais son amplitude augmente. La part cinétique
est souvent supérieure à celle d’attitude. Le tremblement
:
cinétique survient lors de mouvements volontaires comme
boire avec un verre, ce qui entraîne des difficultés dans la vie
quotidienne et retentit sur la qualité de vie. Le tremblement
essentiel peut disparaître dans 75 % des cas lors de
l’ingestion d’alcool mais il existe un effet rebond. Le
tremblement essentiel serait associé à certaines pathologies
comme le MCI, des dysfonctions olfactives, la maladie de
Parkinson, bien que les études n’aillent pas toutes dans le
même sens. Un lien avec la maladie à corps de Lewy serait
possible. L’affirmation du diagnostic peut se faire par un
EMG mais c’est un examen long et onéreux. De simples tests
fonctionnels permettent le diagnostic. Le DAT Scan permet
de faire le diagnostic différentiel entre tremblement essentiel
et maladie de Parkinson. L’examen étant normal en cas de
tremblement essentiel.
Quand il n’est pas invalidant, aucun traitement n’est
proposé. En cas de gêne, les β bloquants comme le
propranolol diminuent l’amplitude mais pas la fréquence. Il
apporte un effet bénéfique dans 40 à 50 % des cas mais est
moins actif au niveau du chef et de la voix. Ce type de
traitement est débuté à petites doses, surtout chez le sujet
âgé, soit 40 mg x 3/j et augmenté progressivement. La dose
optimale varie mais ne doit pas dépasser 320 mg/j. Les effets
secondaires les plus fréquents sont la bradycardie, l’asthénie,
la froideur des extrémités. On peut aussi prescrire du
métoprolol ou de l’aténolol. La primidone diminue
l’amplitude du tremblement essentiel. Elle est débutée à 25
mg le soir du fait d’une sédation possible et est augmentée
progressivement. La dose varie de 50 à 250 mg/j. Les effets
indésirables sont sédation, asthénie, tristesse, nausées et
vomissements mais ils disparaissent généralement en
quelques jours. La toxine botulique a peu d’effet et n’est pas
indiquée. L’alcool risque d’entraîner une dépendance et
donne un effet rebond. Les benzodiazépines comme
l’alprazolam diminue le tremblement dans 50 % des cas.
Elles augmentent la transmission gabaergiques mais ne sont
pas dépourvues d’effets secondaires. Certains inhibiteurs de
l’anhydrase carbonique comme le zonisamide réduisent les
tremblement essentiel de la voix et du chef d’environ 40 %.
Le traitement chirurgical n’est réservé qu’aux formes sévères
et invalidantes. Il privilégie le traitement conservateur par
stimulation chronique du noyau ventral intermédiaire et
diminue la sévérité et le handicap.
Le tremblement essentiel est une pathologie souvent
méconnue et non diagnostiquée surtout chez le sujet âgé. Il
est responsable d’un handicap physique et psychique chez
plus des trois quarts de ces patients. Une meilleure
connaissance de sa physiopathologie devrait permettre une
amélioration de sa prise en charge thérapeutique.
N. Faucher
Hôpital Bichat-Claude Bernard, Paris
Thanvi B, Lo N, Robinson T. Essential tremor - the most common movement disorder in older people. Age Ageing,
2006;35:344-349.
©2006 Successful Aging SA
Af 443-2006