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Une organisation
judiciaire
et une procédure
pénale plus efficaces
par Christophe Ayela, avocat associé,
responsable du département Contentieux, Mayer Brown Paris
Ceci est la version écrite de Christophe Ayela au colloque de l’Institut pour la Justice intitulé :
Une justice pénale rénovée, fondée sur la criminologie moderne
des 13 et 14 décembre 2012 au Grand Salon de la Sorbonne.
Cette intervention a eu lieu le 13 décembre 2012 sur le thème :
Rénover le droit et la procédure pénale
et sur le sujet : Une organisation judiciaire et une procédure pénale plus efficaces.
Le constat actuel de l’organisation judiciaire, une
procédure pénale en stagnation
1. L’incapacité de renouvellement de la procédure pénale
Dans « le coma » depuis l’affaire d’Outreau, la procédure pénale française semble incapable
de se renouveler par la voie législative. Mis à part la loi du 15 juin 2000 renforçant la portée de
la présomption d’innocence et les droits de la victime, dite loi Guigou, une force d’impulsion
extérieure -sinon européenne- apparaît nécessaire.
L’épineuse question de la garde à vue, par exemple, reflète parfaitement la situation. Après une
longue période de total immobilisme, c’est d’abord la Cour européenne des droits de l’homme
qui a contesté la réglementation française de la garde à vue, indirectement par les arrêts Salduz
c/ Turquie en date du 27 novembre 2008 et Dayanan c/ Turquie, le 13 décembre 2009, avant
de condamner directement la France, dans un arrêt du 14 octobre 2010 Brusco c/ France. Les
avocats ont alors saisi l’opportunité d’une QPC pour réclamer son évolution devant les juridictions pénales françaises. Qualifiée d’historique, une décision du 30 juillet 2010 du Conseil
constitutionnel a déclaré contraire aux droits et libertés le régime de la garde à vue (sauf les
procédures en matière de terrorisme et de criminalité organisée). Pragmatique, cette décision
imposait une profonde réforme du système, tout en prévoyant que l’invalidation des articles en
cause ne prendra effet qu’au 1er juillet 2011.
2. La négligence de la Défense
Plus armée qu’il n’y paraît, la Défense du prévenu ou de la victime dispose face au juge et à
l’Accusation d’une arme pas ou mal utilisée.
La technique du contre-interrogatoire croisé, d’inspiration américaine, figure dans le Code de
procédure pénale depuis la loi précitée du 15 juin 2000, aux articles 312 en matière criminelle
et 442-1 du Code de procédure civile en matière correctionnelle (Voir Vérités Croisées, co-écrit
avec Jacques Mestre et Valérie Péronnet, Litec, 2005, et Charte de bonne pratique des interrogatoires croisés à l’audience de jugement, Charte de bonne pratique des interrogatoires croisés
à l’instruction 2012).
Il faut attendre une décennie pour que le thème de la cross-examination gagne progressivement du terrain dans les esprits trop souvent excessivement effrayés par l’épouvantail du système anglo-saxon. Pourtant, la pratique qui autorise les avocats à contre interroger directement
toute personne appelée à la barre est une arme très utile, à l’instar de nos homologues italiens,
espagnols, et surtout américains.
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Le statut du juge d’instruction, en passe d’être supprimé
1. La complicité avec la chambre de l’instruction
Le juge d’instruction, institution vieille de plus de 200 ans, a gagné la défiance montante de
l’opinion publique. Du point de vue de la Défense, une solidarité inextricable semble nouée
entre le juge d’instruction et la chambre de l’instruction, laquelle confirme plus de neuf fois sur
dix toutes ses décisions, créant ainsi « un cadre de protection du droit aléatoire ».
2. La progressive suppression du juge d’instruction
Vieille idée en effet que de supprimer le juge d’instruction, tombé en disgrâce bien avant l’épisode d’Outreau qui en fut le point d’orgue. Et pourtant cette vocation, bousculée parfois, critiquée toujours est encore debout. Constat d’autant plus surprenant qu’il possède de moins en
moins les moyens d’exercer ses fonctions.
En effet, depuis la loi du 5 mars 2007 pour lutter contre les dérives personnelles à la suite du
procès d’Outreau, la mesure de collégialité a été mise en place. Chaque pôle d’instruction devait comprendre à terme au moins trois magistrats. Faute de moyens humains – et de visibilité
sur une éventuelle réforme de la procédure pénale toute entière – cette échéance a été repoussée
à 2011, puis à 2014.
Le parti pris sous-jacent apparaît alors clairement : éliminer progressivement les juges d’instruction, avant de les refonder dans une autre institution. Encore 623 en 2009, ils ne sont plus
aujourd’hui que 540 en France (Sources du Figaro.fr article du 24 juin 2012).
Vers un système dit du « contradictoire » comme une
troisième voie
Dépourvu des moyens nécessaires pour mener à bien son enquête, sans réel contre pouvoir ou
contrôle, le juge d’instruction français est exposé aux dérives personnelles.
Le système du « contradictoire », à l’inverse, offre de larges pouvoirs au juge, comme la technique de discovery.
L’enjeu est ainsi de s’en inspirer tout en conservant les spécificités françaises, avant qu’une
directive européenne ne vienne imposer une législation communautaire qu’ils nous faudrait
transposer à la lettre à la hâte sans réelle marge de manœuvre.
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