France : nouveau recul du pouvoir d`achat en 2013
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France : nouveau recul du pouvoir d`achat en 2013
Apériodique – n°13/52 – 11 juillet 2013 France : nouveau recul du pouvoir d’achat en 2013 Au premier trimestre, le pouvoir d’achat des ménages s’est fortement redressé, en hausse de 1% t/t (après -0,9% t/t). La baisse des impôts sur le revenu et le patrimoine, après une forte progression au quatrième trimestre 2012, explique en partie cette évolution. hausse marquée depuis mi-2011. Cette forte augmentation du pouvoir d’achat s’explique par deux facteurs. À court terme, le pouvoir d’achat sera soutenu par la faiblesse de l’inflation. Son profil d’évolution dépendra néanmoins étroitement de celui des prélèvements obligatoires, avec une accélération de ces derniers à nouveau attendue pour la fin de l’année. Le Revenu Disponible Brut (RDB) des ménages a augmenté de 1,3% t/t en valeur nominale au premier trimestre, alors qu’il avait reculé de 0,7% t/t en fin d’année 2012. Le RDB comprend les revenus d'activité, les revenus du patrimoine, les transferts en provenance d'autres ménages et les prestations sociales (y compris les pensions de retraite et les indemnités de chômage), nets des impôts directs (impôt sur le revenu, ISF, taxe d'habitation, CSG et CRDS). Cette progression du RDB s’explique surtout par le recul des impôts sur le revenu et le patrimoine, après une forte progression au quatrième trimestre 2012. L’accélération des prélèvements constatée fin 2012 s’expliquait par la mise en place de la contribution exceptionnelle pour les redevables de l’ISF et par l’effet des nouvelles mesures votées : désindexation du barème de l'IRPP, réduction de certaines niches fiscales, contribution exceptionnelle sur les très hauts revenus, renforcement de la taxation sur les plus-values immobilières et alourdissement de la fiscalité du capital. Sur l’ensemble de l’année, l’INSEE table sur une progression du pouvoir d’achat des ménages de l’ordre de 0,2% en moyenne annuelle. Dans notre scénario, nous anticipons, au contraire, un nouveau recul du pouvoir d’achat de l’ordre de 0,4% en moyenne annuelle (après -0,9% en 2012). Pouvoir d’achat en hausse au 1er trimestre Malgré le repli de l’activité au premier trimestre 2013 (-0,2% t/t), le pouvoir d’achat des ménages (mesuré par leur revenu disponible brut hors inflation) s’est fortement redressé (+1% t/t, après -0,9% t/t). C’est sa première Tout d’abord, la hausse du revenu en valeur nominale des ménages 2012 Décomposition du RDB en t/t Revenu disponible brut T1 0,4 T2 0,3 T3 0,0 T4 -0,7 2013 T1 1,3 Revenus d'activité Rémunérations des salariés EBE 0,5 0,5 0,3 0,4 0,4 0,5 0,4 0,5 0,3 0,4 0,4 0,4 0,4 0,4 0,4 Revenus du patrimoine Revenus du patrimoine reçus - Revenus du patrimoine versés -0,6 -1,3 -4,5 -0,4 -1,1 -4,7 0,3 -0,7 -5,6 0,9 0,0 -5,2 0,1 -0,4 -3,9 Prestations sociales en espèces 1,2 1,1 1,0 0,8 0,7 Autres transferts courants Autres transferts courants reçus - Autres transferts courants versés -3,6 0,1 0,9 -6,4 -0,4 0,7 -3,9 -0,1 0,6 -1,3 0,2 0,5 1,4 0,5 0,4 - Impôts et cotisations sociales - Impôts courants - Cotisations sociales versées Sources : Insee, Crédit Agricole SA 0,9 1,0 0,9 0,8 1,2 0,6 1,7 4,1 0,7 3,0 7,3 1,1 -1,4 -4,9 0,2 Études Économiques Groupe http://etudes-economiques.credit-agricole.com Axelle LACAN Robin MOURIER [email protected] [email protected] Ensuite, un mouvement prononcé de désinflation Au premier trimestre 2013, l’indice des prix à la consommation (IPC) a ralenti à 1,1% en glissement annuel (g.a.), après une hausse de 1,5% en g.a. au quatrième trimestre 2012. au quatrième trimestre 2012), dans le sillage du freinage des prix des produits pétroliers. Poursuite du repli du pouvoir d’achat en 2013 France : inflation totale et ses composantes 4 a/a, % 4 3 3 2 2 1 1 0 -1 -1 11 Inflation totale Services France : pouvoir d'achat des ménages et ses composantes a/a, % 15 Contrib. %, a/a 3,0 2,5 2,0 1,5 1,0 0,5 0,0 -0,5 -1,0 -1,5 -2,0 -2,5 13 11 9 7 5 3 1 -1 12 Alimentation Energie (ech. dr.) 2007 2008 2009 Rev. d'activité Prest. soc. en espèces Prix conso. Pouvoir d'achat 13 Prod. Manuf. Source : Insee, Crédit Agricole S.A. Ce tassement des prix a concerné l’ensemble des grandes composantes de l’IPC : a. Les prix des services ont ralenti (1,1% en g.a. après 1,3% en g.a. au quatrième trimestre 2012) et les prix des produits manufacturés ont même reculé sur le trimestre (-0,2% en g.a., après +0,3% en g.a.). Ces derniers avaient fortement augmenté en 2012, sous l’effet de la diffusion des hausses des cours des matières premières industrielles. La fin de cet effet a contribué au fort tassement des prix des produits manufacturés sur la période récente. L’inflation des services et des produits manufacturés porte la trace du contexte économique actuel : d’une part, le niveau élevé du taux de chômage maintient sous pression les salaires, qui progressent moins rapidement (1,5% a/a au premier trimestre, après 1,6% a/a au quatrième trimestre 2012 et une moyenne de long terme de 3,5% a/a) ; d’autre part, les taux d’utilisation des capacités de production restent à un niveau faible (81, contre une moyenne de long terme à 84). b. Les prix alimentaires se sont également tassés (1,8% a/a, après 2,6% a/a), et ce malgré l’accélération récente des prix des matières premières alimentaires importées. La diffusion des hausses des prix se fait, en effet, avec un temps de décalage. D’après nos estimations, la hausse des cours des matières premières se répercuterait au bout de trois mois sur les prix agricoles. L’accélération des prix de ces derniers aurait un impact immédiat sur les prix agroalimentaires. Enfin, les prix à la consommation des produits alimentaires assimileraient en cinq mois la hausse des prix agro-alimentaires. c. Les prix de l’énergie ont également freiné sur le trimestre (1,8% en g.a., après 3,5% en g.a. N°13/52 – 11 juillet 2013 2010 2011 2012 2013 Rev. du patrimoine Impôts courants Cotisations soc. versées Source : Insee, Crédit Agricole S.A. Des revenus d’activité en hausse modérée (69% du revenu disponible brut des ménages) Après avoir augmenté de 2,7% en 2011 et 1,8% en 2012, les revenus d’activité devraient progresser moins rapidement en valeur en 2013 (autour de 1% en moyenne annuelle). La dégradation de l’emploi va se poursuivre1. Le niveau élevé du taux de chômage n’est pas propice à une hausse très rapide du salaire par tête (+1,7% attendu en 2013, après +2,1%). Des prestations sociales toujours dynamiques (33% du revenu disponible brut des ménages) C’est un des facteurs de résistance de la France : quand le taux de chômage augmente, les revenus d’activité se tassent, mais les prestations sociales (notamment chômage) accélèrent, permettant d’amortir l’impact final du retournement conjoncturel sur la consommation. En 2013, les prestations sociales sont attendues en forte hausse, de 3,3% en moyenne annuelle. Elles avaient également augmenté à un rythme soutenu en 2012 (+4%). Le léger freinage attendu s’explique par une moindre revalorisation de certaines prestations en début d’année, compte tenu de l’anticipation du freinage des prix à la consommation (cas des allocations familiales notamment). Des revenus de la propriété (10% du revenu disponible brut des ménages) et un EBE des ménages purs (12% du revenu disponible brut des ménages) en hausse un peu plus forte Après un fort tassement constaté en 2012 parallèlement à la baisse des taux d’intérêt, l’EBE des ménages « purs » est attendu en hausse, tout comme les revenus de la propriété perçus par les 1 Cf. focus « France : la hausse du taux de chômage va-t-elle se poursuivre ? », 14 juin 2013. 2 Axelle LACAN Robin MOURIER [email protected] [email protected] ménages (principalement les dividendes versés par les sociétés, les intérêts et les loyers des terrains), soutenus par le redressement observé des marchés actions. Des prélèvements sociaux et fiscaux en hausse légèrement plus modérée (-25% du revenu disponible brut des ménages) Sans surprise dans le contexte actuel d’assainissement des finances publiques, les prélèvements obligatoires continueront à croître à un rythme soutenu en 2013 (après une forte hausse de 7,4% en 2012). L’effort structurel prévu par le gouvernement en 2013 est en effet important : il totalise 38 milliards d’euros, soit 1,9 point de PIB, et est obtenu, pour un peu plus des deux tiers, par une hausse significative des prélèvements fiscaux et sociaux. Néanmoins, compte tenu du tassement des revenus d’activité en 2012 (+1,8%, après +2,7% en 2011), les prélèvements obligatoires augmenteraient un peu moins rapidement en 2013. Les impôts sur le revenu et le patrimoine sont notamment attendus en hausse moins forte : +7,1%, après +10,2%. Au total, le revenu disponible brut des ménages devrait augmenter de 0,7% en valeur en moyenne annuelle en 2013 (après 0,9% en 2012). Le ralentissement de l’inflation (attendue à +1,2% en moyenne annuelle, après 2%) ne sera pas suffisant pour permettre une hausse du pouvoir d’achat en 2013 : il reculerait ainsi de 0,4% en moyenne annuelle (après -0,9% en 2012). Alerte sur l’ajustement décalé des salaires à l’inflation Comme nous l’avons vu, les prix ont fortement ralenti sur la période récente. Or, ce tassement de l’inflation n’a pas encore été pleinement répercuté sur les salaires. Prenons l’exemple du SMIC. Depuis 2013, comme le précise l’INSEE, il est revalorisé : consommation hors tabac des ménages du premier quintile de la distribution des niveaux de vie, augmentée de la moitié du gain de pouvoir d'achat du salaire horaire moyen des ouvriers et des employés (avec possibilité pour le gouvernement de décider d'une revalorisation supplémentaire) ; En cours d'année lorsque cet indice des prix à la consommation atteint un niveau correspondant à une hausse d'au moins 2 % par rapport à l'indice constaté lors de l'établissement du SMIC immédiatement antérieur. Le SMIC n’a donc pas encore intégré le freinage récent des prix. Des gains de salaires réels sont actuellement réalisés, fruits du décalage entre l’ajustement des prix et l’ajustement plus tardif des salaires. Il nous semble néanmoins important de signaler l’effet de « contrecoup » qui se produira, c’est-à-dire quand les salaires s’ajusteront au freinage passé des prix, alors même que l’inflation risque d’accélérer. Si cet effet était plus marqué qu’anticipé, la consommation privée pourrait s’ajuster un peu plus fortement (actuellement attendue en recul de 0,1% en moyenne annuelle en 2013 et en hausse de 0,3% en 2014). Inversement, il faut rappeler que les ménages bénéficieront d’un déblocage exceptionnel de leur épargne salariale au second semestre 2013, à hauteur de 20 000 €, qui permettra un léger surcroît de consommation. D’après les données publiées en 2010 par la Dares, près de 9 millions de salariés bénéficient d’une mesure d’épargne salariale. Néanmoins, il est très difficile d’estimer l’impact qu’aura cette mesure sur la consommation. Les exemples récents de mise en œuvre de mesures du même type ont eu des résultats parfois encourageants (comme en 2004, avec un surplus de consommation estimé par l’INSEE de l’ordre de 2 milliards d’euros), parfois plus mitigés (comme en 2008). Chaque 1 janvier, en tenant compte de l'évolution de l'indice mensuel des prix à la er Crédit Agricole S.A. — Études Économiques Groupe 12 place des États-Unis – 92127 Montrouge Cedex Directeur de la Publication : Isabelle Job-Bazille Secrétariat de rédaction : Fabienne Pesty Contact: [email protected] Consultez les Études Économiques et abonnez-vous gratuitement à nos publications sur : Internet : http://etudes-economiques.credit-agricole.com iPad : application Etudes ECO disponible sur l’App store Cette publication reflète l’opinion de Crédit Agricole S.A. à la date de sa publication, sauf mention contraire (contributeurs extérieurs). Cette opinion est susceptible d’être modifiée à tout moment sans notification. Elle est réalisée à titre purement informatif. 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