tecktonik : la mode passe

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tecktonik : la mode passe
DON BOSCO AUJOURD’HUI n° 947 - Juillet-Août 2008
TECKTONIK : LA MODE PASSE ?
Comment ce qui n'était que le nom d'une soirée à la mode dans une discothèque de Rungis
Vous n'avez pas encore vu passer cette nouvelle danse made
in France qui consiste à faire tournoyer ses bras en l’air sur
une musique électro ? Regardez mieux à la sortie des écoles !
Voici plusieurs mois que la tecktonik a envahi les technoparades et les soirées branchées des grandes villes de
France … ainsi que les cours de récréation ! Un style plutôt
singulier – couleurs fluo, gel à gogo dans les cheveux, étoiles
sur le visage – mais ne mode qui n’est peut-être que
passagère …
(Val-de-Marne) est-il devenu une danse connue de nombreux jeunes qui n'ont pas encore
l'âge d'aller en boîte de nuit ? Par internet, bien sûr ! Des centaines de vidéos (sur les sites
You Tube ou DailyMotion, notamment) y proposent des cours de danse et des
démonstrations qui permettent à tout un chacun de devenir un "tecktonik killer", un
aficionado du tecktonik, un fan quoi ! Quant aux blogs, ils sont la vitrine de danseurs en
herbe qui se font connaître via pseudonyme : il y a Tchadow, du haut de ses dix ans, Jey
Jey, qui s'est fait connaître en se filmant en train de danser dans son garage, ou encore Lili
Azian et Lecktra, deux jeunes filles qui, depuis le début de leur passion, multiplient les
plateaux télé et sont mêmes victimes d'usurpations d'identités !
LA PANOPLIE DU DANSEUR
La tecktonik fait parler d'elle à cause de ses gestes étranges. Jambes légèrement écartées
et fléchies en rythme, le danseur s'applique à faire des très rapides mouvements de bras
autour de sa tête et devant son torse. Le mouvement le plus basique et plus caractéristique
est celui du "recoiffage" (on se passe la main dans les cheveux), mais les figures - du coup
de pied avant au salto arrière - peuvent être beaucoup plus techniques, le but étant
d'arriver à une désarticulation et à une rapidité d'enchaînement maximales. De temps en
temps, les mouvements sont empruntés à d'autres danses, comme c'est le cas du "Moon
Walk" ou du "Milky Way" : chaque danseur se compose ainsi son propre vocabulaire
chorégraphique. "Ce qui m'a le plus plu dans cette danse, c'est qu'en fait personne avant
n'avait trouvé le moyen de danser sur de l'électro, et comme c'était de la musique que
j'écoutais, j'ai tout de suite été branché !", confie Nicolas, élève en première ES à Arras.
L'électro, c'est un genre de techno en plus rapide : les puristes diront "hardstyle" ou
"jumpstyle". Les parents des jeunes danseurs, un peu réticents quand leurs enfants
écoutent ce qu'ils considèrent souvent comme une "musique de sauvages", ont souvent du
mal à accepter le style vestimentaire qui va avec. Casquette flashy, foulard rosé avec tête
de mort, veste en damier noir et blanc ouverte sur un tee-shirt moulant sans manches,
grosse ceinture métallique, jean "slim" taille basse ou treillis retroussé qui laisse voir des
chaussettes rayées : la panoplie a l'avantage d'être quasi mixte et plutôt accessible côté
portefeuille. Le tout s'accompagne, selon les goûts, d'une coiffure osée (crête, couleurs...),
de mitaines en cuir, de bracelets argentés, d'une cravate à motifs, ou encore de mocassins
"Van's" (très tendance, mais un peu plus chers !).
« VIVE LA DANSE ÉLECTRO »
Le succès profite visiblement à l'entreprise à qui appartient le terme "Tecktonik" : celle-ci
a lancé une ligne de vêtements, une boisson énergisante, des compilations de musique et
toute une gamme de produits dérivés qui porte son logo, un aigle héraldique. "Que des
jeunes dansent dans la rue et créent des blogs dédiés à la tecktonik ne nous dérange
absolument pas. Au contraire, c'est vraiment une reconnaissance de notre travail et ça nous
fait plaisir. En revanche, si une boîte veut organiser une soirée tecktonik sans passer par
nous, elle aura des problèmes", explique Alexandre Barouzdin, directeur général de
l'entreprise Tecktonik, actuellement gérée par une filiale du groupe TF1. Certains danseurs
acceptent mal que la danse qu'ils affectionnent portent le nom d'une marque déposée : "Moi
j'écoute de l'électro en boucle... mais pas de la tecktonik !", poursuit Nicolas. "Vive la danse
électro !", clame de son côté le jeune Tchadow, dans l'une de ses vidéos où on le voit danser
en piétinant un tee-shirt "Tecktonik". La tecktonik, qu'on l'appelle ainsi ou autrement, a
instauré une culture propre, a priori basée sur de très modernes valeurs commerciales
(privilège de l'apparence, instruments de communication de masse...), mais ses danseurs
refusent d'être le pur produit d'un plan marketing qui a bien accroché. Elle est même
l'occasion pour des ados (issus le plus souvent de classes populaires ou moyennes) de
trouver leur style. Ils organisent entre eux des "battles", c'est-à-dire des combats au
cours desquels chacun danse tour à tour pour épater l'autre. Mais les gesticulations et les
accoutrements de la tecktonik soulèvent aussi quelques moqueries. D'ailleurs, si l'on en
croit Nicolas, le "buzz" autour du courant serait en passe de prendre fin : "La danse en ellemême est super, mais le style est bidon, argumente-t-il, je respecte les danseurs comme
Spoke ou Maestro car ce sont des grands et personne ne pourra leur ressembler, mais mes
amis sont du même avis que moi, la Tecktonik c'est démodé !" Alors, le mouvement va-t-il se
laisser rebaptiser, survivre à son succès médiatique et imposer ses codes comme le hiphop? ou bien disparaître comme la macarena ? Il suffira, pour répondre à cette question,
d'observer cet été si les quais de la Seine où se réunissaient l'an passé les danseursvidéastes ressemblent toujours à un grand défilé de mode !
Simon CHAMPIGNY

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