Voix plurielles 13.2 (2016) 7 Ici (Take 2) Georgette LEBLANC Août

Voix plurielles 13.2 (2016)
7
Ici (Take 2)
Georgette LEBLANC
Août 2016
Mon père est point
ici
dans ce poème
il est point
icitte
mon père est point
le mot
mon père est point
une idée divine tombée du ciel
est point de quoi
d’immatériel
qui existe mieux, dessiné
sur papier
mon père
Gilles Grégoire LeBlanc
un jour
s’a viré de bord
a point répondu le telephone
a point été à l’interview
a décidé que c’était point ça
savait point trop quoi faire
ça fait qu’il a fait ça
il a quitté, son corps fatigué
il était de même, il faisait ça qu’il
avait à faire, pis quand ce qu’il le faisait
il le faisait bien, qui veut dire
qu’il le faisait avec tout ce qu’il avait
mon père était là
parfaitement imparfait, point compliqué
quand ce qu’il était là, ça, c’était vrai
il était point nice
presque jamais
il disait point je t’aime
parce qu’il le faisait
il était là
tous les jours
Voix plurielles 13.2 (2016)
même quand ce qu’on voulait point
même quand ce que ça nous hastlait
pis qu’il nous faisait honte
parce qu’il portait le mauvais coat
point comme les autres sur la ski
slope, barbu, dépeigné, calotte de travers
il répondait point ça que
tu voulais entendre, il disait
tout haut ça qu’il croyait
quand ce qu’il le croyait
parce qu’il croyait
point grand choses, pas même
dans l’amour, il comprenait
point le mot, j’en parlions
beaucoup, il croyait pas mal
rien que ça qu’il voyait
pis ça qu’il voyait c’était nous autres
ses quatre enfants, sa femme
sa mère pis son père qu’il aimait point trop
pis le monde autour, pis
souvent, ça qu’il voyait faisait
mal
il a marié une femme
pour vrai, une vraie
parce qu’il croyait au
respect, une femme
qui y baillait du fil
à retordre qui l’a fait mordre
du fer tcheques fois parce qu’il
pouvait le prendre, parce qu’il était fait
de même, un gars à Josephine à Edouard à Anisie
tough pis tendre, même s’il avait de la misère
à faire cte parti là, la tendresse, à la faire s’entendre
à se laisser faire fondre, était point fit
parce que ça qu’il voyait
autour, souvent
était point à l’heure
y faisait peur
il respectait le silence
point aisé
vivre endimanché
composer avec l’école
bâtir de quoi
point aisé, vivre
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Voix plurielles 13.2 (2016)
élever des enfants
dans un monde compliqué
qui cherche rien qu’à te voler, défaire
ton intégrité, ta simplicité, qui cherche à compliquer
pour profiter, pour faire une piasse
pour créer une job
dans un monde qu’a de la misère
à s’aimer
mon père
Gilles Grégoire LeBlanc était point
un bourreau, parlait point comme les autres
il le faisait, il marchait
mon père était
être humain
il respectait le silence
même quand ce qu’il parlait trop
parce qu’il savait qu’un mot
tombe point du ciel
qu’il est né de la terre
de l’esprit matériel
qui grouille, qui souffle, parfaitement
imparfait, qui fait du mieux qu’il peut
qui sait point toute, qui parle, qui marche
qui chante et grouille
pis que c’est ça qui compte
que ça grouille
pis à matin je l’écris
mon père est point icitte
dans le mot
dans le poème
parce que son corps est mort
il va point revenir
le miracle de sa vie est fini
c’est point tcheque mode de trick
en guettant le gros comeback tour
il pourra pus nous raconter
c’est vrai c’est fini
il pourra pus se réveiller
pour réessayer de nous en reparler
notre conversation est finie
parce que vivre c’est répondre
c’est guetter, c’est le faire
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Voix plurielles 13.2 (2016)
c’est le pouvoir, si tant simple
d’être
c’est le corps dans l’air
mon père
a perdu son pouvoir
parce qu’il est mort
parce qu’il est transformé
ça qui reste de lui
de son corps, de son esprit
de la coquille de sa journée
on tient proche pour mieux l’aimer
il se laissait point
aimer aisé
pis c’est ça
qu’est ça
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