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CONSOMMATION COLLABORATIVE :
QUELS ENJEUX ET QUELLES LIMITES POUR LES CONSOMMATEURS ?
Colloque INC 7 novembre 2014 - Ministère de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique
Table ronde 2
IMPACTS ET RISQUES JURIDIQUES
Modérateur : Rémy GERIN, directeur exécutif de la chaire Grande Consommation de l’ESSEC
POINT DE VUE D’UNE ASSOCIATION DE CONSOMMATEURS
D OMINIQUE ALLAUME-BOBE, VICE - PRESIDENTE DE L ’U NION NATIONALE DES ASSOCIATIONS
FAMILIALES (UNAF), EN CHARGE DU DOSSIER D EVELOPPEMENT DURABLE
Rémy GERIN
Quels sont les retours des familles sur le développement de cette économie collaborative, à la fois en
tant qu’offreur et consommateur ?
Dominique ALLAUME-BOBE
Le terme de « consommation collaborative » n’est pas toujours connu. Cependant, la démarche n’est
pas nouvelle puisque les familles n’ont pas attendu le XXIème siècle pour consommer ensemble et
autrement. En tant qu’administratrice de l’Union nationale des associations familiales, je représente
l’ensemble des familles françaises et étrangères établies sur le territoire auprès des pouvoirs publics.
J’appartiens également à l’association Familles rurales qui organisait dès les années 50 des achats en
commun de machines à laver qui étaient ensuite partagées par les familles. Cette pratique, qui avait
été une réelle avancée pour les familles, est depuis tombée en désuétude. Cependant, la
consommation en commun, et autrement, se perpétue à travers les bourses aux vêtements ou les
bourses aux plantes par exemple.
Depuis la crise économique de 2007, l’enjeu pour les familles est de gagner en pouvoir d’achat sans
disposer de revenus additionnels. Les familles se sont rendu compte que leurs produits, comme les
perceuses ou les voitures, étaient sous-utilisés : l’échange d’appareils s’est ainsi développé sans
nécessairement inclure de transactions financières. En milieu urbain, le manque d’espace est un
problème central de la vie des familles qui ne peuvent pas disposer de tous les appareils utiles dans
ces espaces restreints. Les familles se contentent donc des éléments essentiels tandis qu’elles
empruntent les produits dont elles ne disposent pas.
Il est vrai que les associations pour le maintien de l’agriculture paysanne (AMAP) attirent des familles
consommatrices. Toutefois, nous nous efforçons de développer le lien social, par exemple en
rencontrant les producteurs, en s’échangeant des recettes ou en participant aux distributions. Il est
important de construire et de préserver ce lien social recherché en milieu rural. Les « repair cafés »
se sont également développés tandis que l’échange de matériels de jardinage est populaire.
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Rémy GERIN
Les familles vous questionnent-elles sur les risques liés à ces pratiques ? Deuxièmement, vous fontelles part de problèmes résultant de ces pratiques ?
Dominique ALLAUME-BOBE
Non. A ce stade, nous n’avons pas été interrogés sur ces aspects. Les personnes opèrent dans un
climat de confiance, notamment en milieu rural. Au-delà de l’utilisation des plateformes en ligne
comme Le Bon Coin, le contact réel entre les particuliers est maintenu. A ce stade, nous n’avons donc
pas été confrontés à ces problèmes. En revanche, en tant qu’association de consommateurs, nous
nous préoccupons de ces problématiques de responsabilité en cas de problèmes. Par exemple, dans
le cadre du financement participatif, les citoyens deviennent prêteurs. Ce statut engage des
responsabilités qu’ils ne sont pas habitués à endosser. Il convient donc d’adopter une approche
prudente du crowdfunding sur lequel les consommateurs s’interrogent.
Rémy GERIN
Quelles actions proactives l’UNAF mène-t-elle sur ces enjeux ?
Dominique ALLAUME-BOBE
Nous les étudions avec des juristes ou des sociétés d’assurance pour identifier des solutions adaptées
à ces situations problématiques. Ce processus est en cours.
Rémy GERIN
Travaillez-vous sur une démarche de réflexion mutualisée entre plusieurs associations ?
Dominique ALLAUME-BOBE
Nous sollicitons nos juristes dans le cadre d’une démarche associant d’autres mouvements familiaux.
APPROCHE JURIDIQUE EN TERMES DE RESPONSABILITES
S ABINE BERNHEIM-DESVAUX, MAITRE DE CONFERENCES HDR DE DROIT PRIVÉ ET V ICE - DOYEN DE
LA FACULTE DE DROIT , D ’ ECONOMIE ET DE GESTION D ’A NGERS
Rémy GERIN
Pouvez-vous nous éclairer sur ces thèmes de responsabilité, d’information et de droit ?
Sabine BERNHEIM-DESVAUX
Monsieur AMAND a introduit les deux questions pertinentes en termes de responsabilité juridique.
Premièrement, les pratiques de consommation collaborative relèvent-elles d’une qualification
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nouvelle, aujourd’hui inexistante, ou ces pratiques sont-elles déjà encadrées par un corps de règles
existant et figurant dans le code civil ? La réponse à cette question nécessite d’identifier les
différentes situations de consommation collaborative. Le régime de garantie, la responsabilité de
chacun des cocontractants et les dispositions applicables lors de la conclusion du contrat découlent
directement de la qualification de la situation. Il est donc nécessaire d’envisager les différents types
de communautés de consommation collaborative car la diversification des pratiques de
consommation collaborative aboutit juridiquement à l’application de règles différentes. La deuxième
question portera sur la responsabilité et les obligations du tiers de confiance, qui est la plateforme de
mise en relation des particuliers.
Je considère que trois communautés peuvent être distinguées et catégorisées en fonction du contrat
conclu entre les particuliers : transfert de la propriété d’un bien, transfert de l’usage d’un bien et
services entre particuliers.
En premier lieu, les contrats sur le transfert de la propriété d’un bien correspondent
économiquement aux marchés de la redistribution : vente, troc ou échange de biens d’occasion entre
les particuliers. Si ces contrats Consumer to Consumer (C-to-C) sont conclus gratuitement, ils sont
qualifiés de don manuel, ce qui ne pose aucun problème juridique. En revanche, lorsque ces contrats
sont conclus à titre onéreux, ils correspondent à des contrats de vente ou d’échange. Ils sont ainsi
respectivement soumis aux articles du code civil 1582 et suivants pour la vente et 1702 et suivants
pour l’échange. Le droit de la consommation et la loi sur le commerce électronique n’ont pas
vocation à s’appliquer à ces transactions entre particuliers. Ainsi, l’article 1369-4 du code civil, qui
précise qu’un vendeur doit proposer une offre dans le respect de certaines exigences, ne s’applique
pas aux vendeurs non-professionnels. De la même manière, les restrictions en matière de pratiques
commerciales trompeuses ne s’appliquent pas aux particuliers. Le particulier acheteur n’aura pas
accès au droit de rétractation, à la garantie légale de conformité et aux conditions contractuelles
normalement remises auparavant. Ces règles consuméristes ne s’appliqueront pas. Cependant, le
code civil s’applique. En matière de ventes et d’échanges entre particuliers, il impose la garantie des
vices cachés, l’obligation générale d’information du vendeur et l’obligation de délivrance conforme. A
partir de ces textes et de la jurisprudence qui en découle, il est possible de régir les questions de
responsabilité.
Par ailleurs, si le contrat est conclu électroniquement, deux articles de la Loi pour la confiance dans
l’économie numérique du 21 juin 2004 (loi LCEN) s’appliqueront. L’article 19 prévoit une obligation
d’information spécifique de la part du vendeur tandis que l’article 15 prévoit une responsabilité de
plein droit du vendeur pour la bonne exécution du contrat conclu à distance. Je considère qu’il serait
judicieux de renforcer cette obligation d’information par une mention expresse auprès du particulier
acheteur pour lui signifier qu’il ne bénéficiera pas du droit de la consommation, notamment du droit
de rétractation. En effet, l’acheteur peut oublier les réflexes primaires à adopter lors d’un achat sur
Internet. De plus, il est recommandé au particulier de soigner l’expédition des colis dont il est
responsable. Enfin, le particulier vendeur peut parfois être qualifié de professionnel. Dans ce cas,
l’intégralité des règles consuméristes s’applique. En l’absence de règles pour identifier un vendeur
considéré comme professionnel, le Forum des droits sur Internet avait proposé trois critères : la
régularité, la dimension lucrative et la volonté d’exercer l’activité à titre professionnel. Dans un
jugement correctionnel du Tribunal de grande instance de Mulhouse du 12 janvier 2006, le vendeur
avait été considéré comme professionnel après avoir vendu 470 objets en deux ans qu’il avait acquis
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pour la revente. Ces contrats C-to-C doivent être distingués des achats groupés auprès de
producteurs professionnels. Dans la mesure où ces contrats d’achats groupés sont Business to
Consumer (B-to-C), le droit de la consommation, le droit civil et la LCEN, le cas échéant, s’appliquent.
En second lieu, les contrats de transfert de l’usage d’un bien se développent. Lorsque le partage vise
une finalité altruiste, le contrat peut être juridiquement qualifié de prêt à usage, ou commodat régi
par les articles 1875 et suivants du code civil. Dans ce cas, les règles du code civil s’appliquent alors
que le droit de la consommation ne s’applique pas. Les difficultés juridiques concerneront
principalement le défaut de restitution ou la restitution endommagée du bien. L’article 1880 du code
civil édicte une responsabilité de l’emprunteur pour faute présumée. En présence d’une
jurisprudence abondante sur cette question, il n’est pas nécessaire de créer de nouvelles règles
spécifiques. Lorsque le partage de l’usage d’un bien permet à l’offreur de percevoir un revenu
supplémentaire et que le contrat porte sur un bien mobilier, la qualification qui s’impose est celle du
louage de choses. Les règles du code civil s’appliquent. Si des difficultés interviennent sur le
paiement du loyer ou l’état de la chose lors de sa restitution, les règles classiques de responsabilité
du locataire, comme la responsabilité pour faute présumée en cas de dégradation de la chose louée,
s’appliquent. Lorsque le contrat porte sur des biens immobiliers, une complexité accrue caractérise
ces situations. Par exemple, les contrats de coworking (mise à disposition d’un local accompagné de
prestations accessoires) sont plus complexes. Ces contrats Business to Business (B-to-B) sont
uniquement régulés par les conditions générales qu’il convient dès lors d’examiner attentivement.
En dernier lieu, les contrats sur les services se développent également via des sites spécialisés. Les
sites qui partagent des informations ou astuces relèvent du partage d’informations dont la seule
problématique juridique est la propriété intellectuelle des données publiées ou collectées par le site.
En cas de service proprement dit, il convient de distinguer les services gratuits et les services
rémunérés. Pour un service réellement gratuit proposé à un tiers, le droit du bénévolat s’applique.
Ce droit est calqué sur la responsabilité civile de droit commun (article 1382 du code civil et
suivants). La fausse gratuité renvoie aux services présentés comme gratuits alors qu’ils sont effectués
dans le but d’obtenir une contrepartie (un autre bien ou un autre service). A ce titre, les systèmes
d’échange local (SEL) ne sont pas véritablement gratuits. Ces services rémunérés correspondent au
louage d’ouvrage du code civil, communément appelé un contrat d’entreprise. Le code civil prévoit la
responsabilité du maître d’ouvrage et de l’entrepreneur qui propose un service.
Pour conclure, ce panorama révèle que le concept unique de consommation collaborative recouvre
en réalité un ensemble de situations contractuelles encadrées par un corps de règles existantes. Pour
se référer à ces règles, il convient d’identifier la qualification contractuelle pertinente.
Rémy GERIN
Pour résumer, l’environnement juridique en place ne nous oblige pas à inventer de nouvelles règles.
Néanmoins, le recours à des tiers dont le métier est de gérer les risques est justifié compte tenu des
risques réels associés à ces pratiques. Quelle est l’implication des sociétés d’assurance dans ce
contexte ?
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FOCUS ASSURANCE
C HARLES LE CORROLLER, JURISTE , INC
P ATRICK VRIGNAUD, RESPONSABLE DE LA D IVISION G ARANTIES , PROCESSUS ET REGLES SINISTRES ,
D IRECTION T ECHNIQUE A SSURANCE , MAIF
Charles LE CORROLLER
Les Français se tournent vers les assurances pour gérer les pratiques de consommation collaborative
qui engendrent de nouveaux risques. Les contrats d’assurance classique de multirisques-habitation,
qui couvrent la responsabilité civile, ne sont pas adaptés à ces situations. En effet, la Garantie
responsabilité civile du contrat standard couvre la responsabilité civile délictuelle et non
contractuelle. Or la consommation collaborative est basée sur une relation contractuelle entre
l’offreur et l’acheteur. Dans ce contexte, quelles sont les évolutions possibles des assureurs pour
orienter leurs offres vers l’assurance d’usage ? En effet, ce nouveau mode de consommation induit
un changement de la technique assurantielle. Nous avons souhaité interroger la MAIF, qui a décidé
de se lancer pleinement dans ce nouveau champ de la consommation collaborative avec l’émergence
de nouvelles offres. J’accueille Monsieur VRIGNAUD. Quelles sont les activités concernées par l’offre
proposée par la MAIF ?
Patrick VRIGNAUD
Nous proposons des offres sur mesure car il n’est pas envisageable de proposer une offre générique.
Nous avons ainsi noué, à ce jour, trois partenariats avec des plateformes. En 2007 avec BlaBlaCar ;
notre démarche visait à lui apporter l’image de marque de la MAIF pour instaurer la nécessaire
confiance entre le conducteur et le passager. L’apport de la MAIF à BlaBlaCar a été pédagogique, par
exemple en apportant des réponses à des questions sur les couvertures des assurances obligatoires.
Notre démarche visait également à valoriser le contrat auto de la MAIF, où le prêt de volant est
inclus ; ce qui permet sans risque de partager la conduite lors d’un long trajet en co-voiturage.
Nous avons également signé un partenariat avec Koolicar, site de location de voitures entre
particuliers. Nous avons conçu un dispositif assurantiel sur-mesure pour fournir une garantie
d’assistance aux usagers et une assurance tous risques directement intégrées au service.
Enfin, le partenariat avec GuestToGuest, une plateforme d’échange de logements entre particuliers,
a également nécessité la mise en place d’un dispositif sur-mesure qui permet au locataire de
souscrire une assurance annulation ou interruption de séjour, une assurance assistance et une
assurance contre les éventuelles dégradations immobilières qu’il pourrait causer au logement.
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Charles LE CORROLLER
Le consommateur découvre fréquemment les exclusions conventionnelles au moment du sinistre. Le
sinistre n’est alors pas pris en charge par l’assurance. Quelles sont les principales exclusions
conventionnelles insérées à vos contrats ?
Patrick VRIGNAUD
Ces services ne fonctionnent que s’ils sont basés sur un niveau élevé de confiance entre toutes les
parties prenantes. En truffant un contrat d’exclusions, un assureur se met en position de devoir gérer
de la déception et à terme de la méfiance. L’idée n’est donc pas d’insérer des exclusions spécifiques
en complément des exclusions habituelles du code des assurances. Par exemple, le dispositif
assurantiel mis en œuvre pour Koolicar prévoit une garantie corporelle pour les passagers même si la
perte de contrôle du véhicule est due à un défaut d’entretien du véhicule. En cas de sinistre
matériel, sa prise en charge relève du haut de gamme : assistance zéro kilomètre, service véhicule de
remplacement et la prise en charge des biens transportés.
Nous ne gérons pas ces sujets par la mise en place des exclusions mais, en aval, par la sélection
rigoureuse des risques à l’entrée. Ainsi, locataires et propriétaires sont assurés de la qualité du
service proposé et n’ont pas à être déçus de la solution assurancielle en cas de sinistre.
Charles LE CORROLLER
Les canaux de distribution de cette nouvelle gamme de contrats s’adaptent aux pratiques de la
consommation collaborative, qui se structure essentiellement sur Internet. La MAIF permet-elle la
souscription de ces nouveaux contrats en ligne ? Si oui, quelles sont les modalités techniques d’une
souscription d’un contrat d’assurance ?
Patrick VRIGNAUD
Par définition, ces contrats ont vocation à être souscrits en ligne bien que le comportement des
consommateurs est multicanal dans le milieu de l’assurance. La distribution de l’assurance est
étroitement réglementée. Notre rôle est d’accompagner nos partenaires dans la connaissance de
cette réglementation. Par exemple, notre partenaire GuestToGuest distribue de l’assurance
directement sur son site. A ce titre, il doit obtenir des autorisations spécifiques délivrées par
l'Organisme pour le registre des intermédiaires en assurance (ORIAS) pour bénéficier du statut
d’intermédiaire en assurance. Nous devons plus généralement apporter à ces partenaires des
éléments de connaissance dont ils ne disposent pas sur le secteur de l’assurance pour se mettre en
conformité avec les exigences réglementaires. Nous devons en effet nous assurer que nos
partenaires respectent ces exigences comme celles de la Commission nationale de l'informatique et
des libertés (CNIL) sur le traitement des données confidentielles ou celles concernant la lutte contre
le blanchiment des capitaux.
Charles LE CORROLLER
Au-delà de la définition de la consommation collaborative retenue par les sociétés d’assurance, quels
sont les marchés que vous souhaitez cibler ? Ecartez-vous certains marchés dont l’activité vous
rebute, ou au contraire, adoptez-vous une approche large des risques que vous souhaitez couvrir ?
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Patrick VRIGNAUD
Nous apprenons au contact de ces nouveaux modes de consommation. La MAIF privilégie des
services dont les valeurs sont porteuses de sens. C’est la raison pour laquelle nous considérons qu’il
n’est pas possible de concevoir un produit assurantiel commun à tous les besoins. Chaque partenaire
se définit par des besoins spécifiques auxquels la MAIF répond par des offres adaptées. Nous avons
la conviction que seule une approche partenariale basée sur la confiance permet de créer le bon
produit d’assurance. Ainsi, toutes les parties prenantes s’y retrouvent : les utilisateurs sont bien
couverts et protégés, le partenaire développe son activité et son image de marque, la MAIF, elle, se
réinvente par la conception de modèles innovants notamment en terme de services.
Rémy GERIN
Quel est le cadre juridique des plateformes qui opèrent entre deux particuliers ?
Sabine BERNHEIM-DESVAUX
Je souhaite revenir sur la conclusion consécutive à ma première intervention. Il est exact que les
règles juridiques existent sans qu’il soit nécessaire d’alourdir le cadre réglementaire. Cependant, des
ajustements marginaux sont envisageables pour renforcer l’obligation d’information et faciliter
l’accès des particuliers à l’information. Ce mode de consommation nécessite une responsabilisation
accrue du consommateur par rapport à d’autres systèmes marchands. Pour être responsable, il
convient de connaître les règles applicables. Les associations de consommateurs pourraient mobiliser
les réseaux associatifs pour diffuser activement ces informations tandis que les plateformes
pourraient assurer un relais de l’information auprès des particuliers.
Pour les plateformes collaboratives, la jurisprudence française a opté pour le régime de l’hébergeur
en considérant que la plateforme est un intermédiaire technique de mise en relation entre les
particuliers. A ce titre, la plateforme est exposée à trois types de responsabilité.
Premièrement, la responsabilité de la plateforme sur les contenus diffusés ne pourra être engagée
que si elle ne réagit pas après avoir été informée de la présence de certains contenus illicites. Selon
moi, il n’est pas possible d’engager la responsabilité de la plateforme sur les avis et commentaires
des consommateurs sauf si ces avis sont diffamatoires ou injurieux. Les plateformes ne sont pas
soumises à une obligation de vérification des données dans le régime de l’hébergeur. Il convient donc
d’encourager les internautes à choisir prudemment leurs cocontractants. Le rôle du tiers de
confiance doit être développé pour accentuer ces vérifications de données comme le pratique par
exemple BlaBlaCar.
Deuxièmement, en cas d’inexécution du contrat conclu entre les deux particuliers, je considère que
la responsabilité de la plateforme ne peut pas être engagée dans la mesure où le contrat est conclu
en dehors de la plateforme, directement entre les deux particuliers. La plateforme ne garantit pas la
bonne exécution des contrats conclus en dehors d’elle. Il convient ainsi d’informer les particuliers
qu’ils ne pourront pas se retourner contre la plateforme.
Troisièmement, la responsabilité de la plateforme est engagée lors de l’inexécution du contrat conclu
entre la plateforme et chacun des usagers de la plateforme. En effet, le particulier, offreur ou
receveur de l’offre, conclut un contrat avec la plateforme. Ces contrats de consommation sont
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encadrés par le droit de la consommation qui s’applique. Le particulier est ainsi considéré comme un
consommateur à l’égard de la plateforme qui est le professionnel. La responsabilité de plein droit de
la plateforme du fait de la bonne exécution des obligations issues du contrat de prestation de service
est engagée. Cette responsabilité de plein droit concerne notamment l’accès et l’utilisation de la
plateforme. Cependant, nous pourrions envisager un renforcement de l’obligation d’information de
la plateforme. La plateforme pourrait être contrainte de mieux informer le vendeur sur sa
responsabilité, notamment sur le transport des colis, et sur les dispositifs assurantiels susceptibles de
diminuer le risque encouru. Quant au receveur de l’offre, l’obligation de la plateforme pourrait être
renforcée sur l’information relative à l’inapplication du droit de la consommation, dont l’absence du
droit de rétractation, et sur la vigilance à adopter quant à l’identité de l’offreur.
Pour conclure, j’enjoins les particuliers à être vigilants sur ce mode de consommation. Bien qu’il
constitue l’instrument pour une nouvelle liberté économique, cette liberté ne va pas sans
responsabilités pour les acteurs qui la pratiquent.
ECHANGES AVEC LA SALLE
Rémy REUSS, Association française de normalisation (AFNOR)
L’essor des avis de consommateurs en ligne est spectaculaire. Vous avez évoqué la notion de casier
judiciaire ou d’e-réputation des consommateurs, et plus généralement des citoyens. Je signale
l’existence d‘une norme AFNOR sur les avis en ligne permettant d’évaluer la robustesse du processus
de collecte, de traitement et de publication de ces avis afin d’augmenter la confiance liée à ces
sources d’information. Par ailleurs, cette norme française est en cours de déploiement au niveau
international sous un secrétariat français. Outre les avis en ligne, la réputation en ligne des
particuliers ou des entreprises pourrait également faire l’objet de travaux de normalisation au niveau
international.
Patrick MERCIER, président de l’Association de défense, d’éducation et d’information du
consommateur (ADEIC)
Je remercie les intervenants pour la qualité de leurs échanges. Le code civil, le code de la
consommation et le code de l’assurance s’appliquent à ces situations. Cependant, bien que la
loi Hamon soit effective depuis le 17 mars 2014, un nombre important de décrets d’application n’est
pas encore entré en vigueur. Nous nous félicitons malgré tout de l’adoption de cette loi, qui
rééquilibre le rapport entre consommateurs et professionnels. Par ailleurs, nous constatons qu’un
nombre croissant d’automobilistes circule sans assurance. Le contexte de cette économie
coopérative est-il l’opportunité de réinventer notre système pour dépasser le clivage entre ceux qui
disposent d’une assurance et ceux qui n’en disposent pas ?
Patrick VRIGNAUD
Je rappelle que le volet responsabilité civile de l’assurance automobile est obligatoire en France. Il
n’est donc pas normal qu’un automobiliste circule sans assurance responsabilité civile. Dans
l’hypothèse où aucun assureur ne souhaiterait assurer un certain profil de risque, un bureau central
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existe pour obliger un assureur à le couvrir en contrepartie de cotisations particulières. Le rapport
Werner du Fonds de Garantie automobile se penche sur la problématique de la non-assurance tandis
que les instances professionnelles Groupement des entreprises mutuelles d'assurance (GEMA) et
Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA), en collaboration avec les pouvoirs publics,
réfléchissent ensemble à la mise en place d’un dispositif capable de limiter ce risque. Ce processus
avance.
Patrick MERCIER, président de l’Association de défense, d’éducation et d’information du
consommateur (ADEIC)
Le Bureau Central de Tarification (BCT) est confronté à la démission de trois quarts de ses membres
conduisant à l’absence de quorum. Les raisons de ces démissions ne relèvent pas de l’ordre du jour
de ce colloque. Cette solution n’est donc pas mobilisable en l’état.
Patrick VRIGNAUD
Il faut souhaiter qu’une solution soit rapidement trouvée.
Thomas OLLIVIER, Responsable stratégie et partenariats, MAIF
Une question a été soulevée sur l’engagement de la MAIF dans l’économie collaborative. Il s’agit
davantage de bon sens que de stratégie ou d’opportunisme. La MAIF est née d’une volonté
commune d’enseignants de s’assurer entre pairs. Ils ont donc créé une communauté pour mutualiser
les risques et partager un même engagement. Nous constatons que nos sociétaires ont conservé ces
attentes en termes d’engagement ; elles se retrouvent aujourd’hui dans la pratique d’une économie
plus collaborative. Ils ont donc des besoins de couverture liés à ces pratiques collaboratives comme
le covoiturage ou l’échange de logement. Pour répondre à ces attentes et à ces besoins, notre
démarche est de nous associer à des partenaires partageant des finalités et valeurs communes,
comme BlaBlaCar ou GuestToGuest. Ainsi, au-delà même de l’assurance, nous pouvons proposer en
confiance des services de qualité à nos sociétaires.
D’ailleurs les entreprises innovantes de l’économie collaborative nous sollicitent spontanément.
BlaBlaCar nous a contactés dès 2007 et Koolicar dès 2010. Nos partenaires nous expliquent que leur
activité repose sur la confiance entre membres. Or la MAIF est fondée sur cette valeur étalon qu’est
la confiance. Nous sommes ainsi leader de la relation clients depuis dix ans. La confiance est donc
notre marque de fabrique. Nous sommes heureux de pouvoir valoriser ce savoir-faire dans une
époque où la société civile réhabilite grâce à l’économie collaborative des principes comme la force
du collectif ou le mutualisme.
Enfin, selon moi, le vrai défi posé aux acteurs traditionnels, dont les grands groupes et l’Etat, porte
sur la capacité d’innovation. Pourquoi les start-ups lancées par de jeunes entrepreneurs créent-elles
des modèles plus innovants que les grands groupes ou l’Etat disposant de plus de moyens ? Sommesnous prêts à suivre la tendance et à les accompagner pour ré-enchanter l’économie en créant des
liens et des convergences et non des divergences et des formes de protectionnisme ? C’est un
challenge qui anime la MAIF et qui explique aussi son engagement dans l’économie collaborative.
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