brochure 2015 - Evidence investigations

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brochure 2015 - Evidence investigations
L'agent de recherches privées
Rôle et statuts
valeur juridique
du rapport de mission
Par Michaël Gabriele
Directeur d'agence de recherches privées
Octobre 2015
© Michaël Gabriele / Evidence Investigations 2011-15 – Tous droits réservés
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I – Rôle et statuts
1. Profession : agent de recherches privées
Depuis l'époque de François-Eugène Vidocq, le
détective privé traîne comme une ombre, son lot
de clichés. Il faut dire que « l'officine » qui
l'abrite n'a pas forcément bonne réputation et
de plus, on ne comprend pas toujours ce que
vont y chercher les clients.
Il existe pourtant depuis 2003 une loi qui encadre
la profession et qui en prévient les dérives ! Les «
détectives privés » exercent depuis lors au
sein d'« agences de recherches privées », et leur
rôle est ainsi défini :
« Profession libérale qui consiste, pour une
personne, à recueillir, même sans faire état
de sa qualité ni révéler l'objet de sa mission,
des informations ou renseignements, destinés
à des tiers en vue de la défense de leurs
intérêts. »1
2. Pourquoi fait-on appel aux compétences
d'un agent de recherches privées ?
« Il incombe à chaque partie de prouver
conformément à la loi les faits nécessaires au
succès de sa prétention. »2
« Celui qui réclame l'exécution
obligation doit la prouver. »3
d'une
Pour tout litige qui n'est pas d'ordre public et
pour lequel les forces de l'ordre ne sont pas
compétentes, la charge de la preuve revient au
demandeur.
L'avocat oriente et conseille son client, mais il est
tributaire des pièces que ce dernier pourra bien
lui fournir pour faire valoir ses intérêts.
1
Article L. 621-1 du Code de la sécurité intérieure.
2
Article 9 du Code de procédure civile.
3
Extrait de l'article 1315 du Code civil.
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A cet égard, l'huissier de justice peut, certes,
« effectuer
des
constatations
purement
matérielles, exclusives de tout avis sur les
conséquences de fait ou de droit qui peuvent en
résulter »4 mais il ne peut pas se livrer à une
enquête car il outrepasserait ses fonctions5 : il ne
peut « réunir des témoignages qu'aux seules fins
d'éclairer [ses] constatations matérielles »6.
C'est donc au justiciable que revient la besogne
de recueillir les éléments probants à l'appui
desquels il pourra fonder ses prétentions.
Or, celui-ci n'a pas nécessairement les moyens
logistiques, le temps, la technicité requise pour
mener à bien ce qui s'avère parfois être une
enquête complexe.
L'intervention de l'agent de recherches privées
s'inscrit dans ce contexte.
3. Une profession strictement réglementée
L'huissier de justice et à l'avocat ont un rôle bien
défini au sein de la procédure ce qui n'est pas tout
à fait encore le cas de l'agent de recherches
privées.
La
notion
d'enquête
occupe
d'ailleurs
principalement le champ du contentieux pénal :
les services de police judiciaire, sous l'autorité du
parquet ou du juge d'instruction, mènent la
plupart des enquêtes pour trouver les auteurs
d'une contravention, d'un délit ou d'un crime.
Or, il existe des situations nécessitant de
diligenter des enquêtes qui ne pourront
pourtant pas être menées dans le cadre établi
d'une information judiciaire, d'une enquête
préliminaire ou d'une enquête de flagrance. En
effet les services de police ne peuvent pas
enquêter dès lors que l'affaire en question n'entre
pas dans le champ pénal.
C'est dans ce contexte que les justiciables ont
accès aux services des agences de recherches
privées lesquelles doivent être titulaires d'une
autorisation pour exercer. Celles-ci réunissent
des preuves pour des litiges d'ordre civil,
commercial, social et administratif. Elles
interviennent aussi au pénal, en contre-enquête
ou en amont d'un dépôt de plainte.
4
Article 1 de l'ordonnance n°45-2592 du 2 novembre
1945 relative au statut des huissiers.
5
Cass. civ. 15/04/1981, 2e ch.
6
Cass. soc. 29/10/2002, pourvoi n°00-42918, bull.
2002, V, n°326, p.313.
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Les activités de recherches privées ne sont pas à
proprement parler une fonction « auxiliaire de
justice », elles sont toutefois encadrées par le
Code de la sécurité intérieure, sur le plan légal7 et
réglementaire8. La profession est partie prenante
des activités de sécurité privée et se trouve, à ce
titre, tenue au respect du Code de déontologie
applicable à l'ensemble du secteur9. Ce texte
consacre notamment l'obligation de conseil à
laquelle est sujet le praticien dans l'exercice de ses
fonctions.
Depuis le 1er janvier 2012, le Conseil National des
Activité Privés de Sécurité, personne morale de
droit public, est en charge de délivrer, suspendre
et retirer les autorisations d'exercer, agréments
(pour
les
dirigeants)
et
autres
cartes
professionnelles (pour les salariés) nécessaires à
l'exercice de la profession. Il a également une
mission disciplinaire vis-à-vis de la déontologie
applicable10.
Les conditions d'exercice et l'accès à la profession
étant strictement réglementés, l'exercice illégal de
la profession d'agent de recherches privées est
passible de poursuites11.
4. Un professionnel compétent pour mener
l'enquête et traiter les informations dans le
respect de la plus stricte confidentialité
L'agent de recherches privées qualifié justifie
notamment d'un savoir-faire relatif :
« aux techniques d'enquête, d'investigation
et d'audition ; aux techniques de recueil
d'éléments probants ; à la rédaction de
rapports. »12
L'exercice de la profession est strictement réservé
aux personnes morales et à leurs employés qui
détiennent un agrément libellé à cet effet.
Depuis 2008, l'agrément est délivré sous réserve
de remplir une condition de moralité et de
justifier d'une qualification professionnelle, par
le biais d'un titre ou d'un diplôme reconnu13.
7
Article L. 621-1 et suivants du Code de la sécurité
intérieure (CSI).
8
Article R. 621-1 et suivants du CSI.
9
Article R. 631-1 et suivants du CSI.
10 Article R. 632-1 et suivants du CSI.
11 Cass. crim. 26/09/2006, pourvoi n°05-87417 ; TGI
Cambray, 06/04/2009 (CRPC).
12 Article R. 622-24 du CSI.
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Cette qualification professionnelle atteste d'un
savoir relatif aux prérogatives de l'Administration
visant à prévenir toute confusion avec un service
public, ou toute usurpation de titre ou de
fonction, toute entrave à l'action de la justice et
toute atteinte aux intérêts fondamentaux de la
nation et à l'autorité de l’État. Elle atteste
également de la maîtrise des notions de droits et
libertés fondamentaux inhérents à la personnalité
(non-usage de la coercition 14 , respect de l'intimité
de la vie privée15 et du droit à l'image, de
l'intégrité des systèmes de traitement automatisé
des données16, du secret professionnel17, etc.).
Saisie à l'occasion de faits relatifs à des
manquements supposés à la déontologie, la
Commission Nationale de Déontologie de la
Sécurité s'est prononcée en ces termes :
« Dans le cadre d’une procédure en révision
comme en l’espèce, l’avocat qui ne peut
instrumenter lui-même, est souvent conduit à
saisir un enquêteur aux fins d’effectuer, dans
le cadre des droits de la défense, des
recherches utiles à l’intérêt de son mandant.
Ce faisant,
l’enquêteur devient l’un des
acteurs privilégiés de l’effectivité même des
droits de la défense. Pour exercer pleinement
ce rôle, l’enquêteur est nécessairement
dépositaire d’informations confidentielles
dans le cadre d’un secret partagé avec
l’avocat. Toute divulgation non autorisée
d’informations confidentielles est alors
constitutive d’un manquement à la
déontologie professionnelle et, le cas échéant,
d’un délit pénal (violation du secret
professionnel, art. 226-13 C. pén. ; atteinte à
l’intimité de la vie privée, art. 226-1 C. pén.,
abus de confiance, art. 314-1 C. pén.).18
L'agent de recherches privées est donc le
complément idéal de l'avocat pour la recherche
d'éléments probants dans l'intérêt du justiciable.
13 Il en existe trois en France : la « Licence
professionnelle activités juridiques, spécialité
agent de recherches privées » (Université de Nîmes),
la « Licence professionnelle sécurité de biens et des
personnes option enquêtes privées » (Université
Panthéon-Assas Paris 2) et le titre délivré par l'Institut de Formation des Agents de Recherches (IFAR).
14 Menaces, violences (article 222-7 et ss. du Code
pénal) y compris psychologiques (art. 222-14-3
CP), subornation de témoin (art. 434-15 CP), etc.
15 Article 8 de la convention européenne de sauvegarde
des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales
(CEDH), article 9 du Code civil, article 226-1 et
suivants du Code pénal.
16 Article 323-1 et suivants du Code pénal.
17 Article 226-13 du Code pénal.
18 C.N.D.S., avis du 21/09/2009, saisine n°2008-135.
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5. Engager un agent de recherches privées :
les principales caractéristiques du contrat
•
Particuliers et entreprises
Le statut de l'agent de recherches privées découle
du contrat qui le lie à son client. Pour engager un
détective, « mandataire en recherche de
preuves », le requérant particulier ou
entrepreneur contracte avec l'enquêteur un
mandat19. A ce titre :
- le mandant donne pouvoir à l'agent de
recherches privées d'enquêter en son nom ;
- le mandat est « spécial » : le pouvoir d'agir
au nom du mandant se limite au(x) seul(s)
objet(s) de la mission ;
- et de même que l'avocat, l'agent de recherches
privées est tenu à une obligation de moyens (pas à
une obligation de résultats), et doit répondre de
sa gestion.
•
•
Y a-t-il une garantie de résultats ?
En droit, rien ne s'oppose à ce que tout contrat
soit assorti d'une prime de résultat. Toutefois,
en pratique, ce mode de rémunération n'est pas
conciliable avec l'indépendance qui attrait à
l'enquêteur.
Nonobstant la loyauté qui est due au requérant,
l'agent de recherches privées n'est pas un
commerçant et le témoignage de complaisance
n'est pas son fonds de commerce. Pareilles
pratiques sont même passibles de sanctions
pénales21. L'engagement ne préjuge donc pas du
résultat : il en va de la conscience
professionnelle et de la probité des rapports
produits. La seule garantie de résultat qui est
opposable concerne les faits étayés dans le
rapport.
L'agent de recherches privées s'engage, à travers
son rapport d'enquête, à ne produire que la vérité,
toute la vérité, en s'attachant à décrire
précisément et de manière circonstanciée ce à
quoi il assiste, et à reproduire fidèlement pièces
et témoignages recueillis.
Personnes morales de droit public
Les administrations appartenant à la fonction
publique d'Etat, territoriale ou hospitalière ont la
faculté d'engager un agent de recherches privées
pour les besoins d'une enquête dès lors qu'une
enquête préliminaire ne peut être utilement
menée par les services officiels et que l'enquête
répond à des besoins de sécurité ou est justifiée,
tout du moins, par des raisons objectives.
Une procédure adaptée est prévue pour les
marchés publics ayant trait aux prestations
d'enquête aux termes des articles 203 et 204 du
Code des marchés publics :
« Il peut être décidé que le marché sera passé
(…) sans publicité ni mise en concurrence
préalables (…) lorsque ces formalités sont
impossibles ou manifestement inutiles en
raison notamment de l'objet du marché
(...) »20.
Une administration a donc la faculté de faire appel
aux services d'une agence de recherches privées
en toute discrétion afin de ne pas compromettre
l'enquête.
19 Conforme aux dispositions des articles 1984 à 2010
du Code civil.
20 Article 203, II du Code des marchés publics.
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21 Articles 441-1 et suivants du Code pénal portant sur
le faux et l'usage de faux. L'article 441-7, en
particulier, dispose qu' « est puni d'un an
d’emprisonnement et de 15000 euros d'amende le
fait d'établir une attestation (…) faisant état de
faits matériellement inexacts. »
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II. Valeur du rapport d'enquête
devant les juridictions
Comme au pénal et dans l'esprit de l'article 1348
du Code civil26, l'appréciation de la force probante
d'une pièce justifie de passer outre ce formalisme.
Le rapport d'enquête qui revient au requérant au
terme de la mission est recevable en justice depuis
1.1.2. Responsabilité contractuelle
l'arrêt de principe rendu par la Cour de
cassation le 07/11/1962 (2e chambre civile, bull.
1962, II, n°700, p.510).
A l'instar de toute « offre de preuve » soumise aux
Cours et tribunaux, un rapport pourra être tantôt
admis, tantôt rejeté.
« Les constatations effectuées par un
détective privé (...) sont admissibles en
justice, selon les mêmes modalités et sous les
seules mêmes réserves que tout autre mode
de preuve. »22
Les moyens employés, la méthodologie appliquée
pour mener l'enquête et rédiger le rapport sont
certes déterminants mais la jurisprudence
enseigne que l'appréciation des moyens de preuve
diffère en fonction de la juridiction à saisir.
1. Devant les juridictions civiles
1.1. Au civil
Pour toute affaire ayant trait à un acte juridique,
susceptible d'engager une responsabilité de
nature contractuelle, c'est le système des preuves
légales qui opère et le rapport de l'agent de
recherches privées est assimilé à un témoignage.
Or, comme la preuve testimoniale n'occupe pas le
rang de preuve parfaite au sein du système des
preuves légales 27 , le juge peut retenir le rapport
ou l'écarter des débats, en fonction du fond, de la
forme, et de la méthodologie employée.
Sur la forme, le rapport, dans son ensemble et
dans ses parties, doit être conforme à l'attestation
désignée par les articles 200 à 203 du Code de
procédure civile. Sur le fond, les informations
rapportées doivent être des faits datés, précis,
circonstanciés et exposés en toute objectivité.
Sur l'aspect méthodologique, l'information doit
avoir été obtenue de façon licite à peine de
disqualifier l'ensemble du rapport (atteinte à
l'intimité de la vie privée28, usage de la coercition,
recel d'information couvertes par le secret
professionnel, accès frauduleux à un système de
traitement automatisé des données, et autres
usages de procédés interdits tels que les micros29).
1.1.1. Responsabilité délictuelle
Pour toute affaire ayant trait à un fait juridique,
susceptible d'engager une responsabilité de
nature délictuelle, sur le fondement de l'article
1382 et suivants du Code civil 23 notamment, la
preuve est libre et seule la force probante des
éléments recueillis importe.
Ainsi, pour démontrer la survenance d'un fait de
nature délictuelle (violences, actes déloyaux, etc.)
ayant entraîné un préjudice pour le demandeur,
le formalisme inhérent à une « attestation 202 »
(article 202 du Code de procédure civile) n'est pas
prescrit à peine de nullité24. En d'autres termes,
les modes de preuve admissibles ne sont pas
limités aux seules « attestations 202 »25.
22 CA Caen, 04/04/2002, RG n°01/01952.
23 Article 1382 du Code civil : « Tout fait quelconque
de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige
celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
24 Cass. soc. 08/11/1989, pourvoi n°86-42903, bull.
1989, V, n°656, p.395.
25 Cass. civ. 09/01/1991, 2e ch., pourvoi n°89-17338,
bull. 1991, II, n°12, p.6.
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•
Le divorce pour faute
La preuve est libre sauf à être rapportée par
violence ou par fraude30. La jurisprudence admet
que l'agent de recherches privées est habilité à
enquêter pour relever les faits qui étayent une
violation des devoirs et obligations du mariage31.
26 Article 1348 du Code civil : « Les règles ci-dessus
[relatives à la preuve testimoniale] reçoivent encore
exception lorsque l'obligation est née d'un quasicontrat, d'un délit, ou d'un quasi-délit (…) ».
27 Contrairement aux preuves testimoniales que sont les
actes authentiques et les actes sous seing privé.
28 A noter, en ce qui concerne la communication de
l'adresse d'un domicile privé que « toute personne est
en droit (…) de refuser de faire connaître le lieu de
son domicile ou de sa résidence (…) [sauf] lorsque
cette dissimulation est dictée par le seul dessein
illégitime de se dérober à l'exécution de ses
obligations et de faire échec au droit de ses
créanciers. » (Cass. civ. 19/03/1991, pourvoi n°8919960, 1ère ch., bull. 1991, n°96, p. 63).
29 Articles 226-3 et 226-15 du Code pénal.
30 Articles 259 et 259-1 du Code civil.
31 Au sens de l'article 242 et suivants du Code civil.
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La violation du devoir de fidélité en est une32.
S'agissant de fixer le montant d'une prestation
compensatoire, d'une pension alimentaire, la
procédure peut aussi s'appuyer sur un rapport
d'enquête dès lors que la partie adverse dissimule
un train de vie, un patrimoine, des revenus33.
•
La fraude aux assurances
Dans le cadre d'un sinistre, un agent de
recherches privées peut être mandaté pour
enquêter sur la réalité des faits déclarés par un
assuré et relever tout témoignage utile sur les
circonstances d'espèce. Exemple : l'identité du
conducteur responsable d'un accident de la
circulation34.
1.2. Au commercial
Les compétences d'un agent de recherches privées
peuvent être mobilisées pour rapporter la preuve
de pratiques commerciales déloyales telles que le
parasitisme et la concurrence déloyale.
On peut définir la concurrence déloyale ainsi : il
s'agit de toute manœuvre visant à l'usurpation ou
à l'appréhension d'un savoir-faire réservé bien que
non-protégé (ni brevet, ni secret de fabrique).
Concrètement, cela prend la forme de toute
pratique consistant à dénigrer, à désorganiser une
entreprise ou à créer une confusion, dans le but
notamment de détourner la clientèle.
Concurrence déloyale et parasitisme sont
dénoncés à l'appui de l'article 1382 du Code civil,
pour engager la responsabilité délictuelle du
concurrent indélicat en paiement de dommages et
intérêts pour réparer le préjudice subi. La preuve
est libre et peut être rapportée par tout moyen audevant d'une juridiction commerciale35. Le
rapport y est admis de jurisprudence constante36 .
32 Cass. Civ. 11/09/2013, 1ère ch., pourvoi n°12-18512 ;
CA Rennes, 28/05/2013, 6e ch. B, RG n°12/04319 ;
CA Lyon, 19/03/2012, 2e ch., RG n°10/03311 ;
CA Douai, 02/02/2012, 7e ch., s. 2, RG n°10/09174 ;
Cass. civ. 23/02/2011, 1ère ch., pourvoi n°09-70328.
33 CA Lyon, 30/05/2011, 2e ch., n° RG 09/07346 ;
Cass. civ. 04/07/2012, 1ère ch., pourvoi n°11-13790.
34 Cass. civ. 14/06/2012, 2ech., pourvoi n°11-22097.
35 Article L. 110-3 du Code de commerce : « A l'égard
des commerçants, les actes de commerce peuvent se
prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit
autrement disposé par la loi. »
36 Cass. com. 12/10/2010, pourvoi n°09-67407.
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1.3. Au social
Mandaté par un (des) salarié(s), l'enquêteur privé
peut notamment réaliser des auditions et
recueillir ainsi des témoignages pour des faits de
harcèlement moral, de harcèlement sexuel ou
encore pour contrer un licenciement abusif.
Mandaté par l'employeur, l'agent de recherches
privées devra se montrer vigilant sur les moyens
à mettre en œuvre pour l'admissibilité de son
rapport en justice, notamment sur l'emploi de la
filature.
1.3.1. La filature du salarié
La juridiction sociale est particulièrement
protectrice des libertés individuelles. Cela tient
en partie au Code du Travail :
« Nul ne peut apporter aux droits des
personnes et aux libertés individuelles et
collectives de restrictions qui ne seraient pas
justifiées par la nature de la tâche à
accomplir ni proportionnées au but
recherché. »37
« Le salarié est expressément informé,
préalablement à leur mise en œuvre, des
méthodes
et
techniques
d'évaluation
professionnelles mises en œuvre à son égard.
(…)
Les méthodes et techniques d'évaluation des
salariés doivent être pertinentes au regard
de la finalité poursuivie. »38
« Aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée
par un dispositif qui n'a pas été porté
préalablement à sa connaissance. »39
Au vu de la jurisprudence, tout rapport qui
contient un compte-rendu de filature encourt le
risque d'être écarté des débats. Ce moyen est en
effet réputé illicite car il porte intrinsèquement
atteinte à l'intimité de la vie privée, y compris
lorsqu'il est employé en-dehors de la durée de
travail effectif40 et dans le respect des dispositions
du Code du travail citées ci-dessus.
37 Article L. 1121-1 du Code du travail.
38 Article L. 1222-3 du Code du travail.
39 Article L. 1222-4 du Code du travail.
40 Article L3121-1 du Code du travail : « La durée du
travail effectif est le temps pendant lequel le salarié
est à la disposition de l'employeur et se conforme à
ses directives sans pouvoir vaquer librement à des
occupations personnelles. »
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« Une filature organisée par l'employeur
pour contrôler et surveiller l'activité d'un salarié constitue un moyen de preuve illicite dès
lors qu'elle implique nécessairement une atteinte à la vie privée de ce dernier, insusceptible d'être justifiée, eu égard à son caractère
disproportionné, par les intérêts légitimes de
l'employeur. »41
Dans un arrêt rendu le 6 décembre 2007 42 , la
Cour de cassation adopte toutefois une autre
solution. En l'espèce, un salarié est pris sur le fait,
en activité, alors qu'il se trouvait en arrêt de
travail. Ceci a été rendu possible par une filature
menée par une agence de recherches privées
suivie d'un constat d'huissier. Les hauts
magistrats retiennent, d'une part, que le
constat d'huissier a été établi dans des
conditions régulières et, d'autre part, que le
salarié avait déjà été sanctionné :
« (...) attendu que la cour d'appel a pu
retenir comme mode de preuve licite un
constat dressé par un huissier qui s'est borné
à effectuer dans des conditions régulières à
la demande de l'employeur des constatations
purement matérielles (...) ; que, (...)
appréciant souverainement la valeur et la
portée des éléments de preuve, elle a estimé
que les faits reprochés au salarié étaient
établis ; qu'ayant relevé que celui-ci, qui
avait déjà été sanctionné, s'était livré à une
activité professionnelle pour le compte d'une
auto-école en violation de son contrat de
travail, alors qu'il était en arrêt de travail
pour maladie, elle a pu décider que ce
comportement rendait impossible son
maintien dans l'entreprise (...) »
I l n'est pas fait mention plus explicite des
sanctions disciplinaires antérieures en
question, ni de ce sur quoi porte ladite
violation du contrat de travail. Mais la
jurisprudence précise depuis que :
« l'exercice d'une activité pendant un
arrêt de travail provoqué par la maladie
ne constitue pas en lui-même un
manquement à l'obligation de loyauté
(...) ; pour fonder un licenciement, l'acte
commis par un salarié durant la
suspension du contrat de travail doit
causer préjudice à l'employeur ou à
l'entreprise. » 4 3
L'activité menée par le salariée pendant son arrêt
de travail s'avère en effet préjudiciable à
l'employeur dès lors qu'elle entre en concurrence.
La prudence dicte néanmoins, pour ce type
d'affaire, d'éviter le recours à la filature du salarié
et de focaliser les recherches sur l'activité
concurrente à laquelle le salarié se livrerait44.
1.3.2 La violation de clause de nonconcurrence
Il en va différemment de la violation de clause de
non-concurrence. Dans ce type d'affaire, à l'instar
de l'action en concurrence déloyale, l'apport de
preuves au moyen de filatures est admis par la
jurisprudence45.
La clause de non-concurrence est, pour le salarié,
le prolongement d'une obligation de loyauté46 pardelà la rupture du contrat de travail. Comme ce
dispositif constitue une limitation au principe de
libre exercice d'une activité professionnelle
consacré par le Code du travail47, la jurisprudence
l'encadre. La clause de non-concurrence doit être :
« indispensable à la protection des intérêts
légitimes de l'entreprise, limitée dans le
temps et dans l'espace, (…) [elle doit aussi
tenir] compte des spécificité de l'emploi du
salarié et [comporter] l'obligation pour
l'employeur de verser au salarié une
contrepartie financière, ces conditions étant
cumulatives. »48
La concurrence déloyale peut, d'ailleurs, s'appuyer
sur le débauchage de salariés qui détiennent une
part du patrimoine de l'entreprise (savoir-faire
stratégique, fichiers-clients) et qui sont liés à leur
ancien employeur par une clause de nonconcurrence. En pareil cas, deux actions distinctes
peuvent être menées concomitamment, l'une en
réparation de la concurrence déloyale devant le
Tribunal de commerce (responsabilité délictuelle
du concurrent), l'autre en réparation de la
violation de clause de non-concurrence devant le
Conseil
des
prud'hommes
(responsabilité
contractuelle du salarié)49.
44 Cass. soc. 28/01/2015 n°13-18354.
Cet arrêt est donc à replacer dans un contexte
bien particulier : la violation d'une clause
d'exclusivité ou la violation du devoir de loyauté.
45 CA Montpellier, 28/11/2007, RG n°07/00893 ; Cass.
soc. 22/09/2010, pourvoi n°08-43381.
41 Cass. soc. 26/11/2002 n°00-42401, bull. 2002, V,
n°352, p.345.
47 Article L. 1121-1 du Code du travail.
46 L'obligation de loyauté tirée des articles 1135 du
Code civil et L. 1222-1 du Code du travail.
42 Cass. soc. 06/12/2007, n°06-43392.
48 Cass. soc. 10/07/2002, pourvois n°99-43334 à 9943336, n°00-45135 et 00-45387, bull. 2002, V, n°239.
43 Cass. soc. 12/10/2011 n°10-16649, publié au bulletin.
49 Cass. com. 24/03/1998, pourvoi n°96-15694.
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1.4. En amont de toute
l'ordonnance sur requête
procédure
:
Le rapport peut avoir valeur de simple
renseignement, lorsqu'il est produit avant –
voire indépendamment de – tout procès. La
préparation d'une requête à fin de constat
s'inscrit dans ce contexte. La requête, à
l'attention du magistrat compétent, vise à ce
qu'il ordonne, à l'encontre de la partie adverse,
toute
mesure
d'instruction
utile
à la
manifestation de la vérité, avec le concours d'un
serrurier, d'un officier de police judiciaire, d'un
huissier de justice et de tout sachant ou expert.
« S'il existe un motif légitime de conserver
ou d'établir avant tout procès la preuve
de faits dont pourrait dépendre la solution
d'un
litige, les mesures d'instruction
légalement
admissibles
peuvent
être
ordonnées à la demande de tout intéressé
sur requête ou en référé. »50
L'enjeu est de fixer, de sauvegarder, des pièces à
conviction, donc, des preuves, détenues par
l'adversaire, et dont peuvent dépendre l'issue
du litige. Étant donné que le destinataire des ces
mesures est dans l'impossibilité de s'y opposer (le
principe du contradictoire n'est pas opposable «
avant tout procès »), ce moyen est évidemment
décisif, à condition, au préalable, de convaincre le
juge de l'opportunité de l'ordonner.
2. Au pénal
2.1. La preuve est libre
Au pénal, c'est avant tout la portée des éléments
de preuve qui importe.
« Aucune disposition légale ne permet au
juge répressif d'écarter les moyens de preuve
produits par les parties au seul motif
qu'ils auraient été obtenu de façon illicite ou
déloyale ; qu'il leur appartient seulement, en
application de l'article 427 du Code de
procédure pénale 51, d'en apprécier la valeur
probante. »52
50 Article 145 du Code de procédure civile.
51 Article 427 du Code de procédure pénale : « Hors
les cas où la loi en dispose autrement, les infractions
peuvent être établies par tout mode de preuve et le
juge décide d'après son intime conviction. Le juge ne
peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui
sont apportées au cours des débats et
contradictoirement discutées devant lui. »
52 Cass. crim. 06/04/1994, pourvoi n°93-82717, bull.
1994, n°136, p. 302.
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2.2. Le rapport a sa place
« entre les lignes » de la procédure
Au sein de la procédure pénale, la fonction
d'enquête est principalement assumée par la
police judiciaire et par le juge d'instruction.
•
Pour l'exercice des droits de la défense
L'enquête officielle, l'instruction, sont secrètes53.
Pour autant, il n'est pas interdit au mis en cause,
au mis en examen, au prévenu, à l'accusé ou au
condamné, d'avoir recours aux services d'un agent
de recherches privées, même sans reproduction
des actes et pièces de la procédure54. En France, la
procédure pénale ne se prononce pas sur la place
de l'enquête privée55.
La Cour européenne des Droits de l'Homme
c o n s i d è r e que l'accusé qui se voit privé de
liberté, doit pouvoir bénéficier d'une assistance
consistant, entre autre, en la recherche de
preuves qui lui sont favorables :
« Comme le souligne les normes internationales généralement reconnues, que la
Cour accepte et qui encadrent sa jurisprudence, un accusé doit, dès qu'il est privé
de liberté, pouvoir bénéficier de l'assistance
d'un avocat et cela indépendamment des
interrogatoires qu'il subit (...). En effet,
l'équité de la procédure requiert que l'accusé
puisse obtenir toute la vaste gamme
d'interventions qui sont propres au conseil. A
cet égard, la discussion de l'affaire,
l'organisation de la défense, la recherche des
preuves favorables à l'accusé, la préparation
des interrogatoires, (...) sont des éléments
fondamentaux de la défense que l'avocat doit
librement exercer. »56
53 Article 11 du Code de procédure pénale.
54 Dans le respect de l'article 114-1 du CPP.
55 Contrairement à nos homologues transalpins.
Article 327-bis du Code de procédure pénale (loi du
07/12/2000) en vigueur en Italie : « 1. (...) Le
défenseur a la faculté de mener des enquêtes pour
rechercher et trouver des éléments probants (…) 2.
La disposition visée au paragraphe 1 peut être
attribuée à l'exercice des droits de la défense à tout
stade de la procédure, y compris après la
condamnation et dans le but d'obtenir la révision du
procès. 3. Les activités visées au paragraphe 1
peuvent être effectuées, au nom du défenseur qui lui
donne pouvoir, par un enquêteur privé habilité et,
lorsque des compétences spécifiques l'exigent, par
des consultants techniques. »
56 CEDH, 13/01/2010, Dayanan c. Turquie, pourvoi
n°7377/03, §32.
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La réforme de la garde à vue 57 s'inspire, certes,
de cette jurisprudence mais « la vaste gamme
d'interventions qui sont propres au conseil »,
parmi lesquelles « la recherche de preuves
favorables à l'accusé » n'en demeure pas moins
lacunaire. En effet, si rien ne l'interdit, rien
n'autorise non plus l'agent de recherches privées
d ' agir dès lors que l'équilibre des armes est
menacé et que la procédure devient à charge !
Le recours à l'agent de recherches privées
représente un ultime ressort pour le justiciable
qui serait mis en cause à tort, qu'il s'agisse de
rétablir la vérité au moyen de (contre-)
témoignages ou de (contre-) reconstitutions
chronométrées. A cet égard, « la phase
préparatoire d'audience » est un stade décisif 58 ,
voire fatidique, d e l a p r o c é d u r e : dès lors
que l'enquête officielle est frappée de vice, le mis
en cause court le risque de subir une erreur
judiciaire59.
•
Pour servir les intérêts de la victime
Le rapport peut aussi avoir pour finalité de
déclencher l'action publique. Qu'il s'agisse de
lutter contre les vols, coulages de marchandise
(abus de confiance), et autres fraudes à
l'assurance maladie dont peuvent être victimes
les entreprises, le rapport délivré par l'agent de
recherches privées peut permettre de réunir les
éléments suffisants pour que les autorités, parquet
ou comité opérationnel départemental anti-fraude
(CODAF), ouvrent une enquête.
57 Loi n°2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à
vue.
58 Parmi les 3032 personnes jugées en Cour d'assises en
2009 (mineurs et majeurs confondus), seules 190 ont
été acquittées, soit près de 6,3%. La même année, au
tribunal correctionnel, parmi les 560 373 prévenus
(personnes physiques), 24 047 ont été relaxés, soit
près de 4,3% (sources : Annuaire statistique de la
Justice édition 2011-12, ministère de la Justice et
des Libertés, pp.127-129).
59 Erreur judiciaire, au sens large du terme. Plus du
quart des arrêts rendus en Cour d'assises en 2009 ont
été frappés d'appel (26%). Une tendance en constante
augmentation (source : annuaire statistique de la
justice 2011-12, ibid.).
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3. Devant le juge administratif
La loi « Le Pors »60 pose le principe d'interdiction
de cumul avec une activité privé lucrative : les
agents publics « consacrent l'intégralité de leur
activité professionnelle aux tâches qui leur sont
confiées » par l'administration où ils exercent.
L'administration a un droit de regard et des
sanctions disciplinaires allant jusqu'à la révocation des agents concernés peuvent être arrêtées61.
En matière de congé longue maladie et longue
durée, l'employeur public doit même s'assurer par
les contrôles appropriés que l'agent titulaire du
congé n'exerce pas d'activité interdite62.
L'enquête effectuée par un agent de recherches
privées est un contrôle approprié, licite et le
rapport qu'il délivre en fin de mission est un
moyen de preuve recevable par le juge
administratif. Le Conseil d'Etat considère en effet
que le rapport qui repose sur des constatations
matérielles du comportement de l'agent de droit
public à l'occasion de son activité, dans des lieux
ouverts au public, ne traduit pas un manquement
de l'employeur public à l'égard de l'agent concerné
et peut donc légalement constituer le fondement
d'une décision disciplinaire63.
En effet, l'agent de recherches privées ne porte pas
atteinte au droit à l'intimité de la vie privée dès
lors qu'il intervient « sur la voie publique et que
les faits (...) observés ne peuvent donc
essentiellement être que des comportements
publics » . Néanmoins, pour être valide, l'enquête
privée ne doit porter que sur la vérification de
soupçons relatifs à l'exercice d'une activité non
autorisée par l'agent concerné. Dès lors que ces
conditions sont respectées, la personne morale de
droit public « ne porte pas atteinte au droit à la
vie privée de son agent ».
60 Article 25, I de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983
modifiée portant droits et obligations des
fonctionnaires. Cette loi, assortie du décret
d'application n°2007-658 du 2 mai 2007 modifié
posent également les exceptions et dérogations au
principe de non-cumul.
61 Conseil d'Etat, 26/07/1978, n°05625
62 Article 38 , al. 1 du décret n°86-442 du 14 mars 1986
(fonction publique de l’État), article 28, al. 1 du
décret n°87-602 du 30 juillet 1986 (fonction publique
territoriale) et article 27, al.1 du décret n°88-386 du
19 avril 1988 (fonction publique hospitalière).
63 CE 16/07/2014, n°355201, publié au recueil Lebon.
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Si les hommes se sont dotés d'une justice
c'est parce que la vérité ne se présente pas toujours
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