Les transparentes sociétés en commandite

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Les transparentes sociétés en commandite
Les transparentes
SOCIÉTÉS
en commandite
PLUS RÉPANDUES DANS LE SECTEUR PRIVÉ, LES
SOCIÉTÉS EN COMMANDITE SONT NÉANMOINS
UN SEGMENT DE MARCHÉ FORT INTÉRESSANT
POUR LES INVESTISSEURS, MÊME SI MOINS
D’UNE VINGTAINE D’ENTRE ELLES SONT COTÉES
EN BOURSE.
GÉRARD BÉRUBÉ
OBJECTIF CONSEILLER
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Dans l’arène privée,
le concept a
retenu l’attention... de manière pas toujours heureuse.
On n’a qu’à penser au défunt club de baseball les Expos
de Montréal. Sous la forme de valeurs mobilières, Gaz
Métropolitain a contribué à faire connaître la formule
avec éloquence. On la place dans la famille des fiducies de
revenu, mais la société en commandite, moins populaire,
a ses propres caractéristiques.
Lancée en 1993, la société en commandite Gaz Métro
est devenue en quelque sorte une référence ou le porteétendard pour cet instrument financier. Recevant la cote
la plus élevée dans l’échelle d’évaluation de l’agence
Standard & Poor’s pour sa solidité financière et pour la
régularité de ses versements, la société n’a raté aucune
distribution depuis son inscription en Bourse. Ces distributions ont même été augmentées régulièrement pour
atteindre annuellement 1,36 $ par part. Ce versement se
traduit par un rendement annuel de 6 % au cours actuel
qui, combiné à une progression de plus de 50 % de la
valeur boursière de la part durant la période 2000-2004,
a engendré un rendement total annuel composé de près
de 15 % au cours des cinq dernières années. Pas si mal
pour un titre recherché d’abord pour son revenu régulier
et pour une entreprise mature soumise, par surcroît, à
un rendement interne réglementé!
Il faut toutefois retenir que cette croissance pourrait
faire une pause cette année. Dans ses prévisions d’avril, la
Financière Banque Nationale fixe pour la commandite
Gaz Métro une cible sur 12 mois de 20,75 $ pour le prix
de cette part, ce qui, associé à une distribution demeurant
à 1,36 $, devrait entraîner un rendement total d’à peine
2,5 % sur cet horizon.
La formule de société en commandite a fait ses
preuves. Mais de là à la voir s’étendre à plus grande
échelle, sous sa forme de valeurs mobilières... «Plus
répandue dans le secteur privé, la commandite est un segment de marché plus restreint, les investisseurs y étant
peu familiers, étant moins à l’aise avec cela», résume
Denis Lacroix, associé fiscaliste au sein de KPMG, qui
rappelle en contrepartie la grande popularité des fiducies
de revenu. On en dénombre moins d’une vingtaine à la
cote de la Bourse de Toronto, alors qu’on y trouve plus de
250 fiducies de revenu, sur environ 3 630 titres inscrits.
Ces fiducies affichent désormais une capitalisation boursière de 90 milliards de dollars, contre 20 milliards à la fin
de 1999, et comptent pour 5 % de la capitalisation boursière totale de Bay Street.
Deux catégories d’associés
La structure d’entreprise de la société en commandite
est, sur le plan légal, différente de celle des fiducies. Elle
se distingue essentiellement par la cohabitation de deux
catégories d’associés : le commandité et le commanditaire. Le commandité apporte son travail, sa capacité de
gestion, son expérience et sa compétence. En retour, il a
droit généralement à une rémunération équivalant à
0,1 % du revenu net annuel de l’entreprise. Cette rémunération, négociée, peut également être variable et liée
à la performance. «Ce sont les seules personnes autorisées
à administrer et à représenter la société. En tant qu’administrateurs, ils ont une responsabilité illimitée à l’égard
des dettes et des obligations de la société envers les créanciers», peut-on lire dans la documentation de Revenu
Québec.
Pour leur part, les commanditaires, qui fournissent
les capitaux ou les biens, ne sont responsables des dettes
de la société que jusqu’à concurrence de leur mise de
fonds. En retour, ils ne peuvent intervenir dans la gestion courante de la société, à défaut de quoi ils s’exposent à la perte de leur immunité, de leur responsabilité
limitée. Dans le cas d’une société en commandite fermée, la rémunération des investisseurs vient du partage
des bénéfices réalisés (ou des pertes subies) par la
société. Ces commanditaires inscrivent un pourcentage
de ce revenu ou de cette perte dans leur déclaration de
revenus. Il n’est pas rare d’observer que les associés
commanditaires bénéficient de dégrèvements d’impôt
considérables durant les premières années d’exploitation de la société et qu’ils reçoivent un revenu régulier
par la suite, retrouve-t-on dans la présentation de la
Corporation Financière Mackenzie. «Lorsque les parts
MAI 2005
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Les transparentes sociétés en commandite
Une société en commandite ne paie
pas d’impôt.Son bénéfice ou sa perte est
attribué aux associés,qui l’ajoutent
(ou le soustraient) à leur revenu gagné.
sont vendues contre espèces à la Bourse de Toronto, ou
transférées à un nouveau propriétaire, 50 % du gain en
capital ainsi réalisé doit être déclaré comme revenu
imposable. Le transfert des parts d’un associé commanditaire à un REER autogéré est aussi réputé être une
disposition», ajoute-t-on dans le document de Mackenzie,
qui compte parmi les principaux émetteurs de ce type
de titres.
Ainsi, la séparation des rôles et la responsabilité, plus
précise dans le cas des sociétés en commandite inscrites
en Bourse, tendent à être moins découpées pour les entités privées. C’est également le cas dans le segment des
fiducies de revenu, où le risque des détenteurs peut théoriquement être illimité. «Vu la popularité croissante des
fiducies de revenu, la notion de responsabilité limitée
commence toutefois à se préciser dans les lois provinciales. Le flou “juridique” se dissipe peu à peu», souligne
M. Lacroix.
L’autre différence vient de la transparence fiscale,
totale pour les sociétés en commandite, partielle pour
les fiducies. Par transparence, on fait référence à l’élimination de la double imposition. Une société à capitalactions paie son propre impôt sur un bénéfice, qui,
lorsque redistribué sous forme de dividendes, est également imposé entre les mains de l’actionnaire. Pour sa
part, une société en commandite ne paie pas d’impôt.
Son bénéfice ou sa perte est attribué aux associés, qui
l’ajoutent (ou le soustraient) à leur revenu gagné. Le
revenu fiscal conserve ainsi sa nature entre les mains
du commanditaire.
Cela vaut hors REER. Or, au sein d’un régime
d’épargne retraite, à l’instar des autres placements admissibles, la société en commandite bénéficie de la règle du
report de l’imposition. La mécanique est similaire pour
les fiducies de revenu, sauf que, dans leur cas, ce principe de transparence ne s’applique qu’aux bénéfices, pas
aux pertes. On retient généralement qu’une fiducie de
revenu est issue de la transformation d’une entreprise
mature qui dégage des fonds autogénérés constants.
Pour la transparence
Compte tenu de cet ensemble de particularités, de similitudes et de différences, la société en commandite sera donc
essentiellement recherchée pour sa transparence fiscale.
Et si la formule prolifère davantage sur la scène privée que
publique, c’est qu’elle fait miroiter un attrait plus particulier ou une fin plus ciblée : on peut penser à un projet à
financer impliquant la participation d’un partenaire exonéré d’impôt (une caisse de retraite, par exemple), qui
obtiendra un retour accru du fait de l’absence d’imposition
du bénéfice engendré dans le cadre d’une société en commandite. Ou encore à un projet reposant sur le concours de
partenaires soumis à l’impôt, qui profiteront d’un amortissement fiscal notoire les premières années.
Dans le cas d’une société en commandite, les pertes
fiscales sont redistribuées aux commanditaires, alors que,
dans une entreprise à capital-actions, elles sont captives
de cette entreprise, illustre M. Lacroix. On peut également retenir que cette formule, dans sa forme publique,
peut également s’adapter à la gestion de portefeuille, particulièrement dans l’immobilier et les actions accréditives.
Sentry Select, qui est active dans ce segment, estime que
«la société en commandite accréditive permet de bénéficier de deux avantages importants des placements accréditifs : la gestion professionnelle et la diversification». On
aura recours à la société en commandite pour «réduire le
risque que comporte un placement dans une société de
ressources naturelles à faible capitalisation».
Enfin, on s’en remettra généralement à la société en
commandite pour investir dans plusieurs sociétés minières
plutôt que dans une seule. Selon les provinces, les déductions fiscales accordées aux sociétés minières, gazières et
pétrolières, auxquelles la société en commandite a
renoncé, pourront alors être utilisées par les associés. OC
OBJECTIF CONSEILLER
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