l`insuffisant renal chronique et sa prise en charge en odontologie
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l`insuffisant renal chronique et sa prise en charge en odontologie
L’INSUFFISANT RENAL CHRONIQUE ET SA PRISE EN CHARGE EN ODONTOLOGIE S. CHBICHEB : Professeur Assistant F. HAKKOU : Résidente W. EL WADY : Professeur de l’Enseignement Supérieur et Chef de service Service d’Odontologie Chirurgicale Faculté de Médecine Dentaire de Rabat Université Mohammed V, Souissi. Résumé : Tout dysfonctionnement rénal impose des précautions de la part de l’odontologiste. Ce dernier ne doit pas se limiter à éviter la prescription des médicaments néphrotoxiques, mais il peut aussi prévenir certaines infections rénales d’origine bucco-dentaires comme les glomérulonéphrites aigues pouvant aboutir à une altération irréversible de la fonction rénale, d’autant plus que les insuffisances rénales ont des manifestations buccales appropriées. De plus, les méthodes de suppléance des reins défaillants, auxquelles tout praticien peut se trouver confronté un jour, imposent une conduite à tenir rigoureuse et particulière. L’insuffisance rénale chronique (IRC) acquise ou constitutionnelle est le stade terminal de la majorité des néphropathies chroniques. Elle est définie par l’altération progressive, prolongée et irréversible des fonctions excrétrices et endocrines du rein. Elle se manifeste par une diminution progressive du débit de filtration glomérulaire, c'est-à-dire par une élévation du taux sanguin en substances toxiques, dont la créatinine et l’urée sont les plus importantes. Cet abaissement va aboutir au défaut de maintien d’une homéostasie normale et à l’association d’autres pathologies systémiques, constituant ainsi un syndrome physiopathologique fatal en l’absence de traitement, connu sous le nom de syndrome urémique (1). Les manifestations cliniques et biologiques de cet état dépendent de l’accumulation de produits toxiques normalement épurés par le rein et de la faillite de cet organe à régler l’homéostasie du milieu intérieur et tout particulièrement les équilibres hydro électrolytiques et acido-basiques. Il est important de considérer le degré de gravité de l’insuffisance rénale (tableau1). Celle-ci peut être démontrable que par étude fine des fonctions rénales avec mesure de clairances ; l’urée et la créatinine s’élèvent quant l’atteinte porte sur la moitié des néphrons, à ce stade le malade est dans un état d’équilibre précaire que peuvent rompre par exemple une maladie infectieuse ou une intervention chirurgicale. A un stade avancé la diminution de la fonction rénale devient symptomatique avec apparition d’anomalies chroniques dans l’environnement interne, comprenant une azotémie, une acidose métabolique, une hypocalcémie et une hyperphosphatémie, ainsi qu’une isosthénurie et une nycturie. Le retentissement sur les autres grands appareils, système nerveux, sang, appareil digestif, entraîne des troubles d’un grand polymorphisme. (1-2-3-4) Degré de l’IRC Clairance de la créatinine (ml/min IRC débutante 96 à 60 IRC modérée 60 à 30 IRC sévère 30 à 15 IRC évoluée 15 à 9 IRC ultime <9 Tableau 1 : différents degrés de sévérité de l’IRC (4) Les complications, touchant plusieurs systèmes. Nous insistons sur celles qui ont un caractère de risque direct au cours des soins bucco-dentaires : Les changements hématologiques et immunologiques sont presque constants et représentés par une anémie normochrome normocytaire et une lymphocytopénie. Des troubles de l’hémostase se voient lors d’une IRC sévère. Ce sont essentiellement des troubles fonctionnels des plaquettes (4). Les anomalies osseuses constituent l’ostéodystrophie rénal composée de deux lésions élémentaires : défaut de minéralisation osseuse (lié à l’absence d’activation de la vitamine D au niveau du rein) et hyperrésorption osseuse (liée à l’hyperparathyroïdie secondaire) (3,5). L’hypertension artérielle est très fréquente au cours de l’IRC, elle doit être traitée car elle accroît le risque de défaillance cardiaque et accélère l’évolution du déficit rénal. Le traitement de l’IRC avant le stade terminal comprend des mesures diététiques (riche en hydrocarbures, pauvres en protéines, sodium, potassium et phosphate) et médicamenteuses pour corriger les désordres hydroélectrolytiques et l’hypertension artérielle (6). Lorsque le niveau d’insuffisance rénal est tel qu’un risque fonctionnel ou vital ne peut être corrigé par les mesures diététiques ou les médicaments, il faut avoir recours aux méthodes de suppléances qui sont la dialyse et la transplantation. (6) L'hémodialyse est une méthode d'épuration du sang par la création d'un circuit de circulation extracorporelle et son passage dans un dialyseur. Il existe plusieurs types : l'hémodialyse l'hémofiltration, et l'hémodiafiltration. Ces techniques nécessitent un accès vasculaire à l’aide d’un catheter ou à l’aide d’une fistule artérioveineuse (figure1) Toutefois, ces malades restent candidats à une greffe justifié des insuffisances rénales terminales. Le donneur et le receveur doivent être compatibles dans le groupe érythrocytaire ABO et aussi compatibles que possible dans le groupe d’histocompatibilité leucocytaire HLA. Pour que la greffe prenne et pour éviter les possibles épisodes de rejet, il faut créer un état d’immunosuppression chez le receveur par la chimiothérapie et les corticoïdes à vie (1,6). Manifestations buccales de l’IRC : Elles sont nombreuses, sont la conséquence des complications de cette maladie. Des ulcérations buccales non spécifiques parfois larges et profondes, une gingivostomatite ulcéreuse et une augmentation de volume des glandes salivaires sont fréquentes. On note également des gingivorragies et ecchymoses buccales liées à une inhibition des fonctions plaquettaires (3). Ces patients ont aussi tendance à développer des parodontites chroniques avec alvéolyse et mobilité dentaire (figure 2) qui sont la conséquence des troubles du métabolisme phosphocalcique. Pâleur et atrophie de la muqueuse buccale signent souvent une anémie (figure 3 et 4). La cicatrisation est retardée. Macroglossie parfois (longue gonflée sur laquelle s’inscrivent des empreintes dentaire (figure 5). L’halitose est prononcée (car il existe une importante concentration salivaire d’urée qui se dégrade en ammoniaque par les uréases bactériennes). La bouche est sèche car il existe une hyposialie (figure 6). Un fourmillement ou engourdissement de la langue en cas d’urémie grave. Parmi les manifestations dentaires, on retrouve des retards de développement et d’éruption; des érosions dentaires; des hypoplasies amélaire, dyschromies, des Calcifications pulpaires, des modifications ultrasructurales de la dentine (2.4,5) L’ostéodystrophie peut se traduire radiologiquement par des images radioclaires de la mandibule et du maxillaire, un amincissement des corticales, une disparition de la lamina dura et un élargissement des espaces trabéculaires (2). Chez l’enfant l’IRC peut causer un retard de développement et d’éruption dentaire (6). Prise en charge et précautions à prendre lors des soins bucco dentaires: Tout dysfonctionnement rénal impose des précautions, non seulement lors des soins dentaires pour éradiquer les foyers infectieux et prévenir le risque hémorragique, mais également lors des prescriptions médicamenteuses. Une parfaite collaboration avec le médecin traitant est indispensable pour avoir des informations précises sur l’état du patient et évaluer les risques possibles (1). 2-1 Chez les malades sous hémodialyse: 2-1-1 Choix du moment de l’intervention : A cause de l’héparinothérapie, l’intervention ne sera jamais effectuée moins de 6 à 8 heures après une hémodialyse, de manière à permettre l’élimination de l’héparine résiduelle. L’intervention devra avoir lieu au cours de l’intervalle le plus long. Cela s’explique par le fait que la plaie doit être coagulée au moment de la séance de dialyse suivante. Dans le cas contraire, l’héparine à nouveau injectée pourrait favoriser une hémorragie, d’ou la nécessité de programmer l’acte au moins 48 heures avant la séance suivante de dialyse (1-2-3). Lorsque le patient subit trois séances de dialyse par semaine, l’intervalle entre les séances est le même et par conséquent, il suffit de prévenir le néphrologue qui peut réaliser l’hémodialyse suivante sans héparine, éliminant ainsi tout risque de saignement de la plaie. 2-1-2 La prémédication sédative : L’IRC est sujet à développer une hypertension artérielle (HTA). Il faut donc veiller à réduire au maximum le stresse et l’anxiété avant et pendant l’intervention grâce à une prémédication sédative à base de Valium 10mg ou Atarax 25mg ou 50mg à raison d’un comprimé la veille et un comprimé une heure avant l’intervention. Dans ce cas le patient doit venir accompagné. Programmer l’intervention en matinée afin d’éviter les stresse d’une journée d’activité, et faire des séances de soins courtes (4,5). 2-1-3 La prévention du risque infectieux : Chez ces patients, l’antibiothérapie préventive est justifiée pour des actes dentaires invasifs. Le risque de surinfection de la fistule artério-veineuse utilisée chez les hémodialysés n’est pas négligeable, favorisé surtout par l’état immunodépressif et la prise des médications immunosuppressives. Les macrolides peuvent être prescrits à des doses usuelles les macrolides (l’érythromycine ou la spiramycine pendant 6 jours à raison de 1,5g/j, 1 jour avant l’acte et 5 jours après). Le choix des antibiotiques et des modalités de prescription (posologie, durée) sera décidé en accord avec le néphrologue à fin d’adapter la posologie à la fonction rénale (2,6). 2-1-4 La prévention de la contamination virale L’hépatite virale est très fréquente chez les hémodialysés. Le praticien devra utiliser des gants, des masques chirurgicaux, des lunettes et diminuer au maximum l’utilisation des instruments produisant des aérosols tels que les seringues à air, les turbines ou les inserts. Il faudra ensuite veiller à isoler le matériel utilisé, le nettoyer et le stériliser convenablement (2,4). 2-1-5 Le problème pharmacologique Tous les médicaments avec une élimination essentiellement ou exclusivement rénale risquent de s’accumuler chez ces patients. Leurs posologies doivent être adaptées à la clairance de la créatinine. L’utilisation d’antibiotiques doit être prudente et seuls les macrolides peuvent être prescrits à des doses habituelles. Les pénicillines et le métronidazole doivent être prescrits à des doses adaptées au fonctionnement rénal (1, 2, 5). Les antalgiques, type paracétamol, peuvent être utilisés aux doses usuelles. Les salicylés, en raison de leur effet anti-agrégant plaquettaire, seront évités. Les anti-inflammatoires stéroïdiens seront également utilisés avec la plus grande prudence en raison de leur tendance à induire une rétention hydrosodée. Les formes effervescentes seront évitées en cas d’hypertension artérielle car toutes contiennent des sels de sodium. En cas de prescription, tous ces médicaments devront être administrés à la fin de la dialyse car celleci peut les éliminer ou réduire leur concentration sérique (6). 2-2 Chez le malade devant subir ou ayant subi une transplantation rénale : 2-2-1 Le candidat à la transplantation : Le praticien va devoir examiner de façon très critique l’état de la denture du malade pour dépister tous les problèmes potentiels à l’examen clinique et radiographique. Seules seront conservées les dents saines ne présentent aucune parodontopathie et les dents dont le traitement radiculaire est correct et ne présentent aucune réaction péri-apicale. Les avulsions devront se faire suivant le même protocole que chez les malades dialysés (3, 6). 2-2-2 Malade transplanté : la surveillance et la maintenance de l’état dentaire est primordiale. Les actes hémorragiques doivent être encadrés d’une antibiothérapie systématique non néphrotoxique. Le traitement des foyers d’infection dentaire ne souffre aucun délai car ils peuvent revêtir rapidement sous corticothérapie et immunodépresseurs des formes sévères à symptomatologie atténuée. Il faut parfois chez ce malade sous corticothérapie augmenter, en accord avec le médecin traitant, la prise de corticostéroïdes en pré- et postopératoire afin de permettre au malade d’assumer le stress créé par le rendez-vous dentaire ou l’intervention. Chez les malades transplantés, tous les médicaments néphrotoxiques et les médicaments à élimination rénale seront évités. Il faut toujours avoir présent à l’esprit qu’un greffon fonctionnel n’a pas obligatoirement une fonction rénale normale et que l’adaptation des doses à la valeur fonctionnelle est indispensable (3,7). Conclusion Les maladies rénales peuvent avoir des incidences au niveau buccal et à ce titre l’odontologiste doit les connaître. Le premier réflexe doit être de se mettre en rapport avec le médecin traitant ou le néphrologue du malade. Souvent, l’avis de l’odontologiste sera demandé pour le dépistage des foyers infectieux buccaux. Le protocole opératoire sera alors défini conjointement. Le praticien peut participer au diagnostic de certaines pathologies rénales par la reconnaissance de leurs manifestations buccales. Références 1. CORNEBISE C. Pathologie médicale et odontologie. Paris : Ed Masson 1986 ; 246. 2. ISMAILI Z, LAHLOU K, ENNIBI O.K, BENAMAR L, BENZARTI N. Prise en charge des patients hémodialysées au cabinet dentaire. Espérance médicale 1997 ; 34(4) : 489-493 3. LESCLOUS P, MAMAN L. Pathologie néphrologie et odontologie. Le chirurgien-dentiste de France 1993 ; 660 : 23-28. 4. MONTAGNAC R, DELAGNE J-M, SCHILLINGER D, SCHILINGER F. Pathologie buccodentaire et sa prise en charge chez les insuffisants rénaux chroniques. Néphrologie and thérapeutique 2006 ; 2 : 436-441. 5. PENNE G, MISSIKA P, GIRARD P. Médecine et chirurgie dentaire. Paris : CDP, 1988 :169-210. 6. ROCHE Y. Chirurgie dentaire et patients à risque. Paris, Flammarion MédecineScience, 1996 : 373-384. 7. ZICARDI V, SAINI J, DEMAS P, BRAUN T. Management of the oral and maxillofacial surgery patient with end-stage renal disease. J. Oral Maxillofac. Surg. 1992 (50): 1207-1212. Liste des figures: Figure1: fistule artério-veineuse Figure2: vue endobuccale: parodontite chronique avec mobilité et une accentuation des dépôts tartriques Figure3 et 4: pâleur cutanée (anémie) et atrophie de la muqueuse buccale Figure 5: vue endobuccale: macroglossie Figure6: vue endobuccale: sécheresse buccale associée à un goût métallique Abstract: Any renal dysfunction imposes precautions from the odontologist. He should not be limited to avoiding the prescription of the nephrotoxic drugs, but he can also prevent some renal infections of oral origin like the acute glomerulonephritis that can lead to an irreversible deterioration of the renal function, especially that the renal failures have many oral demonstrations. Moreover, the methods of substitution of the failing kidneys, to which any odontologist can be confronted one day, impose taking a rigorous and particular action.