Expo en poche - Musée des Beaux Arts de Lyon

Transcription

Expo en poche - Musée des Beaux Arts de Lyon
Autoportraits
“ J’ai fait dans ma vie bien des portraits de moi au fur et à mesure
que je changeais de situation d’esprit. J’ai écrit ma vie en un mot. ”
Gustave Courbet (lettre à Alfred Bruyas, 3 mai 1854)
“ Comme nous ne savons toujours pas exactement ce qu’est en vérité
ce « Moi » [...], il faut tout mettre en œuvre, afin de discerner ce « Moi »
de manière de plus en plus rigoureuse – car le « Moi » est le plus grand
et le plus obscur secret du monde. ”
Max Beckmann (extrait d’un discours prononcé à l’occasion de l’ouverture
de l’« Exhibition of Twentieth Century German Art » à Londres en 1938)
Plan
de l’exposition
niveau 2
Sortie de
l’exposition
1 Le regard de l’artiste
2 L’artiste, un homme du monde
3 Dans l’atelier
4 Portraits de famille et d’amitié
5 Jeux de rôle
6 L’artiste, un homme au monde
7 Le corps de l’artiste
Salle
pédagogique
niveau 1
Entrée de
l’exposition
Sortie
2
1
7
5
6
3
de Rembrandt
au selfie
Expo
en poche
Exposition
du 25 mars au 26 juin 2016
Staatliche
Kunstalle Karlsruhe
Avec ses trois édifices situés sur la Hans-Thoma-Strasse – le bâtiment principal, la Junge Kunsthalle, dédiée
au jeune public, et l’Orangerie, consacrée à l’art moderne et contemporain –, la Staatliche Kunsthalle
Karlsruhe compte parmi les plus importants et les plus représentatifs musées d’art d’Allemagne. Le bâtiment
principal, inauguré en 1846 et orné de fresques de Moritz von Schwind, est conçu comme une œuvre d’art
totale. Les expositions et les activités de médiation de la Kunsthalle procèdent de sa riche collection, créée
à partir du xvi e siècle par les margraves, puis par les grands-ducs de Bade. 3 500 peintures et sculptures, ainsi
que 100 000 dessins et gravures offrent aujourd’hui un riche panorama de l’art occidental, qui ne cesse de
s’enrichir grâce à une politique active d’acquisition. La peinture allemande du Moyen Âge et de la Renaissance
en constitue un aspect majeur, de même que les écoles flamande et hollandaise du xvii e siècle et l’art
français et allemand du xvii e au xixe siècle. Aux côtés de tableaux, dessins et estampes anciens, la Kunsthalle
a contribué à cette exposition par le prêt de nombreuses œuvres d’artistes allemands de la première moitié
du xxe siècle, appartenant à l’expressionnisme et à la Nouvelle Objectivité.
4
Gustave Courbet
Les Amants dans la campagne, sentiments du jeune âge, dit aussi Les Amants heureux
1844, (détail) huile sur toile
Lyon, musée des Beaux-Arts
Max Beckmann
Autoportrait
1922, gravure sur bois
Karlsruhe, Staatliche Kunsthalle Karlsruhe, Kupferstichkabinett
© Lyon MBA - Photo Alain Basset
© Staatliche Kunsthalle Karlsruhe, Foto: Annette Fischer/Heike Kohler
© ADAGP, Paris 2016
musée
des Beaux-Arts de Lyon
National Galleries
of Scotland, Édimbourg
Le musée des Beaux-Arts de Lyon est l’un des plus importants musées français. Situé sur la place
des Terreaux, au cœur de la Presqu’île de Lyon, dans une abbaye bénédictine du xvii e siècle, il est l’un
des premiers musées créés en Europe, puisqu’il a été inauguré dès 1801. Ses collections encyclopédiques
présentent en cinq départements et soixante-dix salles un panorama des grandes civilisations et écoles
artistiques de l’Antiquité à nos jours, offrant ainsi un parcours à travers 5 000 ans d’art et d’histoire.
Les collections de peintures, plus particulièrement mises en avant par ce projet, rassemblent des œuvres
du xiii e au xxi e siècle, parmi lesquelles des tableaux majeurs des écoles française, italienne, espagnole et
nordique. Une politique d’acquisition très active permet au musée d’accroître régulièrement ses collections,
grâce au soutien de la Ville de Lyon, de l’État, de la région Auvergne- Rhône- Alpes et de ses cercles de
mécènes. Le musée des Beaux-Arts de Lyon propose dans le parcours de cette exposition une sélection
d’œuvres représentative de la richesse de ses collections, réunissant des tableaux anciens de premier
plan ou des créations phares de la modernité. Un accent tout spécifique a été porté sur la présence des
artistes lyonnais du xixe siècle, témoignant de la vitalité de la création artistique locale à cette période
et de son identité particulière.
L’ensemble muséal formé par les National Galleries of Scotland d’Édimbourg est l’un des plus importants
d’Europe. Les trois institutions qu’il réunit présentent des profils de collections très complémentaires :
la Scottish National Gallery offre une remarquable collection de peintures européennes de la fin du Moyen
Âge jusqu’au post-impressionnisme. La Scottish National Portrait Gallery, résolument centrée sur la peinture
de portraits et la photographie en Écosse, offre à ses visiteurs un itinéraire à travers l’histoire culturelle du pays
par l’intermédiaire d’un riche ensemble de portraits et d’objets. Enfin, la Scottish National Gallery of Modern
Art est dévolue à l’art écossais et international depuis 1900, avec un intérêt marqué pour le mouvement
Dada et le surréalisme. Les trois musées, hébergés dans des édifices distincts, organisent régulièrement de
prestigieuses expositions internationales. Les National Galleries of Scotland proposent plus spécifiquement
de découvrir dans cette exposition une sélection d’œuvres importantes réalisées par des artistes écossais,
du xviie au xxie siècle, de même que des tableaux, dessins et gravures anciens et modernes. Alliées à un grand
musée londonien, la Tate, pour gérer une importante collection d’art contemporain, les Artist Rooms, les deux
institutions ont accepté à titre très exceptionnel de prêter plusieurs œuvres appartenant à cet ensemble dans
le cadre de ce projet.
ACTIVITÉS
DANS
L’EXPOSITION
VISITES
COMMENTÉES
Lundis à 12h15, jeudis à 16h,
samedis à 10h15 et 12h30
rendez-vous
de midi
LECTURE D’ŒUVRE
Mercredi à 12h15
6 avril, 18 mai, 8 et 15 juin
RENDEZ-VOUS AVEC
UNE PHILOSOPHE
Avec Marta Nijhuis, chargée
de cours à l’Université
Jean Moulin Lyon 3
Vendredi 20 mai à 12h15
PARTAGES DE MIDI
Jeudi 28 avril et 12 mai à 12h15
DIALOGUE ART ET MUSIQUE
En partenariat avec l’Auditorium
- Orchestre national de Lyon
Jeudi 31 mars et 16 juin
à 12h15
NOCTURNES
Du portrait à la caricature
En partenariat avec le TNP
Vendredi 1er avril
Autoportraits en musique
En partenariat avec le Quatuor
Debussy - Conservatoire
à rayonnement régional de Lyon
et le jeune Quatuor Adastra
Vendredi 3 juin
ACTIVITÉS
ENFANTS et
adolescents
Visites-ateliers pendant les
vacances de printemps
NOUVEAU !
Visite active pour
les 5-6 ans
D’un visage à l’autre
Lundi 11 et 18 avril, mercredi 13
et 20 avril à 10h30
Visite-atelier pour
les 7-9 ans
M’as-tu vu ? Entre portrait
et autoportrait
Lundi 11 et 18 avril, mercredi 13
et 20 avril à 10h15
Pour participer, envoyez vos
selfies jusqu’au 1er mai avec le
#selfie_mba_lyon
Musée des Beaux-Arts de Lyon
Sylvie Ramond
Conservateur en chef du patrimoine,
directeur du musée des Beaux-Arts
de Lyon
Stéphane Paccoud
Conservateur en chef du patrimoine,
chargé des peintures et sculptures
du XIXe siècle, musée des BeauxArts de Lyon
Anselm Feuerbach
Autoportrait de jeunesse
1851-1852, huile sur toile
Karlsruhe, Staatliche Kunsthalle Karlsruhe
Louis Janmot
Autoportrait
1832, huile sur toile
Lyon, musée des Beaux-Arts
Sir David Wilkie
Autoportrait
Vers 1804-1805, huile sur toile
Édimbourg, Scottish National Portrait Gallery
© Staatliche Kunsthalle Karlsruhe, Foto: Annette Fischer/Heike Kohler
© Lyon MBA - Photo Alain Basset
© National Galleries of Scotland / Photography by A. Reeve
VISITES
DU BOUT DES DOIGTS
Samedi 21 mai - 10h et 15h
VISITES LSF
ATELIERS POUR ADOLESCENTS
Et moi, et moi, et moi
Atelier européen autour du selfie
Samedi 14 et dimanche 15 mai
De 10h à 17h avec une pause
Commissariat de l’exposition
NOUVEAU !
ATELIERS POUR ADULTES
Me, myself and I
Dimanche 5 et 19 juin
Ludmila Virassamynaïken
Conservateur du patrimoine,
chargée des peintures et sculptures
anciennes, musée des Beaux-Arts
de Lyon
Staatliche Kunsthalle Karlsruhe
Pia Müller-Tamm
Directeur de la Staatliche Kunsthalle
Karlsruhe
Dorit Schäfer
Conservateur, responsable
du cabinet d’arts graphiques
( Langue des Signes Française )
Samedi 30 avril à 14h30
HORS LES MURS AVEC
NOS PARTENAIRES
(Auto)portraits au cinéma :
Gros plan sur des artistes
européens - Au Goethe-Institut
et au British Council
CONFÉRENCE
Qui est le self dans le selfie ?
Conférence de Mauro Carbone,
professeur de philosophie,
Université Jean Moulin Lyon 3
Jeudi 7 avril 18h30
informations
pratiques
Musée des Beaux-Arts de Lyon
20 place des Terreaux
69001 Lyon
04 72 10 17 40
Horaires d’ouverture
Ouvert tous les jours, sauf
mardi et jours fériés, de 10h
à 18h. Vendredi de 10h30 à 18h.
Programme complet et tarifs
détaillés sur le site du musée
www.mba-lyon.fr
Tarifs
Exposition
9€ / 6€ / gratuit
Collections + exposition
12€ / 7€ / gratuit
Visites commentées et activités
billet d’entrée au musée + 3€ / 1€
Nocturnes
5€ / 3€ / gratuit +3€
pour les activités
JOURNÉE D’ÉTUDES
En partenariat avec l’École
Normale Supérieure de Lyon
Mercredi 4 mai
Alexander Eiling
Conservateur, chargé des peintures
et sculptures modernes
National Galleries of Scotland
Michael Clarke
Directeur, Scottish National Gallery
Imogen Gibbon
Deputy Director, Scottish National
Portrait Gallery
Scénographie de
l’exposition
Les Charrons – Pierre- Yves Guillot
et Charlotte Soubeyrand
Graphisme de l’exposition
Atelier JBL – Jeanne Bovier- Lapierre
Graphisme du document
FormaBoom
Cette exposition a bénéficié
d’un soutien du programme
Creative Europe de l’Union
européenne, dans le cadre
du projet intitulé « Ich bin hier.
Europäische Gesichter ».
Couverture
Louis Janmot, Autoportrait,
(détail) 1832 © Lyon MBA - Photo
Alain Basset
Achetez vos billets
à l’avance sur
www.mba-lyon.fr
Audioguide en ligne disponible
sur le site et l’appli IZI Travel
WIFI gratuit
Nom du réseau Wifi_MBA
Le musée des Beaux-Arts de Lyon s’est associé
à deux grandes institutions européennes, la Staatliche
Kunsthalle de Karlsruhe, en Allemagne, et les National
Galleries of Scotland à Édimbourg, au Royaume- Uni,
pour concevoir une exposition sur le thème de
l’autoportrait. S’appuyant sur les collections de chacun
des trois musées partenaires, le parcours rassemble près
de 150 œuvres – peintures, sculptures, dessins, gravures,
photographies, vidéos, jusqu’aux selfies d’Ai Weiwei -,
de la Renaissance au xxie siècle, et présente une histoire
de ce genre artistique.
Plutôt que proposer un parcours chronologique,
l’exposition interroge les modalités de l’auto- représentation
en tentant d’en dresser une typologie et de mettre en
lumière les questionnements spécifiques des artistes,
au fil des différentes sections. L’autoportrait peut en effet
prendre les formes les plus diverses : un artiste représenté
seul en plan resserré, parfois au travail, dans un cercle
familial et amical, mais aussi jouant un rôle, incluant
sa propre image au sein d’une composition ou même
la figurant de manière allusive dans une nature morte.
Au- delà des aspects stylistiques propres à chaque époque,
ces œuvres reflètent toutes la personnalité d’un auteur
et le contexte historique et social dans lequel il évolue.
En un temps où la pratique du selfie est devenue un
véritable phénomène de société caractéristique de l’ère
du numérique, questionner la tradition et les usages
de l’autoportrait semble plus que jamais d’actualité.
Le regard
de l’artiste
L’artiste, un homme
du monde
Dans
l’atelier
1
2
3
Parmi les cinq sens, la vue est celui qui
revêt pour l’artiste une importance première.
Étudier son propre visage en concentrant son
intérêt sur le regard constitue ainsi l’une des
catégories les plus généralement répandues
parmi les autoportraits. Éludant souvent
tout contexte spatial pour privilégier un
arrière-plan neutre, ceux-ci présentent une
composition resserrée sur le seul motif du
visage du peintre. Des effets plus ou moins
marqués d’ombre et de lumière pour créer
différentes atmosphères répondent à une
évolution des préoccupations des artistes.
De la Renaissance au xvii e siècle, une
recherche de vérité sans concession s’affirme
dans les portraits ici réunis, qui cède la
place peu à peu à la quête d’un certain
esprit de naturel au temps des Lumières.
Au xixe siècle, le romantisme s’emploie,
comme le montrent Louis Janmot et
Anselm Feuerbach, à traduire dans les traits
du visage l’idée du génie créateur, influencée
par les pseudo-sciences alors en vogue que
sont la physiognomonie* et la phrénologie*.
À la fin de ce siècle, Henri Fantin-Latour,
Eugène Carrière ou Lovis Corinth s’attachent
à traduire l’évolution de leurs traits au
fil du temps et la marque des années.
Au xxe siècle, l’expressionnisme fait alors
place à l’exaltation d’un tourment intérieur
de plus en plus marqué, qui influencera
les générations d’artistes suivantes.
Les Académies d’art qui fleurissent en
Europe aux xvi e , xvii e et xviii e siècles
contribuent à asseoir le statut de l’artiste,
qui commence à être distingué de celui de
l’artisan dès le xve siècle. Son rang au sein
de la société fait l’objet d’une réévaluation
progressive et la part intellectuelle que
recèle son art finit par être reconnue par
les théoriciens, commanditaires et amateurs.
L’autoportrait est le genre par excellence
à travers lequel les artistes manifestent
et revendiquent leur fierté nouvelle,
posant avec prestance, revêtus de leurs
habits les plus beaux et non de ceux, plus
pratiques, qu’ils portent dans l’atelier
au moment de créer. Au xviii e siècle, les
Lyonnais Joseph Vivien et Antoine Berjon
arborent perruques et costumes, Joseph
Chinard allant jusqu’à se draper dans un
long manteau d’après les illustres modèles
antiques. La distinction, l’intelligence
et la gravité caractérisent les autoportraits
de David Wilkie et Henry Raeburn, tous
deux membres de la Royal Academy
et portraitistes officiels du roi en Écosse.
De même en va-t-il des Lyonnais Fleury
Richard et Michel Dumas, frais émoulus
des ateliers de Jacques Louis David et
Jean Auguste Dominique Ingres. Au
xxe siècle, Lucien Simon, Alexander Kanoldt,
Max Beckmann et William Strang rivalisent
d’élégance, arborant plastrons, nœuds
papillon, cravates et chapeau melon.
* Physiognomonie :
science qui a pour objet
la connaissance du
caractère d’une personne
d’après sa physionomie.
* Phrénologie :
étude du caractère et
des facultés dominantes
d’un individu d’après
la forme de son crâne.
3
3 Max Beckmann
Autoportrait au chapeau melon
1921, pointe sèche, troisième état
Karlsruhe, Staatliche Kunsthalle Karlsruhe, Kupferstichkabinett,
acquis du Kunstkabinett Klihm à Munich, 1962
© Staatliche Kunsthalle Karlsruhe, Foto: Annette Fischer/Heike
Kohler / © ADAGP, Paris 2016
1 Simon Vouet
Autoportrait
Vers 1626,huile sur toile
Lyon, musée des Beaux-Arts, acquis à la vente de la collection
de Jean-Baptiste Callamard à Lyon, 1887
© Lyon MBA - Photo Alain Basset
2 Edvard Munch
Autoportrait
1895, lithographie, 3e état, vers 1915
Édimbourg, Scottish National Gallery of Modern Art, prêt
de longue durée de The Brochs of Coigach Art Collection
© National Galleries of Scotland / Photography by A. Reeve
Portraits de famille
et d’amitié
1
2
Jeux
de rôle
4 Joseph Vivien
Autoportrait à la palette
Vers 1715, huile sur toile
Lyon, musée des Beaux-Arts, acquis par préemption en vente
publique à Paris, avec le concours de l’État et de la région
Rhône-Alpes dans le cadre du Fonds régional d’acquisition pour
les musées, ainsi que la participation de l’Association des Amis
du musée, 1994 © Lyon MBA - Photo Alain Basset
4
L’artiste saisi dans l’acte de création
constitue un mode spécifique et attendu
de l’autoportrait, dont des exemples
sont attestés dès le Moyen Âge. Plusieurs
types peuvent en être énumérés. Le plus
simplement, le peintre, le dessinateur, le
graveur ou le photographe se représentent
face au spectateur munis de leurs outils
de travail : toile et pinceau, papier et
crayon, planche de cuivre et burin, papier
photographique et appareil. Ils semblent
alors comme pris sur le vif, face à un miroir
qui leur permet d’étudier leurs propres
traits, à l’instar de l’Écossais Duncan Grant.
L’atelier revêt également plusieurs
significations. Il peut être le lieu d’un
partage collectif de savoirs chez
Jean Marie Jacomin, d’une démonstration
de ses talents d’artiste pour George
Jamesone, ou de l’affirmation d’un
programme artistique dans le cas de
Fleury Richard. L’atelier se déplace
notamment en pleine nature, à compter
du début du xixe siècle où la pratique
du travail sur le motif se généralise parmi
les paysagistes, comme le montrent
Antoine Duclaux et Johann Wilhelm
Schirmer. L’atelier, enfin, apparaît au
xxe siècle comme un espace complexe,
une scène de théâtre, un lieu où s’opère
le mystère de la genèse de l’art.
5 Ernst Ludwig Kirchner
Le Peintre (autoportrait)
1919-1920 (retravaillé ultérieurement), huile sur toile
Karlsruhe, Staatliche Kunsthalle Karlsruhe, acquis de
Walter Kirchner, frère de l’artiste, 1954
© Staatliche Kunsthalle Karlsruhe, Foto : Annette Fischer/
Heike Kohler
Le corps
de l’artiste
4
5
6
7
De nombreux artistes associent à leur propre
portrait ceux de personnes avec lesquelles ils
entretiennent des relations étroites, qu’elles
soient amoureuses, familiales ou amicales.
De Gabriel Metsu à Gustave Courbet en
passant par Rembrandt, le portrait du couple
formé par l’artiste et l’être aimé célèbre
une union heureuse qui semble propice
à la création. Dans les œuvres d’artistes tels
que Daniel Chodowiecki, Fleury Richard et
Guido Philipp Schmitt, les activités du peintre
cohabitent avec celle des différents membres
de la famille. On y voit souvent les enfants
de l’artiste dessiner ou peindre : la question
de la succession est ainsi suggérée, le métier
de peintre s’étant longtemps transmis
de génération en génération. Dans son
autoportrait, c’est avant tout en tant que
mère que se présente Cecile Walton, dans
une scène rappelant le traitement pictural
du thème chrétien de la Nativité, quand
l’image iconique formée par la famille
Severini évoque pour sa part une Sainte
Trinité byzantine.
D’autres autoportraits font état de l’amitié
rapprochant l’artiste et ses confrères. Si
l’allusion est discrète dans le portrait du
graveur Pierre Drevet par son ami Hyacinthe
Rigaud, dans celui réunissant Pierre Révoil
et Fleury Richard, la profondeur des liens
s’affiche avec évidence. D’autres autoportraits
tels que celui de Wilhelm Schnarrenberger
accompagné de ses amis architectes,
partageant avec lui une conception
progressiste de l’art, peuvent être considérés
comme de véritables manifestes esthétiques.
De tous temps, les artistes se sont
joués des frontières censées séparer
les genres artistiques. Nombre de peintres
se plaisent ainsi à insérer leur propre
portrait au cœur de scènes de genre,
de scènes historiques ou même de natures
mortes. Des artistes tels qu’Albrecht
Dürer ou Rembrandt témoignent ainsi
de leur engagement spirituel. D’autres,
tels Alexis Grimou, David Wilkie,
Claude Bonnefond, Claudius Lavergne
ou Jean Carriès, revendiquent une filiation
artistique par-delà les siècles, en usant
de références parfois subtiles.
Lorsque l’autoportrait s’immisce dans la
nature morte, il peut être rattaché au type
de la vanité, qui vise à dénoncer la vacuité
de l’existence et des prétentions humaines
au regard de la mort promise à chacun.
De Rembrandt à Andy Warhol, les artistes
se sont également représentés travestis ou
grimaçant, interprètes de rôles échappant
à tout contexte. Nul décor ne permet plus,
en effet, de situer les scènes dans lesquelles
semblent évoluer des artistes qui tentent
d’offrir un miroir aux différentes facettes
de leur personnalité, réelle ou fantasmée.
La multiplicité des attitudes, des humeurs
et même des identités qu’ils déclinent
sont autant de reflets de la complexité
de l’âme humaine.
Le monde contemporain demeure relativement
absent des autoportraits antérieurs au
xxe siècle, simplement esquissé par quelques
accessoires. Les transformations opérées dans
la seconde moitié du xixe siècle par le réalisme,
puis l’impressionnisme, amplifiées encore par
les avant-gardes successives, généralisent peu
à peu la nécessité d’une représentation de la vie
moderne, introduisant dans le champ artistique
les mutations sociales et technologiques
engendrées par la Révolution industrielle. Dans
les années 1920 et 1930, les artistes n’hésitent
plus à s’afficher en compagnie des symboles
marqueurs de leur époque, à l’exemple de
Georg Scholz. Cette modernité triomphante
peut parfois s’accompagner d’une angoisse,
que traduisent Edvard Munch ou Karl Hubbuch.
Plus que jamais au xxe siècle, l’histoire
contemporaine s’impose dans les images
que les artistes livrent d’eux-mêmes. Les
deux guerres mondiales constituent alors
un traumatisme sans pareil pour les sociétés
européennes. Si le premier conflit est
initialement accueilli avec enthousiasme en
1914, comme le montrent Max Beckmann ou
Francis Cadell, qui se peint vêtu d’un manteau
militaire, prêt à être mobilisé, celui-ci devait
sombrer dans l’horreur et affecter toute une
génération. La montée des idéologies fasciste
et nazie, qui conduit ensuite de nombreux
créateurs à être écartés de leurs postes de
professeurs ou des cimaises des musées, amène
par exemple Oskar Kokoschka à intituler par
dérision son autoportrait « en artiste dégénéré ».
La représentation de son propre corps
demeure un phénomène relativement
marginal avant la seconde moitié
du xxe siècle. Les exemples antérieurs
connus, tel le saisissant autoportrait nu
sans concession de Jean-Baptiste Frénet,
constituent des exceptions.
À partir des années 1960, le corps s’impose
comme sujet et objet dans l’acte artistique,
sa représentation pouvant revêtir plusieurs
aspects. L’évocation du passage des ans et
de la déformation de ses traits occasionnée
par la vieillesse en est un, intimement relié
à la crainte de la mort. L’image du corps
souffrant peut permettre à l’artiste de se
libérer de ses traumatismes, jouant ainsi
le rôle de catharsis, de thérapie personnelle,
comme pour John Bellany qui se montre
sur son lit d’hôpital, ou d’expression d’un
monde intérieur, comme pour Tracey
Emin ou Max Schoendorff. Les questions
de genre, prégnantes en particulier pour
de nombreuses artistes féminines depuis
les années 1970, se retrouvent également
au cœur de cette thématique, notamment
par le support de la vidéo, à l’exemple
de l’œuvre de Marina Abramovi .
Enfin, par métonymie, l’image du corps
s’affiche par l’intermédiaire d’un fragment :
ainsi, la main et le cerveau, organes
essentiels de l’artiste avec ses yeux,
symbolisent-ils par eux seuls l’acte créateur.
7
7 Gustave Courbet
Les Amants dans la campagne, sentiments du jeune âge,
dit aussi Les Amants heureux
1844, huile sur toile
Lyon, musée des Beaux-Arts, acquis d’Hector Brame à Paris
sur les arrérages du legs Chazière, 1892
© Lyon MBA - Photo Alain Basset
8 Rembrandt
Autoportrait avec Saskia
1636, eau-forte
Karlsruhe, Staatliche Kunsthalle Karlsruhe, Kupferstichkabinett,
© Staatliche Kunsthalle Karlsruhe, Foto: Annette Fischer/
Heike Kohler
11 Lee Miller
Autoportrait
1932, épreuve gélatino-argentique
Detail of Self-portrait with headband, New York Studio, New York,
USA c1932’ by Lee Miller (12-1-C)
Édimbourg, Scottish National Gallery of Modern Art,
acquis des Lee Miller Archives, 2007
© National Galleries of Scotland / Photography by A. Reeve
© Lee Miller Archives, England 2016. All rights reserved. www.leemiller.co.uk
9 Jean Antoine Watteau
Fêtes vénitiennes
Vers 1718-1719, huile sur toile
Édimbourg, Scottish National Gallery, legs de Lady Murray
of Henderland, 1861
© National Galleries of Scotland / Photography by A. Reeve
8
10 Andy Warhol
Autoportrait avec perruque platine bouffante
1981
Photographie en couleur polaroïd sur papier
ARTIST ROOMS, National Galleries of Scotland et Tate
Acquis en commun en 2008 grâce à The d’Offay Donation,
avec le concours du National Heritage Memorial Fund et du Art
Fund © Photography TATE and National © The Andy Warhol
Foundation for the Visual Arts, Inc. / ADAGP, Paris 2016
10
12 Georg Scholz
Autoportrait devant une colonne Morris
1926, huile sur carton
Karlsruhe, Staatliche Kunsthalle Karlsruhe,
acquis du docteur Theodor Kiefer, 1975
© Staatliche Kunsthalle Karlsruhe, Foto: Annette Fischer/
Heike Kohler
6
6 George Jamesone
Autoportrait
Vers 1642, huile sur toile
Édimbourg, Scottish National Portrait Gallery, acquis
de la comtesse de Seafield, 1976
© NGS copy photography National Galleries of Scotland
L’artiste, un homme
au monde
9
5
11
12
13 Jean-Baptiste Frénet
Autoportrait nu
Vers 1850-1860, huile, pastel, gouache et fusain sur carton
Lyon, collection particulière
© Photo Alain Basset
14 Ai Weiwei
Selfie
2009
Courtoisie Ai Weiwei Studio
© Ai Weiwei
13
14

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