Expo en poche - Musée des Beaux Arts de Lyon
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Expo en poche - Musée des Beaux Arts de Lyon
Autoportraits “ J’ai fait dans ma vie bien des portraits de moi au fur et à mesure que je changeais de situation d’esprit. J’ai écrit ma vie en un mot. ” Gustave Courbet (lettre à Alfred Bruyas, 3 mai 1854) “ Comme nous ne savons toujours pas exactement ce qu’est en vérité ce « Moi » [...], il faut tout mettre en œuvre, afin de discerner ce « Moi » de manière de plus en plus rigoureuse – car le « Moi » est le plus grand et le plus obscur secret du monde. ” Max Beckmann (extrait d’un discours prononcé à l’occasion de l’ouverture de l’« Exhibition of Twentieth Century German Art » à Londres en 1938) Plan de l’exposition niveau 2 Sortie de l’exposition 1 Le regard de l’artiste 2 L’artiste, un homme du monde 3 Dans l’atelier 4 Portraits de famille et d’amitié 5 Jeux de rôle 6 L’artiste, un homme au monde 7 Le corps de l’artiste Salle pédagogique niveau 1 Entrée de l’exposition Sortie 2 1 7 5 6 3 de Rembrandt au selfie Expo en poche Exposition du 25 mars au 26 juin 2016 Staatliche Kunstalle Karlsruhe Avec ses trois édifices situés sur la Hans-Thoma-Strasse – le bâtiment principal, la Junge Kunsthalle, dédiée au jeune public, et l’Orangerie, consacrée à l’art moderne et contemporain –, la Staatliche Kunsthalle Karlsruhe compte parmi les plus importants et les plus représentatifs musées d’art d’Allemagne. Le bâtiment principal, inauguré en 1846 et orné de fresques de Moritz von Schwind, est conçu comme une œuvre d’art totale. Les expositions et les activités de médiation de la Kunsthalle procèdent de sa riche collection, créée à partir du xvi e siècle par les margraves, puis par les grands-ducs de Bade. 3 500 peintures et sculptures, ainsi que 100 000 dessins et gravures offrent aujourd’hui un riche panorama de l’art occidental, qui ne cesse de s’enrichir grâce à une politique active d’acquisition. La peinture allemande du Moyen Âge et de la Renaissance en constitue un aspect majeur, de même que les écoles flamande et hollandaise du xvii e siècle et l’art français et allemand du xvii e au xixe siècle. Aux côtés de tableaux, dessins et estampes anciens, la Kunsthalle a contribué à cette exposition par le prêt de nombreuses œuvres d’artistes allemands de la première moitié du xxe siècle, appartenant à l’expressionnisme et à la Nouvelle Objectivité. 4 Gustave Courbet Les Amants dans la campagne, sentiments du jeune âge, dit aussi Les Amants heureux 1844, (détail) huile sur toile Lyon, musée des Beaux-Arts Max Beckmann Autoportrait 1922, gravure sur bois Karlsruhe, Staatliche Kunsthalle Karlsruhe, Kupferstichkabinett © Lyon MBA - Photo Alain Basset © Staatliche Kunsthalle Karlsruhe, Foto: Annette Fischer/Heike Kohler © ADAGP, Paris 2016 musée des Beaux-Arts de Lyon National Galleries of Scotland, Édimbourg Le musée des Beaux-Arts de Lyon est l’un des plus importants musées français. Situé sur la place des Terreaux, au cœur de la Presqu’île de Lyon, dans une abbaye bénédictine du xvii e siècle, il est l’un des premiers musées créés en Europe, puisqu’il a été inauguré dès 1801. Ses collections encyclopédiques présentent en cinq départements et soixante-dix salles un panorama des grandes civilisations et écoles artistiques de l’Antiquité à nos jours, offrant ainsi un parcours à travers 5 000 ans d’art et d’histoire. Les collections de peintures, plus particulièrement mises en avant par ce projet, rassemblent des œuvres du xiii e au xxi e siècle, parmi lesquelles des tableaux majeurs des écoles française, italienne, espagnole et nordique. Une politique d’acquisition très active permet au musée d’accroître régulièrement ses collections, grâce au soutien de la Ville de Lyon, de l’État, de la région Auvergne- Rhône- Alpes et de ses cercles de mécènes. Le musée des Beaux-Arts de Lyon propose dans le parcours de cette exposition une sélection d’œuvres représentative de la richesse de ses collections, réunissant des tableaux anciens de premier plan ou des créations phares de la modernité. Un accent tout spécifique a été porté sur la présence des artistes lyonnais du xixe siècle, témoignant de la vitalité de la création artistique locale à cette période et de son identité particulière. L’ensemble muséal formé par les National Galleries of Scotland d’Édimbourg est l’un des plus importants d’Europe. Les trois institutions qu’il réunit présentent des profils de collections très complémentaires : la Scottish National Gallery offre une remarquable collection de peintures européennes de la fin du Moyen Âge jusqu’au post-impressionnisme. La Scottish National Portrait Gallery, résolument centrée sur la peinture de portraits et la photographie en Écosse, offre à ses visiteurs un itinéraire à travers l’histoire culturelle du pays par l’intermédiaire d’un riche ensemble de portraits et d’objets. Enfin, la Scottish National Gallery of Modern Art est dévolue à l’art écossais et international depuis 1900, avec un intérêt marqué pour le mouvement Dada et le surréalisme. Les trois musées, hébergés dans des édifices distincts, organisent régulièrement de prestigieuses expositions internationales. Les National Galleries of Scotland proposent plus spécifiquement de découvrir dans cette exposition une sélection d’œuvres importantes réalisées par des artistes écossais, du xviie au xxie siècle, de même que des tableaux, dessins et gravures anciens et modernes. Alliées à un grand musée londonien, la Tate, pour gérer une importante collection d’art contemporain, les Artist Rooms, les deux institutions ont accepté à titre très exceptionnel de prêter plusieurs œuvres appartenant à cet ensemble dans le cadre de ce projet. ACTIVITÉS DANS L’EXPOSITION VISITES COMMENTÉES Lundis à 12h15, jeudis à 16h, samedis à 10h15 et 12h30 rendez-vous de midi LECTURE D’ŒUVRE Mercredi à 12h15 6 avril, 18 mai, 8 et 15 juin RENDEZ-VOUS AVEC UNE PHILOSOPHE Avec Marta Nijhuis, chargée de cours à l’Université Jean Moulin Lyon 3 Vendredi 20 mai à 12h15 PARTAGES DE MIDI Jeudi 28 avril et 12 mai à 12h15 DIALOGUE ART ET MUSIQUE En partenariat avec l’Auditorium - Orchestre national de Lyon Jeudi 31 mars et 16 juin à 12h15 NOCTURNES Du portrait à la caricature En partenariat avec le TNP Vendredi 1er avril Autoportraits en musique En partenariat avec le Quatuor Debussy - Conservatoire à rayonnement régional de Lyon et le jeune Quatuor Adastra Vendredi 3 juin ACTIVITÉS ENFANTS et adolescents Visites-ateliers pendant les vacances de printemps NOUVEAU ! Visite active pour les 5-6 ans D’un visage à l’autre Lundi 11 et 18 avril, mercredi 13 et 20 avril à 10h30 Visite-atelier pour les 7-9 ans M’as-tu vu ? Entre portrait et autoportrait Lundi 11 et 18 avril, mercredi 13 et 20 avril à 10h15 Pour participer, envoyez vos selfies jusqu’au 1er mai avec le #selfie_mba_lyon Musée des Beaux-Arts de Lyon Sylvie Ramond Conservateur en chef du patrimoine, directeur du musée des Beaux-Arts de Lyon Stéphane Paccoud Conservateur en chef du patrimoine, chargé des peintures et sculptures du XIXe siècle, musée des BeauxArts de Lyon Anselm Feuerbach Autoportrait de jeunesse 1851-1852, huile sur toile Karlsruhe, Staatliche Kunsthalle Karlsruhe Louis Janmot Autoportrait 1832, huile sur toile Lyon, musée des Beaux-Arts Sir David Wilkie Autoportrait Vers 1804-1805, huile sur toile Édimbourg, Scottish National Portrait Gallery © Staatliche Kunsthalle Karlsruhe, Foto: Annette Fischer/Heike Kohler © Lyon MBA - Photo Alain Basset © National Galleries of Scotland / Photography by A. Reeve VISITES DU BOUT DES DOIGTS Samedi 21 mai - 10h et 15h VISITES LSF ATELIERS POUR ADOLESCENTS Et moi, et moi, et moi Atelier européen autour du selfie Samedi 14 et dimanche 15 mai De 10h à 17h avec une pause Commissariat de l’exposition NOUVEAU ! ATELIERS POUR ADULTES Me, myself and I Dimanche 5 et 19 juin Ludmila Virassamynaïken Conservateur du patrimoine, chargée des peintures et sculptures anciennes, musée des Beaux-Arts de Lyon Staatliche Kunsthalle Karlsruhe Pia Müller-Tamm Directeur de la Staatliche Kunsthalle Karlsruhe Dorit Schäfer Conservateur, responsable du cabinet d’arts graphiques ( Langue des Signes Française ) Samedi 30 avril à 14h30 HORS LES MURS AVEC NOS PARTENAIRES (Auto)portraits au cinéma : Gros plan sur des artistes européens - Au Goethe-Institut et au British Council CONFÉRENCE Qui est le self dans le selfie ? Conférence de Mauro Carbone, professeur de philosophie, Université Jean Moulin Lyon 3 Jeudi 7 avril 18h30 informations pratiques Musée des Beaux-Arts de Lyon 20 place des Terreaux 69001 Lyon 04 72 10 17 40 Horaires d’ouverture Ouvert tous les jours, sauf mardi et jours fériés, de 10h à 18h. Vendredi de 10h30 à 18h. Programme complet et tarifs détaillés sur le site du musée www.mba-lyon.fr Tarifs Exposition 9€ / 6€ / gratuit Collections + exposition 12€ / 7€ / gratuit Visites commentées et activités billet d’entrée au musée + 3€ / 1€ Nocturnes 5€ / 3€ / gratuit +3€ pour les activités JOURNÉE D’ÉTUDES En partenariat avec l’École Normale Supérieure de Lyon Mercredi 4 mai Alexander Eiling Conservateur, chargé des peintures et sculptures modernes National Galleries of Scotland Michael Clarke Directeur, Scottish National Gallery Imogen Gibbon Deputy Director, Scottish National Portrait Gallery Scénographie de l’exposition Les Charrons – Pierre- Yves Guillot et Charlotte Soubeyrand Graphisme de l’exposition Atelier JBL – Jeanne Bovier- Lapierre Graphisme du document FormaBoom Cette exposition a bénéficié d’un soutien du programme Creative Europe de l’Union européenne, dans le cadre du projet intitulé « Ich bin hier. Europäische Gesichter ». Couverture Louis Janmot, Autoportrait, (détail) 1832 © Lyon MBA - Photo Alain Basset Achetez vos billets à l’avance sur www.mba-lyon.fr Audioguide en ligne disponible sur le site et l’appli IZI Travel WIFI gratuit Nom du réseau Wifi_MBA Le musée des Beaux-Arts de Lyon s’est associé à deux grandes institutions européennes, la Staatliche Kunsthalle de Karlsruhe, en Allemagne, et les National Galleries of Scotland à Édimbourg, au Royaume- Uni, pour concevoir une exposition sur le thème de l’autoportrait. S’appuyant sur les collections de chacun des trois musées partenaires, le parcours rassemble près de 150 œuvres – peintures, sculptures, dessins, gravures, photographies, vidéos, jusqu’aux selfies d’Ai Weiwei -, de la Renaissance au xxie siècle, et présente une histoire de ce genre artistique. Plutôt que proposer un parcours chronologique, l’exposition interroge les modalités de l’auto- représentation en tentant d’en dresser une typologie et de mettre en lumière les questionnements spécifiques des artistes, au fil des différentes sections. L’autoportrait peut en effet prendre les formes les plus diverses : un artiste représenté seul en plan resserré, parfois au travail, dans un cercle familial et amical, mais aussi jouant un rôle, incluant sa propre image au sein d’une composition ou même la figurant de manière allusive dans une nature morte. Au- delà des aspects stylistiques propres à chaque époque, ces œuvres reflètent toutes la personnalité d’un auteur et le contexte historique et social dans lequel il évolue. En un temps où la pratique du selfie est devenue un véritable phénomène de société caractéristique de l’ère du numérique, questionner la tradition et les usages de l’autoportrait semble plus que jamais d’actualité. Le regard de l’artiste L’artiste, un homme du monde Dans l’atelier 1 2 3 Parmi les cinq sens, la vue est celui qui revêt pour l’artiste une importance première. Étudier son propre visage en concentrant son intérêt sur le regard constitue ainsi l’une des catégories les plus généralement répandues parmi les autoportraits. Éludant souvent tout contexte spatial pour privilégier un arrière-plan neutre, ceux-ci présentent une composition resserrée sur le seul motif du visage du peintre. Des effets plus ou moins marqués d’ombre et de lumière pour créer différentes atmosphères répondent à une évolution des préoccupations des artistes. De la Renaissance au xvii e siècle, une recherche de vérité sans concession s’affirme dans les portraits ici réunis, qui cède la place peu à peu à la quête d’un certain esprit de naturel au temps des Lumières. Au xixe siècle, le romantisme s’emploie, comme le montrent Louis Janmot et Anselm Feuerbach, à traduire dans les traits du visage l’idée du génie créateur, influencée par les pseudo-sciences alors en vogue que sont la physiognomonie* et la phrénologie*. À la fin de ce siècle, Henri Fantin-Latour, Eugène Carrière ou Lovis Corinth s’attachent à traduire l’évolution de leurs traits au fil du temps et la marque des années. Au xxe siècle, l’expressionnisme fait alors place à l’exaltation d’un tourment intérieur de plus en plus marqué, qui influencera les générations d’artistes suivantes. Les Académies d’art qui fleurissent en Europe aux xvi e , xvii e et xviii e siècles contribuent à asseoir le statut de l’artiste, qui commence à être distingué de celui de l’artisan dès le xve siècle. Son rang au sein de la société fait l’objet d’une réévaluation progressive et la part intellectuelle que recèle son art finit par être reconnue par les théoriciens, commanditaires et amateurs. L’autoportrait est le genre par excellence à travers lequel les artistes manifestent et revendiquent leur fierté nouvelle, posant avec prestance, revêtus de leurs habits les plus beaux et non de ceux, plus pratiques, qu’ils portent dans l’atelier au moment de créer. Au xviii e siècle, les Lyonnais Joseph Vivien et Antoine Berjon arborent perruques et costumes, Joseph Chinard allant jusqu’à se draper dans un long manteau d’après les illustres modèles antiques. La distinction, l’intelligence et la gravité caractérisent les autoportraits de David Wilkie et Henry Raeburn, tous deux membres de la Royal Academy et portraitistes officiels du roi en Écosse. De même en va-t-il des Lyonnais Fleury Richard et Michel Dumas, frais émoulus des ateliers de Jacques Louis David et Jean Auguste Dominique Ingres. Au xxe siècle, Lucien Simon, Alexander Kanoldt, Max Beckmann et William Strang rivalisent d’élégance, arborant plastrons, nœuds papillon, cravates et chapeau melon. * Physiognomonie : science qui a pour objet la connaissance du caractère d’une personne d’après sa physionomie. * Phrénologie : étude du caractère et des facultés dominantes d’un individu d’après la forme de son crâne. 3 3 Max Beckmann Autoportrait au chapeau melon 1921, pointe sèche, troisième état Karlsruhe, Staatliche Kunsthalle Karlsruhe, Kupferstichkabinett, acquis du Kunstkabinett Klihm à Munich, 1962 © Staatliche Kunsthalle Karlsruhe, Foto: Annette Fischer/Heike Kohler / © ADAGP, Paris 2016 1 Simon Vouet Autoportrait Vers 1626,huile sur toile Lyon, musée des Beaux-Arts, acquis à la vente de la collection de Jean-Baptiste Callamard à Lyon, 1887 © Lyon MBA - Photo Alain Basset 2 Edvard Munch Autoportrait 1895, lithographie, 3e état, vers 1915 Édimbourg, Scottish National Gallery of Modern Art, prêt de longue durée de The Brochs of Coigach Art Collection © National Galleries of Scotland / Photography by A. Reeve Portraits de famille et d’amitié 1 2 Jeux de rôle 4 Joseph Vivien Autoportrait à la palette Vers 1715, huile sur toile Lyon, musée des Beaux-Arts, acquis par préemption en vente publique à Paris, avec le concours de l’État et de la région Rhône-Alpes dans le cadre du Fonds régional d’acquisition pour les musées, ainsi que la participation de l’Association des Amis du musée, 1994 © Lyon MBA - Photo Alain Basset 4 L’artiste saisi dans l’acte de création constitue un mode spécifique et attendu de l’autoportrait, dont des exemples sont attestés dès le Moyen Âge. Plusieurs types peuvent en être énumérés. Le plus simplement, le peintre, le dessinateur, le graveur ou le photographe se représentent face au spectateur munis de leurs outils de travail : toile et pinceau, papier et crayon, planche de cuivre et burin, papier photographique et appareil. Ils semblent alors comme pris sur le vif, face à un miroir qui leur permet d’étudier leurs propres traits, à l’instar de l’Écossais Duncan Grant. L’atelier revêt également plusieurs significations. Il peut être le lieu d’un partage collectif de savoirs chez Jean Marie Jacomin, d’une démonstration de ses talents d’artiste pour George Jamesone, ou de l’affirmation d’un programme artistique dans le cas de Fleury Richard. L’atelier se déplace notamment en pleine nature, à compter du début du xixe siècle où la pratique du travail sur le motif se généralise parmi les paysagistes, comme le montrent Antoine Duclaux et Johann Wilhelm Schirmer. L’atelier, enfin, apparaît au xxe siècle comme un espace complexe, une scène de théâtre, un lieu où s’opère le mystère de la genèse de l’art. 5 Ernst Ludwig Kirchner Le Peintre (autoportrait) 1919-1920 (retravaillé ultérieurement), huile sur toile Karlsruhe, Staatliche Kunsthalle Karlsruhe, acquis de Walter Kirchner, frère de l’artiste, 1954 © Staatliche Kunsthalle Karlsruhe, Foto : Annette Fischer/ Heike Kohler Le corps de l’artiste 4 5 6 7 De nombreux artistes associent à leur propre portrait ceux de personnes avec lesquelles ils entretiennent des relations étroites, qu’elles soient amoureuses, familiales ou amicales. De Gabriel Metsu à Gustave Courbet en passant par Rembrandt, le portrait du couple formé par l’artiste et l’être aimé célèbre une union heureuse qui semble propice à la création. Dans les œuvres d’artistes tels que Daniel Chodowiecki, Fleury Richard et Guido Philipp Schmitt, les activités du peintre cohabitent avec celle des différents membres de la famille. On y voit souvent les enfants de l’artiste dessiner ou peindre : la question de la succession est ainsi suggérée, le métier de peintre s’étant longtemps transmis de génération en génération. Dans son autoportrait, c’est avant tout en tant que mère que se présente Cecile Walton, dans une scène rappelant le traitement pictural du thème chrétien de la Nativité, quand l’image iconique formée par la famille Severini évoque pour sa part une Sainte Trinité byzantine. D’autres autoportraits font état de l’amitié rapprochant l’artiste et ses confrères. Si l’allusion est discrète dans le portrait du graveur Pierre Drevet par son ami Hyacinthe Rigaud, dans celui réunissant Pierre Révoil et Fleury Richard, la profondeur des liens s’affiche avec évidence. D’autres autoportraits tels que celui de Wilhelm Schnarrenberger accompagné de ses amis architectes, partageant avec lui une conception progressiste de l’art, peuvent être considérés comme de véritables manifestes esthétiques. De tous temps, les artistes se sont joués des frontières censées séparer les genres artistiques. Nombre de peintres se plaisent ainsi à insérer leur propre portrait au cœur de scènes de genre, de scènes historiques ou même de natures mortes. Des artistes tels qu’Albrecht Dürer ou Rembrandt témoignent ainsi de leur engagement spirituel. D’autres, tels Alexis Grimou, David Wilkie, Claude Bonnefond, Claudius Lavergne ou Jean Carriès, revendiquent une filiation artistique par-delà les siècles, en usant de références parfois subtiles. Lorsque l’autoportrait s’immisce dans la nature morte, il peut être rattaché au type de la vanité, qui vise à dénoncer la vacuité de l’existence et des prétentions humaines au regard de la mort promise à chacun. De Rembrandt à Andy Warhol, les artistes se sont également représentés travestis ou grimaçant, interprètes de rôles échappant à tout contexte. Nul décor ne permet plus, en effet, de situer les scènes dans lesquelles semblent évoluer des artistes qui tentent d’offrir un miroir aux différentes facettes de leur personnalité, réelle ou fantasmée. La multiplicité des attitudes, des humeurs et même des identités qu’ils déclinent sont autant de reflets de la complexité de l’âme humaine. Le monde contemporain demeure relativement absent des autoportraits antérieurs au xxe siècle, simplement esquissé par quelques accessoires. Les transformations opérées dans la seconde moitié du xixe siècle par le réalisme, puis l’impressionnisme, amplifiées encore par les avant-gardes successives, généralisent peu à peu la nécessité d’une représentation de la vie moderne, introduisant dans le champ artistique les mutations sociales et technologiques engendrées par la Révolution industrielle. Dans les années 1920 et 1930, les artistes n’hésitent plus à s’afficher en compagnie des symboles marqueurs de leur époque, à l’exemple de Georg Scholz. Cette modernité triomphante peut parfois s’accompagner d’une angoisse, que traduisent Edvard Munch ou Karl Hubbuch. Plus que jamais au xxe siècle, l’histoire contemporaine s’impose dans les images que les artistes livrent d’eux-mêmes. Les deux guerres mondiales constituent alors un traumatisme sans pareil pour les sociétés européennes. Si le premier conflit est initialement accueilli avec enthousiasme en 1914, comme le montrent Max Beckmann ou Francis Cadell, qui se peint vêtu d’un manteau militaire, prêt à être mobilisé, celui-ci devait sombrer dans l’horreur et affecter toute une génération. La montée des idéologies fasciste et nazie, qui conduit ensuite de nombreux créateurs à être écartés de leurs postes de professeurs ou des cimaises des musées, amène par exemple Oskar Kokoschka à intituler par dérision son autoportrait « en artiste dégénéré ». La représentation de son propre corps demeure un phénomène relativement marginal avant la seconde moitié du xxe siècle. Les exemples antérieurs connus, tel le saisissant autoportrait nu sans concession de Jean-Baptiste Frénet, constituent des exceptions. À partir des années 1960, le corps s’impose comme sujet et objet dans l’acte artistique, sa représentation pouvant revêtir plusieurs aspects. L’évocation du passage des ans et de la déformation de ses traits occasionnée par la vieillesse en est un, intimement relié à la crainte de la mort. L’image du corps souffrant peut permettre à l’artiste de se libérer de ses traumatismes, jouant ainsi le rôle de catharsis, de thérapie personnelle, comme pour John Bellany qui se montre sur son lit d’hôpital, ou d’expression d’un monde intérieur, comme pour Tracey Emin ou Max Schoendorff. Les questions de genre, prégnantes en particulier pour de nombreuses artistes féminines depuis les années 1970, se retrouvent également au cœur de cette thématique, notamment par le support de la vidéo, à l’exemple de l’œuvre de Marina Abramovi . Enfin, par métonymie, l’image du corps s’affiche par l’intermédiaire d’un fragment : ainsi, la main et le cerveau, organes essentiels de l’artiste avec ses yeux, symbolisent-ils par eux seuls l’acte créateur. 7 7 Gustave Courbet Les Amants dans la campagne, sentiments du jeune âge, dit aussi Les Amants heureux 1844, huile sur toile Lyon, musée des Beaux-Arts, acquis d’Hector Brame à Paris sur les arrérages du legs Chazière, 1892 © Lyon MBA - Photo Alain Basset 8 Rembrandt Autoportrait avec Saskia 1636, eau-forte Karlsruhe, Staatliche Kunsthalle Karlsruhe, Kupferstichkabinett, © Staatliche Kunsthalle Karlsruhe, Foto: Annette Fischer/ Heike Kohler 11 Lee Miller Autoportrait 1932, épreuve gélatino-argentique Detail of Self-portrait with headband, New York Studio, New York, USA c1932’ by Lee Miller (12-1-C) Édimbourg, Scottish National Gallery of Modern Art, acquis des Lee Miller Archives, 2007 © National Galleries of Scotland / Photography by A. Reeve © Lee Miller Archives, England 2016. All rights reserved. www.leemiller.co.uk 9 Jean Antoine Watteau Fêtes vénitiennes Vers 1718-1719, huile sur toile Édimbourg, Scottish National Gallery, legs de Lady Murray of Henderland, 1861 © National Galleries of Scotland / Photography by A. Reeve 8 10 Andy Warhol Autoportrait avec perruque platine bouffante 1981 Photographie en couleur polaroïd sur papier ARTIST ROOMS, National Galleries of Scotland et Tate Acquis en commun en 2008 grâce à The d’Offay Donation, avec le concours du National Heritage Memorial Fund et du Art Fund © Photography TATE and National © The Andy Warhol Foundation for the Visual Arts, Inc. / ADAGP, Paris 2016 10 12 Georg Scholz Autoportrait devant une colonne Morris 1926, huile sur carton Karlsruhe, Staatliche Kunsthalle Karlsruhe, acquis du docteur Theodor Kiefer, 1975 © Staatliche Kunsthalle Karlsruhe, Foto: Annette Fischer/ Heike Kohler 6 6 George Jamesone Autoportrait Vers 1642, huile sur toile Édimbourg, Scottish National Portrait Gallery, acquis de la comtesse de Seafield, 1976 © NGS copy photography National Galleries of Scotland L’artiste, un homme au monde 9 5 11 12 13 Jean-Baptiste Frénet Autoportrait nu Vers 1850-1860, huile, pastel, gouache et fusain sur carton Lyon, collection particulière © Photo Alain Basset 14 Ai Weiwei Selfie 2009 Courtoisie Ai Weiwei Studio © Ai Weiwei 13 14