Fistules colo-rectales complexes - Chirurgie

Transcription

Fistules colo-rectales complexes - Chirurgie
Congrès de l’Association Française de Chirurgie
Paris du 30 septembre au 2 octobre 2009
Séance de Formation Chirurgicale Continue
FCC 12
____________________________________
Traitement des fistules colo-rectales
complexes
Organisateur : E. Rullier (Bordeaux)
Président : E. Tiret (Paris)
Modérateurs : Y. Panis (Clichy)
SOMMAIRE
Fistule de l’anastomose iléo-colique avec abcès
G. Portier (Toulouse)
Fistule de l’anastomose colo-rectale avec sténose
cicatricielle S. Benoist (Paris)
Fistule recto-vaginale après proctectomie
E. Tiret (Paris)
Fistule rectro-urétrale après prostatectomie C.
Laurent (Bordeaux)
Fistule anale avec maladie de Crohn Y. Panis (Clichy)
Fistule périnéale récidivante A. Lelong, JR Delpero
(Marseille)
Fistules en chirurgie colorectale: points communs et cas particulier des fistules
iléocoliques après colectomie droite.
G. PORTIER – CHU Purpan – Université Paul Sabatier – Toulouse.
Les fistules anastomotiques après colectomie représentent la complication la plus redoutée
après colectomie. En effet, la survenue d'une fistule est responsable d'une surmortalité, d'une
surmorbidité associée, d'une prolongation de l'hospitalisation, et d'un surcoût global. Une
étude médico-économique a estimé que <60% du surcoût lié à une fistule était du à la
prolongation du séjour hospitalier, et 40% aux moyens diagnostiques et thérapeutiques
déployés. Dans les cas de colectomies pour cancer, une association entre fistule
anastomotique et récidives tumorales semble exister [1, 2].
Le taux de fistules après chirurgie colorectale est très variable selon les auteurs, entre 0 et 2%
pour les anastomoses colo-coliques, et jusqu'à 19% pour les anastomoses colorectales ou
colo-anales [3].
La traditionnelle préparation mécanique préopératoire du côlon est progressivement
abandonnée, puisque plusieurs études randomisées ont démontré son inutilité, voire sa
dangerosité [4].
La gravité de la fistule dépend de plusieurs facteurs: l'existence initiale d'un choc, la situation
intra ou extrapéritonéale, l'état général initial du patient, la taille de l'orifice fistuleux,
l'existence d'une stomie d'amont ou non, le délai de diagnostic et donc de début du traitement.
La surveillance postopératoire est donc cruciale ce d'autant qu'une complication dépistée
précocement pourra plus souvent faire l'objet d'un traitement conservateur. Ceci est
particulièrement vrai après chirurgie laparoscopique [5]. La morbidité d'une nouvelle
laparoscopie est significativement moindre comparée à celle d'une nouvelle laparotomie [6].
De la combinaison de ces facteurs découlent les principes de prise en charge.
Etant donné la faible incidence des fistules, et leur gravité initiale, il est difficile de construire
des études randomisées fiables, ce qui explique le faible niveau de preuve disponible dans la
littérature.
Certains principes de base, commun à tous les auteurs, ne sont pas remis en question:
Correction de l'état hémodynamique par remplissage vasculaire, antibiothérapie parentérale à
large spectre active sur les entérobactéries et les germes anaérobies, initialement probabiliste,
puis adaptée aux germes identifiés après prélèvements, drainage des abcès, lavage abondant
au sérum physiologique de la cavité péritonéale lors d'une laparotomie en urgence pour
péritonite.
La stratégie thérapeutique dépend de la présentation clinique et radiologique initiale. Les
fistules sur anastomoses extrapéritonéales colorectales ou colo-anales représentent un cadre
particulier.
Pour les anastomoses intra-abdominales, survenant en zone péritonisée et donc innervée, les
signes initiaux sont classiquement des signes de péritonite, et sont en général rapidement
suspectées cliniquement.
Une fois la fistule avérée, trois situations distinctes peuvent être schématiquement définies:
-
La péritonite généralisée d'emblée avec signes septiques sévères.
-
La péritonite localisée (ou abcès intrapéritonéal) avec signes septiques modérés.
-
La fistule anastomotique a minima, sans signes généraux.
Ces trois situations ont fait l'objet d'une tentative de consensus formalisé par les experts du
groupe international d'étude sur les fistules anastomotiques [3]. Les conclusions de ce rapport
représentent le meilleur niveau de preuve scientifique disponible, bien que le grade de
recommandations soit malgré tout faible par manque de données factuelles, dans une situation
très variable selon les cas. Quelques principes se dégagent cependant:
-
pour les péritonites généralisées sévères avec signes de choc: une réintervention en
urgence après mise en œuvre des mesures de réanimation, s'impose. Le geste
chirurgical après toilette péritonéale dépend alors des constatations peropératoires.
En cas de défect anastomotique majeur, la résection de l'anastomose responsable est réalisée,
avec création d'une double stomie pour les anastomoses proximales (iléocoliques, colocoliques), ou réalisation d'une intervention de Hartmann pour les anastomoses distales.
Une alternative est de réséquer l'anastomose puis d'en confectionner une nouvelle associée à
une stomie latérale d'amont. Cette attitude réduit sans doute la morbidité ultérieure liée au
rétablissement de continuité. Elle n'est cependant possible que lorsque l'état hémodynamique
du patient est stable, que le patient n'est pas "malnutri" (ce qui signifie soit dénutri, soit obèse
sévère), qu'il n'existe pas de contexte de maladie inflammatoire du tube digestif, et que les
segments digestifs permettent une anastomose sans aucune tension sur des tissus bien
vascularisés et peu inflammatoires.
Lorsqu'il existe une fuite anastomotique minime, et dans les limites de conditions locales
décrites précédemment, une réparation anastomotique avec stomie d'amont et drainage au
contact peut-être réalisée. Les mesures associées comme une omentoplastie, ou l'utilisation de
colles biologiques, n'ont pas montré d'avantage évaluable.
Dans tous les cas, un drainage péritonéal semble recommandé par les experts.
Quelque soit le type de dérivation choisi, le délai à respecter avant nouvelle laparotomie pour
rétablissement de continuité doit être supérieur à 3 mois, afin d'éviter la persistance de
phénomènes inflammatoires intrapéritonéaux qui rendent plus risquée la dissection des anses
digestives.
-
En cas de péritonites localisées, avec signes septiques modérés: un bilan
morphologique précis peut-être réalisé.
L'examen le plus performant est le scanner abdominopelvien, associé à une opacification
digestive par lavement aux hydrosolubles.
L'attitude thérapeutique dépend alors de la taille, du nombre, et de la localisation des
collections abdominales observées, ainsi que de la disponibilité d'une équipe de radiologie
interventionnelle performante.
Le drainage percutané sous guidage radiologique, lorsqu'il est réalisable, est la meilleure
option pour le patient, en évitant une nouvelle laparotomie et ses potentielles complications.
Les critères prédictifs de succès du drainage percutané sont un nombre limité de collections,
une taille supérieure à 3 cm, et une localisation facilement ponctionnable. Dans tous les cas,
un drain est laissé en place, de préférence de bon calibre, à double courant, permettant un
lavage et une aspiration continus. Une fréquente cause d'échec est le retrait trop précoce du
drain, ou son obstruction, notamment par absence de lavage. L'efficacité clinique et
biologique du drainage doit être obtenue rapidement (moins de 48 heures), et une
réintervention doit être discutée au moindre doute.
- Dans les situations d'abcès péri-anastomotiques de moins de 3 cm, sans signes généraux,
il est recommandé de ne pas les drainer. Une antibiothérapie parentérale à large spectre est le
plus souvent efficace, et permet de vérifier radiologiquement la disparition de l'abcès en
quelques semaines.
Ces recommandations s'appliquent à tous les types d'anastomoses intrapéritonéales. Quelques
points particuliers aux fistules iléocoliques peuvent être soulignés:
Leur incidence est faible dans la littérature, allant de 0,02% à 4% selon les séries [3].
Dans une étude récente de l'AURC, le seul facteur significativement prédictif de l'apparition
d'une fistule après colectomie droite était l'existence d'une perte de poids préopératoire
supérieure à 10% du poids initial [7].
Il ne semble pas exister de différence de taux de fistules selon la technique anastomotique,
manuelle ou mécanique [8].
L'hypochondre droit est en général facilement accessible par les radiologues interventionnels
et les drainages radiologiques sont en général réalisables. Cette option est, lorsque possible,
d'autant plus satisfaisante, qu'une reprise chirurgicale imposerait une iléostomie, exposant
alors le patient à un risque de déshydratation en cas de débit élevé.
Enfin, les fistules iléocoliques après résection iléocæcale pour maladie de Crohn posent un
problème particulier. Les indications de résection dans cette pathologie ont été
considérablement modifiées depuis l'utilisation des anticorps monoclonaux anti TNFα
(Remicade®, Humira®). Une étude récente a montré que l'utilisation de ces anticorps dans les
3 mois précédant l'intervention augmentait le risque de complications postopératoires, y
compris l'apparition de fistules anastomotiques, d'abcès intra-abdominaux, et de
réhospitalisations, sauf en cas de stomie de protection [9]. De nouvelles stratégies
médicochirurgicales seront donc sans doute à évaluer dans le cadre des MICI.
Références:
1.
Branagan G, Finnis D. Prognosis after anastomotic leakage in colorectal surgery. Dis
Colon Rectum. 2005;48(5):1021-6.
2.
Walker KG, Bell SW, Rickard MJ, Mehanna D, Dent OF, Chapuis PH, et al.
Anastomotic leakage is predictive of diminished survival after potentially curative resection
for colorectal cancer. Ann Surg. 2004;240(2):255-9.
3.
Phitayakorn R, Delaney CP, Reynolds HL, Champagne BJ, Heriot AG, Neary P, et al.
Standardized algorithms for management of anastomotic leaks and related abdominal and
pelvic abscesses after colorectal surgery. World J Surg. 2008;32(6):1147-56.
4.
Slim K, Vicaut E, Launay-Savary MV, Contant C, Chipponi J. Updated systematic
review and meta-analysis of randomized clinical trials on the role of mechanical bowel
preparation before colorectal surgery. Ann Surg. 2009;249(2):203-9.
5.
Mosnier H, Ribeiro L. [Laparoscopic colorectal surgery: post-operative care should
detect complications early when they can be remedied by a laparoscopic reintervention]. J
Chir (Paris). 2008;145(4):307-9.
6.
Wind J, Koopman AG, van Berge Henegouwen MI, Slors JF, Gouma DJ, Bemelman
WA. Laparoscopic reintervention for anastomotic leakage after primary laparoscopic
colorectal surgery. Br J Surg. 2007;94(12):1562-6.
7.
Veyrie N, Ata T, Muscari F, Couchard AC, Msika S, Hay JM, et al. Anastomotic
leakage after elective right versus left colectomy for cancer: prevalence and independent risk
factors. J Am Coll Surg. 2007;205(6):785-93.
8.
Kracht M, Hay JM, Fagniez PL, Fingerhut A. Ileocolonic anastomosis after right
hemicolectomy for carcinoma: stapled or hand-sewn? A prospective, multicenter, randomized
trial. Int J Colorectal Dis. 1993;8(1):29-33.
9.
Appau KA, Fazio VW, Shen B, Church JM, Lashner B, Remzi F, et al. Use of
infliximab within 3 months of ileocolonic resection is associated with adverse postoperative
outcomes in Crohn's patients. J Gastrointest Surg. 2008;12(10):1738-44.
Traitement des fistules d’une anastomose colorectale avec sténose cicatricielle
Stéphane Benoist, Service de Chirurgie Oncologique et Digestives,
Hôpital Ambroise Paré, 92100 Boulogne
INTRODUCTION
La fistule anastomotique est la complication spécifique la plus fréquente et probablement la
plus difficile à prendre en charge après une chirurgie d’exérèse rectale et une anastomose
colorectale. Ce risque de désunion anastomotique varie entre 5 et 20% et il est d’autant plus
élevé que l’anastomose colo-rectale est basse (1-4). Outre les conséquences immédiates, liées
au sepsis, les fistules anastomotiques ont des conséquences sérieuses à long terme et en
particulier la sténose anastomotique qui peut survenir dans 20 à 30 % des cas (5-7). La prise
en charge d’une fistule d’une anastomose colorectale avec sténose cicatricielle pose deux
types de problèmes auxquels nous allons tenter d’apporter des réponses : 1) quel traitement
initial faut-il instituer ? 2) Comment traiter la fistule séquellaire ?
TRAITEMENT INTIAL DE LA FISTULE COLORECTALE
La prise en charge initiale d’une désunion anastomotique dépend de sa présentation clinique.
Il peut s’agir d’une fistule borgne asymptomatique, découverte lors de l’opacification
précédant la fermeture de l’iléostomie protégeant l’anastomose, d’un abcès périanastomotique ou d’une péritonite postopératoire.
En cas de fistule asymptomatique de découverte radiologique sur une image d’addition, il est
préférable de différer la fermeture de l’iléostomie de 2 à 3 mois, après avoir contrôlé
radiologiquement la disparition de l’image d’addition . Si celle-ci persiste au-delà de 3 mois,
certains préconisent la fermeture de l’iléosomie latérale, éventuellement après un examen
sous anesthésie de l’anastomose, pour d’autres il est préférable d’attendre 6 mois jusqu’à la «
guérison » radiologique.
Dans la majorité des cas la fistule d’une anastomose colorectale se traduit cliniquement par un
abcès pelvien. Les circonstances révélatrices de ce sepsis sont très variées : douleur périnéale,
écoulement purulent par l’anus, fièvre, signes urinaires, troubles psychiques, etc. Un examen
tomodensitométrique avec opacification digestive permet de faire aisément le diagnostic.
L’origine du sepsis étant une désunion anastomotique, le plus logique est de drainer l’abcès
dans le tube digestif, en agrandissant l’orifice fistuleux. Ceci est toujours possible et très
simple à réaliser par voie périnéale au cours d’une courte anesthésie générale en cas
d’anastomose colorectale basse. Dans ce cas, la déhiscence anastomotique est repérée et
agrandie, le pus est évacué, les parois de l’abcès sont curetés et la cavité est drainée par un ou
deux drains trans anastomotiques, sortant par l’anus, qui sont laissés en place pour permettre
des irrigations ultérieures. Evidemment, si cela n’est pas déjà le cas, une iléostomie est
réalisée. Lorsque l’anastomose colorectale est plus haut située, le drainage trans
anastomotique par voie trans-anale n’est pas réalisable et il peut être tenté un drainage
percutané par voie radiologique de cet abcès associé à une antibiothérapie intraveineuse à
large spectre. L’efficacité d’un tel drainage est néanmoins plus faible car il, crée un trajet
supplémentaire entre l’abcès et la paroi, ne permet pas le curetage de la cavité abcédée, est
rarement déclive et utilise des drains souvent très souples et de petit calibre qui ne permettent
pas la réalisation de lavages abondants. Néanmoins des résultats encourageant s ont été
rapportés après drainage trans gluthéal qui peut permettent d’éviter une réintervention dans
plus de la moitié des cas (8). En cas d’échec de toutes ces procédures, il est parfois nécessaire
de recourir à un drainage chirurgical qui généralement s’associe à une conservation de
l’anastomose et la réalisation d’une stomie de protection quand elle n’a pas déjà été réalisée
au cours de la première intervention.
Lorsque la fuite anastomotique se traduit d’emblée par une péritonite, il faut réopérer le
patient par laparotomie pour laver la cavité abdominale et deux stratégies sont alors possibles:
un système de drainage au contact de la fistule avec une stomie latérale de dérivation ou un
démontage de l’anastomose avec fermeture du moignon distal et colostomie iliaque gauche.
La première solution a pour avantage d’être simple et rapide à réaliser et de permettre en cas
de guérison de la fistule sans séquelle un rétablissement de continuité assez facile mais a pour
inconvénients le risque de persistance d’un sepsis pelvien par insuffisance de drainage avec la
nécessité de réinterventions itératives grevées d’une mortalité opératoire plus élevée et le
risque de chronicisation de la fistule ou de sténose de l’anastomose. Le démontage de
l’anastomose a pour avantage de traiter radicalement le sepsis pelvien et la fistule avec une
mortalité opératoire faible mais a pour inconvénient de rendre le rétablissement ultérieur de
la continuité digestive beaucoup plus complexe avec la constitution d’u « pelvis gelé ». Il
n’existe aucune donnée factuelle permettant d’opter pour l’une ou l’autre attitude. Le choix va
reposer essentiellement sur l’expérience de l’opérateur, les conditions locales et l’état général
du patient. Un démontage de l’anastomose est recommandée en cas d’état de choc nécessitant
des drogues vasoactives, d’ischémie du colon abaissé, de péritonite stercorale avec fausses
membranes et en cas de désunion complète ou intéressant plus de la moitié de la circonférence
de l’anastomose. Dans tous les autres cas, il semble préférable de tout faire pour conserver
l’anastomose ce d’autant qu’il s’il s’agit d’un malade jeune ayant une maladie bénigne ou
maligne de bon pronostic chez qui le problème du rétablissement de la continuité digestive se
posera dans un futur proche.
TRAITEMENT
DE
LA
STENOSE
DE
L’ANASTOMOTIQUE
COLORECTALE
SEQUELAIRE D LA FISTULE ANASTOMOTIQUE
En cas de conservation de l’anastomose colorectale lors de la prise en charge initiale de la
fistule anastomotique, une sténose séquellaire de l’anastomose peut survenir dans 20 à 30%
des cas (5-7). Ce risque est d’autant plus important que la déhiscence anastomotique était
large (5). Cette sténose qui est le plus souvent asymptomatique du fait de la présence d’une
stomie en amont. Elle est en générale diagnostiquée, lorsqu’un rétablissement de la continuité
est envisagé, soit par un toucher rectal (qui permet de différentier les sténoses vraies des
simples diaphragmes facilement effondrés au doigt) lorsque l’anastomose est basse soit par
une opacification digestive réalisée. Il convient de distinguer les sténoses isolées pour les
quelles plusieurs options thérapeutiques sont possibles et celle qui sont associées à une fistule
borgne persistante pour les quelles une réintervention est quasiment toujours nécessaire.
En cas de sténose isolée sans fistule associé, différentes techniques non chirurgicales ont été
proposées allant de la simple dilatation à la bougie à l’application d’une pince circulaire en
trans anastomotique par voie trans-anale en cas de sténose basse (9), de la simple injection de
corticoïde à la dilatation pneumatique utilisant différents type de ballon de plus en plus
sophistiqués (6, 10-13). Dans toutes ces études, les résultats à 1 an sont assez satisfaisants
avec un taux de récidive de moins de 10% et une amélioration des symptômes dans 90% des
cas (10-13). Dans la plupart de ces études les sténoses anastomotiques n’étaient cependant pas
survenu dans les suites d’un sepsis pelvien grave et il est probable que dans cette dernière
situation le résultat à long terme des dilatations soit moins satisfaisants du fait de la fibrose
séquellaire du pelvis souvent présente après un sepsis grave. Néanmoins, ces techniques non
chirurgicales peuvent être essayé de première intention dans la mesure où elles ne
compromettent pas un geste chirurgical ultérieur.
En cas de sténose associé à une fistule persistante ou en cas d’échec des dilatations pour une
sténose isolée, une reprise chirurgicale est quasiment toujours nécessaire. Cette réintervention
doit être envisagée lorsqu’il n’y a plus de signe infectieux ou inflammatoire, lorsque le trajet
fistuleux est fibreux et bien organisé. En général un délai minimum de 4 à 6 mois après la
dernière intervention est nécessaire et il faut réaliser systématiquement une imagerie préopératoire pour s’assurer de l’absence d’une collection pelvienne persistante. Il est nécessaire
de bien prévenir le malade du risque de traumatisme nerveux et des séquelles en particulier
sexuelles qui peuvent en résulter ainsi que du risque d’un résultat fonctionnel parfois
médiocre et en tout cas toujours moins bon que lors de la chirurgie initiale.
Lorsque l’anastomose colorectale initiale est haut située, une réintervention par voie
abdominale est nécessaire et est en générale assez facilement réalisable. Cette intervention
consiste en une redissection complète du colon abaissée en faisant très attention à l’arcade
colique, une mobilisation systématique de l’angle gauche, une section systématique de l’artère
et de la veine mésentérique inférieure à son origine et à sa terminaison respectivement, une
mobilisation du rectum restant dans le plan du mésorectum jusqu’au plancher des releveurs et
en la confection d’une nouvelle anastomose colorectale mécanique plus bas située.
Lorsque l’anastomose colorectale initiale est basse, si pour certains il est tout à fait
envisageable de refaire ces anastomoses par voie endoanale, dans notre expérience cela a
toujours été techniquement difficile avec un taux d’échec était de l’ordre de 50% et il nous
paraît donc préférable d’envisager une voie combiné abdominale et périnéale, avec une
dissection du côlon abaissé et du rectum restant, la résection de l’anastomose et du bas rectum
et la confection d’une anastomose colo-anale manuelle, le plus souvent directe (par manque
de colon pour pouvoir réaliser un réservoir ou une anastomose latéro-terminale), à la ligne
pectinée. En effet, lorsque l’anastomose a été laissé en place, il est quasiment toujours
possible de pouvoir disséquer le moignon rectal restant mais il est souvent nécessaire de
commencer la dissection du moignon rectal par en arrière et de terminer la dissection par en
avant en faisant très attention à la vessie qui peut être venue s’accoler à l’anastomose. Dans
les cas difficile où il existe une désunion quasi complète de l’anastomose, après la
mobilisation du colon abaissé et la résection de l’anastomose, la dissection d’un moignon
rectal rétracté, ouvert, de petite taille peut être difficile avec un risque de traumatisme nerveux
chez l’homme. Dans ce cas il est parfois préférable de réaliser l’intervention de Soave qui
consiste à réaliser une simple mucosectomie (la plus complète possible) du moignon rectal et
d’abaisser le colon à l’anus au travers du manchon musculeux rectal pour réaliser
l’anastomose colo-anale (5).
Enfin au cours de ces réintervention, il est parfois difficile d’obtenir une longueur suffisante
de colon bien vascularisée pour pouvoir réaliser une anastomose colo-anale sans tension. Il est
alors parfois nécessaire de recourir à deux manoeuvres qui peuvent aider à gagner plus d’une
dizaine de centimètres : l’abaissement trans-mésentérique selon Toupet et la bascule du côlon
droit selon Deloyer (14-15). L’abaissement selon Toupet consiste à abaissé le colon mobilisé
au travers d’une fenêtre mésentérique suffisamment large pour éviter toute gène au retour
veineux, soit au travers de la racine du mésentère sous les premières anses iléales soit, à droite
de l’axe mésentérique supérieur sous les dernières anses entre les vaisseaux léo-coloappendiculaires et la terminaison de l’artère mésentérique inférieure. La bascule du colon
droit selon Deloyer consiste à mobiliser complètement le colon droit, à sectionner le pédicule
colique supérieur droit et à basculer le colon droit ainsi mobilisé dans le sens anti-horaire dans
la gouttière pariéto-colique pour éviter une rotation de 180° du pédicule vasculaire.
CONCLUSIONS
La fistule anastomotique est une complication grave et difficile à prendre en charge après une
chirurgie d’exérèse rectale et une anastomose colorectale. Le traitement initial de la fistule va
conditionner les possibilités du rétablissement ultérieur de la continuité digestive. C’est
pourquoi, si les conditions locales le permettent, il est préférable de tout faire pour conserver
l’anastomose. En cas de sténose séquellaire persistante de l’anastomose colorectale, une
réfection de l’anastomose avec la réalisation d’une nouvelle anastomose plus bas située est le
plus souvent possible avec une faible morbidité et un résultat fonctionnel acceptable.
REFERENCES
1. Matthiessen P, Hallböök O, Rutegård J, Simert G, Sjödahl R. Defunctioning stoma reduces
symptomatic anastomotic leakage after low anterior resection of the rectum for cancer: a
randomized multicenter trial. Ann Surg 2007;246:207-14.
2. Gastinger I, Marusch F, Steinert R, Wolff S, Koeckerling F, Lippert H; Working Group
'Colon/Rectum Carcinoma'. Protective defunctioning stoma in low anterior resection for rectal
carcinoma. Br J Surg 2005;92:1137-42.
3. Yeh CY, Changchien CR, Wang JY, et al. Pelvic drainage and other risk factors for leakage
after elective anterior resection in rectal cancer patients: a prospective study of 978 patients.
Ann Surg 2005;241:9-13.
4. Peeters KC, Tollenaar RA, Marijnen CA, et al. Risk factors for anastomotic failure after
total mesorectal excision of rectal cancer. Br J Surg 2005;92:211-6.
5. Schlegel RD, Dehni N, Parc R, Caplin S, Tiret E. Results of reoperations in colorectal
anastomotic strictures. Dis Colon Rectum 2001;44:1464-8.
6. Ambrosetti P, Francis K, De Peyer R, Frossard JL. Colorectal anastomotic stenosis after
elective laparoscopic sigmoidectomy for diverticular disease: a prospective evaluation of 68
patients. Dis Colon Rectum 2008;51:1345-9.
7. Bannura GC, Cumsille MA, Barrera AE, Contreras JP, Melo CL, Soto DC. Predictive
factors of stenosis after stapled colorectal anastomosis: prospective analysis of 179
consecutive patients. World J Surg 2004;28:921-5.
8. Soyer P, Boudiaf M, Alves A, et al. CT-Guided transgluteal approach for percutaneous
drainage of pelvic abscesses: results in 21 patients. Ann Chir 2005;130:162-8.
9. Pabst M, Giger U, Senn M, Gauer JM, Boldog B, Schweizer W. Transanal treatment of
strictured rectal anastomosis with a circular stapler device: simple and safe. Dig Surg
2007;24:12-4.
10. Lucha PA Jr, Fticsar JE, Francis MJ. The strictured anastomosis: successful treatment by
corticosteroid injections-report of three cases and review of the literature. Dis Colon Rectum
2005;48:862-5.
11. Nguyen-Tang T, Huber O, Gervaz P, Dumonceau JM. Long-term quality of life after
endoscopic dilation of strictured colorectal or colocolonic anastomoses. Surg Endosc
2008;22:1660-6.
12. Araujo SE, Costa AF. Efficacy and safety of endoscopic balloon dilation of benign
anastomotic strictures after oncologic anterior rectal resection: report on 24 cases. Surg
Laparosc Endosc Percutan Tech 2008;18:565-8.
13. Di ZH, Shin JH, Kim JH, Song HY. Colorectal anastomotic strictures: treatment by
fluoroscopic double balloon dilation. J Vasc Interv Radiol 2005;16:75-80.
14. Toupet A. Colectomie intermédiaire avec anastomose angulo-sigmoïdienne transmésentérique. Presse Med 1961;69:2693-4.
15. Deloyer L. La bascule du côlon droit permet sans exception de conserver le sphincter anal
après les colectomies étendues du transverse et du côlon gauche (rectum y compris).
Technique Indications – Résultats immédiats et tardifs. Lyon Chir 1964;60:404-13.
Fistules recto-vaginales après proctectomie
Pr Emmanuel Tiret
Service de chirurgie générale et digestive
Hôpital Saint-Antoine
184 rue de faubourg Saint-Antoine
75012 Paris
Les fistules recto-vaginales post-opératoires surviennent le plus souvent dans les suites d’une
résection rectale avec anastomose colo-rectale ou colo-anale faite pour cancer. Elles
compliquent plus rarement une résection rectale pour lésion bénigne telle que l’endométriose.
Enfin, elles peuvent se voir après coloproctectomie totale et anastomose iléo-anale.
Les tentatives de réparation doivent se faire à distance de la constitution de la fistule, une fois
réglés les problème septiques locaux.
La fistule recto-vaginale peut être haute, faisant communiquer le cul de sac vaginal postérieur
avec la face antérieure du rectum. Elle est favorisée par des antécédents d’hystérectomie. La
technique de réparation comporte une laparotomie, la séparation des deux organes, la
fermeture des deux orifices et l’interposition d’une épiplooplastie chaque fois qu’elle est
possible. Si la simple fermeture de l’orifice rectal n’est pas possible il faut refaire une
anastomose colorectale plus basse, à distance de la fermeture de l’orifice vaginal.
Plus souvent, la fistule est basse et fait communiquer une anastomose basse avec la paroi
postérieure du vagin.
Elle peut compliquer une résection rectale avec une anastomose colorectale basse ou coloanale, manuelle ou mécanique. Ces fistules sont favorisées par une dissection au contact
voire dans la paroi vaginale postérieure, et à fortiori en cas de plaie vaginale intentionnelle ou
non. Elles sont également favorisées par la survenue d’une désunion de l’anastomose avec
sepsis pelvien. Une radiothérapie pré-opératoire rend les chances de fermeture de la fistule
beaucoup plus aléatoires.
Le diagnostic est fait soit par l’examen clinique ou l’opacification de contrôle avant la
suppression de la stomie de protection, soit du fait de passages de gaz et/ou de selles par le
vagin. Le trajet est direct entre la face antérieure de l’anastomose et la paroi vaginale
postérieure.
Les techniques instrumentales telles que l’obturation du trajet par la colle biologique ou les
prothèses ne donnent pas de bons résultats en raison de l’absence de trajet intermédiaire.
Dans un premier temps, il faut drainer la fistule par un Séton et faire une stomie si elle n’est
pas déjà faite. Cela peut permettre à la fistule de se fermer.
En l’absence de fermeture, les techniques de réparation chirurgicale se divisent en deux
groupes :
•
Techniques locales, avec tentative de réparation directe par une voie d’abord
périnéale, trans-anale ou vaginale, avec des taux d’échec élevés
•
Techniques avec interposition d’un lambeau, soit lambeau de Martius, soit muscle
gracilis.
•
Techniques de réparation par une double voie d’abord abdominale et anale, avec les
interventions de Soave, ou les anastomoses colo-anales différées dérivées de la
technique de Babcock.
Les premières peuvent être tentées en premier en cas d’anastomose colo-anale ou colorectale très basse. En cas d’échec, il faut avoir recours à une interposition et l’intervention
qui donne les meilleurs résultats est la graciloplastie. Les techniques de Soave ou
d’anastomose colo-anale différée sont à envisager en cas d’échec des précédentes ou si
elles ne sont pas possibles.
Après coloproctectomie et anastomose iléo-anale, l’incidence des fistules vaginales varie de 3
à 16% selon les séries, en moyenne autour de 6%. Ces fistules surviennent soit précocement
(50%), et une faute technique est alors invoquée, soit tardivement, et c’est le plus souvent le
fait d’une maladie de Crohn. De nombreuse techniques ont été proposées, comportant toutes
un risque d’échec qui peut parfois conduire en dernier recours à l’ablation du réservoir iléal et
la remise en iléostomie terminale. La fistule se développe habituellement entre la face
antérieure de l’anastomose et la paroi postérieure du vagin, plus rarement entre le réservoir et
le vagin. Le trajet est direct et donc très court voire absent. Cette complication se voit aussi
bien après les anastomose faites à la main qu’après les anastomoses mécaniques. La fistule est
généralement le fait d’une complication septique dont la cause se situe au niveau de
l’anastomose. Dans un premier temps, la fistule doit être drainée par un Séton et le sepsis
pelvien traité. La réparation intervient une fois réglés les problèmes infectieux aigus qui
accompagnent la survenue de la fistule.
Les traitements non chirurgicaux tels qu’injection de colle ou la mise en place d’une prothèse
donnent des résultats décevants en raison de l’absence de trajet intermédiaire.
Les techniques de réparation se divisent en deux groupes :
•
Techniques de réparation par une voie d’abord périnéale, qui s’adressent à des fistules
simples, bas situées, éventuellement associées à une sténose si celle ci est courte,
inférieure à 2cm . La voie d’abord trans-anale est le plus souvent utilisée. Elle consiste
en un démontage complet, circulaire de l’anastomose iléo-anale, puis en une dissection
circonférentielle vers le haut du réservoir qui est séparé en avant de la paroi vaginale
postérieure. Cette dissection peut être difficile au début, au niveau de l’anastomose et
de la fistule, puis elle devient plus facile. Elle doit être poursuivie le plus haut
possible. Ensuite, l’orifice vaginal de la fistule est fermé et la zone de l’ancienne
anastomose est réséquée. Une nouvelle anastomose iléo-anale est faite à la main sous
le niveau de la précédente. Une voie d’abord vaginale a été rapportée, avec des taux de
succès voisins de 40%., en utilisant un lambeau vaginal en T inversé qui permet
d’avoir un accès à l’orifice intestinal qui est fermé par des points séparés.
•
L’interposition d’un lambeau permet de séparer les deux sutures. Il est théoriquement
possible de réaliser un lambeau de Martius, mais la technique le plus souvent réalisée
est l’interposition d’un muscle gracilis. En cas d’échec, une nouvelle tentative peut se
faire avec le muscle controlatéral.
•
Technique de réparation par une voie d’abord combinée abdominale et périnéale, qui
consiste à reprendre la laparotomie et la voie trans-anale, à démonter l’anastomose
iléo-anale, à disséquer complètement le réservoir par l’abdomen, à réséquer
l’ancienne anastomose et la zone fistuleuse, à redescendre le réservoir et à refaire une
nouvelle anastomose un peu plus bas que la précédente, sous couvert d’une iléostomie
de protection. . Cette intervention plus complexe que les précédentes se trouve
indiquée si les précédentes ne sont pas possibles et si elles ont échoué. Elle donne des
taux de succès supérieurs aux précédentes.
•
Toutes ces interventions sont habituellement réalisées sous couvert d’une iléostomie
temporaire. Elles comportent un risque d’échec, d’autant plus important qu’il s’agit
d’une maladie de Crohn.
Les indications dépendent de la symptomatologie. Compte tenu du risque d’échec, une fistule
peu symptomatique peut être ignorée. En effet, en cas d’échec l’intervention peut être
responsable d’une aggravation des symptômes dans la période post-opératoire, ce dont les
patientes doivent être prévenues.
Pour les fistules basses, cas de figure le plus souvent rencontré, une voie d’abord trans-anale
ou vaginale peut être tentée. En cas d’échec, la même intervention peut être retentée, ou faire
place à une interposition par lambeau de Martius ou de gracilis.
La double voie d’abord abdomino-périnéale est habituellement faite en cas d’échec des
techniques précédentes, ou si elles ne sont pas possibles.
Références
1. Gracilis muscle interposition for the treament of rectouretrhal, rectovaginal, and
pouch-vaginal fistulas. Results in 53 patients. Wexner S, Ruiz DE, Genua J et al. Ann
Surg 2008; 248: 39-43.
2. Pouch vaginal fistula after ileal pouch-anal anastomosis: treament and outcomes.
Jonhson PM, O’Connor BI, Cohen Z et al. Dis Colon Rectum 2005 ; 48 : 1249-53
3. Management and outcome of pouch-vaginal fistulas following restorative
proctocolectomy. Heriot AG, Tekkis P, Smith JJ et al. Dis Colon Rectum 2005; 48:
451-8
FISTULE URETRO-RECTALE APRES PROTATECTOMIE
Christophe LAURENT
Service de Chirurgie Digestive, Hôpital Saint-André, CHU de Bordeaux
Il s’agit d’une fistule uro-digestive entre la région de l’anastomose vésico-urétrale et la
jonction ano-rectale dont la fréquence est estimée entre 0.5 et 5.4%. La fistule est due à une
plaie rectale per-opératoire méconnue ou connue et suturée. Les facteurs prédisposant à la
survenue d’une plaie rectale per-opératoire sont des antécédents de radiothérapie pelvienne,
de chirurgie rectale ou de résection endoscopique de prostate. En revanche un stade tumoral
élevé n’augmente pas significativement le risque de plaie rectale.
La prévention repose essentiellement sur une dissection inter prostato-rectale atraumatique
soit de façon rétrograde soit antérograde. La section de l’extension inférieure du fascia rétro
prostatique de Denonvilliers située en arrière de l’urètre est délicate car accolée au cap anal.
La section élective de ce fascia et la libération instrumentale sous contrôle de la vue de ces
attaches a permis de diminuer le risque de plaie rectale. L’examen de la surface rectale en fin
de dissection, a pour but de rechercher une plaie rectale, reconnaissable à la présence de
berges de muqueuse rectale extériorisées à la face antérieure du rectum. Une fermeture en
deux plans muqueux et musculaire à points séparés de cette plaie permet une cicatrisation
sans fistule dans la majorité des cas.
En présence d’une plaie méconnue ou d’une cicatrisation défectueuse, le diagnostic est
évoqué devant l’émission d’urines par l’anus, une pneumaturie, une fécalurie et/ou des
infections urinaires à répétition. L’orifice fistuleux peut être visualisé au cours d’une
rectoscopie ou d’une urétrocystoscopie. Une cystographie per-mictionnelle au décours d’une
cystographie rétrograde ou d’un scanner pelvien permet de confirmer le diagnostic et de
visualiser le trajet de la fistule.
S’agissant d’une complication rare, la stratégie thérapeutique, rapportée par des séries
de quelques cas (1, 2), n’est pas définie. Le traitement conservateur (dérivation urinaire sus
pubienne +/- colostomie) est proposée le plus souvent dans l’espoir d’une fermeture
spontanée mais ne survient que rarement (<30%) et expose par la suite à un risque majeur de
sténose urétrale (3). Une large variété de procédures chirurgicales ont été décrites pour le
traitement des fistules urétro-rectale : abord trans anal, trans-sphinctérien, périnéal ou
abdominal. Concernant l’approche chirurgicale, il est nécessaire de respecter quelques
principes pour assurer une réparation adéquate et réduire le risque de récidive. Il est
recommandé de réaliser une excision complète du trajet fistuleux entre les deux organes avec
avivement des berges, en s’assurant que les orifices urétral et rectal ne sont plus en contact en
interposant un lambeau muqueux ou un tissu vascularisé (épiploon, muscle…). Il est aussi
recommandé de mettre en place une dérivation urinaire (trans urétrale ou sus pubienne)
associée à une colostomie afin d’assécher la zone cicatriciel jusqu’à l’obtention de la
cicatrisation (6 à 8 semaines).
Le traitement de la fistule urétro-rectale par voie trans-anale offre les avantages d’une
intervention sans morbidité et sans altération du sphincter. Il consiste en une résection de
l’orifice fistuleux suivi d’une réparation par un lambeau muqueux rectal d’avancement. Le
taux de succès de cette intervention oscille entre 29 et 88% avec un risque d’incontinence
anale de 5% (4-6). Cependant cette technique n’est pas optimale en raison de la mauvaise
exposition et d’une mauvaise manœuvrabilité instrumentale. Aussi, cette approche trans-anale
reste limitée aux fistules basses et de petit calibre.
Deux voies d’abord postérieure ont été décrites pour le traitement des fistules urétro-rectales :
abord trans-coccygien (Kraske) et abord trans-sphinctérien (York-Mason). En raison de
l’importante morbidité induite par la résection distale du sacrum et du fort risque
d’incontinence anale, la voie d’abord de Kraske a été abandonnée au profit de celle de York
Mason. Cette approche offre l’avantage d’une exposition rapide au travers de tissus sains, une
excellente visualisation de la fistule et un espace suffisant pour manipuler les instruments. La
technique consiste à réaliser la résection du trajet fistuleux en totalité et de suturer la plaie
urétrale en association avec une réparation de la plaie rectale par un lambeau muqueux
d’avancement. Le succès de l’intervention est essentiellement basé sur l’absence de
superposition de ces deux sutures (fig 1). Si les principes de la techniques sont bien respectés
le taux de récidive est < 15% avec un risque très faible d’incontinence anale malgré la section
des releveurs (7, 8). L’inconvénient de cette technique est qu’elle n’est pas adaptée pour la
réparation de fistule complexe.
L’abord périnéal évite un passage trans-sphinctérien tout en assurant une exposition
satisfaisante. Cependant elle impose une dissection dans des tissus cicatriciels qui peuvent
gêner considérablement l’abord du trajet fistuleux et augmenter le risque de perforation
rectale. Le principe de réparation est le même que celui décrit ci-dessus, mais certains auteurs
ont proposé d’interposer entre les deux sutures du tissu vivant vascularisé tels que le muscle
gracilis (fig 2) (9) ou un lambeau myocutané de Dartos (10) diminuant ainsi le risque de
récidive de la fistule. Le taux de succès de ce type de procédure varie de 83 à 100% sans
risque d’incontinence anale (2, 9).
L’approche par une voie abdominale permet la réalisation simultanée d’une diversion fécale
et d’un traitement de la fistule urétro-rectale. Différentes stratégies ont été proposées allant de
la simple interposition du grand épiploon entre le rectum et la jonction urétro-vésicale (11) à
la protectomie avec anastomose colo-anale différée (12). Cependant ces interventions doivent
être réservées aux larges fistules recto-vésicale en raison de leur morbidité, de la difficulté
d’exposition dans un pelvis le plus souvent étroit et du risque majeur d’incontinence en cas de
coloanale différée.
En pratique et selon l’équipe de la Mayo Clinic, la prise en charge optimale des
fistules urétro-rectale nécessite une équipe chirurgicale incluant un urologue et un chirurgien
colorectale. Il est recommandé, en cas de sepsis initial de réaliser une double diversion
urinaire et fécale et de différer la réparation de 2 mois afin d’éviter d’avoir des tissus trop
inflammatoires. Ensuite, en cas d’échec d’une réparation locale, il peut être proposé une voie
périnéale avec interposition d’un muscle.
BIBLIOGRAPHIE
1- Munoz M, Nelson H, Harrington J et al. Management of acquired rectourinary fistulas. Dis
Clon Rectum 1998;41:1230-8.
2- Nyam DC, Pemberton JH. Management of iatrogenic rectouthral fistula. Dis Colon Rectum
1999 ;42 :994-7.
3- Al Ali M, Kashmoula D, Saoud IJ. Experince with 30 postraumatic recturethral fistulas:
presentation of posterior transphincteric anterior wall advancement. J Urol 1997;158:421-4.
4- Mizrahi N, Wexner, S, Zmora O, et al. Dis Colon Rectum 2002;45:1616-21
5- Sonoda, Fazio et al, Diseases Colon Rectum , 2002, 45,1622 -28
6- Garofalo T, Delaney C, Jones S, Remzi F, Fazio V. Dis colon Rectum, 2003, 46; 762-9.
7- Burkowski TP, Chakrabatry A, Powell I et al. Acquired rectourethral fistula: methods of
repair. J Urol 1995;153:730-3.
8- Fengler SA, Abcarian H. The York Masonapproach for repair of iatrogenic rectourinary
fistulae. Am J Surg 1996;172:213-7.
9- Zmora O, Potenti F, Wexner et al. Gracilis muscle transposition for iatrogenic rectourethral
fistula. Ann Surg 2003;237:483-7.
10- Varma M, Wang J, Garcia-Aquilar J et al. Dartos muscle interposition flap for the
treatment of rectourethral fistulas. Dis Colon rectum 2007;50: 1849-55
11- Tripitelli A, Barbagli G, Lenzi R et al. Surgical treatment of rectourethral fistulae. Eur
Urol 1985;11:388-91.
12- Tipcraft RC, Moston RW, Costello AJ et al. Fistulae involving the rectum and urethra:the
place of Park’s operation
Fistule urétro-rectale
Incision
périnéale
Résection fistule
et suture urétrale
Lambeau
d’avancement
rectal
Figure 1: Voie de York Mason avec résection de la fistule et flambeau d’avancement
rectal
Muscle gracilis
Incision périnéale
Figure 2 : Voie périnéale avec interposition d’un muscle gracilis
Complications anastomotiques tardives après traitement radiochirurgical d’un
cancer du rectum.
Bernard Lelong, Jean Robert Delpero, Département de Chirurgie Oncologique, Institut Paoli
Calmettes, Marseille.
Le traitement locorégional du cancer du rectum s’est significativement intensifié depuis 1994.
Une radiothérapie, puis une radiochimiothérapie pré-opératoire ont fait la preuve de leur
bénéfice sur le contrôle local (1,2). Il est en parallèle indiqué d’exciser la totalité du
mésorectum(3) pour les tumeurs des bas et moyen rectum.
Les complications chirurgicales précoces sont bien décrites, pour certaines majorées par la
réalisation de l’irradiation pré-opératoire. Les complications anastomotiques post –opératoires
ont une fréquence d’environ 15% avec un impact incertain de l’irradiation, à la différence des
complications périnéales après amputation, clairement majorées par l’irradiation (1,2).
Les complications chirurgicales« tardives », dont la définition reste imprécise, sont moins
bien connues, en raison en particulier de leur latence qui échappe à la saisie habituelle des
complications relevées à 1 ou à 3 mois post-opératoires. La fréquence de ces complications
semble faible de l’ordre de 1-2 % mais pourrait être sous-estimée. Le suivi à long terme du
Swedish Rectal Cancer Trial (14 ans) a permis de retrouver plus de 1% de fistules tardives (>
6 mois post opératoires), respectivement (4). La série de la Mayo Clinic (6) retrouve sur 192
anastomoses colo-anales, 1 fistule et 3 abcès tardifs ( 2,1%) définis comme survenant après un
mois ou après remise en circuit. Dans l’étude récente de Pucciarelli et al (6), concernant des
patients ayant tous reçus une radiochimiothérapie, les complications anastomotiques tardives
(définies comme survenant après six mois) surviennent à une fréquence non négligeable par
rapport aux complications précoces (1% contre 2%). Pour les auteurs, ces complications
tardives sont liées à l’irradiation. Compte tenus de l’ensemble des taux rapportés dans ces
études récentes, il est probable que la fréquence soit sous-estimée.
La survenue de complications anastomotiques tardives soulève la question de facteurs
favorisants :
1/Pour de nombreux auteurs, celles-ci sont favorisées par l ‘irradiation pelvienne. Dans le
suivi à long terme des patients du Sweedish rectal Cancer Trial (4), les réhospitalisations
tardives pour sepsis, et pour symptomatologie intestinale tendaient à être plus fréquentes chez
les patients irradiés ( respectivement RR 1.4 p=0.08 et RR 1.23 p=0.09). Les fistules tardives
étaient deux fois plus fréquentes en cas d’irradiation, mais sans significativité (0.9% et 1.6%,
p=0.4). Il est en outre souvent difficile de distinguer d’authentiques complications tardives et
des complications cicatricielles chroniques.
2/Plusieurs rapports ou courtes séries ont récemment mis en évidence des complications
anastomotiques tardives concomitantes d’un traitement antiangiogénique (Bévacizumab )
instauré pour récidive métastatique. Dans notre expérience (7), parmi 142 patients traités par
bévacizumab pour métastases d’un cancer colorectal préalablement réséqué, 4 complications
anastomotiques tardives ont été observées (soit 2.8 % de l’ensemble de la cohorte). Ces
complications concernaient des patients ayant tous eu un traitement radio-chirurgical standard
pour un cancer du bas ou moyen rectum avec anastomose basse, transitoirement protégée et
secondairement remise en circuit. La latence moyenne entre la chirurgie rectale et la
complication sous Bevacizumab était de 35 mois (11 – 57 mois). Les signes cliniques de
complications survenaient dans un délai moyen de 2 semaines à partir de l’introduction du
Bevacizumab. Tous les patients sauf un ont été drainés chirurgicalement et dérivés. Aucun
décès n’a été observé. Le risque de complication anastomotique sous Bévacizumab après
traitement radio-chirurgical et anastomose basse pour un cancer du moyen ou bas rectum est
donc dans notre expérience de 15%, et justifie une discussion au cas par cas de l’indication
thérapeutique. Des cofacteurs pourraient être associés à ces complications : l’existence d’une
fistule initiale ayant cicatrisé (7), la prescription d’anti-inflammatoires (8), une exérèse
chirurgicale élargie (9), une pathologie inflammatoire digestive associée (10).
3/La prise en charge des complications anastomotiques tardives pose un certain nombre de
problème spécifiques :
a/ Le diagnostic différentiel avec une récidive loco-régionale est souvent difficile à établir à
l’imagerie, en particulier le PET FDG a peu de valeur. Seule une histologie positive, réalisée
par scanner ou endoscopie, permet d’affirmer le diagnostic de récidive.
b/ Sur le plan clinique, l’aspect parfois latent, en particulier en cas de fistule colo-vésicale
peut faire différer un traitement chirugical radical.
c/ Sur le plan chirugical, la cure de ces fistules peut permettre le maintien d’une continuité
digestive, avec en général 2 principes techniques fondamentaux : une réfection
anastomotique, l’anastomose colo-anale différée ayant été à ce jour la mieux évaluée (11), et
en cas de fistule avec un autre organe pelvien un lambeau d’interposition.
Références :
1/ Peeters KC, Marijnen CA, Nagtegaal ID, et al ; Dutch Colorectal Cancer Group. The TME trial
after a median follow-up of 6 years: increased local control but no survival benefit in irradiated
patients with resectable rectal carcinoma.
Ann Surg. 2007 Nov;246(5):693-701.
2/ Bosset JF, Collette L, Calais G, et al; EORTC Radiotherapy Group Trial 22921. Chemotherapy with
preoperative radiotherapy in rectal cancer.N Engl J Med. 2006 Sep 14;355(11):1114-23
3/ Martling A, Holm T, Rutqvist LE, et al. Impact of a surgical training programme on rectal cancer
outcomes in Stockholm. Br J Surg. 2005 Feb;92(2):225-9.
4/ Birgisson H, Påhlman L, Gunnarsson U, et al. Late gastrointestinal disorders after rectal cancer
surgery with and without preoperative radiation therapy.Br J Surg. 2008 Feb;95(2):206-13.
5/ Hassan I, Larson DW, Wolff BG, et al. Impact of pelvic radiotherapy on morbidity and durability of
sphincter preservation after coloanal anastomosis for rectal cancers.
Dis Colon Rectum. 2008 Jan;51(1):32-7.
6/ Pucciarelli S, Gagliardi G, Maretto I, et al. Long-term oncologic results and complications after
preoperative chemoradiotherapy for rectal cancer: a single-institution experience after a median
follow-up of 95 months. Ann Surg Oncol. 2009 Apr;16(4):893-9.
7/ Bège T, Lelong B, Viret F, et al. Bevacizumab-related surgical site complication despite primary
tumor resection in colorectal cancer patients. Ann Surg Oncol. 2009 Apr;16(4):856-60.
8/ Collins D, Ridgway PF, Winter et al. Gastrointestinal perforation in metastatic carcinoma: A
complication of Bevacizumab therapy. Eur J Surg Oncol. 2008 Apr 14.
9/ Ley EJ, Vukasin P, Kaiser AM, Ault G, Beart RW Jr. Delayed rectovaginal fistula: a potential
complication of Bevacizumab (Avastin). Dis Colon Rectum 2007 Jun;50(6):930.
10/Adenis A, Vanseymortier L, Foissey D, Colombel JF. Bevacizumab and postponed suture leakages
after surgery for ulcerative colitis and rectal cancer. Gut. 2007 May;56(5):734
11/ Olagne E, Baulieux J, de la Roche E, et al. Functional results of delayed coloanal anastomosis
after preoperative radiotherapy for lower third rectal cancer. J Am Coll Surg. 2000 Dec;191(6):643-9

Documents pareils