Fistules colo-rectales complexes - Chirurgie
Transcription
Fistules colo-rectales complexes - Chirurgie
Congrès de l’Association Française de Chirurgie Paris du 30 septembre au 2 octobre 2009 Séance de Formation Chirurgicale Continue FCC 12 ____________________________________ Traitement des fistules colo-rectales complexes Organisateur : E. Rullier (Bordeaux) Président : E. Tiret (Paris) Modérateurs : Y. Panis (Clichy) SOMMAIRE Fistule de l’anastomose iléo-colique avec abcès G. Portier (Toulouse) Fistule de l’anastomose colo-rectale avec sténose cicatricielle S. Benoist (Paris) Fistule recto-vaginale après proctectomie E. Tiret (Paris) Fistule rectro-urétrale après prostatectomie C. Laurent (Bordeaux) Fistule anale avec maladie de Crohn Y. Panis (Clichy) Fistule périnéale récidivante A. Lelong, JR Delpero (Marseille) Fistules en chirurgie colorectale: points communs et cas particulier des fistules iléocoliques après colectomie droite. G. PORTIER – CHU Purpan – Université Paul Sabatier – Toulouse. Les fistules anastomotiques après colectomie représentent la complication la plus redoutée après colectomie. En effet, la survenue d'une fistule est responsable d'une surmortalité, d'une surmorbidité associée, d'une prolongation de l'hospitalisation, et d'un surcoût global. Une étude médico-économique a estimé que <60% du surcoût lié à une fistule était du à la prolongation du séjour hospitalier, et 40% aux moyens diagnostiques et thérapeutiques déployés. Dans les cas de colectomies pour cancer, une association entre fistule anastomotique et récidives tumorales semble exister [1, 2]. Le taux de fistules après chirurgie colorectale est très variable selon les auteurs, entre 0 et 2% pour les anastomoses colo-coliques, et jusqu'à 19% pour les anastomoses colorectales ou colo-anales [3]. La traditionnelle préparation mécanique préopératoire du côlon est progressivement abandonnée, puisque plusieurs études randomisées ont démontré son inutilité, voire sa dangerosité [4]. La gravité de la fistule dépend de plusieurs facteurs: l'existence initiale d'un choc, la situation intra ou extrapéritonéale, l'état général initial du patient, la taille de l'orifice fistuleux, l'existence d'une stomie d'amont ou non, le délai de diagnostic et donc de début du traitement. La surveillance postopératoire est donc cruciale ce d'autant qu'une complication dépistée précocement pourra plus souvent faire l'objet d'un traitement conservateur. Ceci est particulièrement vrai après chirurgie laparoscopique [5]. La morbidité d'une nouvelle laparoscopie est significativement moindre comparée à celle d'une nouvelle laparotomie [6]. De la combinaison de ces facteurs découlent les principes de prise en charge. Etant donné la faible incidence des fistules, et leur gravité initiale, il est difficile de construire des études randomisées fiables, ce qui explique le faible niveau de preuve disponible dans la littérature. Certains principes de base, commun à tous les auteurs, ne sont pas remis en question: Correction de l'état hémodynamique par remplissage vasculaire, antibiothérapie parentérale à large spectre active sur les entérobactéries et les germes anaérobies, initialement probabiliste, puis adaptée aux germes identifiés après prélèvements, drainage des abcès, lavage abondant au sérum physiologique de la cavité péritonéale lors d'une laparotomie en urgence pour péritonite. La stratégie thérapeutique dépend de la présentation clinique et radiologique initiale. Les fistules sur anastomoses extrapéritonéales colorectales ou colo-anales représentent un cadre particulier. Pour les anastomoses intra-abdominales, survenant en zone péritonisée et donc innervée, les signes initiaux sont classiquement des signes de péritonite, et sont en général rapidement suspectées cliniquement. Une fois la fistule avérée, trois situations distinctes peuvent être schématiquement définies: - La péritonite généralisée d'emblée avec signes septiques sévères. - La péritonite localisée (ou abcès intrapéritonéal) avec signes septiques modérés. - La fistule anastomotique a minima, sans signes généraux. Ces trois situations ont fait l'objet d'une tentative de consensus formalisé par les experts du groupe international d'étude sur les fistules anastomotiques [3]. Les conclusions de ce rapport représentent le meilleur niveau de preuve scientifique disponible, bien que le grade de recommandations soit malgré tout faible par manque de données factuelles, dans une situation très variable selon les cas. Quelques principes se dégagent cependant: - pour les péritonites généralisées sévères avec signes de choc: une réintervention en urgence après mise en œuvre des mesures de réanimation, s'impose. Le geste chirurgical après toilette péritonéale dépend alors des constatations peropératoires. En cas de défect anastomotique majeur, la résection de l'anastomose responsable est réalisée, avec création d'une double stomie pour les anastomoses proximales (iléocoliques, colocoliques), ou réalisation d'une intervention de Hartmann pour les anastomoses distales. Une alternative est de réséquer l'anastomose puis d'en confectionner une nouvelle associée à une stomie latérale d'amont. Cette attitude réduit sans doute la morbidité ultérieure liée au rétablissement de continuité. Elle n'est cependant possible que lorsque l'état hémodynamique du patient est stable, que le patient n'est pas "malnutri" (ce qui signifie soit dénutri, soit obèse sévère), qu'il n'existe pas de contexte de maladie inflammatoire du tube digestif, et que les segments digestifs permettent une anastomose sans aucune tension sur des tissus bien vascularisés et peu inflammatoires. Lorsqu'il existe une fuite anastomotique minime, et dans les limites de conditions locales décrites précédemment, une réparation anastomotique avec stomie d'amont et drainage au contact peut-être réalisée. Les mesures associées comme une omentoplastie, ou l'utilisation de colles biologiques, n'ont pas montré d'avantage évaluable. Dans tous les cas, un drainage péritonéal semble recommandé par les experts. Quelque soit le type de dérivation choisi, le délai à respecter avant nouvelle laparotomie pour rétablissement de continuité doit être supérieur à 3 mois, afin d'éviter la persistance de phénomènes inflammatoires intrapéritonéaux qui rendent plus risquée la dissection des anses digestives. - En cas de péritonites localisées, avec signes septiques modérés: un bilan morphologique précis peut-être réalisé. L'examen le plus performant est le scanner abdominopelvien, associé à une opacification digestive par lavement aux hydrosolubles. L'attitude thérapeutique dépend alors de la taille, du nombre, et de la localisation des collections abdominales observées, ainsi que de la disponibilité d'une équipe de radiologie interventionnelle performante. Le drainage percutané sous guidage radiologique, lorsqu'il est réalisable, est la meilleure option pour le patient, en évitant une nouvelle laparotomie et ses potentielles complications. Les critères prédictifs de succès du drainage percutané sont un nombre limité de collections, une taille supérieure à 3 cm, et une localisation facilement ponctionnable. Dans tous les cas, un drain est laissé en place, de préférence de bon calibre, à double courant, permettant un lavage et une aspiration continus. Une fréquente cause d'échec est le retrait trop précoce du drain, ou son obstruction, notamment par absence de lavage. L'efficacité clinique et biologique du drainage doit être obtenue rapidement (moins de 48 heures), et une réintervention doit être discutée au moindre doute. - Dans les situations d'abcès péri-anastomotiques de moins de 3 cm, sans signes généraux, il est recommandé de ne pas les drainer. Une antibiothérapie parentérale à large spectre est le plus souvent efficace, et permet de vérifier radiologiquement la disparition de l'abcès en quelques semaines. Ces recommandations s'appliquent à tous les types d'anastomoses intrapéritonéales. Quelques points particuliers aux fistules iléocoliques peuvent être soulignés: Leur incidence est faible dans la littérature, allant de 0,02% à 4% selon les séries [3]. Dans une étude récente de l'AURC, le seul facteur significativement prédictif de l'apparition d'une fistule après colectomie droite était l'existence d'une perte de poids préopératoire supérieure à 10% du poids initial [7]. Il ne semble pas exister de différence de taux de fistules selon la technique anastomotique, manuelle ou mécanique [8]. L'hypochondre droit est en général facilement accessible par les radiologues interventionnels et les drainages radiologiques sont en général réalisables. Cette option est, lorsque possible, d'autant plus satisfaisante, qu'une reprise chirurgicale imposerait une iléostomie, exposant alors le patient à un risque de déshydratation en cas de débit élevé. Enfin, les fistules iléocoliques après résection iléocæcale pour maladie de Crohn posent un problème particulier. Les indications de résection dans cette pathologie ont été considérablement modifiées depuis l'utilisation des anticorps monoclonaux anti TNFα (Remicade®, Humira®). Une étude récente a montré que l'utilisation de ces anticorps dans les 3 mois précédant l'intervention augmentait le risque de complications postopératoires, y compris l'apparition de fistules anastomotiques, d'abcès intra-abdominaux, et de réhospitalisations, sauf en cas de stomie de protection [9]. De nouvelles stratégies médicochirurgicales seront donc sans doute à évaluer dans le cadre des MICI. Références: 1. Branagan G, Finnis D. Prognosis after anastomotic leakage in colorectal surgery. Dis Colon Rectum. 2005;48(5):1021-6. 2. Walker KG, Bell SW, Rickard MJ, Mehanna D, Dent OF, Chapuis PH, et al. Anastomotic leakage is predictive of diminished survival after potentially curative resection for colorectal cancer. Ann Surg. 2004;240(2):255-9. 3. Phitayakorn R, Delaney CP, Reynolds HL, Champagne BJ, Heriot AG, Neary P, et al. Standardized algorithms for management of anastomotic leaks and related abdominal and pelvic abscesses after colorectal surgery. World J Surg. 2008;32(6):1147-56. 4. Slim K, Vicaut E, Launay-Savary MV, Contant C, Chipponi J. Updated systematic review and meta-analysis of randomized clinical trials on the role of mechanical bowel preparation before colorectal surgery. Ann Surg. 2009;249(2):203-9. 5. Mosnier H, Ribeiro L. [Laparoscopic colorectal surgery: post-operative care should detect complications early when they can be remedied by a laparoscopic reintervention]. J Chir (Paris). 2008;145(4):307-9. 6. Wind J, Koopman AG, van Berge Henegouwen MI, Slors JF, Gouma DJ, Bemelman WA. Laparoscopic reintervention for anastomotic leakage after primary laparoscopic colorectal surgery. Br J Surg. 2007;94(12):1562-6. 7. Veyrie N, Ata T, Muscari F, Couchard AC, Msika S, Hay JM, et al. Anastomotic leakage after elective right versus left colectomy for cancer: prevalence and independent risk factors. J Am Coll Surg. 2007;205(6):785-93. 8. Kracht M, Hay JM, Fagniez PL, Fingerhut A. Ileocolonic anastomosis after right hemicolectomy for carcinoma: stapled or hand-sewn? A prospective, multicenter, randomized trial. Int J Colorectal Dis. 1993;8(1):29-33. 9. Appau KA, Fazio VW, Shen B, Church JM, Lashner B, Remzi F, et al. Use of infliximab within 3 months of ileocolonic resection is associated with adverse postoperative outcomes in Crohn's patients. J Gastrointest Surg. 2008;12(10):1738-44. Traitement des fistules d’une anastomose colorectale avec sténose cicatricielle Stéphane Benoist, Service de Chirurgie Oncologique et Digestives, Hôpital Ambroise Paré, 92100 Boulogne INTRODUCTION La fistule anastomotique est la complication spécifique la plus fréquente et probablement la plus difficile à prendre en charge après une chirurgie d’exérèse rectale et une anastomose colorectale. Ce risque de désunion anastomotique varie entre 5 et 20% et il est d’autant plus élevé que l’anastomose colo-rectale est basse (1-4). Outre les conséquences immédiates, liées au sepsis, les fistules anastomotiques ont des conséquences sérieuses à long terme et en particulier la sténose anastomotique qui peut survenir dans 20 à 30 % des cas (5-7). La prise en charge d’une fistule d’une anastomose colorectale avec sténose cicatricielle pose deux types de problèmes auxquels nous allons tenter d’apporter des réponses : 1) quel traitement initial faut-il instituer ? 2) Comment traiter la fistule séquellaire ? TRAITEMENT INTIAL DE LA FISTULE COLORECTALE La prise en charge initiale d’une désunion anastomotique dépend de sa présentation clinique. Il peut s’agir d’une fistule borgne asymptomatique, découverte lors de l’opacification précédant la fermeture de l’iléostomie protégeant l’anastomose, d’un abcès périanastomotique ou d’une péritonite postopératoire. En cas de fistule asymptomatique de découverte radiologique sur une image d’addition, il est préférable de différer la fermeture de l’iléostomie de 2 à 3 mois, après avoir contrôlé radiologiquement la disparition de l’image d’addition . Si celle-ci persiste au-delà de 3 mois, certains préconisent la fermeture de l’iléosomie latérale, éventuellement après un examen sous anesthésie de l’anastomose, pour d’autres il est préférable d’attendre 6 mois jusqu’à la « guérison » radiologique. Dans la majorité des cas la fistule d’une anastomose colorectale se traduit cliniquement par un abcès pelvien. Les circonstances révélatrices de ce sepsis sont très variées : douleur périnéale, écoulement purulent par l’anus, fièvre, signes urinaires, troubles psychiques, etc. Un examen tomodensitométrique avec opacification digestive permet de faire aisément le diagnostic. L’origine du sepsis étant une désunion anastomotique, le plus logique est de drainer l’abcès dans le tube digestif, en agrandissant l’orifice fistuleux. Ceci est toujours possible et très simple à réaliser par voie périnéale au cours d’une courte anesthésie générale en cas d’anastomose colorectale basse. Dans ce cas, la déhiscence anastomotique est repérée et agrandie, le pus est évacué, les parois de l’abcès sont curetés et la cavité est drainée par un ou deux drains trans anastomotiques, sortant par l’anus, qui sont laissés en place pour permettre des irrigations ultérieures. Evidemment, si cela n’est pas déjà le cas, une iléostomie est réalisée. Lorsque l’anastomose colorectale est plus haut située, le drainage trans anastomotique par voie trans-anale n’est pas réalisable et il peut être tenté un drainage percutané par voie radiologique de cet abcès associé à une antibiothérapie intraveineuse à large spectre. L’efficacité d’un tel drainage est néanmoins plus faible car il, crée un trajet supplémentaire entre l’abcès et la paroi, ne permet pas le curetage de la cavité abcédée, est rarement déclive et utilise des drains souvent très souples et de petit calibre qui ne permettent pas la réalisation de lavages abondants. Néanmoins des résultats encourageant s ont été rapportés après drainage trans gluthéal qui peut permettent d’éviter une réintervention dans plus de la moitié des cas (8). En cas d’échec de toutes ces procédures, il est parfois nécessaire de recourir à un drainage chirurgical qui généralement s’associe à une conservation de l’anastomose et la réalisation d’une stomie de protection quand elle n’a pas déjà été réalisée au cours de la première intervention. Lorsque la fuite anastomotique se traduit d’emblée par une péritonite, il faut réopérer le patient par laparotomie pour laver la cavité abdominale et deux stratégies sont alors possibles: un système de drainage au contact de la fistule avec une stomie latérale de dérivation ou un démontage de l’anastomose avec fermeture du moignon distal et colostomie iliaque gauche. La première solution a pour avantage d’être simple et rapide à réaliser et de permettre en cas de guérison de la fistule sans séquelle un rétablissement de continuité assez facile mais a pour inconvénients le risque de persistance d’un sepsis pelvien par insuffisance de drainage avec la nécessité de réinterventions itératives grevées d’une mortalité opératoire plus élevée et le risque de chronicisation de la fistule ou de sténose de l’anastomose. Le démontage de l’anastomose a pour avantage de traiter radicalement le sepsis pelvien et la fistule avec une mortalité opératoire faible mais a pour inconvénient de rendre le rétablissement ultérieur de la continuité digestive beaucoup plus complexe avec la constitution d’u « pelvis gelé ». Il n’existe aucune donnée factuelle permettant d’opter pour l’une ou l’autre attitude. Le choix va reposer essentiellement sur l’expérience de l’opérateur, les conditions locales et l’état général du patient. Un démontage de l’anastomose est recommandée en cas d’état de choc nécessitant des drogues vasoactives, d’ischémie du colon abaissé, de péritonite stercorale avec fausses membranes et en cas de désunion complète ou intéressant plus de la moitié de la circonférence de l’anastomose. Dans tous les autres cas, il semble préférable de tout faire pour conserver l’anastomose ce d’autant qu’il s’il s’agit d’un malade jeune ayant une maladie bénigne ou maligne de bon pronostic chez qui le problème du rétablissement de la continuité digestive se posera dans un futur proche. TRAITEMENT DE LA STENOSE DE L’ANASTOMOTIQUE COLORECTALE SEQUELAIRE D LA FISTULE ANASTOMOTIQUE En cas de conservation de l’anastomose colorectale lors de la prise en charge initiale de la fistule anastomotique, une sténose séquellaire de l’anastomose peut survenir dans 20 à 30% des cas (5-7). Ce risque est d’autant plus important que la déhiscence anastomotique était large (5). Cette sténose qui est le plus souvent asymptomatique du fait de la présence d’une stomie en amont. Elle est en générale diagnostiquée, lorsqu’un rétablissement de la continuité est envisagé, soit par un toucher rectal (qui permet de différentier les sténoses vraies des simples diaphragmes facilement effondrés au doigt) lorsque l’anastomose est basse soit par une opacification digestive réalisée. Il convient de distinguer les sténoses isolées pour les quelles plusieurs options thérapeutiques sont possibles et celle qui sont associées à une fistule borgne persistante pour les quelles une réintervention est quasiment toujours nécessaire. En cas de sténose isolée sans fistule associé, différentes techniques non chirurgicales ont été proposées allant de la simple dilatation à la bougie à l’application d’une pince circulaire en trans anastomotique par voie trans-anale en cas de sténose basse (9), de la simple injection de corticoïde à la dilatation pneumatique utilisant différents type de ballon de plus en plus sophistiqués (6, 10-13). Dans toutes ces études, les résultats à 1 an sont assez satisfaisants avec un taux de récidive de moins de 10% et une amélioration des symptômes dans 90% des cas (10-13). Dans la plupart de ces études les sténoses anastomotiques n’étaient cependant pas survenu dans les suites d’un sepsis pelvien grave et il est probable que dans cette dernière situation le résultat à long terme des dilatations soit moins satisfaisants du fait de la fibrose séquellaire du pelvis souvent présente après un sepsis grave. Néanmoins, ces techniques non chirurgicales peuvent être essayé de première intention dans la mesure où elles ne compromettent pas un geste chirurgical ultérieur. En cas de sténose associé à une fistule persistante ou en cas d’échec des dilatations pour une sténose isolée, une reprise chirurgicale est quasiment toujours nécessaire. Cette réintervention doit être envisagée lorsqu’il n’y a plus de signe infectieux ou inflammatoire, lorsque le trajet fistuleux est fibreux et bien organisé. En général un délai minimum de 4 à 6 mois après la dernière intervention est nécessaire et il faut réaliser systématiquement une imagerie préopératoire pour s’assurer de l’absence d’une collection pelvienne persistante. Il est nécessaire de bien prévenir le malade du risque de traumatisme nerveux et des séquelles en particulier sexuelles qui peuvent en résulter ainsi que du risque d’un résultat fonctionnel parfois médiocre et en tout cas toujours moins bon que lors de la chirurgie initiale. Lorsque l’anastomose colorectale initiale est haut située, une réintervention par voie abdominale est nécessaire et est en générale assez facilement réalisable. Cette intervention consiste en une redissection complète du colon abaissée en faisant très attention à l’arcade colique, une mobilisation systématique de l’angle gauche, une section systématique de l’artère et de la veine mésentérique inférieure à son origine et à sa terminaison respectivement, une mobilisation du rectum restant dans le plan du mésorectum jusqu’au plancher des releveurs et en la confection d’une nouvelle anastomose colorectale mécanique plus bas située. Lorsque l’anastomose colorectale initiale est basse, si pour certains il est tout à fait envisageable de refaire ces anastomoses par voie endoanale, dans notre expérience cela a toujours été techniquement difficile avec un taux d’échec était de l’ordre de 50% et il nous paraît donc préférable d’envisager une voie combiné abdominale et périnéale, avec une dissection du côlon abaissé et du rectum restant, la résection de l’anastomose et du bas rectum et la confection d’une anastomose colo-anale manuelle, le plus souvent directe (par manque de colon pour pouvoir réaliser un réservoir ou une anastomose latéro-terminale), à la ligne pectinée. En effet, lorsque l’anastomose a été laissé en place, il est quasiment toujours possible de pouvoir disséquer le moignon rectal restant mais il est souvent nécessaire de commencer la dissection du moignon rectal par en arrière et de terminer la dissection par en avant en faisant très attention à la vessie qui peut être venue s’accoler à l’anastomose. Dans les cas difficile où il existe une désunion quasi complète de l’anastomose, après la mobilisation du colon abaissé et la résection de l’anastomose, la dissection d’un moignon rectal rétracté, ouvert, de petite taille peut être difficile avec un risque de traumatisme nerveux chez l’homme. Dans ce cas il est parfois préférable de réaliser l’intervention de Soave qui consiste à réaliser une simple mucosectomie (la plus complète possible) du moignon rectal et d’abaisser le colon à l’anus au travers du manchon musculeux rectal pour réaliser l’anastomose colo-anale (5). Enfin au cours de ces réintervention, il est parfois difficile d’obtenir une longueur suffisante de colon bien vascularisée pour pouvoir réaliser une anastomose colo-anale sans tension. Il est alors parfois nécessaire de recourir à deux manoeuvres qui peuvent aider à gagner plus d’une dizaine de centimètres : l’abaissement trans-mésentérique selon Toupet et la bascule du côlon droit selon Deloyer (14-15). L’abaissement selon Toupet consiste à abaissé le colon mobilisé au travers d’une fenêtre mésentérique suffisamment large pour éviter toute gène au retour veineux, soit au travers de la racine du mésentère sous les premières anses iléales soit, à droite de l’axe mésentérique supérieur sous les dernières anses entre les vaisseaux léo-coloappendiculaires et la terminaison de l’artère mésentérique inférieure. La bascule du colon droit selon Deloyer consiste à mobiliser complètement le colon droit, à sectionner le pédicule colique supérieur droit et à basculer le colon droit ainsi mobilisé dans le sens anti-horaire dans la gouttière pariéto-colique pour éviter une rotation de 180° du pédicule vasculaire. CONCLUSIONS La fistule anastomotique est une complication grave et difficile à prendre en charge après une chirurgie d’exérèse rectale et une anastomose colorectale. Le traitement initial de la fistule va conditionner les possibilités du rétablissement ultérieur de la continuité digestive. C’est pourquoi, si les conditions locales le permettent, il est préférable de tout faire pour conserver l’anastomose. En cas de sténose séquellaire persistante de l’anastomose colorectale, une réfection de l’anastomose avec la réalisation d’une nouvelle anastomose plus bas située est le plus souvent possible avec une faible morbidité et un résultat fonctionnel acceptable. REFERENCES 1. Matthiessen P, Hallböök O, Rutegård J, Simert G, Sjödahl R. Defunctioning stoma reduces symptomatic anastomotic leakage after low anterior resection of the rectum for cancer: a randomized multicenter trial. Ann Surg 2007;246:207-14. 2. Gastinger I, Marusch F, Steinert R, Wolff S, Koeckerling F, Lippert H; Working Group 'Colon/Rectum Carcinoma'. Protective defunctioning stoma in low anterior resection for rectal carcinoma. Br J Surg 2005;92:1137-42. 3. Yeh CY, Changchien CR, Wang JY, et al. Pelvic drainage and other risk factors for leakage after elective anterior resection in rectal cancer patients: a prospective study of 978 patients. Ann Surg 2005;241:9-13. 4. Peeters KC, Tollenaar RA, Marijnen CA, et al. Risk factors for anastomotic failure after total mesorectal excision of rectal cancer. Br J Surg 2005;92:211-6. 5. Schlegel RD, Dehni N, Parc R, Caplin S, Tiret E. Results of reoperations in colorectal anastomotic strictures. Dis Colon Rectum 2001;44:1464-8. 6. Ambrosetti P, Francis K, De Peyer R, Frossard JL. Colorectal anastomotic stenosis after elective laparoscopic sigmoidectomy for diverticular disease: a prospective evaluation of 68 patients. Dis Colon Rectum 2008;51:1345-9. 7. Bannura GC, Cumsille MA, Barrera AE, Contreras JP, Melo CL, Soto DC. Predictive factors of stenosis after stapled colorectal anastomosis: prospective analysis of 179 consecutive patients. World J Surg 2004;28:921-5. 8. Soyer P, Boudiaf M, Alves A, et al. CT-Guided transgluteal approach for percutaneous drainage of pelvic abscesses: results in 21 patients. Ann Chir 2005;130:162-8. 9. Pabst M, Giger U, Senn M, Gauer JM, Boldog B, Schweizer W. Transanal treatment of strictured rectal anastomosis with a circular stapler device: simple and safe. Dig Surg 2007;24:12-4. 10. Lucha PA Jr, Fticsar JE, Francis MJ. The strictured anastomosis: successful treatment by corticosteroid injections-report of three cases and review of the literature. Dis Colon Rectum 2005;48:862-5. 11. Nguyen-Tang T, Huber O, Gervaz P, Dumonceau JM. Long-term quality of life after endoscopic dilation of strictured colorectal or colocolonic anastomoses. Surg Endosc 2008;22:1660-6. 12. Araujo SE, Costa AF. Efficacy and safety of endoscopic balloon dilation of benign anastomotic strictures after oncologic anterior rectal resection: report on 24 cases. Surg Laparosc Endosc Percutan Tech 2008;18:565-8. 13. Di ZH, Shin JH, Kim JH, Song HY. Colorectal anastomotic strictures: treatment by fluoroscopic double balloon dilation. J Vasc Interv Radiol 2005;16:75-80. 14. Toupet A. Colectomie intermédiaire avec anastomose angulo-sigmoïdienne transmésentérique. Presse Med 1961;69:2693-4. 15. Deloyer L. La bascule du côlon droit permet sans exception de conserver le sphincter anal après les colectomies étendues du transverse et du côlon gauche (rectum y compris). Technique Indications – Résultats immédiats et tardifs. Lyon Chir 1964;60:404-13. Fistules recto-vaginales après proctectomie Pr Emmanuel Tiret Service de chirurgie générale et digestive Hôpital Saint-Antoine 184 rue de faubourg Saint-Antoine 75012 Paris Les fistules recto-vaginales post-opératoires surviennent le plus souvent dans les suites d’une résection rectale avec anastomose colo-rectale ou colo-anale faite pour cancer. Elles compliquent plus rarement une résection rectale pour lésion bénigne telle que l’endométriose. Enfin, elles peuvent se voir après coloproctectomie totale et anastomose iléo-anale. Les tentatives de réparation doivent se faire à distance de la constitution de la fistule, une fois réglés les problème septiques locaux. La fistule recto-vaginale peut être haute, faisant communiquer le cul de sac vaginal postérieur avec la face antérieure du rectum. Elle est favorisée par des antécédents d’hystérectomie. La technique de réparation comporte une laparotomie, la séparation des deux organes, la fermeture des deux orifices et l’interposition d’une épiplooplastie chaque fois qu’elle est possible. Si la simple fermeture de l’orifice rectal n’est pas possible il faut refaire une anastomose colorectale plus basse, à distance de la fermeture de l’orifice vaginal. Plus souvent, la fistule est basse et fait communiquer une anastomose basse avec la paroi postérieure du vagin. Elle peut compliquer une résection rectale avec une anastomose colorectale basse ou coloanale, manuelle ou mécanique. Ces fistules sont favorisées par une dissection au contact voire dans la paroi vaginale postérieure, et à fortiori en cas de plaie vaginale intentionnelle ou non. Elles sont également favorisées par la survenue d’une désunion de l’anastomose avec sepsis pelvien. Une radiothérapie pré-opératoire rend les chances de fermeture de la fistule beaucoup plus aléatoires. Le diagnostic est fait soit par l’examen clinique ou l’opacification de contrôle avant la suppression de la stomie de protection, soit du fait de passages de gaz et/ou de selles par le vagin. Le trajet est direct entre la face antérieure de l’anastomose et la paroi vaginale postérieure. Les techniques instrumentales telles que l’obturation du trajet par la colle biologique ou les prothèses ne donnent pas de bons résultats en raison de l’absence de trajet intermédiaire. Dans un premier temps, il faut drainer la fistule par un Séton et faire une stomie si elle n’est pas déjà faite. Cela peut permettre à la fistule de se fermer. En l’absence de fermeture, les techniques de réparation chirurgicale se divisent en deux groupes : • Techniques locales, avec tentative de réparation directe par une voie d’abord périnéale, trans-anale ou vaginale, avec des taux d’échec élevés • Techniques avec interposition d’un lambeau, soit lambeau de Martius, soit muscle gracilis. • Techniques de réparation par une double voie d’abord abdominale et anale, avec les interventions de Soave, ou les anastomoses colo-anales différées dérivées de la technique de Babcock. Les premières peuvent être tentées en premier en cas d’anastomose colo-anale ou colorectale très basse. En cas d’échec, il faut avoir recours à une interposition et l’intervention qui donne les meilleurs résultats est la graciloplastie. Les techniques de Soave ou d’anastomose colo-anale différée sont à envisager en cas d’échec des précédentes ou si elles ne sont pas possibles. Après coloproctectomie et anastomose iléo-anale, l’incidence des fistules vaginales varie de 3 à 16% selon les séries, en moyenne autour de 6%. Ces fistules surviennent soit précocement (50%), et une faute technique est alors invoquée, soit tardivement, et c’est le plus souvent le fait d’une maladie de Crohn. De nombreuse techniques ont été proposées, comportant toutes un risque d’échec qui peut parfois conduire en dernier recours à l’ablation du réservoir iléal et la remise en iléostomie terminale. La fistule se développe habituellement entre la face antérieure de l’anastomose et la paroi postérieure du vagin, plus rarement entre le réservoir et le vagin. Le trajet est direct et donc très court voire absent. Cette complication se voit aussi bien après les anastomose faites à la main qu’après les anastomoses mécaniques. La fistule est généralement le fait d’une complication septique dont la cause se situe au niveau de l’anastomose. Dans un premier temps, la fistule doit être drainée par un Séton et le sepsis pelvien traité. La réparation intervient une fois réglés les problèmes infectieux aigus qui accompagnent la survenue de la fistule. Les traitements non chirurgicaux tels qu’injection de colle ou la mise en place d’une prothèse donnent des résultats décevants en raison de l’absence de trajet intermédiaire. Les techniques de réparation se divisent en deux groupes : • Techniques de réparation par une voie d’abord périnéale, qui s’adressent à des fistules simples, bas situées, éventuellement associées à une sténose si celle ci est courte, inférieure à 2cm . La voie d’abord trans-anale est le plus souvent utilisée. Elle consiste en un démontage complet, circulaire de l’anastomose iléo-anale, puis en une dissection circonférentielle vers le haut du réservoir qui est séparé en avant de la paroi vaginale postérieure. Cette dissection peut être difficile au début, au niveau de l’anastomose et de la fistule, puis elle devient plus facile. Elle doit être poursuivie le plus haut possible. Ensuite, l’orifice vaginal de la fistule est fermé et la zone de l’ancienne anastomose est réséquée. Une nouvelle anastomose iléo-anale est faite à la main sous le niveau de la précédente. Une voie d’abord vaginale a été rapportée, avec des taux de succès voisins de 40%., en utilisant un lambeau vaginal en T inversé qui permet d’avoir un accès à l’orifice intestinal qui est fermé par des points séparés. • L’interposition d’un lambeau permet de séparer les deux sutures. Il est théoriquement possible de réaliser un lambeau de Martius, mais la technique le plus souvent réalisée est l’interposition d’un muscle gracilis. En cas d’échec, une nouvelle tentative peut se faire avec le muscle controlatéral. • Technique de réparation par une voie d’abord combinée abdominale et périnéale, qui consiste à reprendre la laparotomie et la voie trans-anale, à démonter l’anastomose iléo-anale, à disséquer complètement le réservoir par l’abdomen, à réséquer l’ancienne anastomose et la zone fistuleuse, à redescendre le réservoir et à refaire une nouvelle anastomose un peu plus bas que la précédente, sous couvert d’une iléostomie de protection. . Cette intervention plus complexe que les précédentes se trouve indiquée si les précédentes ne sont pas possibles et si elles ont échoué. Elle donne des taux de succès supérieurs aux précédentes. • Toutes ces interventions sont habituellement réalisées sous couvert d’une iléostomie temporaire. Elles comportent un risque d’échec, d’autant plus important qu’il s’agit d’une maladie de Crohn. Les indications dépendent de la symptomatologie. Compte tenu du risque d’échec, une fistule peu symptomatique peut être ignorée. En effet, en cas d’échec l’intervention peut être responsable d’une aggravation des symptômes dans la période post-opératoire, ce dont les patientes doivent être prévenues. Pour les fistules basses, cas de figure le plus souvent rencontré, une voie d’abord trans-anale ou vaginale peut être tentée. En cas d’échec, la même intervention peut être retentée, ou faire place à une interposition par lambeau de Martius ou de gracilis. La double voie d’abord abdomino-périnéale est habituellement faite en cas d’échec des techniques précédentes, ou si elles ne sont pas possibles. Références 1. Gracilis muscle interposition for the treament of rectouretrhal, rectovaginal, and pouch-vaginal fistulas. Results in 53 patients. Wexner S, Ruiz DE, Genua J et al. Ann Surg 2008; 248: 39-43. 2. Pouch vaginal fistula after ileal pouch-anal anastomosis: treament and outcomes. Jonhson PM, O’Connor BI, Cohen Z et al. Dis Colon Rectum 2005 ; 48 : 1249-53 3. Management and outcome of pouch-vaginal fistulas following restorative proctocolectomy. Heriot AG, Tekkis P, Smith JJ et al. Dis Colon Rectum 2005; 48: 451-8 FISTULE URETRO-RECTALE APRES PROTATECTOMIE Christophe LAURENT Service de Chirurgie Digestive, Hôpital Saint-André, CHU de Bordeaux Il s’agit d’une fistule uro-digestive entre la région de l’anastomose vésico-urétrale et la jonction ano-rectale dont la fréquence est estimée entre 0.5 et 5.4%. La fistule est due à une plaie rectale per-opératoire méconnue ou connue et suturée. Les facteurs prédisposant à la survenue d’une plaie rectale per-opératoire sont des antécédents de radiothérapie pelvienne, de chirurgie rectale ou de résection endoscopique de prostate. En revanche un stade tumoral élevé n’augmente pas significativement le risque de plaie rectale. La prévention repose essentiellement sur une dissection inter prostato-rectale atraumatique soit de façon rétrograde soit antérograde. La section de l’extension inférieure du fascia rétro prostatique de Denonvilliers située en arrière de l’urètre est délicate car accolée au cap anal. La section élective de ce fascia et la libération instrumentale sous contrôle de la vue de ces attaches a permis de diminuer le risque de plaie rectale. L’examen de la surface rectale en fin de dissection, a pour but de rechercher une plaie rectale, reconnaissable à la présence de berges de muqueuse rectale extériorisées à la face antérieure du rectum. Une fermeture en deux plans muqueux et musculaire à points séparés de cette plaie permet une cicatrisation sans fistule dans la majorité des cas. En présence d’une plaie méconnue ou d’une cicatrisation défectueuse, le diagnostic est évoqué devant l’émission d’urines par l’anus, une pneumaturie, une fécalurie et/ou des infections urinaires à répétition. L’orifice fistuleux peut être visualisé au cours d’une rectoscopie ou d’une urétrocystoscopie. Une cystographie per-mictionnelle au décours d’une cystographie rétrograde ou d’un scanner pelvien permet de confirmer le diagnostic et de visualiser le trajet de la fistule. S’agissant d’une complication rare, la stratégie thérapeutique, rapportée par des séries de quelques cas (1, 2), n’est pas définie. Le traitement conservateur (dérivation urinaire sus pubienne +/- colostomie) est proposée le plus souvent dans l’espoir d’une fermeture spontanée mais ne survient que rarement (<30%) et expose par la suite à un risque majeur de sténose urétrale (3). Une large variété de procédures chirurgicales ont été décrites pour le traitement des fistules urétro-rectale : abord trans anal, trans-sphinctérien, périnéal ou abdominal. Concernant l’approche chirurgicale, il est nécessaire de respecter quelques principes pour assurer une réparation adéquate et réduire le risque de récidive. Il est recommandé de réaliser une excision complète du trajet fistuleux entre les deux organes avec avivement des berges, en s’assurant que les orifices urétral et rectal ne sont plus en contact en interposant un lambeau muqueux ou un tissu vascularisé (épiploon, muscle…). Il est aussi recommandé de mettre en place une dérivation urinaire (trans urétrale ou sus pubienne) associée à une colostomie afin d’assécher la zone cicatriciel jusqu’à l’obtention de la cicatrisation (6 à 8 semaines). Le traitement de la fistule urétro-rectale par voie trans-anale offre les avantages d’une intervention sans morbidité et sans altération du sphincter. Il consiste en une résection de l’orifice fistuleux suivi d’une réparation par un lambeau muqueux rectal d’avancement. Le taux de succès de cette intervention oscille entre 29 et 88% avec un risque d’incontinence anale de 5% (4-6). Cependant cette technique n’est pas optimale en raison de la mauvaise exposition et d’une mauvaise manœuvrabilité instrumentale. Aussi, cette approche trans-anale reste limitée aux fistules basses et de petit calibre. Deux voies d’abord postérieure ont été décrites pour le traitement des fistules urétro-rectales : abord trans-coccygien (Kraske) et abord trans-sphinctérien (York-Mason). En raison de l’importante morbidité induite par la résection distale du sacrum et du fort risque d’incontinence anale, la voie d’abord de Kraske a été abandonnée au profit de celle de York Mason. Cette approche offre l’avantage d’une exposition rapide au travers de tissus sains, une excellente visualisation de la fistule et un espace suffisant pour manipuler les instruments. La technique consiste à réaliser la résection du trajet fistuleux en totalité et de suturer la plaie urétrale en association avec une réparation de la plaie rectale par un lambeau muqueux d’avancement. Le succès de l’intervention est essentiellement basé sur l’absence de superposition de ces deux sutures (fig 1). Si les principes de la techniques sont bien respectés le taux de récidive est < 15% avec un risque très faible d’incontinence anale malgré la section des releveurs (7, 8). L’inconvénient de cette technique est qu’elle n’est pas adaptée pour la réparation de fistule complexe. L’abord périnéal évite un passage trans-sphinctérien tout en assurant une exposition satisfaisante. Cependant elle impose une dissection dans des tissus cicatriciels qui peuvent gêner considérablement l’abord du trajet fistuleux et augmenter le risque de perforation rectale. Le principe de réparation est le même que celui décrit ci-dessus, mais certains auteurs ont proposé d’interposer entre les deux sutures du tissu vivant vascularisé tels que le muscle gracilis (fig 2) (9) ou un lambeau myocutané de Dartos (10) diminuant ainsi le risque de récidive de la fistule. Le taux de succès de ce type de procédure varie de 83 à 100% sans risque d’incontinence anale (2, 9). L’approche par une voie abdominale permet la réalisation simultanée d’une diversion fécale et d’un traitement de la fistule urétro-rectale. Différentes stratégies ont été proposées allant de la simple interposition du grand épiploon entre le rectum et la jonction urétro-vésicale (11) à la protectomie avec anastomose colo-anale différée (12). Cependant ces interventions doivent être réservées aux larges fistules recto-vésicale en raison de leur morbidité, de la difficulté d’exposition dans un pelvis le plus souvent étroit et du risque majeur d’incontinence en cas de coloanale différée. En pratique et selon l’équipe de la Mayo Clinic, la prise en charge optimale des fistules urétro-rectale nécessite une équipe chirurgicale incluant un urologue et un chirurgien colorectale. Il est recommandé, en cas de sepsis initial de réaliser une double diversion urinaire et fécale et de différer la réparation de 2 mois afin d’éviter d’avoir des tissus trop inflammatoires. Ensuite, en cas d’échec d’une réparation locale, il peut être proposé une voie périnéale avec interposition d’un muscle. BIBLIOGRAPHIE 1- Munoz M, Nelson H, Harrington J et al. Management of acquired rectourinary fistulas. Dis Clon Rectum 1998;41:1230-8. 2- Nyam DC, Pemberton JH. Management of iatrogenic rectouthral fistula. Dis Colon Rectum 1999 ;42 :994-7. 3- Al Ali M, Kashmoula D, Saoud IJ. Experince with 30 postraumatic recturethral fistulas: presentation of posterior transphincteric anterior wall advancement. J Urol 1997;158:421-4. 4- Mizrahi N, Wexner, S, Zmora O, et al. Dis Colon Rectum 2002;45:1616-21 5- Sonoda, Fazio et al, Diseases Colon Rectum , 2002, 45,1622 -28 6- Garofalo T, Delaney C, Jones S, Remzi F, Fazio V. Dis colon Rectum, 2003, 46; 762-9. 7- Burkowski TP, Chakrabatry A, Powell I et al. Acquired rectourethral fistula: methods of repair. J Urol 1995;153:730-3. 8- Fengler SA, Abcarian H. The York Masonapproach for repair of iatrogenic rectourinary fistulae. Am J Surg 1996;172:213-7. 9- Zmora O, Potenti F, Wexner et al. Gracilis muscle transposition for iatrogenic rectourethral fistula. Ann Surg 2003;237:483-7. 10- Varma M, Wang J, Garcia-Aquilar J et al. Dartos muscle interposition flap for the treatment of rectourethral fistulas. Dis Colon rectum 2007;50: 1849-55 11- Tripitelli A, Barbagli G, Lenzi R et al. Surgical treatment of rectourethral fistulae. Eur Urol 1985;11:388-91. 12- Tipcraft RC, Moston RW, Costello AJ et al. Fistulae involving the rectum and urethra:the place of Park’s operation Fistule urétro-rectale Incision périnéale Résection fistule et suture urétrale Lambeau d’avancement rectal Figure 1: Voie de York Mason avec résection de la fistule et flambeau d’avancement rectal Muscle gracilis Incision périnéale Figure 2 : Voie périnéale avec interposition d’un muscle gracilis Complications anastomotiques tardives après traitement radiochirurgical d’un cancer du rectum. Bernard Lelong, Jean Robert Delpero, Département de Chirurgie Oncologique, Institut Paoli Calmettes, Marseille. Le traitement locorégional du cancer du rectum s’est significativement intensifié depuis 1994. Une radiothérapie, puis une radiochimiothérapie pré-opératoire ont fait la preuve de leur bénéfice sur le contrôle local (1,2). Il est en parallèle indiqué d’exciser la totalité du mésorectum(3) pour les tumeurs des bas et moyen rectum. Les complications chirurgicales précoces sont bien décrites, pour certaines majorées par la réalisation de l’irradiation pré-opératoire. Les complications anastomotiques post –opératoires ont une fréquence d’environ 15% avec un impact incertain de l’irradiation, à la différence des complications périnéales après amputation, clairement majorées par l’irradiation (1,2). Les complications chirurgicales« tardives », dont la définition reste imprécise, sont moins bien connues, en raison en particulier de leur latence qui échappe à la saisie habituelle des complications relevées à 1 ou à 3 mois post-opératoires. La fréquence de ces complications semble faible de l’ordre de 1-2 % mais pourrait être sous-estimée. Le suivi à long terme du Swedish Rectal Cancer Trial (14 ans) a permis de retrouver plus de 1% de fistules tardives (> 6 mois post opératoires), respectivement (4). La série de la Mayo Clinic (6) retrouve sur 192 anastomoses colo-anales, 1 fistule et 3 abcès tardifs ( 2,1%) définis comme survenant après un mois ou après remise en circuit. Dans l’étude récente de Pucciarelli et al (6), concernant des patients ayant tous reçus une radiochimiothérapie, les complications anastomotiques tardives (définies comme survenant après six mois) surviennent à une fréquence non négligeable par rapport aux complications précoces (1% contre 2%). Pour les auteurs, ces complications tardives sont liées à l’irradiation. Compte tenus de l’ensemble des taux rapportés dans ces études récentes, il est probable que la fréquence soit sous-estimée. La survenue de complications anastomotiques tardives soulève la question de facteurs favorisants : 1/Pour de nombreux auteurs, celles-ci sont favorisées par l ‘irradiation pelvienne. Dans le suivi à long terme des patients du Sweedish rectal Cancer Trial (4), les réhospitalisations tardives pour sepsis, et pour symptomatologie intestinale tendaient à être plus fréquentes chez les patients irradiés ( respectivement RR 1.4 p=0.08 et RR 1.23 p=0.09). Les fistules tardives étaient deux fois plus fréquentes en cas d’irradiation, mais sans significativité (0.9% et 1.6%, p=0.4). Il est en outre souvent difficile de distinguer d’authentiques complications tardives et des complications cicatricielles chroniques. 2/Plusieurs rapports ou courtes séries ont récemment mis en évidence des complications anastomotiques tardives concomitantes d’un traitement antiangiogénique (Bévacizumab ) instauré pour récidive métastatique. Dans notre expérience (7), parmi 142 patients traités par bévacizumab pour métastases d’un cancer colorectal préalablement réséqué, 4 complications anastomotiques tardives ont été observées (soit 2.8 % de l’ensemble de la cohorte). Ces complications concernaient des patients ayant tous eu un traitement radio-chirurgical standard pour un cancer du bas ou moyen rectum avec anastomose basse, transitoirement protégée et secondairement remise en circuit. La latence moyenne entre la chirurgie rectale et la complication sous Bevacizumab était de 35 mois (11 – 57 mois). Les signes cliniques de complications survenaient dans un délai moyen de 2 semaines à partir de l’introduction du Bevacizumab. Tous les patients sauf un ont été drainés chirurgicalement et dérivés. Aucun décès n’a été observé. Le risque de complication anastomotique sous Bévacizumab après traitement radio-chirurgical et anastomose basse pour un cancer du moyen ou bas rectum est donc dans notre expérience de 15%, et justifie une discussion au cas par cas de l’indication thérapeutique. Des cofacteurs pourraient être associés à ces complications : l’existence d’une fistule initiale ayant cicatrisé (7), la prescription d’anti-inflammatoires (8), une exérèse chirurgicale élargie (9), une pathologie inflammatoire digestive associée (10). 3/La prise en charge des complications anastomotiques tardives pose un certain nombre de problème spécifiques : a/ Le diagnostic différentiel avec une récidive loco-régionale est souvent difficile à établir à l’imagerie, en particulier le PET FDG a peu de valeur. Seule une histologie positive, réalisée par scanner ou endoscopie, permet d’affirmer le diagnostic de récidive. b/ Sur le plan clinique, l’aspect parfois latent, en particulier en cas de fistule colo-vésicale peut faire différer un traitement chirugical radical. c/ Sur le plan chirugical, la cure de ces fistules peut permettre le maintien d’une continuité digestive, avec en général 2 principes techniques fondamentaux : une réfection anastomotique, l’anastomose colo-anale différée ayant été à ce jour la mieux évaluée (11), et en cas de fistule avec un autre organe pelvien un lambeau d’interposition. Références : 1/ Peeters KC, Marijnen CA, Nagtegaal ID, et al ; Dutch Colorectal Cancer Group. The TME trial after a median follow-up of 6 years: increased local control but no survival benefit in irradiated patients with resectable rectal carcinoma. Ann Surg. 2007 Nov;246(5):693-701. 2/ Bosset JF, Collette L, Calais G, et al; EORTC Radiotherapy Group Trial 22921. Chemotherapy with preoperative radiotherapy in rectal cancer.N Engl J Med. 2006 Sep 14;355(11):1114-23 3/ Martling A, Holm T, Rutqvist LE, et al. Impact of a surgical training programme on rectal cancer outcomes in Stockholm. Br J Surg. 2005 Feb;92(2):225-9. 4/ Birgisson H, Påhlman L, Gunnarsson U, et al. Late gastrointestinal disorders after rectal cancer surgery with and without preoperative radiation therapy.Br J Surg. 2008 Feb;95(2):206-13. 5/ Hassan I, Larson DW, Wolff BG, et al. Impact of pelvic radiotherapy on morbidity and durability of sphincter preservation after coloanal anastomosis for rectal cancers. Dis Colon Rectum. 2008 Jan;51(1):32-7. 6/ Pucciarelli S, Gagliardi G, Maretto I, et al. Long-term oncologic results and complications after preoperative chemoradiotherapy for rectal cancer: a single-institution experience after a median follow-up of 95 months. Ann Surg Oncol. 2009 Apr;16(4):893-9. 7/ Bège T, Lelong B, Viret F, et al. Bevacizumab-related surgical site complication despite primary tumor resection in colorectal cancer patients. Ann Surg Oncol. 2009 Apr;16(4):856-60. 8/ Collins D, Ridgway PF, Winter et al. Gastrointestinal perforation in metastatic carcinoma: A complication of Bevacizumab therapy. Eur J Surg Oncol. 2008 Apr 14. 9/ Ley EJ, Vukasin P, Kaiser AM, Ault G, Beart RW Jr. Delayed rectovaginal fistula: a potential complication of Bevacizumab (Avastin). Dis Colon Rectum 2007 Jun;50(6):930. 10/Adenis A, Vanseymortier L, Foissey D, Colombel JF. Bevacizumab and postponed suture leakages after surgery for ulcerative colitis and rectal cancer. Gut. 2007 May;56(5):734 11/ Olagne E, Baulieux J, de la Roche E, et al. Functional results of delayed coloanal anastomosis after preoperative radiotherapy for lower third rectal cancer. J Am Coll Surg. 2000 Dec;191(6):643-9