Valérie Lemercier, “toujours un peu limite”

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Valérie Lemercier, “toujours un peu limite”
Découvertes
Culture
l Scènes | One woman show
Valérie Lemercier,
“toujours un peu limite”
! L’humoriste
polymorphe
déboule sur nos scènes,
son nouveau spectacle
et son irrésistible catalogue
de personnages sous le bras.
! Rencontre
C
parisienne.
e dimanche-là, à l’Olympia où
elle jouait à 17h, Valérie Lemercier a tenu à grands coups de
coca, confie-t-elle dans sa loge, après la
représentation. Le malaise menaçait.
Dans la salle, personne ne s’est aperçu
de rien. Les représentations, d’ailleurs,
sont parfois difficiles, selon les condi-
tions (“hangars avec des sièges en plastique”, public hermétique…), “peu importe, il faut les jouer gaiement. C’est bien
de toujours être un peu limite.”
Dans la vie, elle est actrice (de “Milou
en mai” au “Petit Nicolas” en passant
par “Les Visiteurs”) et réalisatrice
(“Quadrille”, “Le Derrière”, “Palais
royal!”) voire chanteuse (qui a oublié
“Goûte mes frites” ?) sans oublier sa
prestation télévisée dans le prodigieux
“Palace” de Jean-Michel Ribes. Auteur,
comédienne, grande professionnelle.
Grande tout court, d’ailleurs. Sa haute
silhouette se prête à une irrésistible
théorie de personnages, de la petite
fille qu’elle affectionne toujours (cette
fois fille de psychanalyste, qui entend à
travers la cloison les patients de sa
mère) à l’animatrice de stage, en pas-
sant par quelques hommes. Son nouveau spectacle – le quatrième de sa carrière, le premier depuis sept ans –
n’est, dit-elle, pas méchant, “même un
peu moins trash que les autres. Il parle
d’amour.” Alors oui, certaines choses
vont jusqu’à ne pas être drôles. “Il faut
un équilibre. Le veuf, s’il n’était pas
émouvant, il serait juste trivial !”
Ses personnages, souvent, elle les
connaît avant de les porter à la scène.
Et la voix – qui pose chacun avec une
incroyable justesse, plus proche de
l’épure que de la caricature – est déjà là
à l’écriture. Le veuf, justement, est
belge. Pourquoi ? “Il y a dans le Nord et
en Belgique ce côté, cette façon de dire les
choses net, d’être très fort. Ma Normandie, elle louvoie. En fait, c’est de l’imita-
tion.” Evidemment. Le sketch sur Anh
Dao (la “fille de cœur”, non adoptée,
recueillie par Jacques et Bernadette
Chirac en 1979) en témoigne.
D’aucuns, chagrins, pourraient lui
reprocher certains mots crus, voire
certains sujets sensibles. “La vulgarité,
c’est avoir peur d’être vulgaire. Il y a des
salles un peu plus choquées que d’autres.
Mais la vie est triviale!” Et puis il y a les
personnages fédérateurs, comme “cette
fille qui n’aime plus son mari”. Et les récurrents, au fil du spectacle : “la voisine
écolo, les petites hontes”, croqués à plusieurs reprises, en quelques secondes.
Pourrait-on dire que Valérie Lemercier traite par le rire nos petites névroses ? “Oui, les grandes aussi !” Par rapport au cinéma qu’elle pratique pourtant
avec
succès,
la
scène
l’enthousiasme: “C’est là que passent les
plus fortes émotions, il n’y a pas mieux.
Sur scène, je dis des choses qui m’intéressent, ça parle d’aujourd’hui. La voisine
écolo n’aurait pas été la même il y a cinq
ans.” Et si elle cite la “France Potel et
Chabot”, les marques qui émaillent le
show sont autant de références au présent.
EMANUELE SCORCELLETTI / GAMMA
Son spectacle est aussi un festival de
prénoms composés. What’s in a name !
“Avec Brigitte (Brigitte Duc, qui a coécrit le spectacle, NdlR.), on passe notre
temps à choisir des prénoms; le dictionnaire des prénoms, on l’utilise plus que
tous les autres. Avec un prénom seul on
peut faire rire.” Comme dans “Porcherie” et sa litanie d’enfants de famille
nombreuse dont la mère est excédée
par leur laisser-aller. “La bourgeoise,
chaque fois que j’en croise je me dis oui,
ça existe encore. Il y a une espèce d’inconscience. Quand j’ai présenté les César,
j’ai croisé une Marie-Aude, qui parle
comme ça, quarante ans, trois enfants,
qui s’occupe de mille choses, le genre de
filles qui traversent tout. Je n’ai même pas
envie que quelqu’un d’autre joue MarieAude.”
Tout en noir, avec pour seul accessoire une écharpe rouge, elle construit,
esquisse, incarne. Jamais loin de cette
silhouette bondissante qui est la marque de ses spectacles. Du théâtre pour
quelqu’un d’autre? “J’ai eu des propositions. Mais déjà, quand c’est pas drôle, ça
ne m’intéresse pas. C’est du gâchis, si on a
la chance de faire rire. Pour moi c’est vital, je suis faite pour ça.”
Marie Baudet
U Bruxelles, Cirque royal, les 24 et 25
Entamée au Palace et poursuivie à l’Olympia, la tournée de Valérie Lemercier l’emmène à Bruxelles et à Liège.
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La Libre Belgique - lundi 23 novembre 2009
novembre à 20h30. Tél. 02.218.20.15.
U Liège, Forum, les 11 et 12 décembre
à 20h30. Tél. 04.223.18.18.
Bernhard Willhelm, Christophe Hamaide-Pierson, Série de photographies, 2009 ou “Vogue”, dans tous ses états.
l Mode et création | Expo
Disséquons la mode
! “Etrange
et pénétrante” expo jusque
fin du mois, passage du désir à Paris.
! “Dysfashional”
explore les processus
transgressifs à l’œuvre dans la mode
Aurore Vaucelle
Envoyée spéciale à Paris
P
as un vêtement, et pourtant c’est la mode qui occupe ici les lieux; ceux qui y président procèdent
à l’accueil officiel. Dès l’entrée, faisant face au visiteur, le “Mount Blushmore”, signé Cyril Duval, grime
les faciès unanimement connus de Anne Wintour, Karl
Lagerfeld, John Galliano et Antonella Versace. Une manière de souligner le pouvoir latent des pontes de la
mode, dans un univers qui n’en est pas moins artificiel
– car ici on marque les mémoires dans le “Blushmore”
et non plus “Rushmore”.
Et l’on aime l’idée que le monde de la mode soit gentiment descendu de son piédestal pour être inspecté,
au plus cru de son état. L’installation olfactive de la norvégienne Sissel Tolaas concentre les odeurs de la capitale de la mode, et de sa voisine berlinoise, active dans
le milieu du design. Pour tout dire, Paris la chic ne sent
pas bon, malgré les cliquetis brillants de la tour Eiffel,
ses maisons de couture à l’ancienne et ses concepts stores de luxe, Paris, c’est surtout l’odeur du métro.
L’expo déjà montrée à Luxembourg et à Lausanne –
et que l’on pourra courir voir à Berlin en 2010, si on a
raté la période parisienne – oblige en fait le créateur,
le designer à traiter de son sujet sans le transformer,
in fine, en accessoire, en collection de prêt-à-porter.
La mode s’extirpe alors des problématiques d’industrie textile ou de consommation de masse. Sortie de
son carcan rationnel, la mode est un monde en soi. A
ce petit jeu-là, la Maison Martin Margiela est bien
évidemment de la partie. Sous des formes que l’on a
déjà pu rencontrer à la Cité du patrimoine (cf. Libre
Immo du 29-10), MMM “bétonne” ses concepts de
mode au travers d’une structure, maison en trompe
l’œil qui rappelle l’artifice de la mode, ce qu’elle cache et ce qu’elle dit de l’identité de l’individu. Toujours explorant le thème de l’identité, l’installation
interactive de Michael Sontag rend compte plus directement de la vanité de l’image, la nôtre, et celle
qu’on nous invite à donner en société. Thème que
l’on trouve dans le travail d’Hussein Chalayan associé
aux problématiques de l’isolement, des déplacements. Sa robe “air mail” en papier, qui permet à son
destinataire d’y lire les mots de l’expéditeur joue le
rôle de signifiant social, – d’où venons-nous, qui
sommes-nous, où allons-nous.
mode et de son univers de papier glacé. La fronde n’est
pas de moindres, puisqu’ils mettent en scène dans la
Une des magazines prestigieux des sexes masculins
portant lunettes, moustaches ou casquettes. Marc Turlan, soutenu par Christian Lacroix, travaille aussi sur le
support magazine. Ses découpes et collages, d’une
grande force expressive, modifient le sens de l’image,
mettant en évidence un sens caché de la mode et de
son médium écrit. Au milieu de tout cela, comme un
grand fracas, l’installation “Parasite”, trouble le visiteur. Tout à coup, contrecarrant l’idée de départ, tout
est à acheter, comme lors d’un défilé de prêt à porter.
Boutique ou musée ? On y croise des objets drôles, inutiles, inattendus dont cette brosse à cheveux qui possède – littéralement – une longue crinière blonde.
De fait, l’expo touche à sa fin, mais qu’à cela ne
tienne, le passage du désir se trouve à un jet de pierre
de la gare du nord. Sinon, rendez-vous à Berlin, à partir
du 18 juin 2010.
U Dysfashional, jusqu’au 29/10, passage du désir,
85-87rue du faubourg saint Martin, Paris Xe. Entrée libre.
Infos sur www.passagedudesir.com. Avec Thalys, depuis
Bruxelles, en 1h20. Infos sur www.thalys.com
Ecoutez Fun Radio du 23 au 29 novembre
et partez à Londres pour assister
à la soirée de lancement de son nouvel album!
(voyage, hôtel, petit-déjeuner et entrées à cette soirée exceptionnelle avec un showcase d'Alicia Keys)
Remportez aussi son dernier album et plein de cd's !
Sur un mode plus léger, Bernhard Willhelm et Christophe Hamaide-Pierson préfèrent se moquer de la
lundi 23 novembre 2009 - La Libre Belgique
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