Royaume du Maroc

Transcription

Royaume du Maroc
Royaume du Maroc
Ministère des Affaires Etrangères
et de la Coopération
Le Ministre Délégué
Confidentiel
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Compte rendu interne de la rencontre de M. le Ministre Délégué
avec M.Tim Morris, Ambassadeur du Royaume Uni
Le Ministre Délégué a reçu, le 28 Mai 2012, M. Tim Morris, Ambassadeur du
Royaume Uni au Maroc. A cette occasion, la Question Nationale a été au centre des
discussions.
Après avoir informé lʼ Ambassadeur britannique de la teneur de sa conversation
téléphonique avec M. Alistair Burt, vendredi dernier, M. le Ministre a réitéré le soutien
du Maroc au Secrétaire Général de lʼ ONU, M. Ban Ki Moon, et au processus de
négociation mené par lʼ ONU. M. Amrani a ajouté que la priorité pour le Maroc était
de maintenir et de préserver le processus politique enclenché en redonnant aux
négociations une dynamique positive, ce qui implique de mettre un terme aux
différentes dérives qui ont été constatées et de renouer avec les paramètres clairs
censés encadrer et guider le processus politique. Le statu quo nʼ est pas tenable, le
temps est venu de sortir de lʼ impasse et dʼ aller de lʼ avant a-t-il poursuivi, en faisant
remarqué que le Maroc nʼ avait épargné aucun effort pour contribuer positivement à ce
processus. Quʼ ont fait les autres parties ? Quʼ ont-elles amené sur la table, sʼ est-il
interrogé en sʼ adr essant à M . M or r is. Il a également souligné quʼ il était
auj our dʼ hui nécessair e dʼ impliquer concr ètement lʼ Algér ie dans ce pr ocessus en
expliquant que ce pays détient la clé de la solution.
Lʼ Ambassadeur Morris a répondu combien Alistair Burt était enthousiaste quant au
potentiel de développement des relations bilatérales. Selon lʼ Ambassadeur britannique,
M. Burt se félicite de lʼ évolution positive de cette relation et affirme quʼ il y a
aujourdʼ hui une véritable volonté dʼ aller de lʼ avant. Concernant la Question Nationale,
M . M or r is a dit quʼ il y avait des diver gences entre le Maroc et le Royaume Uni,
mais également des positions qui se rejoignent, notamment en ce qui concerne le
caractère intenable du statu quo.
Il a poursuivi en affirmant que dans le court terme il y aura une situation difficile
à gérer. Nous comprenons la décision du Maroc de dire « enough is enougn »,
cependant, a-t-il ajouté, à lʼ exception de la France, la décision inattendue et soudaine
du Maroc a engendré beaucoup dʼ incompréhension, y compris au niveau du Groupe
des Amis (GOF) et du Secrétaire Général. Selon le représentant britannique,
lʼ approche conflictuelle décidée par le Maroc est dans lʼ ensemble considérée comme
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étant dure et contreproductive. Il a également noté quʼ il est difficile de distinguer le
SG et le Conseil de Sécurité de cette défiance concernant C. Ross.
Lʼ Ambassadeur Tim Morris a par ailleurs qualifié dʼ horrible (« awful ») lʼ aidemémoire justifiant la décision du Royaume de retirer sa confiance à C. Ross. Il a en
outre fait savoir que le Royaume Uni ne pouvait pas soutenir un tel document dans la
mesure où il ne partage pas certains des arguments avancés, et que ledit document
révèle par ailleurs une démarche scientifique défaillante. M. Morris a répété une
nouvelle fois que la situation sera difficile pour le Maroc sur le court terme et ce pour
plusieurs raisons, en prenant soin de préciser : « mais vous vous êtes mis dans cette
situation tout seul, vous devrez donc traverser cette période difficile ». Il a ensuite
affirmé « Que les choses soient claires, nous allons soutenir le Secrétaire Général de
lʼ ONU et son Envoyé Personnel quoi quʼ il fasse. Nous ne voulons surtout pas donner
lʼ illusion que nous sommes dʼ accord ».
Au sujet de la Minurso, Tim Morris a dit comprendre le point de vue du Maroc
sur la nécessité de ne pas polluer le mandat de la mission onusienne tout en notant
que le Royaume Uni considérait quʼ il devait y avoir une certaine flexibilité dans la
mise en œuvre du mandat de la Minurso, notamment en ce qui concerne lʼ accès de la
mission onusienne aux personnes résidant sur ce territoire. Il a ensuite déclaré soutenir
tous les rounds informels de lʼ Envoyé Personnel du SG, tout en « comprenant que cela
devait mener quelque part ». Il a en outre précisé que le Royaume Uni compte
favoriser une approche équilibrée, « si vous êtes dans le jury, vous ne pouvez pas
prendre partie ».
Monsieur le Ministre a répondu à son interlocuteur en lui posant une série de
question. Y a-t-il un problème avec le Royaume Uni ? Avons-nous failli dans la
mise en œuvr e de nos engagements ? Etes vous satisfait de la stagnation du
processus de négociation ? Etes vous satisfait des résultats obtenus dans le cadre
des r éunions infor melles? Voulez vous voir lʼ impasse se pour suivr e ? Voulez vous
vraiment préserver ce processus ? Comment voyez vous les perspectives
dʼ évolution de ce pr ocessus politique ?
M. Amrani a poursuivi en faisant savoir que le Maroc avait le sentiment dʼ être
pénalisé malgré tous les efforts déployés pour soutenir ce processus et pour parvenir à
une solution pacifique dans le cadre des paramètres de négociation arrêtés. Le statut
quo est intenable a-t-il rappelé, avant de réitérer la volonté du Maroc de préserver le
processus en le sortant de lʼ enlisement et en mettant un terme aux dérives répétées et
inacceptables qui ont été constatées à plusieurs reprises malgré les mises en garde du
Royaume.
M. Amrani a également relevé que C. Ross était censé être le facilitateur, ce que le
Maroc nʼ a malheureusement pas constaté. Par ailleurs, M. Ross nʼ a pas su ou pu
impliquer lʼ Algérie alors que tout le monde sait, y compris à lʼ ONU, que cette
question concerne directement le Maroc et lʼ Algérie. M. le Ministre a ensuite insisté
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sur le fait que la pression ne doit pas sʼ exercer uniquement sur le Maroc, ce qui est
également une cause de frustration pour le Royaume.
Lʼ ambassadeur anglais a rétorqué quʼ il nʼ y avait pas de moyen de mettre la
pression sur lʼ Algér ie. Il a encouragé le Maroc à envisager une nouvelle approche et
offert dans ce cadre lʼ aide du Royaume Uni. Il a ajouté « nous savons où sont nos
amis, vous avez notre intérêt, nous voulons aider ». Dans ce sens, il a précisé quʼ il était
réaliste et quʼ il nʼ envisageait pas de demander au M ar oc de fair e « marche
arrière », mais de faire preuve de psychologie afin de changer la donne créée par la
décision marocaine de retirer sa confiance à C. Ross. Si votre position est rigide a-t-il
poursuivi, elle ne sera pas perçue comme étant crédible. Lʼ Ambassadeur a soutenu que
le Maroc « devra faire des compromis » pour rectifier le tir et évacuer les
« énergies négatives » générées par la décision marocaine. Il a ajouté que son
« sentiment personnel cʼ est quʼ il faudra un certain temps pour dépasser cette phase ».
Le responsable britannique a réitéré à plusieurs reprises la disposition du Royaume
Uni à contribuer à lʼ élaboration dʼ une nouvelle approche se concentrant sur les
questions politiques. Dans ce cadre, Tim Morris a proposé dʼ envisager quatre
initiatives en particulier :
Accepter que la France fasse du lobbying à lʼ adresse du Maroc et de lʼ Algérie.
Tim Morris a suggéré de mettre en œuvre cette idée « immédiatement ».
Organiser une rencontre avec le polisario à Rabat, comme cela a déjà été le cas
auparavant, pourrait créer un message positif. Cela permettrait selon T. Morris
de donner plus de visibilité aux mesures de confiance et de les intégrer dans une
certaine vision.
La mise en œuvre de la régionalisation constitue selon lʼ Ambassadeur « une
autre voie intéressante ».
« La liberté de mouvement de la Minurso ». Selon le représentant britannique,
la véritable question au sujet de la mission onusienne ce nʼ est pas les drapeaux
ou les immatriculations, mais la liberté de mouvement pour la Mission de
lʼ ONU. Selon lui, les membres de la mission ne sont pas en mesure dʼ entrer en
contact avec les personnes sur place. Il a ajouté à ce sujet que « si vous faites
une différence entre ce que vous permettez au corps diplomatique et ce que
vous permettez à lʼ ONU ça pose un problème car lʼ ONU cʼ est aussi nous ».
Revenant sur les événements de Gdim Izik, il a considéré que de ne pas
avoir laissé la M inur so effectuer un r appor t sur ce qui sʼ est passé a
alimenté une perception négative.
M. Amrani a souligné que le Maroc est transparent et de bonne foi, mais cela ne
doit pas pour autant le conduire à tout accepter et à laisser la Minurso faire tout ce
quʼ elle veut sans considération pour le cadre précis de son mandat. Il a ajouté quʼ il
était établi que certaines personnes tentaient dʼ instrumentaliser la situation dans les
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provinces du Sud, ce que le Royaume ne peut accepter. Lʼ Ambassadeur Morris a
qualifié de contreproductive lʼ interprétation stricte du Maroc relative au mandat de la
MINURSO.
Monsieur le Ministre a réitéré la détermination du Maroc à poursuivre le processus
de négociation avec le concours dʼ un médiateur impartial. Il a également ajouté que le
Royaume veut créer une nouvelle dynamique pour aller de lʼ avant vers une solution
dans le cadre du processus actuel. Nous voulons continuer à travailler dans le respect
des paramètres arrêtés, et nous comptons sur le soutien de nos amis, a-t-il fait savoir à
son interlocuteur en réitérant la nécessité dʼ impliquer lʼ Algérie. Il a par ailleurs noté
que le projet de communiqué du GoF nʼ était pas constructif, tout en faisant observer la
différence de traitement avec le cas de M. Van Walsum, lorsque ce dernier a perdu la
confiance des autres parties.
Il a conclut en affirmant que le Maroc avait le droit dʼ exprimer son point de vue et
que personne ne pouvait être imposé. « Le Maroc ne veut plus perdre son temps. Le
statu quo est intenable. Nous avons toute confiance en le SG Ban Ki Moon, et restons
confiants quant à la décision quʼ il prendra pour relancer les négociations en renouant
avec une dynamique positive.
Commentaires
Tim Morris a précisé à plusieurs reprises quʼ il nʼ était pas porteur dʼ un message
de Londres et quʼ il souhaitait avoir cette rencontre avec Monsieur Amrani pour
échanger de façon informelle. Cependant, malgré lʼ insistance de certaines
questions, T. Morris nʼ a pas répondu et avait manifestement un message à
passer ;
La position de lʼ ambassadeur Morris est de toute évidence figée ;
Le Royaume Uni semble penser que le moment est opportun pour faire pression
sur le Maroc pour le forcer à accepter une certaine politisation tacite du mandat
de la Minurso, à travers lʼ octroi dʼ une plus grande marge de manœuvre aux
membres de cette mission ;
Dans une approche opportuniste, le Royaume Uni semble vouloir utiliser
lʼ évolution récente du contexte pour imposer ses vues et négocier le renvoi de
C. Ross contre des concessions politiques ;
Le Royaume Uni semble également vouloir renforcer le statut du polisario en
promouvant des rencontres au Maroc, et à terme, obtenir du Maroc plus de
concessions ;
Lʼ Ambassadeur a lui-même avoué que le GoF nʼ avait pas les moyens de faire
pression sur lʼ Algérie, ce qui revient à dire que les seules initiatives visant à
faire évoluer cette situation pèseront sur le Maroc ;
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La proposition de demander à la France de jouer un quelconque rôle de
lobbying entre le Maroc et lʼ Algérie apparaît, dans la nouvelle configuration
politique actuelle comme un piège. Le Président Hollande, et le parti socialiste
en particulier ayant mis lʼ emphase sur le respect des droits de lʼ homme dans
leur politique étrangère, il sera difficile au Maroc de refuser de faire des
concessions sur ce plan sans en payer le prix en terme de soutien de son
principal allié. Lʼ objectif recherché serait donc de fissurer le rempart français
protégeant le Maroc dʼ un élargissement du mandat de la Minurso.
Rabat, le 29 mai 2012
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