Les Indicateurs de Santé - Service d`Epidémiologie et de Médecine
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Les Indicateurs de Santé - Service d`Epidémiologie et de Médecine
RÉPUBLIQUE ALGÉRIENNE DÉMOCRATIQUE ET POPULAIRE INSTITUT NATIONAL D’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR EN SCIENCES MÉDICALES D’ORAN ETABLISSEMENT HOSPITALIER ET UNIVERSITAIRE D’ORAN SERVICE D’EPIDÉMIOLOGIE ET DE MÉDECINE PRÉVENTIVE PR N. MIDOUN Les Indicateurs de Santé Dr Lakhdar ZEMOUR Maître assistant en Epidémiologie et Médecine préventive Faculté de médecine d’Oran Faculté de médecine Plan du cours : I.- Introduction II.- Intérêt des indicateurs III.- Indicateurs de morbidité III.1.- Prévalence III.2.- Incidence IV.- Indicateurs de mortalité IV.1.- Mortalité IV.2.- Létalité IV.3.- Mortalité proportionnelle IV.4.- Autres expressions de la mortalité V.- Indicateurs démographiques V.1.- Natalité V.2.- Fécondité V.3.- Accroissement naturel V.4.- Espérance de vie à la naissance I.- Introduction : La santé est définie par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) comme "un état de complet bien être physique, mental et social" et pas seulement comme l'absence de maladie ou d'infirmité. Au niveau individuel, la mesure de l'état de santé parait simple. On peut intuitivement dégager pour chacune de ses composantes des variables objectives ou subjectives qui nous paraissent représentatives. Ainsi pour le versant physique, on retiendrait l'appréciation du sujet, une mesure du poids, de la taille, de la vision, de l'audition, un examen clinique standard et une batterie de tests physiques et biologiques. Mais déjà on pressent la difficulté à s'accorder sur un examen 'standard' et sur le choix des examens complémentaires. Sans compter la difficulté à faire accepter par le sujet de telles investigations. Au niveau communautaire, s'ajoute un problème de taille : c'est la définition même du terme santé. Il n'est pas raisonnable, par exemple, de mesurer la tension artérielle de tous les algériens, d'en déterminer la moyenne et de clamer : "l’Algérie est en bonne santé, sa tension artérielle moyenne est de 13/8 ...". C'est pourquoi l'OMS définit la santé d'une population par le biais de nombreux indicateurs de santé. Ces indicateurs permettent de décrire l'état de santé d'une population mais aussi de suivre son évolution dans le temps et de pouvoir comparer entre elles, après les avoir rendues comparables, plusieurs populations. Dans ce qui suit nous définirons précisément les termes propres à ce type d'épidémiologie, nous décrirons brièvement les principaux indicateurs, nous nous intéresserons particulièrement à 2 d'entre eux (la mortalité et la morbidité) et nous apprendrons à comparer, en termes d'indicateurs, deux communautés. Définition Les indicateurs de santé sont des variables qui peuvent être mesurées directement et qui permettent de décrire l'état de santé des individus d'une communauté. Ils sont utilisés pour la mise au point d'indices plus complexes établis selon des formules spécifiques. II.- Intérêt des indicateurs de santé : • • • • • Connaître l’état de santé d’une population. Estimer l’importance d’un phénomène de santé. Estimer l’impact d’un problème de la santé. Identifier les problèmes prioritaires. Pour pouvoir réagir. III.- Indicateurs de morbidité : La morbidité dans une population est représentée par le nombre de personnes malades ou le nombre de cas de maladies dans une population déterminée, à un moment donné. Il faut distinguer deux grands types de mesure de la morbidité en fonction du temps : - la morbidité prévalente : c'est le nombre de cas d'une maladie donnée (ou le nombre de personnes atteintes de cette maladie), existant dans une population à un moment donné. Il n'y a pas ici de distinction entre les anciens cas et les nouveaux cas. - la morbidité incidente : c'est le nombre de nouveaux cas d'une maladie donnée (ou le nombre de personnes atteintes de cette maladie) dans une population pendant une période déterminée. La première est une mesure statique, figée, comme un cliché photographique. A un instant donné, dans une population donnée, l'importance de la maladie est telle. C'est la prévalence. L'autre est dynamique, comme un film. Elle mesure la vitesse d'apparition de la maladie au cours du temps. C'est l'incidence. Les deux sont nécessaires : la prévalence intéresse la Santé Publique car elle permet d'évaluer les besoins de prise en charge médicale. C'est un outil utile pour la planification des ressources sanitaires. L'incidence intéresse la recherche étiologique en permettant des comparaisons, en terme de vitesse d'apparition de la maladie, entre des groupes diversement exposés aux facteurs étiologiques supposés. Nous verrons que sous certaines conditions il existe un lien direct entre ces deux mesures. III.1.- Prévalence : La prévalence est définie par le nombre de cas d’une affection donnée dans une population à un moment donné de temps. Le taux de prévalence est le rapport qui a pour numérateur l’effectif des cas de l’affection en question et pour dénominateur l’effectif de la population d’étude. Nombre de cas au temps t Le taux de prévalence = population de l’étude C'est le type d'indicateur utilisé dans une enquête faite à un moment donné du temps appelée enquête transversale. Il est clair que cet indicateur n'a d'intérêt que ramené à l'effectif de la population. En effet dire qu'il y a 50 cas de peste en France et 200 aux USA ne permet en aucun cas d'affirmer qu'il y a plus de peste aux Etats-Unis. Il faut ramener à un dénominateur commun : l'effectif de la population au moment de l'étude. Exemple : On a recensé à un moment donné dans la commune de sidi belabes échantillon tiré au sort de personnes. Sexe Enquêtés Diabétiques diabétiques parmi un Prévalence(%) Masculin 159 30 18.9% Féminin 234 64 27.4% Total 393 94 23.9% Le taux de prévalence global des diabétiques parmi la population âgée de 65 ans et plus de Sidi belabbes au moment de l’enquête est de 94/393 =23.9 % Le taux de prévalence spécifique des diabétiques contrairement au taux de prévalence global s’exprime en fonction d’une modalité de variable (le sexe par exemple avec 2 modalités : masculin et féminin). III.2.- Incidence : C’est le nombre de nouveaux cas d’une affection ou d’un évènement au cours d’une période de temps donnée. Un taux d'incidence c'est le nombre de nouveaux cas d'une maladie apparus pendant une durée donnée, rapporté au nombre de patients à risque pendant la période considérée. Nombre de nouveaux cas au cours d’une période donnée Taux d’incidence = Population à risque au cours de la même période III.2.1.- Incidence instantanée : Il s'agit d'un indicateur dont la construction repose sur des hypothèses rarement vérifiées dans les enquêtes épidémiologiques (très grande population et aucun perdu de vue). Rappelons que l'incidence traduit la vitesse d'apparition de nouveaux cas et imaginons un véhicule qui parcourt une distance donnée en un temps donné. Il est facile de mesurer sa vitesse moyenne : c'est ce que nous avons appelé le taux d'incidence mais il est également possible de mesurer sa vitesse en tout point du parcours et celle-ci peut très bien varier d'un point à l'autre : chacune des mesures est une incidence instantanée. Définition : L'incidence instantanée est la probabilité qu'un sujet présente une maladie à un instant donné t sachant qu'il était encore sain à l'instant précédent. La notion "d'instant" peut être comprise comme un jour mais aussi être étendue dans un sens plus large à une période de un mois ou d'un an. Remarque : Si l'incidence instantanée est constante tout au long d'une durée D d'exposition, le taux d'incidence sur D est alors égal à l'incidence instantanée. III.2.2.- Incidence cumulée (Ic) : La définition mathématique est simple : il s'agit de faire la somme sur une durée D d'exposition de toutes les incidences instantanées survenues au cours de cette durée. Pour simplifier, on est souvent amené à supposer l'incidence instantanée constante pendant la durée D. Alors l'incidence cumulée (Ic) sur la durée D s'écrit : Ic = (Taux d'incidence observé pendant D) x D et si la population est grande et l'événement rare (cas fréquent en épidémiologie humaine) : où D est la durée d'exposition et P0 le nombre de patients à risque au début de l'étude. Exemple : 1 000 sujets sont suivis pendant 3 ans ; 5 tombent malades la 1ère année, 3 la seconde et 2 la troisième. L'unité de temps que nous choisirons est l'année. m = nombre de nouveaux cas = 5+3+2=10 PT = [(P0+Pt)/2]xT = [(1 000+990)/2]x3 = 2985 taux d'incidence annuel = 10/2985 = 0.00335 soit 3.35 malades par an pour 1000 incidence cumulée = 0.00335 x 3 = 0.0101 soit 10 malades/3 ans/1000 Si on suppose l'événement rare et la population grande alors : incidence cumulée = 10/1 000 = 0.01 soit un résultat comparable au précédent. Exemple : observant l'incidence cumulée de la rétinopathie non proliférante du diabète, on note qu'après 14 années d'évolution du diabète, la rétinopathie non proliférante est présente chez la quasi totalité des diabétiques insulino-dépendants. Pour la rétinopathie proliférante l'incidence cumulée progresse rapidement. Après 40 années de diabète, son incidence cumulée est voisine de 62 %. Figure : Incidence cumulée de la rétinopathie diabétique Relation entre incidence et prévalence La prévalence est fonction de la durée de la maladie : plus une maladie dure, plus on risque de la rencontrer en faisant une enquête transversale à un moment donné. La prévalence est aussi fonction de l'incidence de cette maladie : plus l'incidence est élevée, plus on risque de rencontrer la maladie dans la population. Peut-on alors trouver une relation simple reliant ces trois grandeurs la prévalence, l'incidence et la durée de la maladie (attention il s'agit ici de la durée de la maladie et non de la durée de l'exposition à la maladie) ? Oui, sous 4 conditions : - que la population soit stable, - que l'incidence instantanée soit faible, - que l'incidence instantanée soit constante, - que la prévalence soit constante. Dans ce cadre : Prévalence = Taux d'incidence x durée de la maladie. IV.- Les indicateurs de mortalité : Il existe plusieurs façons de mesurer la mortalité. La différence essentielle porte sur le choix du dénominateur et définie deux groupes de mesures. Le premier est fondé sur la notion de fréquence de décès et utilise un dénominateur moyen sur la période étudiée. Si la mortalité est faible et la population grande alors l'assimilation à un taux peut être faite. Le second est fondé sur la notion de probabilité de décès et utilise un dénominateur fixé à la population de départ. Il peut être assimilé à un risque. IV.1.- Mortalité : Elle est définie simplement comme le nombre de décès au cours d'une période de temps. - Taux brut de mortalité (TBM): Encore appelé taux général de mortalité. Sa définition est celle du taux d'incidence avec l'événement "mort". C'est le rapport du nombre total (d) de décès survenues pendant la période considérée sur l'effectif n de la population à risque de décès pendant cette même période quelle qu’en soit la cause. TBM= Nombre total de décès toutes causes survenus dans une région donnée au cours d’une période déterminée Population exposée totale estimative de la même région pendant la même période - Taux spécifiques de mortalité Ils sont spécifiques soit de la population à risque ( taux spécifique par âge, par sexe...) soit d'un type particulier de mortalité (par cancer, par accident...) soit des deux (taux de mortalité masculine par cancer du poumon...). Exemple : En 1985, on a enregistré en Algérie 4134 décès par accident de la route. Le taux de mortalité spécifique correspondant est de 4134/22 083 350= 18,7 pour 100000 IV.2.- Létalité : C’est la proportion des cas à issue fatale d’une maladie donnée. Nombre de décès causé par une maladie Taux de Létalité = Nombre de cas enregistrés pendant l’année Exemple : Le taux de Létalité de la tuberculose (Oran – 2005) =7/85=0.082=8.2% IV.3.- Mortalité proportionnelle: C’est une fréquence relative qui a pour expression : Nombre de décès par une cause donnée pendant une certaine période Mortalité proportionnelle = Le nombre total de décès pendant cette période Exemple : La mortalité proportionnelle de la tuberculose =7/3200=0.0021=0.21% IV.4.- Autres expressions de la mortalité : IV.4.1.- Taux de mortalité infantile : C’est l’un des indicateurs de santé les plus utilisés. Il mesure le risque de mortalité au cours de la première année de vie. Les mortinaissances (mort-nés) ne sont pas pris en compte pour le calcul du taux de mortalité infantile. Nombre de décès d’enfants âgés de moins de 1 an pendant une année Taux de mortalité infantile= Nombre de naissances vivantes au cours de la même période IV.4.2.- Taux de mortalité de moins de cinq ans : C’est un nouveau paramètre mis au point par la division de la population des nations unies avec l’appui de l’UNICEF. C’est le nombre d’enfant qui meurent avant l’âge de 5 ans, une année donnée pour 1000 naissances vivantes de la même année. Il contribue à évaluer l’état de santé de la population. IV.4.3.- Taux de mortinatalité ou taux de mortalité fœtale tardive : Il mesure le risque de mortalité fœtale tardive intervenant au-delà de 28 semaines de gestation. Il est défini par le rapport suivant : Nombre de mortinaissances dans une région déterminée et au cours d’une Période de temps donnée Nombre de naissances vivantes et de mortinaissances dans la même Région et pour la même période IV.4.4.- Taux de mortalité périnatale : Il mesure le risque de mortalité intervenant, soit in utéro au-delà de 28 semaines de gestation, soit au cours de la semaine qui suit l’accouchement. Il est défini par le rapport suivant : Nombre de décès à la période périnatale dans une région déterminée et au cours d’une période de temps donnée Nombre de naissances vivantes et de mortinaissances dans la même Région et pour la même période IV.4.5.- Taux de mortalité néonatale : Il mesure le risque de mortalité dans les 28 jours suivant la naissance. Il est défini par le rapport suivant : Nombre de décès de nouveau-nés âgés de moins de 28 jours dans une région déterminée et au cours d’une période de temps donnée Nombre de naissances vivantes dans la même région et pour la même période IV.4.6.- Taux de mortalité post-néonatale : Il mesure le risque de mortalité au cours de la petite enfance au-delà des 4 premières semaines de vie. Il est défini par le rapport suivant : Nombre de décès de nourrissons âgés de 4 semaines à 1 an dans une région déterminée et au cours d’une période de temps donnée Nombre de naissances vivantes dans la même région et pour la même période IV.4.6.- Taux de mortalité maternelle : Il mesure le risque de mortalité lié à la grossesse et à l’accouchement. Il est défini par le rapport suivant: Nombre de décès de femmes par suite de complications de la grossesse, de l’accouchement et des suites de couches dans une région déterminée et au cours d’une période de temps donnée Nombre de naissances vivantes dans la même région et pour la même période V.- Les indicateurs démographiques : Ils contribuent à évaluer la santé d’une collectivité. Cependant, ces indicateurs ne doivent jamais être interprétés isolément. V.1.- La natalité : C’est l’ensemble des naissances viables. Le taux brut de natalité est défini généralement sur une année par le rapport suivant : Nombre annuel de naissances vivantes Population au milieu de l’année La population au milieu de l’année étant la population moyenne de référence. C’est la somme de la population du début de l’année et celle de la fin de l’année qu’on divise par deux. Exemple : En Algérie, en 1988, il y a eu 806179 naissances vivantes. La population algérienne au 1er janvier 1988 était estimée à 23740000 habitants, Celle du 1er janvier 1989 à 24390000 habitants. La population moyenne de référence en 1988= (23740000+24390000)/2 Le taux brut de natalité en 1988 en Algérie était de 806179/24065000=0.0335 ou 33.5 pour 1000 . V.2.- La fécondité : Nombre annuel de naissances vivantes Le taux global de fécondité= Nombre de femmes de 15-49ans au milieu de l’année V.3.- L’accroissement naturel : C’est la différence entre l’effectif des naissances vivantes et celui de l’ensemble des décès qui surviennent en un an dans une population donnée. Le taux d’accroissement naturel est défini par le rapport suivant : Accroissement naturel de la population en une année Population au milieu de l’année Ce taux est aussi la différence entre le taux brut de natalité et le taux brut de mortalité. V.4.- Espérance de vie à la naissance (ou vie moyenne) : C’est le nombre moyen d’années qu’un nouveau-né peut vivre.