Jean-Paul II

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Jean-Paul II
SAVOIR RÉFLEXIONS
Jean-Paul II
Un message, un espoir
“Reste avec nous” (Jean-Paul II, message de Pâques 2005)
Qualités intellectuelles et spirituelles, charisme, courage : Jean-Paul II était un homme
hors du commun. Tellement hors du commun que le 1er mai dernier l’Église catholique
l’a béatifié et se propose d’en faire un saint.
Mais en fait c’est l’humanité entière qui a bénéficié du message de ce grand pape.
Il a montré aux hommes et femmes de bonne volonté du monde entier, et en particulier
aux jeunes, le chemin de l’amour et de l’espoir. Comment le suivre ?
Comme vous, comme tant d’autres, je me suis interrogé sur le message de Jean-Paul II*.
par Jacques Garello
J
e ne m’attarderai pas à ce que la pastorale de JeanPaul II a apporté aux catholiques, et le renouveau extraordinaire qu’il a insufflé à l’Église. Cela a été dit
avec spontanéité et profondeur par les évêques et le peuple des fidèles. Je préfère, comme d’autres l’ont fait avant
moi, m’interroger non seulement sur les raisons profondes
qui expliquent cet élan populaire, et cet enthousiasme des
jeunes, mais aussi sur l’apport de Jean-Paul II dans la
construction d’un monde plus fraternel et de ce qu’il appelait volontiers “la civilisation de l’amour”. Je crois que
Jean-Paul II nous a donné la passion de la liberté, nous a
prescrit le devoir de compréhension fraternelle, nous a
rappelé la dignité de la personne humaine.
La passion de la liberté
À juste titre, on l’a appelé “le libérateur”. Il a été l’artisan
essentiel de la chute du communisme en Europe, accompagnant le peuple polonais dans la résistance à l’oppression. Il a détaché l’Amérique latine de la “théologie de la
libération” qui paradoxalement transformait les pauvres
en esclaves de l’idéologie marxiste. Et, il n’a cessé de protester contre les persécutions dont est encore aujourd’hui
victime “l’Église du silence”, puisque par exemple deux
évêques sont actuellement dans les geôles chinoises.
À la liberté politique, il a associé la liberté économique
avec son encyclique Centesimus Annus. Si Jean-Paul II a
la passion de la liberté c’est, nous dit-il, parce qu’elle est
inscrite dans la nature de l’homme. Elle est respect de la
personnalité, elle permet à l’être humain d’exprimer ses
talents, sa créativité. L’homme est porteur de projet, il est
créateur - prolongeant la création divine, précise JeanPaul II. C’est pour avoir ignoré cette grandeur de l’homme
et s’être trompé sur sa nature que le socialisme a échoué
et a conduit à la servitude (“Une erreur anthropologique”).
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La compréhension, facteur de paix
L’unanimité s’est faite autour de la contribution de JeanPaul II à la paix dans le monde. On songe notamment à
son dialogue avec les pays du Moyen-Orient, et à sa
condamnation incessante de la guerre, de toute guerre.
Mais ce serait une erreur de le classer pour autant dans le
camp des pacifistes inconditionnels, car ce qui importe à
ses yeux, c’est l’ouverture. “Ouvrez les fenêtres, ouvrez
les frontières” : dès son premier discours, il a voulu être
le pape de l’ouverture, la meilleure façon de connaître les
autres et de désamorcer les haines qui conduisent aux
guerres. Des guerres davantage voulues et provoquées
par les gouvernants que par les peuples. Les peuples doivent donc nouer le dialogue, pratiquer l’échange au-delà
des frontières. La paix que Jean-Paul II appelle de ses
vœux n’est pas un choix politique neutraliste, mais une
profession d’amour de l’humanité entière. Car le commandement de l’amour s’adresse à tous les hommes, à
l’égard de tous leurs frères : aucune exclusion, aucune discrimination. Jean-Paul II a été respectueux de la diversité
des cultures, des langues, et même des religions. C’est
cette ouverture d’esprit et de cœur qui a certainement
valu à Jean-Paul II une part de sa popularité auprès des
jeunes, souvent déconcertés par le vieux monde, par ce
XXe siècle qui a apporté deux totalitarismes inhumains et
deux guerres mondiales.
La dignité de la personne humaine
Les jeunes ont aimé le pape comme il les a aimés. Car ils
ont vite compris que cet homme parlait vrai, et leur montrait le chemin dans une société en perte de repères. Quel
chemin ? Précisément celui de l’humanité, celui de la dignité de la personne humaine. On comprend mieux le
message de Jean-Paul II quand on se réfère à son œuvre
philosophique, présente dans tout son pontificat.
Jean-Paul II s’est inspiré de la phénoménologie de Husserl
et Max Scheller : on comprend l’homme à travers ses actes,
et les actes à leur tour transforment l’homme. C’est le
thème de Personne et Acte, écrit alors qu’il n’était que
Karol Wojtyla. La personnalité de chacun d’entre nous se
forme dans le libre exercice de ses actions. Mais JeanPaul II ajoute à cette philosophie la touche chrétienne :
cette recherche de soi, cette vocation à l’épanouissement,
voire à la plénitude, est guidée par l’amour du Christ, qui
inspire l’amour des autres. Voilà pourquoi l’homme doit
être libre pour trouver son chemin et pourquoi l’homme
doit être ouvert pour progresser sur son chemin.
Jean-Paul II nous indique par là même les limites de la liberté et de l’ouverture : elles sont ordonnées à la dignité
de la personne. La liberté est là pour nous grandir, non
nous avilir. Nous pouvons faire mauvais usage de notre
liberté : c’est le péché, inscrit lui aussi dans la nature de
l’homme, perfectible mais non parfait. La compréhension
et l’ouverture aux autres ont aussi une limite, c’est celle
de l’inhumanité : peu importent les régimes, les traditions,
les lois, pourvu que soit respectée la personne humaine.
Et maintenant ?
Serviteur de Dieu et de l’Humanité, Jean-Paul II s’est éteint
il y a six ans. Benoît XVI lui a succédé sur le Siège de
Pierre. En dépit de personnalités et de styles bien différents, les deux pontifes ont toujours été très proches.
Ensemble, ils avaient conçu Fides et Ratio, tous deux appelant à éclairer la foi par l’intelligence, et l’intelligence
par la foi, loin des excès de l’intégrisme fanatique et du
rationalisme présomptueux. Ensemble, ils ont condamné
et combattu le matérialisme et le totalitarisme. Ensemble,
ils ont prêché pour un monde ouvert sur la compréhension
et la paix. Ensemble, ils ont œuvré pour une civilisation
de l’amour éclairé par la vérité.
LA DISPOSITION ESSENTIELLE DU TESTAMENT
DE JEAN-PAUL II :
PORTEZ LA FOI DANS L’HOMME, PORTEZ L’ESPOIR
D’UN MONDE D’AMOUR ET DE PAIX.
CEUX QUI VEULENT ACCEPTER CETTE MISSION
SAVENT QUE L’ESPRIT ET LE CŒUR DE JEAN-PAUL II
SERONT TOUJOURS AVEC EUX : RESTE AVEC NOUS.
Mais, en ce qui concerne les hommes et femmes de bonne
volonté et du monde entier, que feront-ils de l’héritage intellectuel et spirituel de Jean-Paul II ?
L’avenir de l’humanité ne repose pas sur les épaules d’un
seul homme, fût-il un génie ou un saint.
Jean-Paul II n’a cessé de nous exhorter à prendre nos responsabilités : pour témoigner par notre comportement,
pour enseigner par nos discours et nos écrits, pour réaliser
par nos actions, pour aimer.
Bien que nos initiatives puissent nous mener à n’importe
quel moment n’importe où, Jean-Paul II a indiqué
quelques-unes des urgences qui s’imposent aux hommes
libres et responsables :
- continuer à contribuer à la libération des peuples opprimés, travailler au respect des droits individuels de la personne humaine ;
- monter bonne garde contre les faux progrès qui attentent
à l’intégrité physique et morale de l’être humain ;
- porter une attention particulière à ceux qui souffrent, à
ceux qui endurent des handicaps, car ils sont nos égaux
en dignité - Jean-Paul II a lui-même témoigné de cette
dignité ;
- aider les peuples pauvres à se développer en leur permettant d’accéder aux bienfaits du marché grâce à un
effort massif de formation et de développement du capital humain ;
- multiplier les échanges entre les peuples, notamment
les échanges de jeunes, qui ont mission de bâtir un
monde plus fraternel.
Voici finalement la disposition essentielle du testament
de Jean-Paul II : portez la foi dans l’homme, portez l’espoir
d’un monde d’amour et de paix. Ceux qui veulent accepter
cette mission savent que l’esprit et le cœur de Jean-Paul II
seront toujours avec eux : “Reste avec nous.” 
* Je me suis permis de reprendre pour l’essentiel le
texte que j’avais écrit à l’occasion de la disparition de
Jean-Paul II (2 avril 2005) dans la revue The Lion en
français n°558 mai 2005. Comme toutes les rubriques
Forum que j’ai rédigées depuis avril 2002, celle-ci peut
être consultée sur le site www.forumlions.net (à jour
des derniers numéros de la revue).
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