707 Ko - CCI France

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707 Ko - CCI France
Entrepreneurs et développement territorial
Comment associer les dynamismes privés
à la mise en œuvre des politiques publiques ?
de pouvoir aux collectivités territoriales. Qu’en
feraient-elles et pourquoi ?
D
ans le prolongement de la réflexion ouverte
par Bruno Rémond, le débat s’engage autour
du rôle des entrepreneurs et de la place des CCI
dans la nouvelle gouvernance des territoires qui
s’annonce, en compagnie de deux Présidents
de Chambre, Jean-Alain Mariotti, Président
de la CCI du Lot-et-Garonne et Vice-Président
de l’Assemblée des Chambres, en charge de la
réflexion sur l’aménagement du territoire, de
Michel Dieudonné, Président de la Chambre
du Jura et Vice-Président du Groupe Berchet, et
de Pierre-Noël Giraud, professeur à l’Université
Paris-Dauphine et à l’Ecole des Mines, auteur d’un
ouvrage remarqué “Le commerce des promesses”.
Au final, Nicolas Jacquet, nouveau Délégué à
l’aménagement du territoire et à l’action régionale,
fait part d’une certitude et partage ses interrogations pour conclure sur un appel aux CCI.
Pour commencer, je voudrais rappeler deux ou
trois points sur la mondialisation et ses défis.
Tout d’abord, la mondialisation est un phénomène inéluctable, non pas en raison d’une quelconque fatalité technique : tout ce que l’homme
a fait, il peut le défaire. D’ailleurs, une première
phase de mondialisation, au début du XXème
siècle, a été brutalement arrêtée pour des raisons
trop humaines : une guerre mondiale et la plus
grave crise économique que le monde ait
connue. Si la mondialisation est inéluctable pour
les trente ans qui viennent, c’est parce qu’elle est
bénéfique à une majorité de gens, ou du moins
à une majorité de gens qui comptent. Qui parmi
nous aujourd’hui refuserait d’acheter un VTT à
99 euros pour ses enfants ? Or un VTT à ce prix
ne peut venir que de Chine.
Olivier DE RINCQUESEN
Olivier DE RINCQUESEN
Pierre-Noël Giraud, pensez-vous
que la réflexion de Bruno Rémond s’inscrit
dans cette démarche bien française qui consiste
à promettre plus qu’à tenir ?
Comment expliquez-vous l’émergence
de mouvements de contestation
comme Attac ou José Bové ?
Est-ce du sentimentalisme, du passéisme ?
Pierre-Noël GIRAUD
Pierre-Noël GIRAUD
Nous sommes tous un peu schizophrènes.
La mondialisation a des avantages et des
inconvénients. Selon la pondération entre
les deux, vous y êtes favorables ou vous êtes
critiques.
Economiste, Directeur de la CERNA,
Ecole des Mines de Paris
J’ai été impressionné, comme
tous je pense, par le caractère
brillant et stimulant de
l’exposé de Bruno Rémond.
Je vais me placer dans la perspective encourageante sans
doute où l’on donnerait plus
La mondialisation provoque des angoisses parce
qu’elle nous met, tous autant que nous sommes,
en compétition de manière croissante : personne
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Entrepreneurs et développement territorial
de la Chambre de Commerce qui nous accueille
l’a dit, il est évident qu’en France on ne peut pas
jouer la compétitivité par les prix. Autrement
dit, la complainte sur le mode “nous sommes
trop chers” a sans doute une certaine justification, mais fondamentalement il faut renverser
la problématique et dire : pour le prix que nous
coûtons, qu’offrons-nous ? Nous ne pouvons
nous battre que par l’innovation et la qualité,
parce qu’au jeu de la compétitivité par les prix,
les Chinois seront toujours meilleurs que nous.
Je cite à dessein les Chinois parce que non
seulement la Chine a des coûts de main d’œuvre
très bas mais en plus elle ne manque pas
de ressources humaines d’excellente qualité.
n’y échappe. Dans mes livres, j’ai utilisé une
distinction entre les compétitifs, c’est-à-dire ceux
qui sont soumis à la compétition d’autres territoires, et les protégés. Même les protégés sont
soumis à la compéAttirer les retraités : tition parce qu’ils
vivent des revenus
un véritable enjeu
qui sont distribués
sur un territoire : plus le territoire compte de
compétitifs, mieux les protégés s’en sortent.
La stabilité qui caractérise la France (45 %
des revenus distribués sur un territoire ne sont
pas liés à la compétitivité de celui-ci puisqu’il
s’agit des emplois publics et des retraites) va
se réduire. En effet, les emplois publics vont
probablement diminuer et, quant aux retraités,
français mais aussi étrangers à hauts revenus,
les attirer va devenir un véritable enjeu économique. La compétition va donc aller croissant
pour tout le monde.
Pour améliorer sa compétitivité/qualité, il faut
accumuler trois types de capital : humain, social
et productif/physique. En France, nous savons
accumuler le capital humain (formation, etc.) et
le capital physique (infrastructures de transport,
etc.). En revanUne nécessaire
che, nous somcoopération
entre sphère publique
mes moins bons
et entreprises privées
en matière de
capital social/relationnel (savoir travailler ensemble). Or ni le secteur privé seul ni la sphère
publique seule ne peuvent accumuler ces trois
types de capitaux sur un territoire. L’accumulation
de ces trois types de capitaux résulte nécessairement d’une coopération entre la sphère publique
et les entreprises privées. L’Etat seul, s’il se mêle
de définir l’humain de la formation, ne va pas
comprendre quels sont les véritables besoins.
S’il se met à définir seul les infrastructures, il va
construire des TGV vers le désert ou des réseaux
surcapacitaires ou trop peu flexibles. Pour ce qui
est du capital social, c’est plutôt l’initiative privée
qui doit être le moteur, mais on sait bien que
des initiatives publiques ou du moins collectives
Que pouvons-nous faire pour relever le défi ?
Je précise tout de suite que je ne suis pas protestant même si je vais utiliser le terme “HSP”.
Le seul moyen
Innovation et qualité,
de relever le
clés pour la compétitivité défi, pour un
d’un territoire
territoire
donné, c’est d’être compétitif. Je suis obligé de
le préciser puisque, d’entrée de jeu, le Président
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Entrepreneurs et développement territorial
de norme en ce qui concerne les têtes, parce
que les cheveux se font à la main et parce que
la confection des vêtements de poupées nécessite
des petites mains.
pour cristalliser un certain nombre de coopérations sont aussi absolument nécessaires. Comment faire et quel peut être le rôle des CCI
là-dedans ? Je ne suis certainement pas le mieux
placé ici pour en parler, mais je suis sûr que vous
devriez avoir un rôle important.
Sur le marché des jouets intégrant de l’électronique, la situation est plus équilibrée. Si l’électronique pure est dominée par des multinationales
souvent asiatiques, les jouets électroniques sont,
pour une bonne part, américains et européens
et en particulier français. L’électronique n’est pas
française, elle est conçue en France, mais elle est
fabriquée généralement en Asie, mis à part
les composants les plus sophistiqués qui viennent
des Etats-Unis. Aujourd’hui, la petite fille veut
une poupée qui la reconnaisse : c’est la raison
pour laquelle il faut maintenant beaucoup
de technologie si l’on veut vendre des poupées.
Les industriels du jouet, en particulier les industriels français, savent le faire, mais ils ne peuvent
pas tout faire.
Olivier DE RINCQUESEN
Nous allons prolonger ce constat
par une illustration. Michel Dieudonné,
vous avez connu dans votre Jura tant aimé
le drame qui a été évoqué
et vous avez initié vos propres solutions.
Michel DIEUDONNÉ
Président de la CCI du Jura
Pour illustrer les propos de
Pierre-Noël Giraud, je vais
prendre ma casquette d’industriel, sachant que je partage tout à fait ce qu’il vient
de dire. Personne ne peut
échapper à la mondialisation : si elle apporte aux industriels beaucoup
de contraintes, elle leur apporte aussi, s’ils savent
la maîtriser et l’organiser, le développement et
la prospérité.
Où se situent les fabricants français ? Il y a quinze
ans, nous étions plus de six cents ; aujourd’hui,
nous sommes moins de soixante. Deux groupes
familiaux dominent le marché en France : les deux
sont jurassiens. Pour vous donner une idée
du rapport de force, le total de notre chiffre
d’affaires France et export représente le chiffre
d’affaires des seules filiales américaines de Mattel
et de Hasbro.
Dans l’industrie du jouet, la mondialisation est
une réalité quotidienne. En gros, le jouet est
un marché totalement mondial, dominé par
un tout petit nombre
La mondialisation
de multinationales,
est une réalité
dont deux américaiquotidienne
nes, qui utilisent à
fond les capacités de production et les faibles
coûts de production de l’Asie et en particulier
de la Chine. Pratiquement, dans le monde,
on ne peut plus fabriquer de poupées ailleurs
qu’en Chine, pour un problème technologique
Olivier DE RINCQUESEN
C’est en constatant cette menace
de la compétition internationale féroce
que vous avez réuni vos énergies jurassiennes.
Michel DIEUDONNÉ
C’est là où les Chambres peuvent avoir un rôle
important à jouer. Je peux dire que, sans la
Chambre du Jura, je ne serai pas là aujourd’hui.
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Entrepreneurs et développement territorial
d’affaires de cinq milliards de dollars. Néanmoins, nous nous portons bien, nous avons
une douzaine de filiales de commercialisation
à l’étranger, nous vendons dans 89 pays dans
le monde, notre collection est renouvelée à 30 %
chaque année, nous employons mille salariés,
et nous sommes très confiants pour l’avenir.
Il y a quarante ans, la CCI du Jura a pris l’initiative de réunir les fabricants de jouets jurassiens –
ils étaient 85 à l’époque – sur le thème de
l’exportation. Elle avait fait venir un ingénieur
consultant qui connaissait bien l’export. Au bout
de deux journées de séminaire, la conclusion
fut claire : “Messieurs,
vous n’arriverez pas à
exporter et à réussir si
S’unir pour réussir
vous ne savez pas vous
unir car tout seul,
vous n’aurez jamais les moyens suffisants”.
On nous a proposé un schéma d’organisation.
A l’époque, cinq ont accepté. Un an après, deux
sont venus nous rejoindre. C’est ainsi que nous
avons créé Super Jouet, ce qui nous a permis de
monter une organisation commerciale pour
exporter en Europe. Le préfet et les services
de l’Etat nous ont aidés, en particulier en mobilisant les postes économiques à l’étranger.
Olivier DE RINCQUESEN
Nous n’avons pas le temps de faire le catalogue.
Néanmoins, pour Bruno Rémond
qui a renoncé au VTT chinois,
faites la promotion du tricycle Berchet,
qui est le produit phare de l’entreprise.
Michel DIEUDONNÉ
Nous vendons des tricycles pour les enfants
de deux ans, au même prix que le VTT chinois.
Par contre, dans ce tricycle, nous avons apporté
beaucoup d’intelligence. C’est là où je rejoins
ce que vient de dire Pierre-Noël Giraud :
si l’on veut réussir, il faut arriver
à conjuguer les différentes facettes du capital. A mes yeux, le
plus important est le capital
de l’intelligence. Pour une
entreprise régionale, implantée dans un département
de montagne, le capital est
d’abord humain. Maintenant, pour réussir dans l’industrie, il faut tout : des finances,
un outil industriel dirigé par des
diplômés de haut niveau où le marketing,
la prospective et le commercial prennent une
place de plus en plus déterminante.
Je dois dire que, sur les sept qui ont
fondé Super Jouet, certains ont
disparu parce qu’ils n’avaient pas
d’héritier et deux sont devenus
les deux premiers groupes
familiaux français. Cette
démarche relève cependant
pour l’essentiel du dynamisme privé. Si nous avons pu
nous développer, c’est grâce
d’abord au ressort des entreprises.
Pour vous donner une idée du rapport de force, nous avions comme objectif d’atteindre le milliard de francs de chiffre
d’affaires France et export (l’export représente
près de 60 % de notre chiffre d’affaires). Nous
l’avons atteint et même dépassé. Cela dit,
pendant que nous faisions un chiffre d’affaires
d’un milliard de francs, Mattel faisait un chiffre
Ce personnel doit être rémunéré au même
niveau que le sont leurs homologues chez nos
concurrents multinationaux. Il faut en outre leur
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Entrepreneurs et développement territorial
offrir un cadre de vie qui fasse la différence avec
celui qu’ils peuvent avoir dans une très grande
agglomération. Il faut aussi qu’ils ne se sentent pas
isolés : il leur faut donc de très bons moyens de
communication.
Pour que l’on
L’important ?
le capital de l’intelligence puisse les joindre
à tout moment
sur leur téléphone portable, il ne faut pas qu’il
manque de relais dans le département du Jura.
Pour cela, les collectivités territoriales doivent
avoir une politique qui favorise l’intelligence et la
venue d’intelligence dans les entreprises.
+ Territoire compétitif
Entreprise innovante
Développement durable
Nous pensons, et particulièrement dans mon
Lot-et-Garonne profond, qu’il faut surtout faire
très attention à la notion de développement, que
nous préférons à celle d’aménagement. En effet,
l’aménagement est un système qui nous est
octroyé par Paris. Nous, nous préférons de beaucoup la notion de développement parce que
le développement implique un partenariat et une
réflexion en amont dans laquelle l’entreprise
locale a son mot à dire. Si l’entreprise locale
a une valeur ajoutée supérieure, elle créera des
emplois, de la richesse et de l’impôt. Je ne suis
pas un ardent partisan de la taxe professionnelle,
mais actuellement il faut bien reconnaître que
les richesses locales sont produites et payées
à majorité par les entreprises. Bien entendu,
j’inclus dans les entreprises les salariés.
Olivier DE RINCQUESEN
Jean-Alain Mariotti, vous êtes à la tête
d’une grosse PME spécialisée dans les analyses
médicales haut de gamme.
Jean-Alain MARIOTTI
Président de la CCI du Lot-et-Garonne,
Vice-Président de l’ACFCI
Nous avons eu des exposés
particulièrement brillants.
Michel Dieudonné a bien
expliqué comment une entreprise performante pouvait se
développer même si le Jura
n’est pas a priori le département français dans lequel il se serait installé
s’il devait le faire maintenant.
Il faut à un moment que l’on situe le curseur et
que l’on regarde à quel endroit la représentation
des entreprises peut se faire. Je rappelle à nos
intervenants que les élus consulaires sont élus
au suffrage universel. Certes, on peut discuter
de la participation, encore que je ne sois pas
du tout traumatisé par ce problème. A quel
moment les Chambres peuvent-elles faire entendre leur voix et à quel niveau ?
Son exemple montre que, quand on arrive à
croiser les conditions de développement de
l’entreprise avec le territoire pertinent, on peut
se développer correctement. Tout le monde
s’accorde maintenant à dire que c’est dans cette
double interactivité entre le territoire et l’entreprise que le développement économique naîtra.
La CCI du Lot-et-Garonne a sur son territoire
une entreprise qui s’appelle UPSA, qui est
le leader mondial de l’effervescent. Suite au
décès du fondateur, cette entreprise a été vendue
à un grand groupe pharmaceutique (BMS).
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Entrepreneurs et développement territorial
Bruno RÉMOND
Sanofi-Synthelabo (Bordeaux), le laboratoire
Pierre Fabre et BMS se sont mis d’accord pour
détecter leurs besoins communs en développement et ont sollicité notre concours pour attirer
des universitaires. Dans un deuxième temps,
ils nous ont demandé si l’institut de la Garonne,
qui est un centre de transfert de technologies,
ne pouvait pas bénéficier de fonds publics. Nous
en avons parlé au préfet de la Garonne de
l’époque, Nicolas Jacquet. Celui-ci, séduit par
le projet, a mobilisé toute la sphère publique.
Cet exemple montre ce que l’on peut réaliser
dans un département modeste quand les différents intervenants, les industriels, la sphère
universitaire et la sphère étatique, se mettent
d’accord. Ce projet, je tiens à le souligner,
implique les deux régions. Si l’on va vers une
décentralisation trop poussée, avec des régions
Magistrat à la Cour des Comptes, auteur du livre
De la démocratie locale en Europe
Il est difficile de répondre
simplement à cette interrogation. Les trois présentations
complémentaires qui viennent d’être faites montrent
bien qu’il est dangereux pour
une société que le découpage
à la fois cadastral et institutionnel des pouvoirs
publics ne corresponde pas aux réalités économiques et sociales qu’il est censé servir.
C’est à mon sens le plus important. Disant cela
d’ailleurs, je ne suis pas très innovant puisque
c’est déjà ce que Clémenceau déclarait en 1906
à Draguignan. J’avais la mission d’attirer votre
attention sur la non pertinence absolue qu’il y a
à propulser dans l’avenir un modèle d’Etat essentiellement du passé. Ce modèle était certainement
très performant au XIXème siècle, le demeura
quelque peu durant les décennies chahutées du
début du XXème siècle mais ne l’est plus du tout.
Quel avenir
pour la coopération
interrégionale dans
une décentralisation
renforcée ?
Imaginons que nous soyons en 1970. Je trace
un cercle au tableau et, dans ce cercle, je localise
tout ce qui est conçu par la société civile comme
étant de la responsabilité des pouvoirs publics :
environnement, aménagement du territoire,
construction de routes, entretien du macadam
vicinal, système éducatif du primaire au supérieur,
santé, postes, télécoms, transport ferroviaire, électricité, gaz, etc. Depuis, sous l’effet du libéralisme
et de la mondialisation, une part importante de
ce portefeuille de compétences n’est plus ou ne
sera plus dans un avenir proche de la responsabilité des pouvoirs publics : le cercle s’est rétréci.
Collez sur cette image les décideurs existants.
En 1970, quels sont les décideurs publics qui ont
à gérer ces compétences qui sont imparties par
françaises qui sont pour moi trop petites, aurat-on au niveau régional la capacité suffisante
pour faire émerger les réels problèmes ? Nos élus
de petites régions auront-ils la sagesse de s’associer avec les régions voisines ?
Olivier DE RINCQUESEN
Comme dans l’exemple du Jura,
la réussite est née du croisement,
à un moment donné,
d’une initiative privée
et d’une politique publique.
Quel est le bon niveau de compétence ?
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Entrepreneurs et développement territorial
Bruno RÉMOND
Il est vrai que nos régions sont petites et que
même les plus puissantes d’entre elles n’arrivent
pas à la cheville de la Lombardie, de la Bavière
ou de la Catalogne. Cependant, il faut se
souvenir
que l’enfer
Restructurer les territoires
est pavé de
pour mieux les développer
bonnes
intentions : on ne peut pas tout refondre. Je
pense que le meilleur des découpages serait une
restructuration drastique du niveau communal,
la suppression de nombre de départements et
le transfert d’un certain nombre de compétences
fonctionnelles aux régions. Si un certain nombre
de compétences fonctionnelles étaient transférées aux régions, elles seraient bien obligées de
se mettre ensemble pour pouvoir les gérer. Dans
un article paru il y a trois ans, Patrick Devedjian
avait eu cette formule lapidaire : “36 000 communes, c’est trois fois de trop ; 100 départements, c’est cent fois de trop ; 22 régions, c’est
au moins deux fois de trop”. Je ne suis pas sûr
que l’on puisse être aussi drastique, mais c’est
un peu l’orientation qu’il faudrait prendre.
la société aux pouvoirs publics ? L’Etat fait tout.
La Communauté économique européenne n’intervient que sur le champ de la politique agricole,
qui, pour 95 % de ses dépenses, est normée sur
la base des imports-exports et ne permet aucune
autonomie décisionnelle du processus politique
à Bruxelles.
Si vous ne donnez pas
de véritables responsabilités aux élus,
vous ne pouvez pas leur demander
d’assumer de véritables compétences
Aujourd’hui, nous avons une machine publique
à six niveaux : l’Union européenne, l’Etat central,
la région, le département, la commune et les établissements publics intercommunaux. Comment
voulez-vous arriver à une rationalité démocratique et intelligence d’un processus aussi alambiqué ? C’est pour cela que je pense que des nécessités fonctionnelles plaident en faveur d’une
rationalisation du dispositif. Deuxièmement, il
est aussi normal que corresponde au suffrage
universel direct la responsabilité qui est attachée
à ce mode de désignation, ce qui n’est pas le cas
à l’heure actuelle. Depuis 1982, les régions ont eu
très peu de compétences en matière de formation
professionnelle et d’apprentissage alors même
que le législateur disposait que c’était le conseil
régional qui était responsable dans ce secteurlà. Si vous ne donnez pas de véritables responsabilités aux élus, vous ne pouvez pas leur demander d’assumer de véritables compétences.
Olivier DE RINCQUESEN
Quel est, selon vous,
le maillon faible
dans ces différents échelons ?
Pierre-Noël GIRAUD
Les départements ont été définis en fonction du
moyen de transport de l’époque : le cheval. Il fallait pouvoir aller et revenir à la préfecture en une
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Entrepreneurs et développement territorial
entreprises, des sous-traitants, etc. situés dans
un rayon de 25 kilomètres autour de nous.
Maintenant, comme le jouet fait de plus en plus
appel aux technologies, le champ s’est considérablement étendu. Pratiquement tous les jours,
nos collaborateurs ont besoin d’informations.
journée de chaque point du département. Pourquoi ne redécouperait-on pas le territoire en
tenant compte des moyens modernes de
transport ?
Bruno RÉMOND
En 1789, on retient l’idée de découper le territoire en département, sur la base d’un rapport fait
par Dupont de Nemours à la demande de Turgot
en 1785, et on se demande ce que l’on va adopter
comme découpage. Deux thèses s’affrontent :
Sieyes et Thouret préconisent un grand nombre
(83) de petits départements et des provinciaux s’y
opposent. L’un d’eux, Bouche, apostrophe Sieyes
et Thouret à l’Assemblée et les fustige en leur disant : “Vous préférez avoir face à vous une multitude de
Multitude de petits roquets
petits
ou quelques
roquets
grands chiens-loups ?
plutôt
que quelques grands chiens-loups ?” En France,
l’Etat central a toujours préféré fragmenter le territoire pour pouvoir mieux le contrôler.
Développer notre réseau
pour optimiser nos compétences
Autre anecdote, l’Etat a mis trois ans à choisir
le mode selon lequel les conseillers régionaux
seraient élus. Finalement, en 1985, Fabius
se décide pour la proportionnelle dans le cadre
départemental et convoque les présidents de
conseils régionaux, pour la leur annoncer. Edgar
Faure, président de la Franche-Comté, prend
la parole et lui dit sans ambages que ce mode
de scrutin est idiot et lui explique pourquoi.
Fabius répond : “Je le sais, mais c’est le seul
moyen que j’aie trouvé pour éviter que ne se
dressent face à l’Etat de grands ducs provinciaux”.
Nous travaillons avec la Chambre du Jura, mais
celle-ci ne peut pas, seule, avoir toutes les compétences. Quel que soit demain le découpage
territorial qui sera établi en France, il faut aussi
voir quelles compétences auront les régions
ou les pouvoirs territoriaux. Les régions veulent
des compétences économiques, mais on ne peut
pas avoir toutes les compétences car, sinon,
il faudrait des moyens considérables. Or les CCI
ont toutes ces compétences. Nous devons, dans
l’institution consulaire, travailler beaucoup plus
sur le développement du réseau. Si un collaborateur de notre groupe a une question à poser à
la CCI du Jura et que son vis-à-vis n’a pas
la réponse, il devra la trouver rapidement car nous
avons besoin de réponses rapides. Or les réponses
rapides et pertinentes existent dans les CCI,
à condition de faire jouer le réseau.
Michel DIEUDONNÉ
Je voudrais que l’on revienne aux Chambres de
Commerce. En 1975, nous travaillions avec des
Olivier DE RINCQUESEN
Permettez-moi de vous dire
que vous êtes en avance d’un débat.
34
Entrepreneurs et développement territorial
J’ai eu effectivement la joie de voir un jour un
tout jeune préfet arriver dans le Lot-et-Garonne.
Dans les premières discussions, j’ai eu le sentiment que ce jeune préfet avait l’intention
de m’administrer puisqu’il a commencé par me
rappeler que les CCI sont des établissements
publics sous tutelle. Comme je réagissais
quelque peu, il m’a dit qu’il assimilait la tutelle
au tuteur que l’on place à côté d’une plante pour
l’aider à grandir et à s’épanouir. Telle fut notre
première discussion.
Si vous dites tout maintenant,
que dira-t-on demain après-midi ?
Bruno Rémond, nous avons bien compris
que vous préconisiez la méthode du coiffeur,
qui consiste à couper
tous les cheveux qui dépassent.
Néanmoins, vous n’avez pas
désigné le maillon faible
comme je vous y invitais.
Bruno RÉMOND
J’ai dit très clairement qu’il était préférable
de faire disparaître le niveau départemental, mais
pas de manière homogène. Je pense que, dans
nombre de parties du territoire français, le
département reste une bonne entité géo-économico-institutionnelle. En revanche, dans les
territoires proches des grandes agglomérations,
le département ne sert à rien. Quand on parle
de réforme de l’Etat,
on est à la recherche
Un Etat trop lourd,
trop onéreux
d’une nouvelle structure interne d’un Etat
qui soit en phase quantitativement et structurellement avec ses missions. Or on sait que notre
Etat, au sens large du terme, est beaucoup trop
lourd et par voie de conséquence beaucoup trop
onéreux.
Olivier DE RINCQUESEN
Vous nous fournissez une transition élégante
pour introduire le propos du nouveau délégué
à l’aménagement du territoire
et à l’action régionale, Nicolas Jacquet.
Olivier DE RINCQUESEN
Monsieur Mariotti,
pourriez-vous nous raconter l’arrivée
de Nicolas Jacquet dans le Lot-et-Garonne ?
Intervention de
Nicolas JACQUET
Délégué à l’aménagement du
territoire et à l’action régionale
Jean-Alain MARIOTTI
Je suis très honoré, au nom de l’ensemble de mes
collègues, que le nouveau délégué à l’aménagement du territoire ait choisi, pour l’une de ses
premières sorties officielles, les CCI.
J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt ce débat.
Puisqu’on parlait de la façon de découper les
départements, je voudrais rappeler la façon dont
a été créé le département du Tarn-et-Garonne,
35
Entrepreneurs et développement territorial
par des représentants des entreprises élus. C’est
une démarche complètement moderne. Quand
on parle de démocratie participative, d’association entre
le privé et
le public,
nous avons
là un bel
exemple de
ce que peut
être un travail commun entre
les entrepreneurs et
les pouvoirs publics.
Nicolas Jacquet
voisin du département du Lot-et-Garonne cher
à Monsieur Mariotti. Napoléon est arrivé à
Agen, a rencontré des personnalités représentant
la Chambre de Commerce du Tarn-et-Garonne,
qui lui ont dit qu’elles souffraient de ne pas être
un département. Dans la foulée, Napoléon a
pris la carte et a créé le département du
Tarn-et-Garonne en prenant une partie du Lotet-Garonne et en donnant, pour compenser,
une partie de la Gironde au Lot-et-Garonne.
L’affaire a été réglée dans la journée !
Quelle organisation et quelle place pour les
Chambres de Commerce dans le débat qui
s’ouvre sur le développement territorial au
moment où l’on réfléchit à la décentralisation ?
Sur ce sujet, j’ai une certitude et de nombreuses
interrogations.
Les CCI sont modernes dans leurs méthodes
de travail car, par essence, les CCI fonctionnent
dans une logique de partenariat et de contractualisation. Elles sont les interlocuteurs des pouvoirs publics et elles ont leur propre champ
d’action.
Une certitude :
les CCI sont des institutions modernes
J’ai une certitude : les CCI sont des institutions
modernes, à la fois dans leurs finalités, dans leur
mode de fonctionnement et dans leurs
méthodes de travail. C’est une
conviction personnelle, forgée
après bien des années passées
dans nos territoires.
C’est parce qu’elles sont modernes que
je pense que les CCI peuvent jouer
un rôle majeur dans ce grand
champ qui s’ouvre de la décentralisation. Le Premier Minisleurs finalités
tre, dans sa déclaration de
Les CCI sont modernes dans
l e u r fo n c t i o n n e m e n t
politique générale, propose
leurs finalités car la vocation
leur méthode de travail une double approche de la
première d’une CCI est de contridécentralisation : la cohérence et la
buer au développement local. Nous
proximité.
sommes en plein dans la modernité de nos
CCI
d a n s
modernes
débats : comment rapprocher du terrain les prises de décision ? Comment mieux associer les
acteurs ? Comment libérer les énergies ?
La cohérence est assurée par le lien entre
l’Etat et la région pour définir des cohérences
territoriales.
Les CCI sont modernes dans leur mode de
fonctionnement car une CCI fonctionne dans
une sorte de démarche collective conduite
La proximité consiste à rapprocher du terrain la décision : des politiques de proximité
doivent être conduites par les acteurs de proximité.
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Entrepreneurs et développement territorial
à bien leur opération. Pour illustrer la capacité
d’initiative des CCI, je pense également à la
gestion des fonds européens. Beaucoup de CCI
participent à la gestion des fonds européens, sont
présentes dans les comités de suivi, parfois dans
la gestion même des programmes. Dans la région
Ile-de-France, la CCI a été le gestionnaire du
programme CONVER pour les industries de
l’armement. On pourrait aussi parler de l’action
des structures régionales de développement
économique et des commissaires au développement économique. Dans le Nord-Pas-de-Calais
par exemple, la Chambre Régionale de Commerce et d’Industrie est l’un des trois membres
du triumvirat qui pilote le développement
économique avec le conseil régional et la préfecture de région.
Les CCI ont l’un et l’autre : elles ont leur
échelon de cohérence, les Chambres régionales
de commerce et d’industrie, et leur échelon
de proximité, les Chambres de commerce et
d’industrie implantées dans nos départements
ou nos arrondissements. Je crois que les CCI
peuvent être pleinement les acteurs du développement local et être les partenaires de ce grand
chantier de la décentralisation. Prenons quelques
exemples de succès des CCI dans des actions
de développement local.
J’ai en tête les SPL, qui sont des politiques
conduites en partenariat avec la DATAR. Quantité de systèmes productifs locaux ont été réalisés
sur l’ensemble du pays. Je note le pôle hydraulique et mécanique d’Albert dans la Somme,
le SPL chaîne graphique à Limoges, la bonneterie de sport à Troyes, les fruits et légumes à
Marmande et je constate que les SPL qui sont
montés en puissance sont ceux pour qui,
au départ, les CCI ont joué un rôle de “tuteur”
à l’égard des entreprises. Cet exemple des SPL
est extrêmement intéressant. Sur le modèle des
districts italiens, il s’agit d’amener les entreprises,
dans un pôle d’excellence, à travailler ensemble
sur le plan de la recherche, de la formation,
du marketing, et avec les pouvoirs publics.
Des interrogations
Les CCI ont montré leur capacité à agir en
matière de développement. Dès lors, que faire
dans le cadre de ce chantier de la décentralisation ? A partir de maintenant, je vais davantage
poser des questions qu’apporter des réponses.
Faut-il modifier le découpage institutionnel ?
Je ne crois pas que ce soit l’état d’esprit du
gouvernement que de partir dans une logique
institutionnelle où, vu d’en haut, on redécoupe
les départements, les communes, etc. Ce fut
la démarche d’une certaine époque, mais ce n’est
plus la démarche moderne. La démarche moderne
consiste à laisser le
soin au terrain de dire
Au terrain de dire
ce qui est bon. Ce
ce qui est bon
droit à l’expérimentation, cette confiance faite au terrain est la grande
nouveauté de la démarche initiée par le gouvernement. Les besoins des territoires ne sont pas
Autre exemple, Entreprendre en France est un
réseau qui est très
porté par les CCI.
Derrière ce réseau,
d’autres initiatives
ont été conduites
comme les dispositifs de prêt d’honneur aux TPE qui ont pris
une extension remarquable. Les plates-formes
d’initiative locale ont été de bonnes occasions
d’aider des porteurs de projets locaux à mener
37
Entrepreneurs et développement territorial
l’expérimentation. Mon opinion personnelle est
que ce droit à l’expérimentation doit être ouvert
à tous : aux collectivités territoriales, aux forces
vives comme les Chambres de Commerce, à l’Etat.
uniformes. La France est faite de diversité : il faut
prendre en compte cette diversité et la richesse
qu’elle porte pour construire une France autrement, une France qui pourrait se dessiner à partir des initiatives et des
projets de chacun. Le débat
région, département, commune est en fait un débat un peu
secondaire dès lors que l’on
prend le problème à partir du
citoyen, en essayant d’apporter
des réponses au citoyen. Je viens
de me procurer une analyse comparative des modes d’organisations des différents pays d’Europe faite par le comité des
régions. Cette étude fait apparaître que, dans
la quasi-totalité des pays européens, il existe trois
niveaux :
La décentralisation a pour objet
d’être un levier de la réforme
de l’Etat. Pour être un fonctionnaire de l’Etat depuis
de nombreuses années, il faut
reconnaître que nous sommes
aujourd’hui dans une impasse.
L’Etat a essayé de se réformer par
le haut, au niveau de ses administrations
centrales : cela n’a pas été un grand succès.
L’Etat a essayé aussi de se réformer par la déconcentration. J’y ai cru et j’y crois encore, mais
les administrations centrales n’ont pas joué
le jeu : elles
La décentralisation,
ont donné
levier de la modernisation
des compéde l’Etat
tences avec
des élastiques au niveau territorial pour rapidement les reprendre. Quand, en matière routière,
on affiche par le biais des contrats de plan que
le pouvoir doit être local et que l’on constate que
les crédits sont fictivement des crédits territoriaux, c’est-à-dire qu’ils sont pré-affectés à des
projets bien définis, on ne peut que se rendre
à l’évidence : la déconcentration n’a pas été
suffisamment une réponse de proximité aux
attentes de nos concitoyens.
un niveau régional, niveau de cohérence
(land, autonomie, région) ;
un niveau local, niveau d’extrême proximité ;
un niveau intermédiaire.
Je crois que le champ de la décentralisation qui va
être ouvert donnera la possibilité aux uns et aux
autres d’imaginer d’autres modes de fonctionnement. Le débat est ouvert. Le gouvernement va
proposer au
Le droit à l’expérimentation P a r l e m e n t
d’ici à la fin
doit être ouvert aux CCI
de l’année un
texte de loi constitutionnel qui, d’une part, va faire
de la région une collectivité territoriale et qui,
d’autre part, intégrera dans la constitution
la notion de droit à l’expérimentation renvoyant
à une loi organique le soin de déterminer concrètement comment pourra s’exercer ce droit à
Qui dit décentralisation ne dit pas fin de l’intervention
de l’Etat.
L’aménagement du territoire,
une logique de solidarité
L’aménaet de cohérence nationale
gement
du territoire procède d’une logique de solidarité
et de cohérence nationale. Il faut que nos diffé-
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Entrepreneurs et développement territorial
dépassent le cadre d’une région, il faut une intervention de l’Etat. Comme vous êtes des chefs
d’entreprise, vous savez mieux que quiconque
que le temps de retour d’un investissement il y a
vingt ans n’est plus aujourd’hui le temps de
retour d’investissement exigé. Aujourd’hui,
certains grands projets dans l’automobile ont un
temps de retour de sept ou huit ans ! D’autres
entreprises, qui sont sur des marchés moins
capitalistiques, ont des temps de retour de moins
de trois ans !
rents territoires aient la possibilité de fonctionner dans une égalité des chances, avec des atouts
identiques. Comme l’égalité n’existe pas au
départ, il faut apporter des correctifs, et ces
correctifs ne peuvent être apportés que par l’Etat.
Il peut le faire de plusieurs façons.
La péréquation horizontale consiste, par
le biais de dotations globales voire de la fiscalité,
à donner la possibilité aux collectivités de disposer de plus ou moins de moyens selon leur état
de richesse. Malheureusement, nous nous apercevons que les tentatives de péréquation horizontale, comme la DGF, ont eu des succès
limités. Aujourd’hui, moins du tiers de la dotation globale de fonctionnement, qui représente
56 milliards d’euros, joue un effet correcteur.
Que deviennent nos territoires dans ce contexte ?
Il faut donc une politique d’aménagement
du territoire. Les acteurs de proximité doivent
avoir un plus grand pouvoir de décision mais
parallèlement, les
Les territoires
territoires
doivent être plus solidaires
doivent
être plus solidaires. Voilà le chantier auquel nous
sommes confrontés : je vous lance un appel pour
participer à ce chantier.
La péréquation verticale consiste à aider
un territoire par des aides spécifiques liées à un
projet. La politique de projet, qui se concrétise
dans les pays, les agglomérations, les contrats de
plan, etc. est un moyen de péréquation verticale,
même si, en matière d’écarts entre le niveau
d’intervention dans un territoire qui mérite
un peu plus et un territoire qui mérite un peu
moins, il reste encore beaucoup à faire.
Un appel aux CCI
Nous savons quelle est votre capacité de réflexion,
nous savons que les CCI sont inventives et créatrices. Je crois que chaque CCI peut jouer un rôle
de proposition en la matière. Ces propositions
peuvent porter sur les expérimentations, sur
le mode de gestion de telle ou telle politique,
sur les problèmes de développement économique
ou de formation, mais je
Pour une décentralisation
vous propoau quotidien
serai aussi,
compte tenu
de votre diversité d’origine, qu’elles portent sur
la régionalisation de notre société. Décentraliser
Je crois à cette idée de solidarité nationale et
d’aménagement du territoire dès lors que l’on
a essayé de définir clairement le rôle de chacun.
La décentralisation ne doit pas signifier que
l’Etat doit intervenir comme il intervenait.
Il faut définir de nouveaux champs de compétences pour l’Etat, pour le niveau local, pour
les collectivités territoriales, voire pour les CCI.
Dans cette répartition, il y a des enjeux qui sont
de nature nationale et pour lesquels l’Etat doit
intervenir. Quand une région est confrontée à
de grandes mutations (sidérurgie, mines, chantiers navals, NTIC…), quand il faut réaliser
des infrastructures lourdes de transport qui
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Entrepreneurs et développement territorial
vous savez investir. Permettez-moi de vous dire :
investissez dans le chantier de la décentralisation.
la société, ce n’est pas seulement faire des réformes
institutionnelles. Si l’on veut faire une décentralisation du quotidien, il faut que les modes de comportement de chacun d’entre nous, organismes
caritatifs, organisations syndicales, entreprises,
structures de la presse, de la culture ou du sport,
évoluent et que nos modes de prise de décision
se décentralisent. En effet, il n’y a pas que l’Etat
qui soit jacobin. Décentraliser au quotidien,
rapprocher les pouvoirs de décision du citoyen,
c’est aussi faire une sorte de “révolution tranquille” de l’ensemble de nos modes de fonctionnement. Je crois que les CCI peuvent apporter
leur part dans cette grande réflexion sur l’évolution de notre société car vous êtes au contact
des réalités.
Pierre BÉLORGEY
Nicolas Jacquet, au nom
de l’ensemble de mes
collègues, je voudrais
vous remercier à plusieurs titres. D’abord
pour avoir accepté de
nous rejoindre à Rennes
à l’occasion de cette
sixième Université d’été
des Chambres, mais
aussi pour nous avoir livré votre vision des évolutions qui sont devant nous dans le cadre de cette
deuxième vague de décentralisation. Merci également pour la confiance que vous avez manifestée
envers les CCI, pour le rôle actif que vous leur
accordez dans les évolutions à venir. J’ai aussi
apprécié que vous ayez rappelé la nécessité du rôle
de l’Etat pour maintenir la cohérence dans les
développements territoriaux et pour régler des
problèmes de solidarité. Si l’Etat ne continuait
pas à jouer ce rôle, nous courrions le risque
d’avoir 21 régions très différentes, qui ne constitueraient plus un seul pays.
Nous sommes à un tournant de l’histoire et,
dans ce tournant de l’histoire, les CCI peuvent
être emportées par un courant de décentralisation au profit de telle
Investissez dans le chantier
ou telle colde la décentralisaion !
lectivité,
mais elles peuvent être aussi les grands partenaires du développement. Elles en ont la capacité,
le talent et le savoir-faire. C’est ma conviction.
Je sais que vous êtes des entrepreneurs et que
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